Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Thursday, December 30, 2021

Les corrompus ont-ils du sang sur les mains?

Au pied des châteaux des prédateurs, la misère hurle et l'île s'enfonce

Par Max Dorismond

À voir mourir sous nos yeux un enfant pour carence de soins, à remarquer une fillette se faire déflorer pour une bouchée de pain par un vieux croûton, quel nom attribuer à ces désolants constats? À quel adjectif mortifère associer ces honteuses prestations pour mieux dessiner les contours de ses conséquences sur le quotidien de nos congénères? Ne remarquons-nous pas une corrélation avec le fléau quest la corruption endémique au pays?

C’est dans ce contexte que j’avais relayé les premières vidéos, insoutenables pour les yeux et le cœur, de ces 80 malheureux, rôtis jusqu’aux os, dans l’explosion du camion à essence du Cap-Haïtien dans la nuit du 15 décembre, avec ce triste libellé : «Résultat de la misère, de lignorance et de la prédation».

Voyez surtout avec quelle désinvolture l’homme haïtien, prisonnier d’une dialectique inconsciente de promotion sociale, brûle du désir d’exposer ses gains mal acquis à la vue de tous. Cette malencontreuse habitude détonne déjà dans le décor pour ceux qui ont soif de probité et dont l’honnêteté pousse à l’auto sacrifice, même si le poids de la tradition est là pour perpétuer et corseter le vice. 

En se penchant sur ces fraudes routinières dans le milieu ambiant, une myriade de questions vient chiffonner notre quotidien en essayant de les lier à ces drames à répétition qui endeuillent le pays en opposition à la volatilité de l’être.

Quand notre ignorance est à la source de notre inconséquence

Il est rapporté dans nos livres d’histoire que le président J-P Boyer avait décidé de fermer toutes les écoles de la jeune nation, pour ne conserver dans la capitale qu’un collège de filles et un lycée de garçons. Il a même fait barricader l’Université de Santo-Domingo, la seule de l’île. Comment mesurer de telles décisions? Est-ce de l’obscurantiste avoué? Est-ce de l’incompétence, de l’égoïsme, pour maîtriser le pouvoir uniquement pour son clan instruit, et enchaîner ses frères analphabètes à la terre? Non! Loin de là!

Voyez-vous, je ne veux pas cheminer dans la thématique du racisme, car, pour ma part, ce serait faire le jeu de l’autre, de chevaucher un concept que le caucasien a inventé de toutes pièces, aux fins de justifier ses privilèges. Pour humilier ou catégoriser, au meilleur de ses intérêts, le métis né de ses relations avec un ou une Noire, le mot mulâtre, dérivé du règne animal, mule ou mulet, a été spécifiquement retenu. Mais entre eux, ce sont les deux derniers vocables qu’ils malmènent en chuchotant pour désigner l’intrus, le pauvre coloré qui n’avait pas choisi de naître, suite à ce rut furtif, qui en définitive fut un viol. En réalité, dans le cas de notre J-P Boyer, par hasard un mulâtre, il cherchait la reconnaissance de ses géniteurs. Il travaillait sous ordre. Il était en service commandé, en tant «quagent francais1»  devenu président. Comme punition, il fut déchu de la nationalité haïtienne par le Parlement le 9 mars 1844 et banni à vie du pays. 

Donc, voici les vraies raisons d’une décision désinvolte, prise depuis plus de 200 ans, dont nous payons encore les conséquences aujourd’hui. Tous les drames, dont nous partageons les résultats depuis le passé jusqu’à maintenant, découlent de la troublante insouciance de cet égoïste qui n’a pas permis à la majorité de s’instruire, de sortir de la nuit de l’esprit. 

Ainsi, sous-éduqué, sans scrupule, le corrompu s’enrichit et se voit déjà en transition de classe. Complaisant dans sa bêtise, il ne paie ni les taxes ni les impôts, ne respecte pas les budgets fixés, vole, non pas simplement l’État, mais le pays dans son ensemble et chaque citoyen en particulier. 

Des corrompus ou simplement des voleurs de grand chemin.

Chez nous, l’accaparement du bien d’autrui, le dépouillement de l’État, le siphonnage de l’impôt se révèlent être un art de vivre, une tare endogène qui gangrènent et handicapent la nation. Selon Jacky Lumarque, recteur de l’université Quisqueya, «En Haïti la corruption n’existe pas… La corruption est une machine sophistiquée qui fait appel à des mécanismes bien huilés et qui met en œuvre des outils de dissimulation complexes et raffinés. Ici les acteurs impliqués ne prennent pas le temps de les maîtriser. Nous avons donc affaire à des voleurs de grand chemin qui dédaignent les précautions les plus élémentaires pour dissimuler leurs forfaits». 

Lumarque a entièrement raison. À preuve, l’exposition spectaculaire de ces soudaines richesses est là pour prouver l’illettrisme des acteurs. Ils ne distinguent que l’envie dans les yeux de leur voisin, au lieu du dédain et de la rancœur. Ils n’ont jamais préjugé des résultats de leur méfait. Chaque dollar volé entraîne un flot de malheurs non souhaités pour la nation, et les conséquences sont criantes, et crèvent les yeux.

Le pire de tous ces scandales à refrain du « Tout le monde le fait, fais-le donc », c’est quand on entend sur les ondes ou on visionne sur les médias sociaux, sur YouTube, l’étalement, l’éclat de l’opulence d’une classe de vautours vaniteux. En entendant aussi l’implication de l’Église, le dernier gardien de la morale chrétienne, dans la contrebande de fer, de ciments… etc, avec le grand commerce, on devine la perte des deniers publics dans l’extinction de la taxe et de l’impôt qui devraient aider le pauvre. Où cette descente va-t-elle s’arrêter?


