Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Friday, August 16, 2019

Max Dorismond ou la passion dans l’écriture (Part-2)

Par Lemarec Destin

La passion de l’auteur
Max Dorismond
On n’a pas besoin d’engager une trop grande dépense de perspicacité pour constater que la « passion » constitue l’ingrédient le plus actif dans l’écriture de ses textes. Elle traverse d’ailleurs tout l’ouvrage d’un bout à l’autre. Cette brûlante passion, semble lui forger une sorte de cuirasse qui lui donne l’assurance qu’il peut «foncer dans le tas», et s’attaquer à des sujets passablement sensibles, graves parfois, sans complexe et sans trop de crainte, là où --- j’en suis sûr --- peu de chroniqueurs oseraient s’aventurer ou s’y engouffrer. L’auteur « Des mots pour conjurer nos maux » est plutôt du genre à vouloir plus renseigner que persuader. Il ne se gêne donc pas pour proposer des solutions, donner des conseils ou parfois même interpeler directement certains chefs de gouvernement dont en particulier Donald Trump et Jovenel Moïse, pour ne citer que ces deux-là. Il a même adressé une « Lettre ouverte à l'ambassadeur des États-Unis en Haïti », l’Ambassadeur Peter F. Mulrean (voir p. 128) pour plaider le cas des Haïtiens demandeurs de visa face à une sorte de «barrière à l’entrée». Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres. Il n’est donc pas rare de voir Max revenir deux, trois ou même quatre fois sur un sujet, tellement il a à cœur de le décortiquer. C’est-à-dire le creuser, l’analyser de différents angles afin de faire comprendre tous les enjeux de société qu’il recèle. Son plaidoyer incessant pour les pays africains, aux prises avec cette monnaie néocoloniale dénommée le franc FCA, en est l’exemple le plus achevé. Ce désir de bien renseigner son lectorat participe de cette passion dont nous parlons précédemment. Une passion qui le motive et le porte à « traquer l’information », à l’étayer par des données réputées crédibles, le plus  souvent datées et chiffrées. Ses lecteurs en sont ravis.

Max Dorismond entouré de sa belle famille  lors de la vente
signature à la Maison d'Haïti. (Photo Hervé.Gilbert)             
Max dégaine vite. Un évènement d’intérêt survient ici ou ailleurs dans le monde, et le surlendemain ou le week-end suivant, on découvre sur le site d’Haïti-Connexion Culture un long article dans lequel il analyse le fait ou la nouvelle avec ses principaux enjeux, ses conséquences et, le cas échéant, débouche sur un parallèle, une comparaison avec le cas d’Haïti ou des leçons à en tirer. Ou bien souvent, il s’agit de ses réflexions sur un sujet brûlant de l’actualité. C’est un feu roulant de textes écrits à ce rythme ininterrompu, dans cet esprit. C’est aussi ce qui explique, du reste, le caractère prolifique de sa production. Il importe de préciser qu’il effectue tout ce travail---la qualité des textes le prouve--- sans jamais se départir du souci de l’élégance du propos, de la clarté et de la valeur littéraire de tous ses articles. Qu’il traite de questions touchant Montréal, le Québec, le Canada, la France, la Belgique, la Chine, le Vietnam, le Brésil, les Antilles, les pays africains, etc., il y trouve toujours des exemples pertinents de solutions pouvant aider Haïti à sortir du marasme dans lequel il s’enlise depuis longtemps, moyennant avance-t-il un autre modèle de gouvernance. Il importe pour finir d’indiquer que  les textes de Max Dorismond sont truffés  de dures dénonciations des structures archaïques qui, malheureusement,  maintiennent le pays dans le désoeuvrement socio-économique, politique, culturel et environnemental qui le caractérise aux yeux du monde.

En guise de conclusion
Eddy Cavé & Méres Weche
Deux écrivains prolifiques
(Maison d'Haïti 07-13-19)
Conclure sur un ouvrage qui traite de faits de société, de comportements répréhensibles, d’évènements et de politiques publiques dont la caractéristique essentielle est leur quasi permanence ou leur retour périodique dans le temps, n’est pas une tâche aisée. Les maux, nos maux dont parle l’auteur ne vont pas disparaître avec la parution du livre et ne vont pas l’être non plus de si tôt, dans le court terme. Mais l’auteur a le mérite de les mettre sous le projecteur à travers ses textes et de nous faire découvrir leurs enjeux délétères et souvent sous-jacents. Ces faits et conditions vivent avec leur récurrence. C’est ce qui rallonge la projection des analyses de l’auteur et explique en même temps l’utilité de son travail. C’est pour toutes ces raisons que la venue du deuxième tome ne serait pas vaine Max, telle que te la suggère aussi ton ami Eddy Cavé. Il te demandait de te mettre au travail dès le surlendemain. Si ma mémoire est bonne,  l’autre ami, Mérès Wèche te l’a aussi suggéré. Alors Max…

