En veux-tu, en voilà! Y en a à gogo! |
Par Max Dorismond
Il est de ces nouvelles qui vous chiffonnent des journées entières, tant le contenu surprend. J’ai reçu un texte en ce mois de décembre 2019, décrivant l’arrivée et l’installation de prostituées vénézuéliennes en Haïti. Île laxiste et charitable à souhait, même devant l’impossibilité de nourrir ses enfants, elle s’était toujours acharnée à protéger, à consoler et à aider les plus mal pris de la terre. C’est une partie intégrante de son ADN.
Tout
cela, c’était hier, au début du plan général d’embourgeoisement des élites du
monde occidental, où, la faute primordiale, pour répéter Aimé Césaire, « revint
au pédantisme chrétien, pour avoir posé l’équation malhonnête : Christianisme
= civilisation, d’où ne pouvaient s’ensuivre que d’abominables conséquences colonialistes
et racistes, dont les victimes devaient être les indiens, les Jaunes, les
Nègres1 ». Haïti était leur seule bouée de sauvetage, l’unique planche de salut
aux alentours. Elle ne saurait fermer ses frontières, ni laisser ses devoirs inachevés
au brouillon!
La vie
vous intéresse, Haïti vous attend!
Vu
notre déchéance, selon la presse internationale, qui nous traite aujourd’hui, sans
déférence aucune, de la nation la plus pauvre du monde, on se croirait des
pestiférés, vers qui, même les pires éclopés de la terre, ne songeraient jamais
à se tourner pour trouver une bouffée de fraîcheur et du pain.
Et
pourtant! Parfois, vaut mieux appeler à l’aide, les plus mal pris que soi, que
les riches, poudrés et parfumés. Là où ces derniers vont vous dévisager à
l’aune de leur nez, avant d’agir pour la galerie, le souffreteux, même démuni, vous
offrira sans ostentation, gîte et
croûte, avec beaucoup d’humilité, de tendresse et de miséricorde. Voilà sans
doute l’une des raisons de ce déferlement inattendu chez-nous.
Bienvenue,
mais épargnez-nous de la semence de la division.
Bienvenue
chères handicapées de la vie. Haïti vous salue! Toutefois, l’interview de l’une
de vos consœurs nous laisse un peu perplexe quant à sa vision par rapport à ses
concurrentes. La pute du nom d’emprunt de Catalina, bienheureuse de renouer
avec le bon dollar, en découvrant la richesse des coucheurs haïtiens, soutient,
marketing oblige, que les prostituées haïtiennes sont laides et les hommes sont fous. Ce sont des paroles
débordantes de sous-entendus et de germes de discorde qui portent atteinte à la
dignité et à l’intégrité psychologique de l’autre.
Tous
les pasteurs prêchent en premier lieu pour leur paroisse, c’est incontestable.
Sauf que, dans un pays où la division entre congénères avait déjà édifié ses
frontières, je m’inquiète de l’exaspération de la rue, à l’écoute de telles
sornettes, de la bouche d’ingrates, venues quémander leur pain chez le pauvre. Ces machines à sexe, aux lèvres et aux seins
siliconés, aux fesses disproportionnées, qui sont passées maîtres dans l’art de
la fascination et de la séduction, ne sont pas de réelles réfugiées. Ce sont
des opportunistes expertes en perversion sous toutes les coutures.
Or, je
devine déjà le scénario du futur, avec de telles arrières pensées, teintées de
racisme et de mépris. Ces amazones, acceptées dans le pays, par commisération,
entretenues par des minables de chez-nous, assoiffés de chairs exotiques
défraichies, se sentant proches de leur fin de carrière, ont débarquées dans
l’île de toutes les possibilités, avec un plan bien astiqué.
Des prostituées vénézuéliennes font le guet. |
S’assurant
que le temps lessive la mémoire de l’histoire, elles vont s’allier aux parvenus
de leur acabit, jusqu’à empêcher à leur progéniture de marier les natifs du
pays, par imbécillité et par ignorance. Pour maquiller leur origine, elles rédigeront
tout un roman à l’eau pétillante, saupoudré de coloris, montrant qu’elles
viennent tout droit des cuisses d’un comte et de sa connasse inventée de
l’Europe ancien
J’ai en
mémoire un interview, juste après le séisme de 2010, d’une dame d’origine
arabe, dans son super marché, à Pétion-Ville, qui s’égosillait avec
désinvolture devant le micro d’un journaliste de Radio-Canada : « Oh!
Mes enfants sont nés ici, mais ils n’ont pas marié des Haïtiens ». J’ai failli m’étrangler devant de pareilles
inepties. Au cœur de certaines personnes se trouvant du bon côté de la
frontière invisible, que tracent la chance et la réussite, se cachent des
monstres.