Ainsi, à ce stade précis, ils n’entendent point les pleurs de ces enfants qui crient famine, ne remarquent point ces désœuvrés qui se risquent sur un esquif pour redevenir esclaves outre-mer, ces hôpitaux sans âme, sans médicaments, sans médecins, ces professeurs fauchés, ces infirmières faméliques, qui travaillent sans salaire depuis 8 mois, ces chômeurs affamés qui se convertissent en bandits…

Stop! Arrêtons ici le scénario du film dhorreur! Un livre entier de mille pages ne saurait suffire pour énumérer les relations de cause à effet de cette attitude outrancière à l’origine de ces cascades de malheur. En nous rappelant l’incident du Cap, on peut conclure que chaque détournement de fonds transforme les pickpockets en criminels à maudire, en escamoteurs d’envergure aux mains rouges de sang, en cleptomanes inconscients à crucifier sur le bûcher de la vanité.

Or chez nous, l’imputabilité est à somme nulle. En l’absence de justice, aucun de ces irresponsables ne risque la prison pour y réfléchir un tout petit peu. L’unique manière de les sensibiliser, c’est par l’éducation, et rien d’autre que l’éducation!

Max Dorismond





– NOTE –

1 — Un double jeu et d’autres escroqueries ont été démontrés plus tard lorsque J-P Boyer a été déchu de sa citoyenneté par le Parlement le 9 mars 1844. Src. : Démystifier l’histoire — Mythes et légendes d’Haïti (Page 214. Jacques Casimir).


Tuesday, December 28, 2021

Nadine Magloire nous a quittés

Nadine Magloire

Nous avons appris avec beaucoup de peine le décès de la romancière et nouvelliste Nadine Magloire en cette fin d’année 2021 à Montréal. Née en 1932 à Port-au-Prince, fille de la musicienne Carmen Brouard, sœur du poète Carl Brouard, et de Jean Magloire, journaliste et homme politique, elle a grandi dans un environnement d’intellectuels et d’artistes. Elle a fait des études au Centre d’Études de la radiodiffusion-télévision française à Paris et a suivi des cours à l’École Normale Supérieure à Port-au-Prince. Depuis 1979, elle s’installe à Montréal.

Auteure du premier roman féministe haïtien, Le mal de vivre, paru en 1968, Nadine Magloire n’a jamais eu bonne presse auprès de la critique et du milieu littéraire haïtien à cause de ses prises de position sur le folklore et le créole. Le roman, très critiqué à l’époque, « dresse un portrait au scalpel des rapports de genre en Haïti », écrit Joëlle Vitiello, dans sa présentation d’elle sur Île en Île. Yves Chemla, dans un texte d’hommage paru le 16 décembre 2021 dans les colonnes du quotidien Le National, précise que :

Pour la première fois dans les lettres haïtiennes, la vie amoureuse, la sensualité, le désir, les pratiques sexuelles, sont traduites depuis une perspective féminine. […] L’ouvrage est sévèrement attaqué, mais Nadine Magloire est immédiatement reconnue comme l’initiatrice d’une parole parfois crue, et qui refuse une neutralisation fondée sur des codes dont la première fonction est de parvenir à occulter la part du féminin.

Mise à l’écart, il a fallu la réédition de son roman Le sexe mythique en 2014 dans notre collection Voix Féminines pour qu’elle revienne sur la scène. Elle est d’ailleurs la première auteure publiée dans la collection qui met en avant les « voix fortes de la littérature féminine haïtienne ».

Écrivaine contestée, comme le souligne Wébert Charles dans le premier numéro de sa rubrique Nouveaux Regards qui lui est consacré, Nadine Magloire a toujours été une auteure sincère mais qui dérange. Dans un texte paru au quotidien Le Nouvelliste le 28 janvier 2014, peu avant la sortie de Le sexe mythique, Kettly Mars affirme elle-même que Nadine Magloire :

mérite d’être connue et lue, car elle est une incontournable de la littérature haïtienne des années 60/70. Nadine Magloire « la scandaleuse » est là pour rappeler aux écrivain(e)s d’aujourd‘hui qu’ils n’ont pas inventé la roue. Les femmes (et les hommes) qui écrivent aujourd’hui au pays lui doivent beaucoup. Même si je suis d’avis que le personnage, même dans son grand âge, est franchement détestable. Mais ça, c’est une autre histoire.

Nadine Magloire
10 février 1932 -25 décembre 2021

Elle a eu une correspondance avec Simone de Beauvoir à qui elle a envoyé le manuscrit. Dans le 8e numéro de Legs et Littérature consacré à Marie Vieux-Chauvet, nous avons publié une partie de sa correspondance avec l’auteure d’Amour, Colère et Folie dans sa forme manuscrite.

Nadine Magloire, a-t-elle donc été en avance sur son temps ? Non. Comme le dit Gide, une œuvre n’est jamais en avance sur son temps, c’est son temps qui est en retard d’elle. Et ceci est aussi valable pour un auteur.

En 2018, nous avons publié son premier recueil de nouvelles, Rencontres, dans la collection Textes Courts. Dans son texte d’hommage, Yves Chemla note qu’« elle est une des figures de l’indépendance de pensée et de la sévérité de ton dans les lettres récentes ».

Nous présentons nos sympathies à la famille de l’auteure et tout le secteur du livre et de la culture affecté par ce départ.

Source : LEGS EDITION



Thursday, December 23, 2021

La fuite des 12 rois mages guidés par la lumière divine

La lumière divine guidant les  12 rois mages loin des 400 Mawozo


Par Max Dorismond 

En ces temps moroses plombés par la pandémie, personne ne sait où donner de la tête. Chez nous, c’est encore pire : l’insécurité, la faim, l’incertitude, une carence à nulle autre pareille, au point de penser à se tourner vers un certain dieu. Mais qu’est-ce qu’on remarque? Ce dernier n’entend que la prière des caucasiens aux yeux bleus, si on se fie à l’homélie du pasteur (ou évêque) venu nous résumer le générique du prochain film hollywoodien : «La fuite des 12 rois mages d’Haïti». 