Un vif désir de partage, né de la satisfaction que me procure sa lecture, m’incite à  recommander fortement au public lecteur« Les mots pour conjurer nos maux». Croyez-moi, on y découvrira beaucoup d’articles «coup de cœur» et de bonne facture. Je ne terminerai pas sans souligner au passage l’excellent travail d’édition réalisé par les Presses internationales GRAHN-Monde(PIGM). Cela n’est pas passé inaperçu. Félicitations!

FIN



Lemarec Destin
Laval, ce 11 août 2019

Thursday, August 15, 2019

IL Y A VINGT ANS, GUY DUROSIER TIRAIT SA RÉVÉRENCE (PART 1)




Par Eddy Cavé,  eddycave@hotmail.com
Auteur de De mémoire de Jérémien, tomes  1 et 2
Le langage clair et simple, un passage obligé
Typographie et correction d’épreuves pour tous


À l’occasion du 20e anniversaire du décès de Guy Durosier, l’écrivain Eddy Cavé publie cet article en trois  parties dans lesquelles il retrace des tranches de vie de cette très belle figure de la musique haïtienne du 20e siècle. La première partie est en quelque sorte une brève présentation de l’artiste et un rappel du cadre social et-culturel dans lequel il a passé une quinzaine d’années au Québec.

Un ouragan nommé Guy Durosier
Guy Durosier (1965)
Né à Port-au-Prince en 1931, Guy Durosier est issu de l’union de deux grandes  familles du pays, les Durosier, du Nord, et les Pétrus, de Port-au-Prince. Les deux  familles qui ont donné notamment le parlementaire et constituant Auguste Durosier mort en 1924, ainsi que la grande vedette de la radio et du théâtre Denise Pétrus, la mère de Guy, Francine, et le Dr  Edouard  Pétrus, éminent médecin et candidat à la présidence d’Haïti en 1957.

Guy s’initie très tôt à la musique sous la direction de sa mère et entre, selon Adrien Berthaud, à 11 ans  dans la fanfare de l’école des Frères Saint-Louis de Gonzague. Il s’y familiarise avec la clarinette et le saxophone et, toujours selon Berthaud, il aurait composé Ma brune à 12 ans avec Raoul Guillaume (http://www.adrienberthaud.com/guy_durosier/).

Dans une note publiée à l’occasion du décès, Jean- Jean Pierre souligne que Guy a commencé sa carrière professionnelle  vers l’âge de 14  ans  avec Les gais trouvères, alors dirigés par Alphonse Simon.  Deux ans plus tard, après une courte collaboration avec Nono Lamy, il  prenait son envol dans l’orchestre d’Issa El Saieh avec Raoul Guillaume et le musicien américain  Bud Johnson qui l’initie au jazz. Par la suite, on le retrouvera en 1952 dans l’orchestre de l’hôtel Riviera, dirigé par Michel Desgrottes, puis simultanément dans les orchestres Citadelle et Cabane Choucoune. Jean Jean Pierre précise qu’après quelques voyages à l’étranger, il quitte définitivement le pays en 1959.

Il n’est pas sans intérêt de mentionner ici que Guy était bègue et qu’il a su maîtriser son élocution à un tel point que très peu de gens se sont rendu compte de ce fait ou s’en souviennent aujourd’hui. Mon grand  ami musicien Joe Jacques l’est aussi et peu de gens le remarquent quand il est en spectacle.

Guy Durosier  en 1970
 Tour à tour admiré, applaudi, adulé, ovationné, Guy Durosier a également été sifflé et chahuté pour des raisons politiques. Guy s’est heureusement réconcilié  avec son public dans les dernières années de sa vie.  Plus de 40 ans après l’avoir perdu de vue, je garde un émouvant souvenir des nombreuses soirées passées en sa compagnie.  Je souhaite ardemment que cet anniversaire soit une occasion pour les milieux haïtiens du spectacle de souligner la précieuse contribution qu’il a apportée à l’épanouissement et à la promotion de la musique haïtienne.

J’étais précisément en train de rafraîchir mes souvenirs en vue de la rédaction de cet  article  quand j’ai découvert, au hasard d’une conversation, l’existence d’un livre paru aux États-Unis en 2008 sous le titre The Maestro and Marianne. Semi-autobiographique et bien écrit en général, ce livre retrace des moments de la vie d’un maestro que personne d’autre que l’auteur et l’héroïne Marianne ne connaissait ou ne pouvait connaître. Je l’ai commandé tout de suite et je m’y suis plongé avec l’appétit d’un carnassier qui n’aurait pas mangé pendant des jours. Une semaine après, ma soif de précisions sur les moments forts de la carrière du maestro n’est toujours pas assouvie. Quel bonhomme!

