Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Friday, September 1, 2017

Armée d’Haïti - « Si votre seul outil est un marteau, vous verrez tout problème comme un clou » (Abraham Maslow)


Les derniers Mohicans du Haut Etat-Major des FAD'H avant leur abolition en 1995
Par Max Dorismond

La plupart des Haïtiens ont le cœur à la base de l’espoir pour sauver coûte que coûte le malade à l’agonie. Souvent par carence de vision, par une naïveté toute puérile ou par un certain enthousiasme débridé, certains proposent des solutions sans envergure pour se retrouver plus tard au même point de départ.  D’autres encore, par un nationalisme identitaire défensif et inquiet qui puise sa justification dans la peur du voisin dominicain, accouchent de projets générateurs de perturbations et d’anarchie. Encore faut-il, pour comprendre ces choix,  ne pas sous-estimer la culture de violence, héritée des années d’enfer passées sous le joug de gouvernements dictatoriaux, supportés par une armée malfaisante ou, de préférence, une coalition de bourreaux décorés, animés par le seul désir de lucre. Cette sous-culture a laissé des traces indélébiles dans la psyché de la nation, d’où la propension de tout un chacun à proposer pour chaque problème à résoudre une solution simpliste, réalisable en un tour de mains. La théorie de Maslow, une tournure propre à la psychologie, est en fait, une métaphore qui dépeint assez bien notre situation. Ce qui, dans la réalité, nous empêche de faire le tri entre l’accessoire et l’essentiel.

Rien n’est simple sur ce bout d’île flottant avec plus de dix millions de bouches affamées, sur ce vaisseau à la dérive se dirigeant tout droit vers une catastrophe appréhendée. Dans notre hâte de détourner cet astéroïde de sa dangereuse trajectoire, aiguillonnés par cette peur outrancière, nous avons choisi de ressusciter l’armée nationale, la cause antérieure de notre mal-être collectif, l’objet primordial de notre dérive éternelle, bien avant  1915. Nous n’avons rien retenu du passé. Tout indique que la misère dégradante nous a tous infantilisés.

Les Tontons Macoutes en formation aux Abricots (1977)
En remettant des fusils aux esclaves, rapporte l’histoire, Sonthonax leur avait déclaré : « voici votre liberté … ». En procurant à chaque Tonton Macoute un révolver, Duvalier leur avait murmuré à l’oreille : « C’est votre salaire ». C’était le début de nos malheurs. En armant ces nouveaux militaires, nous semblerons dire à chacun d’eux : « Voici la clé des portes de l’enfer ».  Ce sera notre fin ! À renouveler cette inopportune erreur, c’est apporter la preuve que nous sommes tous à court d’idées et d’arguments. Dans notre précipitation, après la chute de Baby Doc en 1986, nous avons opéré de même en faisant preuve d’une myopie politique évidente pour avoir concocté une Constitution absurde qui nous a gratifiés de ces présidences à « fermeture éclair », dont l’aboutissement se résume à l’enrichissement illicite des petits copains sans aucune imputabilité.

Les sempiternelles questions !
BOID ou Brigade d'Opération et d'Intervention Départementale,
qui a fait parler d'elle en Haïti.                                                  
Une armée, va-t-elle résoudre le problème du chômage endémique, assurer la compétence de nos juges, suppléer aux limitations de nos parlementaires, restreindre le nombre de candidats à la présidence, forcer les commerçants délinquants à payer leur impôt, contribuer à la diminution de la démographie galopante, collecter les millions de Petro-Caribe perdus dans la brume, se faire payer en monnaie de singe ou en dollar des narcos, redonner une âme à nos éléphants blancs (les hôpitaux construits par le Canada) ?

Même si c’est loin de ses attributions, j’appréhende déjà les réponses à ces brûlantes interpellations. Comme une nuée de sauterelles aux dents aiguisées, cette armée, blindée de son pouvoir coercitif, à l’instar des satrapes du passé, va se subdiviser en de multiples petits clans mafieux pour dévaliser ce qui reste de pays, tout en accroissant la somme de ces épineuses controverses. La corruption aidant, ce sera une armée de cordes et de sacs. L’acronyme « FAD'H » sera, comme par le passé, synonyme de coups fourrés, de comploteurs aguerris,  de magouilleurs professionnels. Nous en avons suffisamment  soupé pour bien jouer au devin. 