Écoutez ce perroquet, qui répétait sa litanie lors de sa conférence de presse pour annoncer la bonne nouvelle. S’adressait-il aux Haïtiens ou au monde civilisé? Mon interrogation est pertinente, dans le sens que ces gens, malgré les réalisations, les succès de nos congénères chez eux, pensent encore, dur comme fer, que nous sommes des arriérés, des ploucs, des dégénérés, que le dieu blanc peut faire danser n’importe quand, juste en claquant des doigts. 

Qu’ils se soient sentis humiliés, du haut de leur supériorité, d’avoir payé une partie des gains mal acquis à des petits noirauds qui les avaient kidnappés, je peux essayer de comprendre, mais de là à nous compter des bobards à dormir debout, à savoir qu’un dieu les avait pris par la main pour les sortir du pétrin, il y a une maudite limite. En y mettant du sucre, pourquoi pas 12 chameaux ailés qui les auraient déposés chez eux aux États-Unis.

La photo des 12 otages est à droite du podium où s'exprimait David  Yoker
le 20 décembre dernier à Berlin. Ohio. Photo -  (La Presse Canada)   
    . 

Toute personne sensée devrait se réjouir de la libération de ces pauvres preachers kidnappés par des bandits. Leur élargissement a apporté un peu de baume au cœur de tout humain, car vivre dans l’inconfort et sous la menace d’une possible mort, dans un pays étranger, n’est pas à souhaiter à qui que ce soit. Mais de là à nous laisser la nette impression que ce dieu ne sauve que des blancs aux yeux bleus est une véritable comédie. Et les autres victimes, alors, qui y ont laissé leur peau parce qu’ils étaient pauvres, ce messie ne les avait jamais remarquées? 

Je saisis assez bien le recul des religions, le déficit des cliques pastorales, dans tous les pays évolués. Hier, le pape était infaillible. Fort de sa sainteté et grâce à ses acolytes, moyennant un retour sur le capital, il a vidé l’Afrique de ses enfants pour construire gratuitement l’Amérique. Sous les assauts répétés de contestataires éclairés, on a accepté que leur dieu se fût trompé d’histoire et le mot infaillible fut rayé définitivement du vocabulaire. 

Récemment, un camion-citerne s’est renversé au Cap-Haïtien dans la nuit du 14 décembre dernier, et des malheureux qui s’étaient précipités pour aller éponger quelques gouttes d’essence pour gagner quelques sous, sont morts grillés vifs, à la suite d’une terrible explosion. Cher preacher, n’y avait-il aucune étoile pour les protéger, votre dieu les avait peut-être confondus à la noirceur de la nuit? Qui sait! 

Les humoristes se font la gorge avec cette histoire de fuite rocambolesque. Les réseaux sociaux se perdent en conjectures, tant le côté loufoque de ce roman à l’eau de rose fait rire, même le bébé, présent parmi les kidnappés. 

Franchement, il n’y a que les agneaux de la bergerie pour croire à votre litanie, et pour vous suivre aveuglément. Les églises se vident à vue d’œil. Vos crimes, vos viols, vos mensonges ont avili les sectes, et vous continuez de plus belle à vous payer la tête du monde, comme si de rien n’était. Il n’y a qu’en Haïti qu’on trouve encore des fidèles, priant 24 heures sur 24 et prêts à vous accompagner dans cette logique à la con. 

Messieurs, un peu de décence, SVP!

Max Dorismond


Le kidnapping des missionnaires Américain et Canadien , était ce un mythe ou une réalité ?


A bien considérer l'histoire du Kidnapping des missionnaires en Haïti , bien sûr que le reste du monde doit s'imaginer que le peuple haïtien est une tribu d'enfants de sept ans d'âge ou tout simplement un troupeau de bêtes  propre à manger du foin. C'est peut être l'histoire ou l'épopée écoutée aux portes de la légende ,dirait Victor Hugo.

Avec tous les ingrédients alimentés aux média sociaux depuis un certain temps ,très certainement il y a suffisamment de quoi faire une bonne bouillie pour les chats. Sauf que derrière cet écran de fumée créé à dessein pour aveugler tout le monde , il doit se cacher de très sinistres projets susceptibles de "zombifier" davantage le peuple haïtien pour ce destin lugubre dont on s'obstine à le conditionner depuis un certain temps. Mais On comprend  toujours la finalité des noirs desseins des maîtres de ce monde , seulement quand il est trop tard. Qui vivra verra! 

Vive la république des politiciens sans cervelle et qui travaillent sans cesse au nom de leurs intérêts à court terme et en vue de l'esclavage de leurs enfants à long terme. Mais cette fois ci....les hommes de 1804 ne seront pas au rendez vous de la destinée de ceux qui ont hypothéqué le bien être du pauvre peuple haïtien  à des fins égoïstes et encore moins de leur progéniture. La responsabilité de libérer ce pays de tous les obstacles qui se dressent sur la route de notre destin , c' est l'affaire des patriotes. 

L'ennemi ...ce n'est pas toujours les gens que l'on croit . C'est le plus souvent et encore une affaire de " politiciens collabos avec nos ennemis traditionnels " dont la limite de l'appât du gain frise paradoxalement l'obscénité " . 

Les grands hommes travaillent en tout temps pour le bien être matériel de leur peuple et la grandeur de leur pays. Leur seule vanité n'a de limite que cette obsession à occuper la place habituellement réservée aux conducteurs de peuple ou héros, et, en compensation, les générations futures les propulsent  presque toujours et sans conteste,  au sommet de la gloire d'où ils ne redescendront plus jamais. 