Le livre de Robert Durosier

Le lecteur l’aura facilement deviné : le maestro, c’était Guy Durosier. Quant à Marianne (on trouve ailleurs l’orthographe Mary Ann), c’est la mère de l’auteur du livre, Robert Durosier. Élevé aux États-Unis dans une famille d’adoption, ce dernier avait 27 ans  quand il a retrouvé ces deux parents biologiques. Ce sera un triple coup de foudre. Pour Guy, pour Marianne et pour Robert. C’est d’ailleurs en leur compagnie, à Bothell, près de  Seattle, dans l’État de Washington, que Guy s’est éteint en 1999. Un livre captivant, tour à tour émouvant et amusant, généralement bien écrit à mon sens et très instructif.

J’ai trouvé dans cette lecture la confirmation de plusieurs idées que je me faisais de la vedette Guy Durosier, tout en découvrant la tranche de sa vie qui va de sa rupture avec la communauté haïtienne vers 1976  à son retour sous les feux des projecteurs, une vingtaine d’années plus tard. Si les premières années passées dans la banlieue de Seattle furent une période de bonheur intense pour cette famille tardivement constituée, les derniers mois furent particulièrement éprouvants  à cause des incurables  problèmes de santé du maestro.

Au moment où le rideau tombe, durant la journée fatidique du 18 août 1999, sur cette vie bien remplie et encore pleine de promesses,  Guy avait seulement 68 ans. Nous reviendrons plus loin sur les anecdotes et les souvenirs glanés au fil des pages de cette autobiographie qui se lit comme un thriller.

Deux magnifiques émissions retrouvées sur YouTube
En poursuivant la quête de données entreprise pour la rédaction de l’article, j’ai trouvé sur internet des extraits de deux fort intéressantes soirées de retrouvailles de Guy Durosier avec le  public haïtien de New York et que j’invite les lecteurs à visionner.

GUY DUROSIER ET FAMILLE AU CAFÉ DES ARTS
  
Au Café des Arts
La première des deux apparitions publiques de Guy à New York depuis son installation dans les Bahamas au milieu des années 1970 a été celle du Café des arts, où le flamboyant Guy Evans Ford recevait cinq membres de la famille Durosier : le maestro rentré de Nassau et qui ensorcela l’auditoire tant au piano qu’au micro; la resplendissante Marianne, la mère de l’auteur; Robert Durosier l’auteur du livre; Guy Durosier junior,  l’unique fils de Guy et de sa première épouse Marie-Madeleine Marcel; la chanteuse québécoise Sylvie Desgroseillers, une autre fille de Guy, venue de Montréal pour la circonstance.

Cette émouvante réapparition de Guy Durosier à l’occasion du premier anniversaire de l’émission Domingo en la Noche de Guy Evans Ford scella, de l’avis de Guy et de tous les témoins, sa réconciliation avec le public new-yorkais. On se souviendra qu’une bonne partie de ses fans l’avaient abandonné et chahuté en 1976 à l’initiative de l’ancien candidat à la présidence Yves Volel, lui-même assassiné en Haïti en 1987.
La soirée de gala du 23 décembre 1998 à l’Astoria World Manor

Dans le clip de Sylvestre Production,  ci-dessus, on voit Guy, visiblement fatigué, interpréter au saxophone Happy Birthday avec des accents de jazz qui rappellent l’époque lointaine où il jouait avec les Issa El Saieh, Bud Johnson, Bebo Valdès. Il est chaleureusement applaudi, puis, contre toute attente, il aborde le sujet de  sa participation aux funérailles de François Duvalier en 1971. Il rappelle qu’il avait chanté dans le passé pour le président Dumarsais  Estimé à l’époque du Bicentenaire de Port-au-Prince, puis, chaque samedi soir à Cabane Choucoune, pour Paul Magloire, ce qui n’avait jamais posé de problèmes. Par la suite, il  aurait été, après Harry Belafonte, le premier chanteur de la Caraïbe à faire le Carnegie Hall, ce qui lui aurait  ouvert toutes les portes du monde.