Cependant,
Imaginons un instant que le passé de cette mégère fût à l’égal de celui des
Vénézuéliennes d’aujourd’hui. Heureusement, les lois haïtiennes n’ont jamais
condamné personne à étamper sur son front son métier d’origine, comme les
Yellow-girls de la Louisiane aux USA2. Si oui, plusieurs de celles-là, auraient
été condamnées à porter un voile éternellement sur la tête, même dans leur lit,
la nuit venue, pour camoufler l’empreinte omniprésente de leurs inavouables professions.
La
secrète pensée de convertir l’image de ces galériennes du sexe, demeure le
pivôt de toutes leurs actions. Les enfants dont parlait cette parvenue, à la
courte mémoire, vont habituellement étudier ou plutôt, rouler leur bosse à
l’étranger, avec la double mission de trouver un bon parti pour un heureux
mariage et s’amuser aussi à qui mieux-mieux.
Mais,
le plus souvent, c’est à l’envers du rêve que s’adapte le scénario. Faute de
grives, on prend le grillon. Car, le bon vin habituellement reste en
France, disent les Français. En fin de parcours, l’éternelle étudiante retourne
en Haïti avec un de ces pauvres minables, un enfant de la balle, presque sans
éducation, dépourvu de bonnes manières, sorte d’aventurier à la recherche de
l’arche perdue, dégoté dans les bas-fonds des cités américaines ou européennes.
Les filles du Roi arrivent en Amérique |
À son arrivée
dans l’île, pour faire bonne figure, les beaux-parents s’activent à lui rédiger
à son tour, un autre roman-feuilleton cousu de fil blanc, en guise de
curriculum, pour le faire accepter par la « haute société » (sic),
faite sur mesure pour ces mercenaires en mal de futur.
Et la mystification
sculptant son chef-d’œuvre, le nabab, une fois installé, maîtrisant
parfaitement l’art du tirage de ficelles, rêve de devenir le roi de l’île
enchantée qui jette à ses pieds, de l’or, de la myrrhe et de l’encens. Pour y
parvenir, il se fait le chantre de la magouille en corrompant les plus faibles
à tour de bras pour la contrôler par personne interposée.
Entendrons-nous
un jour ces Vénézuéliennes tempêter avec la même sornette que la femme arabe du
supermarché? Rien de surprenant! Nous avons, en exemple, les descendants des
prostituées de la colonie, historiquement dénommées, les Filles du Roy3.
Rappelons-nous,
au XVIIème siècle, de ces pouilleuses, de ces putains tuberculeuses, ces femmes
libidineuses extraites de l’Hôpital-Prison, Pitié-de-la-Salpêtrière de Paris, dont
la France avait décidé de se délester pour les expédier dans l’enfer des
colonies aux fins de satisfaire la libido des minables de la place, les anciens
bagnards de la République, les voleurs, les pires criminels de l’Europe de
l’époque, arrivés antérieurement.
Leurs
héritiers s’employèrent à se conduire en princes et princesses dans le pays
d’adoption, comme si l’histoire honteuse des aïeuls ne fut jamais connue. Ils
ont contribué à une insoutenable division du pays, si bien qu’aujourd’hui, nous
en payons le prix fort au détriment de la paix et de la raison.
Ces
aventurières de la chance, ces estropiées de la vie sont des prédatrices dédiées,
qui vivotent sans scrupule et sans aucune morale, se convertissant en oiseaux
de proie, chassant sur le même terrain qui les a accueillies. Ne nous attendons
à aucune gratitude de leur part. Ce sont des « coloquintes4 ». Il n’y
a que le signe du dollar qui se révèle leur seul emblème et leur unique
boussole.
Hélas, c’est le destin d’Haïti. Aucune loi n’a
été promulguée pour la protéger contre ces hordes de gens sans scrupules, sans
éducation, sans une once de reconnaissance et d’humanisme. Certains achètent
leur place sur l’échelle avec de l’argent, d’autres plus futées l’obtiennent
avec leur « chatte ». Et la vie continue!
Oh! Mon
pays. Oh! Haïti.
T’es le
poteau mythique
Où tous
les chiens galeux
Viennent
s’appuyer
Pour se
soulager.
Max
Dorismond
Note
– 1 : Discours sur le colonialisme (1950) de Aimé. Césaire.
Note
– 2 : Voir le livre de Max Dorismond, Des mots pour conjurer les
mots, page 106. Suite à la guerre de 1804, plusieurs affranchis d’Haïti s’étaient
réfugiés en Louisiane. La loi exigea que les femmes réfugiées portent une
cocarde ou voile jaune. D’où le titre de Yellow-Girl, un euphémisme
poétique sous-entendant : les prostituées.
Note
– 3 : « Les filles du Roy » : La
Salpêtrière fut le premier et le plus grand des établissements de l'Hôpital général de
Paris, Elle était destinée au
« renfermement » des mendiants. En 1684, on ajouta une maison
de force, une prison, destinée à 300 femmes, condamnées pour faits de droit
commun et de débauche, de
prostitution publique en attendant
leur départ pour les Amériques.
Note – 4 : Signification autre dans notre créole désignant
une prostituée sans scrupules.
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