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Sunday, September 17, 2017

Une diaspora haïtienne difficile à ferrer

Par Max Dorismond
DGI - Direction Générale des Impôts (Port-au-Prince)
Dans tout pays qui se respecte, c’est l’institution des finances qui se charge de faire travailler ses méninges pour maximiser les rentrées d’argent. En Haïti, c’est l’envers de la médaille. Dès qu’un quidam occupe un poste, doté d’un certain pouvoir, il se voit déjà en chercheur d’or, explorant les combines et les opportunités par monts et par vaux pour ses bénéfices personnels. Toutes ses pensées convergent en direction d’un unique objectif : devenir millionaire, l’espace d’un matin! Tel est le ressort qui actionne son quotidien, quelque soit sa position sur l’échiquier, de la direction au messager. Et il faut faire vite. Dans ce pays, le pouvoir c’est comme de la graisse de baleine. Comme elle, il est inconsistant et a la chaleur en horreur. À ce niveau, on rentre dans l’univers de la déraison, n’en déplaise à ceux qui cherchent un sens à l’insensé. Des exemples, on en a plein les bras. C’est ça notre Haïti!

Humour noir et mépris
C’est ainsi que, sous Papa Doc, selon une anecdote bien connue, un certain Général de l’armée, s’était avisé de conseiller au chef de l’État de déclarer la guerre aux États-Unis, conscient de la défaite inéluctable, mais convaincu de pouvoir engranger l’argent de la réparation que ne manquerait pas de fournir le vainqueur. Vrai ou faux, la malice populaire, de temps à autre, nous gratifie de ces perles pour souligner soit la vénalité coriace de certains insignifiants, soit la voracité effrénée de certains prédateurs.

La douce tentation
Durant la dernière semaine du mois d’août 2017, un semblable stratagème a failli réussir, n’eut-été la vigilance des exilés, qui se sont insurgés contre ces experts dans l’art d’exploiter les plus mal pris de la terre. Sans tambour ni trompette, Haïti a laissé courir la vague rumeur d’un impôt de 10000,00 Gdes que les membres de la diaspora devraient débourser chaque année. Pour qui, pour quoi! Quelle diaspora? Le résident en terre étrangère, ou celui qui a emprunté la citoyenneté du pays d’accueil. Mystère et boule de gomme!

Ruade dans les brancards
La DGI du Cap-Haïtien
Il n’en fallait pas plus. Le poisson ciblé  n’a laissé aucune chance aux détrousseurs machiavéliques qui confondent intelligence et arrogance, tant sa réaction fut virulente. Les réseaux sociaux s’emballèrent, et tout le gouvernement de Jovenel Moïse est passé dans le tordeur pour cette vicieuse machination. Le Ministre  de l’économie et des Finances, M. Jean Alix Salomon, a été obligé de venir à la rescousse des écorcheurs professionnels pour calmer le jeu, car leurs mains dégoulinaient de la merde lancée par cette diaspora exaspérée. Malgré les pirouettes du fonctionnaire contrit, rien ne put laver cette tentative d’extorsion aux yeux de tous les expatriés malgré eux.

Stratégie d’un mégalo
Où est passé l'argent des impôts dans
cette commune de Jérémie ?             
Ce que les gouvernants hypocrites d’Haïti font semblant d’ignorer, ce n’est pas l’attrait de l’étranger qui attire l’Haïtien miséreux à l’extérieur. Bien au contraire! Conscient de ses rêves d’arnaqueur de pouvoir à vie, de pilleur de pays, Duvalier, avec toute sa clique, avait construit des infrastructures aéroportuaires pour faciliter le départ des affamés qui, autrement, n’auraient eu d’autres choix que de se révolter. De cette façon, il a eu les mains libres pour gouverner comme un monarque. Pari réussi!