Mais voilà qu’en 1971, il reçoit un dimanche matin  une invitation  du Palais national d’Haïti pour aller chanter pour François Duvalier et on lui annonce qu’il sera encadré de Pelé et de Mohamed Aly :
« Mwen pat bezwen chante pou Divalye, explique-t-il dans un curieux mélange de créole et de français.  Mwen te bezwen chita kot Pele. kot Mohamed Alix li […]  Le premier jour, Pele fè match foutbòl exibisyon l pou Divalye. Le deuxième jour, Mohamed Ali fè match bòx li pou Divalye. Le troisième jour,  mwen chante pou Nonz Apostolik la ak Divalye nan palè nasyonal…

« Twa jou apre, Divalye mouri. Yo rele m a senk è di maten pou di m : Il voulait que ce soit toi qui chantes à ses funérailles… Pa chante?  Yo tap touye manman m , vwazen m,  tout moun ki konn di m alo […] » (Rires de l’assistance)

[Traduction] « Je n’avais nullement besoin de chanter pour Duvalier. Je voulais m’asseoir à côté de Pelé, de Mohamed Ali  […] Le premier jour, Pelé joue un match amical pour Duvalier. Le deuxième jour, Mohamed Ali présente son spectacle de boxe. Le troisième jour, je chante pour le nonce apostolique et pour Duvalier au Palais national…

« Trois jours après, Duvalier meurt. On me téléphone à 5 heures du matin pour me dire qu’il a fait choix de moi pour chanter à ses funérailles… Ne pas chanter? On aurait tué ma mère, mes voisins… même les gens qui me saluaient dans la rue… »
                                                                                                                        
L’auditoire, qui lui a déjà  tout pardonné, applaudit chaleureusement. C’est que, 27 ans après les faits, les rancœurs se sont calmées, et  l’artiste a retrouvé sa cote d’amour auprès du public. Ce que les gens voient dès lors, c’est le virtuose qu’ils viennent d’écouter au saxophone et qui sait toucher toutes les fibres de leurs corps.  Guy est donc ovationné et réconcilié avec son public new yorkais. Jean Jean Pierre affirme toutefois qu’il n’a jamais pleinement récupéré le capital de sympathie englouti dans son aventure avec les Duvalier.

Les problèmes de santé de Guy allaient commencer peu de temps après. Affreuses migraines, séjours fréquents à l’hôpital, batteries de tests douloureux et onéreux. Quand le diagnostic d’un cancer du poumon tombe, il est déjà trop tard pour le sauver. Les lecteurs intéressés par cette tranche de la vie de Guy liront avec beaucoup de plaisir  le livre de son fils Robert. Ils y trouveront, outre  un émouvant  rappel de ces moments de dures épreuves, un grand nombre d’anecdotes et de réflexions sur la vie de cette famille qui semble avoir été marquée d’un sceau particulier par le destin.                                               

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Certes, le  rapide coup d’œil qui précède sur le livre de Robert Durosier et le balayage des deux seuls vidéoclips facilement accessibles des dernières apparitions publiques de Guy à New York ne constituent certainement pas la meilleure façon de le présenter à un public qui ne le connaît guère. Ils ne constituent pas non plus  la meilleure façon de susciter de la curiosité pour l’héritage culturel qu’il a laissé. Mais ce choix a le mérite de camper d’entrée de jeu le personnage et d’écarter tout de suite les zones d’ombres qui apparaissent inévitablement chaque fois qu’on cite le nom de Guy Durosier. Cela dit, nous pouvons entrer tout de suite dans le vif du sujet  en commençant par décrire la société dans laquelle Guy a passé une bonne partie de sa vie.

Le contexte social et culturel du Québec des années 1960-1970
C’est dans le Montréal du maire Jean Drapeau, dans l’atmosphère féérique de l’île Sainte-Hélène et d’Expo 67 que  Guy Durosier a élu domicile au Québec. Cette  province venait alors de sortir de la « grande noirceur » des années Duplessis » et elle s’affirmait comme une terre d’accueil pour les francophones étrangers  désireux de s’expatrier.

Sans être la terre promise qu’était alors New York, le Québec avait tout pour plaire aux Haïtiens fuyant la dictature : de bonnes possibilités d’emploi, un haut niveau de vie, une politique d’immigration d’une grande souplesse. Les musiciens comme Guy Durosier, Fritz Pereira, Chico Simon, Nono Lamy, Joe Trouillot, Dieujuste Dorlette, y trouveront un public, majoritairement féminin, avide d’exotisme, de nouveautés et de sonorités inhabituelles.