L’insoutenable paradoxe.
Haïti est constitué de groupes intouchables, tels que des parlementaires voraces dédiés aux vices, inconscients de leur rôle de gestionnaire de nation, de puissants hommes d’affaires dénués de tout scrupule, des hommes de pouvoir très riches à faire pâlir Crésus, des juges corrompus, achetables et malléables à souhait, des gangs criminels roulant carrosses dorés, des vendeurs de drogue avec des ramifications internationales, des tireurs de ficelle ou jongleurs invétérés de tout acabit, etc …

Voici les derniers des putchistes de l'armée d'Haïti qui a été démobilisée, il y a 18 ans, en 1995 par Jean-Bertrand Aristide après son retour au pouvoir.                                               
Face à cette élite de malfaiteurs aux dents acérées, toujours au dessus des lois, quelle sera l’attitude des « FAD'H » ? Seuls les irrationnels ne verront pas venir la réponse à cent mille à l’heure. Quand le poids des traditions corsète les esprits, ne nous attendons pas à un sursaut de conscience pour sauver cette malchanceuse nation. Tant que ces barons inattaquables occupent le haut du pavé, l’armée serait justifiée à utiliser sa puissance pour jouer le jeu et s’enrichir à son tour. Nous ne paierons rien pour attendre. Haïti sera une fois de plus métamorphosé en une nation de « bandits légaux ». Car, créer les « FAD'H », c’est consolider l’équation de la bêtise en ajoutant d’autres requins à la marre aux crocodiles.

Certaines pistes de solutions
Haïti ne serait pas le premier pays à fonctionner sans une armée. Des exemples pullulent de par le monde. Pourquoi ne pas nous asseoir et méditer sur deux ou trois de ces trouvailles pour une démarche comparative, pour un investissement rationnel du budget. Le risque d’une guerre s’avère totalement improbable pour Haïti. Si la création de l’armée, dites-vous, est une façon de créer des emplois pour nos jeunes, je n’en disconviens pas. On obtiendra le même résultat en pensant, de préférence, à mettre sur pied un service de pompiers professionnels, un service de police efficace, un service d’inspecteurs maritimes pour la sécurité de nos côtes en vue de contrecarrer les projets des contrebandiers, moyennant un salaire adéquat pour tous aux fins d’éviter les tentations. Les heureux élus recevront une formation  universitaire adéquate à la hauteur  de leurs tâches respectives.

La Police actuelle - Ce corps doit être composé de professionnels instruits, dédié au service de la population et non aux intérêts d'un gouvernement ou d'une élite de malfaiteurs.                                                           
Tout prêt de nous, dans les Caraïbes, existe le « système de sécurité régionale » qui regroupe plusieurs îles aux alentours. Elles ont fusionné leurs forces à titre d’une défense commune. Pourquoi ne pas tenter de suivre ce trait de génie ?

J’ai fourni ci-dessous, pour votre gouverne, un succinct résumé de quelques pays sans armée et des solutions alternatives adoptées par chacun d’eux.1 Il y en a plus d’une vingtaine de par le monde. Toutefois, dans cette nomenclature, il faut prendre en compte la population relative de chacun avant de faire un choix. Ayez l’intelligence de vos moyens.  Ne vous précipitez pas. Il faut savoir résister aux chants des sirènes et aux grimaces des macaques.

    1 - Costa Rica : Le pays possède une force de sécurité de 8 000 hommes. Sans armée depuis 1948, il tient toujours la route et a investi ce budget dans l’éducation de son peuple et ça marche. Il se révèle l’un des pays les plus calmes de sa zone.
    2 - La Dominique : Très proche de nous, la défense du pays est assurée par le système de sécurité régionale regroupant divers pays des Caraïbes. Une solution que Haïti aurait intérêt à envisager.
    3 -  Grenade : Depuis l'invasion par les États-Unis en 1983, le pays n'a plus d'armée. La défense du pays est assurée par le système de sécurité régionale regroupant divers pays des Caraïbes. La police possède une petite unité paramilitaire pour les interventions internationales.
    4 - Les Îles Marshall : La défense du pays est assurée par les États-Unis.
•  5- Panamá : Le pays a dissous son armée en 1990, une décision unanimement confirmée par un vote parlementaire en 1994. Les forces publiques panaméennes comprennent la police nationale, le service national des frontières, le service national aéronaval et le service de protection institutionnel qui possède quelques capacités militaires.
    6 -  Sainte-Lucie : La défense du pays est assurée par le système de sécurité  régionale regroupant divers pays des Caraïbes. La police royale de Sainte-Lucie comprend deux unités paramilitaires de 116 hommes : une unité de garde-côtes et le Special Service Unit qui sont responsables de la sécurité interne.
    7 - Saint-Vincent-et-les Grenadines : La défense du pays est assurée par le système de sécurité régionale regroupant divers pays des Caraïbes. Le pays possède une unité d'intervention.

Voilà ! Ce fut mon grain de sable dans le débat en vue de conjurer la catastrophe annoncée.

Max Dorismond
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Note 1 : Sources : Wikipédia. Pour approfondir les détails, cliquer sur les liens en bleu et attendre 60 secondes.


Restropective sur les Forces Armées d'Haïti  (FAD'H)

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