Mais les petits hommes seront toujours des pygmées dont la seule ambition demeure cette sempiternelle satisfaction que procurent  les " petits pains ".On ne condamne jamais le leader qui a tout fait pour réussir en faveur de son pays , mais qui néanmoins a échoué dès suite de certains impondérables de la vie; pas plus qu'on ne pardonne jamais les traîtres et corrompus qui plongent leur pays dans le désespoir et qui volent l'avenir  des générations à venir. Être leader...c'est avant tout faire preuve du sens de responsabilité et être toujours  prêt à se sacrifier pour son pays.

 " Se sòt ki bay  e  se enbesil  ki pa pran", dit on chez nous en créole . 

Vive la république des coquins et des apatrides !

Un pays ne meurt seulement et quand nul de ses fils authentiques ne croit plus en sa renaissance.

Haiti survivra malgré tout .

Jean-Rico Louis 


Friday, December 17, 2021

Pourquoi Michel Martelly n'a t-il pas été arrêté aux USA, s'interrogent deux grands médias américains

La mort du président Jovenel ne peut laisser personne indifférent. Allez assassiner un président d’une république qui baigne dans l'arrière-cour des États-Unis, dans sa chambre à coucher, est le pire qui peut arriver à un peuple miséreux. Le coup vraiment dérange et interpelle. Nous ne sommes pas étonnés de voir ces deux grands médias se  pencher sur le sujet. Même si leur analyse nous apparaît un peu biaisée et calculée - ce qui nous laisse sur notre faim - nous pourrions simplement les remercier d'être revenus sur un sujet chaud,  sciemment jeté dans les tiroirs de l'histoire avec une enquête qui piétine sous un gouvernement de facto dirigé par un suspect dans l'assassinat. Bonne lecture! HCC

Opinion : Le trafic de drogue et un assassinat ont aggravé le chaos en Haïti

Un article de Washington Post traduit par HCC

Photo (New York Times)

Après l'assassinat du président haïtien, Jovenel Moïse, en juillet dernier, les spéculations  confuses qui ont filtré du pays n'avaient guère de sens. Aujourd'hui, une enquête approfondie menée par le New York Times sur les efforts qu'il déploie pour s'opposer aux puissants réseaux criminels de trafic de drogue qui imprègnent le gouvernement, les forces de sécurité et l'élite économique d'Haïti, a permis de faire la lumière sur l'assassinat et ses présumés motifs.

Moïse a été élevé de l'anonymat  à la présidence principalement par son prédécesseur, l'ancien président Michel Martelly - lui-même soupçonné de liens étroits avec certains des plus grands caïds du trafic haïtien. Selon le récit du Times, Moïse constituait un dossier de noms de trafiquants qu'il comptait partager avec le gouvernement américain. Parmi les noms les plus en vue figurait le beau-frère de M. Martelly, qui jouissait d’une énorme influence sur le gouvernement de Moïse. Le président a été abattu dans sa chambre par une équipe de mercenaires colombiens qui, selon le Times et ses sources, étaient à la recherche de cette liste de noms.

M. Martelly, à qui la constitution haïtienne interdit de briguer un troisième mandat présidentiel consécutif, vit actuellement à Miami ; on considère particulièrement qu'il envisage une nouvelle candidature à la présidence. L'une des questions que soulève le rapport du Times est de savoir : comment, compte tenu des allégations de corruption et de liens de trafic qui pèsent sur lui, il a pu conserver un visa lui permettant de vivre aux États-Unis et, 

<<...D'ailleurs, pourquoi il n'a pas été arrêté >> - Washington Post

Haïti est un narco-État de longue date dont la police et les institutions gouvernementales ont souvent été de mèche avec les trafiquants. Pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental, Haïti est un point de transit majeur pour la cocaïne, l'héroïne et d'autres produits de contrebande en provenance d'Amérique du Sud et à destination des États-Unis.

Il a été un point focal d'efforts et de frustration intenses, pour la Drug Enforcement Administration américaine, dont les efforts d'investigation ont souvent été entravés par la corruption de haut en bas du gouvernement et de l'appareil de sécurité d'Haïti. La DEA elle-même a été soupçonnée d'avoir introduit des agents doubles chez les trafiquants, via ses employés en Haïti.

Parmi les cibles des enquêtes antérieures de la DEA figure Dimitri Hérard, qui a été arrêté en relation avec le meurtre de Moïse.  Hérard, ancien responsable de la sécurité de  Martelly, était également un proche associé du beau-frère de Michel Martelly, Charles Saint-Rémy, largement soupçonné d'être le cerveau du trafic. C'est Hérard qui était responsable de la sécurité présidentielle qui s'est tenue à l'écart la nuit de l'assassinat, permettant aux tueurs à gages d'accéder librement au domicile de Moïse.

Haïti est aujourd'hui dans le chaos, son gouvernement n'est pas élu, ses rues sont contrôlées par des gangs criminels et son économie est en ruine. En d'autres termes, Haïti est un paradis pour les trafiquants de drogue. L'administration Biden, en détournant son regard, facilite cette pétaudière qui gangrène le pays. Les Américains peuvent penser que le drame haïtien n’est que le cadet de leur souci. Cependant ces problèmes ont tendance à échouer sur leurs côtes, sous forme de réfugiés et de contrebande.

L'impunité est la règle en Haïti, pas d'exception. Pratiquement personne dans le pays n'a été condamné pour des délits de trafic. Des hauts fonctionnaires, y compris l'actuel ministre de la Justice, ont été impliqués dans la protection des trafiquants contre les enquêtes anti-corruption.