Dans l’ensemble, la société québécoise était alors traversée par cette espèce de  joie de vivre qu’inspiraient ses chansonniers, ses peintres, ses poètes, ses musiciens. Des chansonniers comme  Jean-Pierre Ferland, Félix Leclerc,  Claude Léveillée, Gilles Vigneault, Félix Leclerc. Des interprètes comme Ginette Renaud, Pauline Julien, Renée Claude, Ginette Ravel. Des jeunes cinéastes comme Gilles Carles et Claude Fournier qui allaient renverser bien des tabous avec de charmants petits films comme Les mâles, Deux femmes en or, etc. En outre, ce Québec où Pierre Bourgault et ses amis du RIN mijotaient le projet d’indépendance accueillait à bras ouverts tous les révolutionnaires et intellectuels de gauche opposés à François Duvalier.

Guy Durosier se jeta à pleines dents sur ce fruit mûr qui comblait toutes ses attentes, sauf sa soif de célébrité, sa passion des projecteurs et des ovations debout.  Si son répertoire créole sonnait fort bien aux oreilles des Québécoises en quête d’exotisme, ses chansons françaises les charmaient encore plus. Aussi sillonna-a-t-il la province de long en large, faisant de la région dite du Bas-du-Fleuve son terrain de chasse favori. Il y a ainsi laissé d’heureux souvenirs, ainsi que d’intenses regrets. . À la faveur de son extraordinaire force d’attraction, il sut résister à la déferlante du disco jusqu’à ce qu’il décide d’aller poursuivre ailleurs ses rêves de conquête.

Un succès pourtant limité!
Quoiqu’on puisse dire de bien et de beau au sujet des succès de Guy au Québec, il faut admettre qu’il n’a jamais véritablement percé le grand marché québécois de la chanson, du  disque et du spectacle. Pour des raisons qui restent encore à élucider, il n’a jamais fait la prestigieuse salle Wilfrid Pelletier de la Place des Arts; n’est jamais passé ni aux Beaux dimanches ni à aucune  des grandes émissions télévisées de variétés. De même qu’il  n’a jamais inscrit une seule chanson au Palmarès du Québec. La province et sa métropole accorderont toutefois ce privilège à d’autres  vedettes internationales noires en tournée au Canada, notamment Harry Belafonte, Ray Charles, Dionne Warwick, Roberta Flack, Ella Fitzgerald.  Et à Oscar Peterson, un enfant du pays.

En toute honnêteté, le Québec n’était pas encore prêt à la fin des années soixante pour ouvrir ses grandes salles de spectacles à des artistes noirs, même talentueux, qui n’avaient pas encore été couronnés en France ou aux États-Unis. Et Guy n’était pas le seul à devoir se limiter au marché restreint des « communautés culturelles ». Il y avait également dans cette situation le pianiste martiniquais Marius Cultier, le chanteur trinidadien Mighty Sparrow, des  groupes musicaux comme Byron Lee and the Dragonaires, The  Merrymen of  Barbados. Ils faisaient tous chaque année au moins une escale à Montréal, mais ils ne se sont jamais implantés dans le grand marché québécois du spectacle. On notera qu’aujourd’hui encore les stations de radio du Québec ne jouent jamais de chansons haïtiennes écrites en français. Un détail que personne ne semble remarquer!

Un bon motif de consolation
L’histoire retiendra toutefois que le maire Drapeau invita Guy Durosier en 1970 à donner à ses côtés le signal de la réouverture du site de l’Expo  pour la nouvelle saison. Voulait-il lancer à ses concitoyens un message d’ouverture en posant ce geste hautement symbolique? Sans doute, mais il faudra attendre plusieurs  décennies pour voir des artistes et animateurs  noirs comme Norman Brathwaite, Gregory Charles, Anthony Kavanagh Jr accéder à un  statut de vedette à part entière dans la province.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler ici que c’est seulement en 1989 qu’on verra une noire d’origine haïtienne, Marie-Anna Murat, accéder au poste de chef d'antenne d’un réseau de télévision francophone au Canada, le réseau TVA. Dans le même temps, la journaliste Michaëlle Jean se frayait un chemin dans le monde des médias pour accéder d’abord au poste de chef d’antenne à Radio Canada, puis à celui de gouverneure générale du pays. Dans l’intervalle, la population s’était diversifiée, les mœurs avaient évolué, et le Canada était devenu un pays bilingue, une société multiculturelle et multiraciale très différente de celle que Guy avait connue.

Arrivé au Canada 30 ans trente ans trop tôt, Guy a sans doute pavé la voie pour les Boule Noire, Luck Merville, Pierre-Michel Ménard, Émeline Michel, Fabienne Colas, Ralph Boncy, Stanley Péan et peut-être même un Dany Laferrière. Mais il a lui-même peu bénéficié des avantages financiers offerts par la société d’accueil et de la prétendue ouverture d’esprit des gens de son époque.