Un peuple piégé
De 1957 à aujourd’hui, le mal a empiré, le Duvaliérisme a fait école. La révolution n’a jamais été au rendez-vous. D’ailleurs, à quoi bon se révolter quand ce sont les plus pauvres qui auraient écopé. Les nantis munis de leur bon passeport, à la première détonation, seraient exfiltrés par le consulat de leur pays d’adoption, l’espace d’un appel téléphonique. Fort de ce calcul, résultant de la misère contraignante, il ne reste aux souffreteux qu’un seul choix : partir pour ne plus revenir.

L’exil et l’étonnement
Les réalisations d'envergure de l'ère Martelly s'avérant plus
couteuses que bénéfiques  selon le Nouvelliste.                   
On le comprend aisément, les membres de cette diaspora qui avaient, hier encore, subi avec un certain fatalisme la gabegie débridée ayant élu domicile dans leur pays, refusent d’être sous l’emprise éternelle de ces audacieux coupe-gorges malgré les kilomètres qui les séparent, ou d’être encore l’objet de ces outrageuses arnaques destinées à remplir les goussets des pervers. Le temps de la résignation pour eux est révolu. Car, au contact des progrès techniques du pays d’adoption, de la fluidité de la vie,  de la propreté existante,  de la pertinence des services de première ligne : (eau, électricité, téléphone, soins de santé, études etc…), de la disponibilité des ressources : (emplois, aides techniques etc…), des services et privilèges reçus, eu égard à l’impôt qu’elle y paie, la diaspora a développé une sorte de réflexe de résistance face à l’injustice perpétuelle qui sévit au pays. Ce réflexe s’est traduit par un appel à l’émancipation, à la résistance contre toute forme d'exploitation, à une prise de conscience qui chapeaute une haine sourde au tréfonds de son âme abasourdie. En faisant connaissance avec le vrai respect des droits de l’individu, certains souvenirs douloureux viennent la hanter, tels la pauvreté récurrente, les abus quotidiens  des forts sur les faibles, la priorité de la hiérarchie sur le talent, le népotisme à outrance, l’absence de mesures législatives équitables, le mépris de l’autre, la corruption endémique, le triomphe de la médiocratie, s’il ne faut citer que ceux-là. Voilà un résumé de tout ce qui explique sa brutale sortie, débordant de mépris, contre les apparatchiks d’Haïti.

L’intelligence récompensée
Et pourtant, si les « apaches » du pouvoir n’avaient pas confondu vitesse et précipitation, si le lien de confiance n’était pas fracturé, les concernés n’auraient simplement qu’à imiter les technicités légales et fiscales qui ont déjà fait leurs preuves dans plusieurs pays de par le monde. Citons entre autres celles d’Israël. Tous les Juifs du monde s’y précipitent et contribuent généreusement à son émancipation. Les millions s’accumulent en Israël, la diaspora juive est enchantée et sa terre, bénie des dieux, se porte merveilleusement bien. Tout le monde y trouve son beurre.

Simple remarque
En effet, mesdames et messieurs les gouvernants, vous vous êtes vraiment trompés d’histoire. Si la diaspora maintient Haïti sous perfusion, ce n’est ni par imbécillité, ni par ignorance, mais plutôt par sensibilité pour ses proches, car son expérience de la faim ne saurait la laisser indifférente. Condamnée à fertiliser l’espoir, ne la poussez pas à fermer son cœur à double tour. C’est Haïti qui en pâtirait.

« Qui fait l’âne ne doit pas s’étonner si les autres lui montent sur le dos 1 ».

Max Dorismond


Note – 1 : un proverbe chinois.


NB : La vidéo suivante est extrêmement pertinente, elle nous peint un peu le drame haïtien, une triste réalité mise en scène par des acteurs sur place.  Mais cette trame théâtrale ne doit pas être visionnée par des personnes sensibles ou ayant des problèmes émotionnels, car elle est très dure. Toutefois, elle vous arrachera le coeur même si c’est du théâtre, parce que c’est le quotidien de chez-nous. Après l'avoir vue, vous comprendrez pourquoi nos frères et soeurs se font humilier entre les frontières du monde.  Prière au coeur sensible de s’abstenir.

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