Wednesday, December 15, 2021

Dans les sillons de la chute de l’aigle, Afghanistan, Haïti, la Dominicanie…

Par Max Dorismond 

Une inquiétante trilogie à donner le vertige, juste à y voir de plus près. C’est écrit dans le ciel, les empires ne peuvent occuper éternellement le sommet de l’échelle de la domination, de la puissance. C’est une réalité indéniable. À un certain moment de la durée, grisée par le succès, la mécanique de l’Histoire s’enraie pour laisser place à de nouveaux prospects. Notre littérature en recèle assez d’exemples. Souvenons-nous de la civilisation romaine et des conquêtes de César dans la Gaule antique, «de la fière Albion (l’Empire britannique et ses 129 colonies)… la grande nation sur les domaines de laquelle, le soleil ne se couche1»; pensez au Portugal, à l’Espagne maître des mers. Ils ont tous été asphyxiés par le poids de leurs ambitions démesurées. Comme l’être humain, tout bouge et s’anime, on ne fait que passer. L’actualité n’est pas statique, nul ne peut la sculpter dans le bronze du temps. 

En 2019, Donald Trump, le trublion, au jugement limité, avait posé la question à Jimmy Carter, à savoir si la Chine allait dépasser l’Amérique. Pour toute réponse, il a reçu un «oui» sonore en plein visage, assaisonné de la cruelle vérité, confirmant que cette dernière n’avait jamais de velléité de conquête dans sa culture. Et Carter continua : «J’ai normalisé les relations diplomatiques avec Pékin en 1979. Depuis cette date, savez-vous combien de fois la Chine a été en guerre avec qui que ce soit? Pas une seule fois! Tandis que nous, nous sommes constamment en guerre…». 

En effet, c’est le capitalisme triomphant qui a toujours mené le bal, avec les USA aux commandes. Le chapitre de la Mondialisation du commerce, enrobé de leurres, a été écrit sur mesure pour mieux sucer les pays pauvres. Ce fut la goutte de trop. Les yeux endormis se sont entrouverts pour surtout cerner le cannibalisme des grands. Pour leur malheur, les réseaux sociaux sont arrivés à point nommé, et les exploités de la terre se sont engouffrés dans cette clairière sans fenêtres, sans rideaux, pour une mise en commun de leur rancœur, d’un bout à l’autre de l’univers, en internationalisant l’ampleur du vol organisé. 

La terre en avait assez de ces chevaliers aux armes terrifiantes et destructrices, aux bombes nucléaires sans commune équivalence, ne laissant aucun doute sur leurs forces létales. Hiroshima et Nagasaki en avaient fait les frais en silence. 

Toutefois, un matin, un petit peuple colonisé, bien déterminé de l’Asie du Sud-Est (le Vietnam ou l’Indochine 1963-1975)2, s’est réveillé et a foutu une raclée historique à ce maître autoproclamé. Mais bien avant ce fiasco retentissant, il en existait un autre aussi révélateur : c’est l’humiliation de La Baie des Cochons, à Cuba, en 1961. Depuis lors, les fleurs de l’espoir embaumaient les cœurs, rappelant aux minus, aux moins que rien, que la défaite n’a jamais signé aucun contrat avec le faible. Une nation vaincue, c’est dans la nature des choses, mais jamais, on ne peut la contraindre à s’agenouiller pour l’éternité. Sa fierté et sa dignité imposeront tôt ou tard la rébellion. Les Européens ont amèrement expérimenté cette loi dans l’histoire contemporaine. 

Ainsi, ces deux «accidents de parcours», loin de se liquéfier dans l’espace et le temps, avaient animé et attisé la réflexion de tous les exploités du monde, ruminant cet espoir que rien n’est invincible ici-bas quand la détermination et le courage se donnent la main. 

En août 2021, ce fut la répétition en Afghanistan, le sauve-qui-peut général. Une perte sèche, après des milliards dépensés en argent et en armes pour classer cette valeureuse nation au rang des zombis. L’historicité de la situation nous rappelle la fable «Le loup et l’agneau» de La Fontaine. Ce fut, malgré tout, un baume au cœur des exploités de soupirer de satisfaction, suite à cette défaite inattendue des rois de l’occupation, quand la frontière de la déchéance se dessina lentement sous les doigts d’un artiste divin. 

Bien avant, ce fut aussi l’échec en Irak, en Libye, sans parler de l’invasion de l’ambassade des États-Unis en Iran (novembre 1979), de la débandade américaine dans une guérilla urbaine à Mogadiscio, en Somalie (octobre 1993), et de divers autres signes annonciateurs, qui écrivaient l’histoire à l’envers pour l’Oncle Sam. 

Surprise! Novembre 2021, le Cabinet international de conseil en stratégie, Mckinsey & Co, a sonné la fin de la récréation. Les États-Unis ont perdu le titre de pays le plus riche au profit de la Chine. Une nouvelle rendue publique par le média économique Bloomberg. Avec une valeur de 120000 milliards pour l’Empire du Milieu et 90000 milliards pour les USA en 2020, la porte est close. 

Malgré tout, ces derniers ne se voient pas le dos au mur. Pour conjurer le sort et faire face à l’inéluctable, cette semaine (8-12-21), selon l’agence de presse Sputnik-France, le budget de la défense américaine a été voté pour atteindre un sommet inégalé de 778 milliards de dollars, dépassant la somme engrangée par 11 pays réunis, dont la Chine. (Voir l’encadré ci-dessous).    

L’aigle à tête blanche a-t-il perdu de sa superbe? Nous pouvons l’affirmer sans ambages, vu les échecs cumulés. D’autres indices nous confortent dans notre réflexion. Les 16 Américains kidnappés à Port-au-Prince par les « 400 Marozo » et leur chef « Lanmò San Jou » depuis le 19 octobre, laissent tout le monde perplexe. Pour avoir négligé ses propres ressortissants, l’Oncle en a-t-il marre d’ Haïti ou veut-il adresser un nouveau message au reste du globe, à titre d’un changement de paradigme? L’impression à en extraire n’a étanché la soif de qui que ce soit! 