                                                  FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE

Tuesday, August 13, 2019

Les États-Unis refuseront la nationalité aux immigrants bénéficiant d’aides publiques


« Avec la réglementation des charges pour la société, le gouvernement du président Trump défend à nouveau les idéaux d’autonomie et de responsabilité individuelle, en s’assurant que les immigrants sont capables de subvenir à leurs besoins et de réussir ici, en Amérique », a déclaré Ken Cuccinelli, le directeur par intérim des services d’immigration américains.

Cette nouvelle réglementation « protégera les contribuables américains, préservera notre système d’aides publiques pour les Américains vulnérables et fera respecter la loi », note un communiqué de la Maison Blanche.

Les immigrants qui seront jugés susceptibles de devenir des « charges pour la société » se verront refuser l’accès au territoire. HERIKA MARTINEZ / AFP

C’est une nouvelle mesure qui illustre le durcissement législatif visant les migrants aux États-Unis sous l’administration de Donald Trump. Washington a annoncé, lundi 12 août, que la nationalité américaine serait désormais refusée aux immigrants bénéficiant de prestations sociales, comme des soins subventionnés ou une allocation logement. Ces mesures ciblent des millions de travailleurs majoritairement hispaniques, occupant généralement des emplois peu rémunérés.

Les immigrants qui seront jugés susceptibles de devenir des « charges pour la société » se verront refuser l’accès au territoire. Ceux qui sont déjà aux Ètats-Unis se verront refuser la « carte verte », le permis de séjour américain, précise une nouvelle réglementation publiée par la Maison Blanche. S’ils ont déjà une « carte verte », ils ne pourront pas obtenir la nationalité américaine.

La nouvelle réglementation vise les immigrants démunis qui bénéficient à leur arrivée sur le territoire américain, pendant une période limitée, d’allocations logement ou de bons alimentaires. Elle est aussi destinée à décourager les candidats à l’immigration peu qualifiés qui espèrent obtenir l’asile aux États-Unis.

Source:AFP







Max Dorismond ou la passion dans l’écriture (Part-1)

Par Lemarec Destin

Max Dorismond, auteur:
Des mots pour conjurer nos maux
Les astres semblent avoir été alignés pour que la fête soit belle en cet après-midi du 13 juillet dernier : ciel bleu d’un horizon à l’autre, soleil radieux, pas agressif pour un sou, petit vent léger qui rafraîchit l’air, aucune menace de pluie ou d’orage, météo parfaite. Comme l’a écrit très justement l’auteur dans un de ses textes : « …c’est le temps béni pour faire le plein en capitalisant sur ce désir fou de revoir l’autre que l’hibernation avait écarté de la route », (p.155). Bref, c’est ce temps-là qu’il faisait à Montréal le jour où, dans l’après-midi de la date prévue, l’auteur avait convié le public, ses lecteurs montréalais d’Haïti-Connexion, ses amis, ses parents et connaissances au lancement de son livre au titre assez chargé merci : « Des mots pour conjurer nos maux ». Il fallait voir ça. Ils étaient nombreux à se présenter au local de la Maison d'Haïti où, le moment venu, après les présentations d’usage et une prestation du saxophoniste Marcel Cost sur des airs connus, un Max tout en verve expliquait à l’assistance, avec moult détails, les raisons qui l’ont conduit à produire finalement cet ouvrage.

Dans la salle, chacun avait un, deux et parfois trois livres en main pour fins de signature : un cadeau peut-être ou pour des amis retenus ailleurs qui demandaient de leur rendre ce petit service. Du même souffle, est-il superflu de souligner la présence remarquée de plusieurs Jérémiens et Jérémiennes très connus de Montréal, d’Ottawa et même des États-Unis à cette vente signature. À ce propos, nous ne pouvons passer sous silence celle d’un autre Jérémien,  Hervé Gilbert, Directeur général adjoint d’Haïti-Connexion Network, venu d’Orlando pour la circonstance. Cette nombreuse présence, entre autres, de tant de fils et filles de la ville de la Cité des poètes, avait sans doute ravi l’auteur, connaissant son attachement quasi maladif pour ce coin de terre qui l’a vu naître et à tout ce qui s’y fait. Cette particularité manifeste me faisait penser qu’il n’y manquait cet après-midi-là que Ti Amélie!