Autrefois, Washington n’avait qu’à tourner le pouce et c’était la libération assurée, sans histoire et sans le moindre coup de feu. Mais qu’est-ce qui se passe? Quelle stratégie se dessine derrière cette excessive complaisance? D’ailleurs, sans la débandade au Moyen-Orient, « Lanmò San Jou », aurait-il osé? Tout le monde connaît le refrain! C’est non! 

De plus, en écho à ces échecs à répétition survient la rebuffade de la bouche d’un effronté diplomate chinois, Zhang Jun, lors de la conférence interactive entre la Troisième commission et le Rapporteur spécial de l’ONU sur les questions relatives aux minorités. Il a étalé sans retenue sa hargne contre le cynisme des USA et leur clique, preuve que le fruit est bien mûr. Écoutons-le : 

 «… En fait, vous êtes le fauteur de troubles et le plus grand obstacle à la coopération internationale en matière de droits humains… Il est temps de se réveiller! L’époque où vous brimiez et opprimiez les pays en développement est révolue depuis longtemps… 

… Aux États-Unis et à quelques autres pays (France, Grande-Bretagne…): vos tentatives désespérées de dissimuler votre terrible bilan en matière de droits humains ne fonctionneront pas. Le monde le voit clairement. Les États-Unis ont mené un génocide contre les Indiens d’Amérique. Ils ont réprimé leur propre peuple au point qu’il crie “Je ne peux pas respirer”. Ils ont ignoré la mort de plus de 700000 ressortissants due à la “pandémie3»     

Ma crainte, et non la moindre

Si les États-Unis sont tannés et fatigués de jouer au gendarme du monde, devant ces échecs à répétition, certains, loin de s’assagir et de réfléchir, seraient tentées de colmater le vide pour contrecarrer les risques du futur. C’est le cas avec la dernière complainte d’Israël, se sachant vulnérable sans le parapluie US, face aux velléités de l’Iran, avec sa bombe nucléaire en gestation. 

Et du côté d’Haïti, je vais encore plus loin. Avec plusieurs indices prémonitoires en ces derniers temps, la République Dominicaine, à l’est, qui ne portait jamais sa voisine dans son cœur, serait incitée à envahir notre territoire, même pour une journée, pressentant que l’Oncle la laisserait faire en se délestant d’un poids, devenant trop encombrant. Ainsi, la revanche de l’Histoire serait consommée pour ce peuple vindicatif, qui caressait ce rêve depuis des lustres. Pour nos voisins, ce ne serait qu’une simple excursion, une occupation d’un pays édenté sur tous les plans, vidé de ses esprits éclairés, sans gouvernement et sans nulle institution.

Toutefois, ce serait un acte à somme nulle, un geste égoïste, inhumain et inutile, une décision nullement réfléchie de dirigeants sous-informés, carla communauté internationale ne tolérerait jamais une telle forfaiture. En effet,  « la structure géopolitique de l’Amérique, organisée autour de l’OEA et de l’ONU, entrave au départ, la résurgence de telles velléités expansion­nistes». 

Max Dorismond





 — NOTE   —

1 – Albion : ancien nom de la Grande-Bretagne. - Alphonse Leclerc – Revue canadienne - 1873

2 – Vietnam ou Indochine : Indochine, c’était ainsi que les colonisateurs français (1858 à 1949), nommaient l’Asie du Sud-Est, mais pour les communistes de Hô Chi Minh, c’est le Vietnam.

3 — Sources : RI — Réseau International du 25 novembre 2021

4 — Phrase extraite de mon texte «Le mal-être d’Haïti 217 ans après» publié dans l’ouvrage «Des intellectuels haïtiens proposent des pistes de résolution…», page 79, sous la direction de Joël Lorquet. 

Le Congrès américain vient de voter ce 8 décembre en faveur du plus important budget défense de l’histoire des États-Unis …En augmentant son budget militaire à 778 milliards de $$, "Les États-Unis se sont piteusement retirés d’Afghanistan et donc ils veulent envoyer un message de force pour rappeler qu’ils sont toujours numéro un", explique Philippe Moreau-Desfarges… En effet, le départ calamiteux des États-Unis, illustré par les images d’Afghans accrochés aux avions qui décollent, a terni leur réputation de superpuissance…Les États-Unis dépensent ainsi plus pour la défense nationale que la Chine, l’Inde, la Russie, le Royaume-Uni, l’Arabie saoudite, l’Allemagne, la France, le Japon, la Corée du Sud, l’Italie et l’Australie… réunis. … Il investit d’importants montants", explique au micro de Sputnik Philippe Moreau-Desfarges, ancien diplomate et spécialiste des relations internationales. (Src. : Sputnik – France du 9-12-21)

 

 

Ni dieu, ni diable, ni l’État n’est responsable de nos déboires

La carcasse du camion-citerne qui a fait plus de 62 mort au Cap-Haïtien 

A chaque fois qu’il nous arrive quelque chose de bien en Haïti on est tenté de croire qu’un dieu y a contribué. Parce qu’on avait prié, jeûné, offert des offrandes ou fait des sacrifices. Il faut dire que toute la journée et souvent la nuit, la majorité de nos compatriotes, interpelle Dieu et lui demande d’intervenir dans chaque détail de leur vie, refusant ou n’ayant pas conscience qu’ils sont maîtres de leur destin. Pourtant tout Haïtien devrait savoir qu’“aide-toi le ciel t’aidera”, a plus de sens ici qu’ailleurs.

Quand ça va mal, c’est le diable la cause. La malchance, le mauvais œil, le sort jeté par le voisin, le loa insatiable, insatisfait, revanchard, qui met le grappin sur celui ou celle qui lui a déplu, désobéi ou déçu. La  mort ou le moindre incident, même prévisible, en Haïti sont imputés à un insaisissable mystère. On oublie souvent en Haïti que le premier loup pour l’homme est un homme. Le loup-garou aussi.