Max Dorismond 
(Maison d'Haïti, 13 mai 2019)
Revenons maintenant à l’ouvrage proprement dit et à l’accueil que lui a réservé le public. Enthousiaste! C’est, à mon avis, le maître-mot qui traduit le mieux ce que nous avions vu cet après-midi du 13 juillet au local de la Maison d’Haïti de Montréal. À la réception du livre, les premières minutes sont généralement consacrées à l’exploration du produit, à son « épluchage », à un survol rapide, question d’avoir une idée sommaire de son contenu. On feuillette les pages avec empressement ou par simple curiosité, s’arrêtant parfois sur un ou deux titres qui accrochent la vue au passage ou encore sur tel autre présentant un quelconque intérêt pour ces « lecteurs pressés ». Entretemps, un coup d’œil circulaire dans la salle m’avait permis de constater que rares étaient ceux qui ne se prêtaient pas à cet exercice, ce qui dénote, ma foi, la faveur de l’assistance à la toute nouvelle parution de Max Dorismond. Pendant ce temps, en avant de la salle l’auteur accélérait la cadence des signatures afin de satisfaire la longue file d’invités qui, livres en main, attendaient leur dédicace.

Le couple Lemarec Destin
(Maison d'Haïti, 13 mai 2019)
Par ailleurs, la lecture complète « Des mots pour conjurer nos maux » nous révèle des dimensions insoupçonnées de la structure du livre et la qualité du travail qui y est investi. Au premier abord, on est littéralement frappé par l’abondance de textes d’une très grande richesse qui composent le contenu de l’œuvre. Ils sont au nombre de soixante-quinze, s’étendant sur plus de trois cents pages. C’est du stock, s’écrierait l’autre. En même temps, on se demande, non sans un certain étonnement, comment l’auteur a-t-il pu réussir un tel tour de force de colliger cet ensemble disparate d’articles en le dotant d’une structure intelligible. À cet égard, il est sans doute utile de faire remarquer que pour aérer le livre et faciliter la lecture, l’auteur a eu l’intelligence de séquencer les articles en blocs de textes qui sont d’ailleurs d’une grande richesse de contenus, de clarté dans les propos et des phrases qui s’adaptent au type de narration appropriée.  Ce travail minutieux de composition et d’organisation de la matière transforme en un tout cohérent ce qui aurait pu être dans la réalité une longue suite d’articles. C’est véritablement un ouvrage préparé de longue main.

 Lire (Part 2)  

Sunday, August 11, 2019

Le Patrick Martineau du Zenglen sort de l’ombre (Deuxième partie)


Par Eddy Cavé  eddycave@hotmail.com
 


Dans la première partie  de cet article, l’auteur retraçait, dans le sillage de Patrick Martineau, le fondateur du premier groupe musical Zenglen,  la courte histoire de cette formation,  qui va de 1987 à 1992. Cette deuxième partie traite de  l’originalité et du succès du groupe, ainsi que de quelques questions connexes.

L’originalité de Zenglen
Le segment de l’entrevue où Patrick raconte la création du style particulier de Zenglen est sans doute le plus instructif du point de vue de l’information sur la musique de danse haïtienne. Il explique qu’après mure réflexion, il avait conclu à la nécessité de modifier la manière de «  marcher la basse ». Il aimait les mini-jazz, tout comme il aimait Kassav et le konpa, mais il ne voulait pas faire comme eux.

                  Patrick au micro d'Evens Jean
De plus, il trouvait la formule des deux accords  communément appelée « Un, Deux » terriblement monotone à la longue et il en discuta avec un bassiste que Gary lui avait recommandé. C’était Jean Hénock Dugué, plus connu sous les sobriquets de Fanfan et Ti-Fanfan. Patrick voulait modifier radicalement la section rythmique du groupe en éliminant  le gong  et en ajoutant un kata aux percussions. Il voulait aussi emprunter à la musique rasin le tambour du rythme petro,  le shaker, qui imite le bruit des pieds des bandes de rara. Du zouk, il voulait avoir le tambour à timbre communément appelé snare drum.

Devant les résistances de Fanfan, Patrick lui conseille d’écouter attentivement divers CD de reggae et de revenir le voir. Son objectif est de montrer au jeune bassiste qu’il est possible de faire de la bonne musique de danse en dehors du traditionnel  « Un-Deux ». Durant les prochains essais, ils  mettent au point une variante du konpa comportant des éléments de zouk et de musique rasin  et jouée avec un minimum de quatre accords de base. Combinée à la nouvelle section rythmique, cette nouveauté allait devenir la marque distinctive du Zenglen et, en partie, l’ingrédient principal de son succès.