Quand les dieux et les diables ne sont pas mis en cause directement, le coupable c’est l’État. L’État haïtien. Ses suppôts et ses supports.

L’État haïtien n’est pas incarné. Nous regardons ce qu’il en reste disparaître totalement sous les décombres de nos querelles, dans le vacarme des rejets exprimés des principes républicains, dévoré par nos incompétences et mauvais choix depuis des années.

L’État est coupable, en vérité, et responsable à cause de ses défaillances en chaînes, de beaucoup de nos malheurs. L’Etat ne nous apprend pas à nager dans l’océan de nos problèmes et nous tend très rarement une perche pour nous sortir de l’eau.

Mais ni l’État, ni le diable, ni aucun dieu n’est responsable dans l’absolu de tout ce qui nous arrive. Nous sommes comptables de notre sort plus souvent que nous ne voulons le reconnaître.

L’accident spectaculaire et meurtrier survenu au Cap-Haïtien dans la nuit du 13 au 14 décembre -- le camion-citerne qui évite une motocyclette et se renverse -- a été perçu par beaucoup au Cap-Haïtien comme un cadeau des dieux. De l’essence, en ces temps durs, qui se retrouve gratuitement à disposition en plein cœur de la nuit, certains y ont vu un signe du destin, un cadeau, une manne du ciel.

Le suraccident -- l’explosion de l’essence et les dizaines de morts et de blessés qui ont suivi -- est vu comme un acte du diable méchant.

Et depuis, on se demande où est l’État ? Où était l’État ? Que va faire l’État ?

L’Etat va faire comme il peut et même se taire sous les blâmes.

Mais la leçon à retenir de la catastrophe de Samarie comme de beaucoup de coups durs qui nous affectent à titre individuel ou comme pays est que ni dieu ni diable ni État ne pense à nous quand nous ne prenons pas soin de nous-mêmes.

Soyons le gardien de nous-mêmes, de nos proches, de nos semblables.

Haïti est disponible pour toutes les catastrophes, ne l'oublions jamais et en toute circonstance.

Frantz Duval, Le Nouvelliste 

 


Tuesday, December 14, 2021

VERS UNE FÊTE DE L’IGNAME À BEAUMONT

Par Mérès Weche
Initier une fête de l’igname à Beaumont, ne sera pas une entreprise nouvelle, car non seulement elle existe déjà au Bénin, en Afrique, et se célèbre le 15 août de chaque année, mais elle se pratique aussi à une autre date dans certains milieux du vodou en Haïti, et dans la Franc-Maçonnerie. J’ai été surpris de découvrir le sens profond de cette célébration, qui obéit à une longue tradition ancestrale, dans le Fâ et le Lègba, les deux piliers du vodoun en Afrique.

À part au Bénin, cette pratique est également connue au Togo, au Ghana et dans le sud du Nigéria, où se célèbre la transcendance divine, dite ``Mahou`` en langue Fon, et ``Olorum`` en langue Yoruba. Ces deux acceptions de ladite transcendance divine traduisent l'Inaccessible dont dépend toute l’essence de l’existence, et c’est elle qui est célébrée dans cette fête de l’igname.

Il y a dans cette célébration une certaine ``humanisation`` de ce précieux produit de la terre qu’est l’igname, selon les explications de David Coffy Aza, prêtre du Fâ, et que soutient l’adepte du Lègba, Clément Akoute. Les deux affirment détenir des connaissances ancestrales sur le rapport Homme-igname, remontant à la genèse de l’humanité. Selon Coffy Aza, les prêtres du Fâ célèbrent cette fête à l’occasion de la première récolte annuelle de ce vivre alimentaire, pour vitaliser les lois sacrées de ce culte. Pour lui, l’igname et le Fâ ont des affinités semblables qui les relient respectivement à l’humain, de la naissance à la mort. Le processus de gestation d’un fœtus humain, dit-il, dans le ventre dune femme, suit la même progression que celle d’un plant d’igname enfoui dans la terre.

En effet, explique ce prêtre du Fâ, le fœtus connaît 4 jours d’errance avant de se fixer dans la paroi de l’utérus, et passe ensuite 9 lunaisons de 28 jours, soient 252 jours, auxquels s’ajoutent les 4 jours d’errance, pour compléter les 256 jours de la formation définitive de l’enfant. Il dit que c’est pareil pour le plant d’igname, qui prend 4 jours pour se désagréger dans la terre, avant le processus de germination, pour enfin atteindre la maturité. Dans les milieux du Fâ et du Lègba, l’igname est considéré comme un être humain. Spirituellement parlant, conclut David Coffy Aza, elle est aussi vécue comme l’offrande la plus chère aux divinités.

En 1999, j’avais introduit la fête du café à Beaumont, qui connut un succès sans précédent, et elle sera suivie, dix-sept ans plus tard, de la fête de l’eau à Mouline, introduite par l’administration communale.
Dans le même esprit de cette festivité en Afrique, il serait souhaitable d’adjoindre à la fête de l’eau, symbole du liquide amniotique, celle de l’igname, symbole de l’enfant, pour une meilleure célébration de la vie à Beaumont, qui connaît déjà un long cycle, peu commun au pays.
Mérès Weche

Friday, December 10, 2021

DÉPART D’UN PÈRE MODÈLE DANS LA GRAND’ANSE, OCTAVE HONORÉ

 Qui de ma génération ne connaît pas la famille Honoré, de la Basse-Villede Jérémie?

Dans les années 1980- 1990, les jeunes femmes et les jeunes hommes de cette famille avaient la réputation d’être discrets et respectueux, en plus de faire partie des meilleurs élèves de leurs classes.

Discrets, dis-je, oui, mais surtout très impliqués dans la vie sociale et culturelle de la Grand’Anse. Je pense à cet égard à l’UJDCGA, l’Union des jeunes pour le développement culturel de la Grand’Anse, qui a largement contribué, à son époque, à entretenir le sentiment d’appartenance de ses membres à la communauté, à la ville de Jérémie et au département.

Cette association était le lieu de prédilection où les jeunes se rencontraient pour discuter de développement, de politique, de littérature et d’éducation. 

Elle a ainsi contribué à stimuler la soif du savoir, la passion de l’étude et des formes de solidarité qui semblent avoir disparu depuis.

Presque toutes celles et tous ceux qui sont passés par cette école, excellent aujourd’hui dans ce qu’ils ont choisi de faire, tant sur les plans professionnel, familial et individuel, dans leur vie d’adulte. Tant en Haïti qu’en diaspora. 

Cette association très chère à leur cœur a donc été pour elles et pour eux tous une excellente école qui les dotait d’un bagage de valeurs morales et intellectuelles inestimables. Quoi de mieux comme complément aux valeurs reçues dans le cadre familial

Le samedi 4 décembre en cours, le père des Honoré, M. Octave Honoré, a été accompagné à sa dernière demeure, le cimetière de Jérémie avec respect, affection, dignité, tendresse et de grands honneurs. Lors des funérailles, j’ai écouté religieusement Raymond, un des aînés de la famille, qui faisait l’éloge d’un père responsable et qui avait à cœur ses devoirs envers sa progéniture. 

Raymond, je suis restée suspendue à tes lèvres tout au long de ton éloge! Après tout, c’est bien normal que les sacrifices consentis par ce vaillant père de famille soient un jour récompensés et «honorés». 

Les autres membres de la famille et toi, vous êtes devenus grâce à votre mère, cette femme forte, rude travailleuse et à lui, des citoyennes et des citoyens honnêtes, travaillants, respectueux et respectés dans les sociétés où vous évoluez. Vous avez suivi son exemple, en étant des pères aimants et attentionnés pour vos enfants.  

Dans la société haïtienne, on parle souvent de la démission d’une catégorie de pères absents et égoïstes même. Mais on oublie de louer les efforts de ces braves et dévoués papas, comme le fut le vôtre.

Les papas absents ne font pas grand cas de l’avenir de leurs enfants, préférant courir de fleur en fleur, de s’adonner à leurs jeux préférés, tout en cachant leurs ressources financières, laissant les mères porter à elles seules le lourd fardeau de la réussite de leurs enfants.

Le constat est désolant pour beaucoup de ces pères absents et de ces mères abandonnées, seules, dans cette noble tâche qu’est l’éducation de leur progéniture. Et par ricochet, les sociétés dans lesquelles ils évoluent se retrouvent mal prises, avec des adultes qui ont grandi sans modèles, sans repères et sans boussole pour guider leurs pas dans ce monde égoïste, sans cœur et sans compassion. 

Nous ne vénérons pas assez les hommes de cœur, généreux et responsables de la trempe de M. Octave Honoré.

Ce père, pour se faire obéir, n’avait qu’à jeter un regard autour de lui, et les enfants fautifs comprenaient le message ou la discipline qu’il voulait leur inculquer. 

Je suis restée bouche bée et admirative à écouter Raymond nous décrire les trajets effectués par son père pour subvenir aux besoins de la famille «durant les années dures», les années de grandes turbulences, où les routes étaient coupées en réponse aux consignes de désobéissance civile passées dans toutes les régions du pays.

Dlo Tessier vers les années 1950
Photo (Paul Couba) - Collection Eddy Cavé

En effet, depuis le départ de Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986, le pays a connu une succession de coups d’État, de gouvernements de facto et d’une mission de casques bleus de l’ONU.Une Mission qui a pris fin le 30 novembre 1997. Durant cette période, la vie était souvent paralysée par des soulèvements dans les coins les plus reculés du pays. Ledéchouquage, les guerres larvées forçaient la population à faire preuve d’ingéniosité pour continuer de soutenir leurs proches et pour subsister.

Je n’arrive pas à estimer avec précision la distance entre Carrefour-Sanon, Calas, Bordes , Berquier  etc. Je sais seulement qu’en transportant sur un cheval croulant sous le poids des régimes de bananes, des sacs d’ignames, de patates, de maïs et de haricots, en plus des "makònn de poulets", il fallait du courage, de la détermination et beaucoup d’adresse pour se rendre à destination.

Tout ce que je sais, c’est qu’il venait de très loin pour nourrir convenablement ses enfants, contre vents et marées. 

Les pipirites sur la rivière de  Marfranc
Photo (Eddy Cavé)

Aujourd’hui, nos sociétés ont besoin d’hommes de la trempe de Octave Honoré pour construire un monde plus juste et plus humain où il fera bon de vivre.

Personnellement, j’ai la certitude que seul le royaume de Dieu pourra changer pour le mieux le mode de vie que celle que nous connaissons dans cette période troublée de nos sociétés, peu importe où nous soyons sur cette planète. 

Un grand homme, M. Octave Honoré, a pris un aller simple pour sa dernière croisière, et nous ne le reverrons plus. Repos bien mérité, en attendant le jour où Jésus, le fils de Jéhovah revêtu de gloire, lui ordonnera de sortir du schéol, comme il l’avait fait pour Lazarre et la fille de Jairus. Seulement à ce moment-là, la haine, la jalousie maladive, les manipulations, les manœuvres dilatoires, la terreur, la guerre et la méchanceté gratuite feront place à la paix et à la sérénité dont nous avons tant besoin. 

Et vous, membres de la famille Honoré, je vous exhorte à continuer à tirer une grande fierté de la vie de ce père, de cet oncle, de ce frère, de ce cousin et de cet ami hors norme que vous avez eu le bonheur de compter dans votre entourage. 

Que les doux souvenirs à travers les sentiers de Tessier, les sources d’eau claire et les chevaux vous accompagnent dans votre deuil! 

Pivoine MJL
2021-12-05