Le coup de pouce de Félix Lamy
Félix Lamy, brillant animateur,  a été
enlevé dans sa station de radio le 10
décembre 1991 par un commando.   
Le succès  du premier Zenglen n’aurait pas été si grand ni si rapide sans  le soutien actif du fin connaisseur qu’a été l’animateur Félix Lamy, de la Radio Nationale. La première fois que Lamy a entendu l’orchestre, qui interprétait la chanson Fidel, il était au voIant de  son auto, en route pour le travail. Il trouva le produit d’une telle originalité  qu’il pensa qu’il ne pouvait s’agir d’un orchestre haïtien. Après une entrevue avec Patrick, il prit sur lui de lancer la chanson et, par voie de conséquence, le groupe. C’est ainsi que, durant la Coupe du monde de football de 1990, la Radio Nationale joua Fidel durant toutes les retransmissions des matches et les interruptions du jeu. Ce sera l’apothéose. Paix à son âme!

L’importance du leadership
 Patrick Martineau , un peintre
 qui excelle dans la peinture.   
En passant du coq à l’âne, l’invité a été emmené à parler des récentes difficultés du groupe Disip qui déçoit beaucoup en mode Live, tandis qu’il excelle en studio. J’ai particulièrement aimé la remarque de Patrick  qui a abordé  à cet égard le sujet de l’autorité du maestro. Si les défilés d’artistes et les festivals haïtiens ne se déroulent jamais comme prévu, c’est parce que nous n’avons pas au le podium un régisseur investi de l’autorité nécessaire pour assurer que le programme se déroule comme il a été annoncé.

En guise de conclusion 
Le public ne s’étant pas prévalu de la possibilité qu’il avait d’intervenir en direct pour contredire Patrick ou rectifier le tir chaque fois qu’il se trompait, je conclus  qu’il disait vrai. En fait, la seule question venue de l’auditoire portait sur la rémunération des musiciens, et la réponse n’a pas été contestée.

D’aucuns trouveront sans doute à redire de son style flamboyant, de ses tenues parfois extravagantes et du ton sentencieux de certaines de ses remarques. D’autres se demanderont pourquoi et il a tant tardé à faire cette apparition publique. C’est que l’homme est profondément artiste et qu’il est passé à autre chose. Il  s’est  assez vite recyclé dans un autre domaine pour exploiter sa grande capacité de création. J’en veux pour seule preuve la riche collection de photographies et de peintures qui orne sa page Facebook et qu’il alimente à un rythme impressionnant : Bravo l’artiste, continue sur ta lancée!

Ottawa, le 22 juillet 2019

Saturday, August 3, 2019

Le maire de New York menace de couper les vivres des musées « trop blancs »

​TRIBUNE DE LIBRE OPINION

Selon les statistiques démographiques, les communautés ethnoculturelles représentent environ 31% de la population montréalaise. Cette communauté ethnoculturelle communément appelée minorité visible est composée par ordre décroissant de noirs, de maghrebins, de latinos,de sud asiatiques et de chinois.

La proportion 31%, est environ le 1/3 de la population de Montréal,ce qui prouve en effet la grande diversité de cette ville. Mais ,pourtant ces minorités sont très sous représentées dans les institutions publiques de la ville.

Heureusement, le maire de New-York,en prenant de grandes mesures pour corriger cette même disparité dans les institutions publiques dans sa ville ouvre ainsi la voie à une correction de partout où cela existe.

C'est un bel exemple aussi qui doit inciter les minorités visibles d'abord à voter à toutes les élections et ensuite à choisir en bloc les candidats qui veulent leur intégration positive. JM 

Une étude pointe le manque de diversité au sein de certaines institutions culturelles, révèle « Le Figaro ». Bill de Blasio envisage des sanctions.

Fier de la diversité des habitants de sa ville, Bill de Blasio compte bien l'étendre aux postes d'importance. Le New York Times, relayé par Le Figaro, révèle que le maire de la Grosse Pomme menace certaines institutions d'arrêter tout financement s'ils ne revoient pas rapidement leur copie. Cela fait suite à une étude commandée par l'édile portant sur la fin de l'année 2018 et qui sera intégralement publiée dans les prochains jours. Entre août et octobre 2018, 65 institutions qui dépendent d'une manière ou d'une autre de la ville (dont elle est propriétaire ou à qui elle verse des subventions) ont dû répondre à une enquête concernant l'identité de leur personnel.

Parmi les institutions concernées, on compte des musées, des zoos, des théâtres ou des jardins botaniques.

Si les résultats de l'enquête sont parfois inattendus (les femmes représentent 62 % de la main-d'œuvre et la proportion de travailleurs handicapés, 8 %, est particulièrement élevée), la moindre représentation de minorités ethniques a suscité une vive réaction à la tête de la ville. Le monde de l'art est particulièrement mauvais élève, avec 11 % de travailleurs hispaniques (29 % à New York) et 10 % de Noirs (22 % à New York). Ce manque est flagrant parmi les employés des institutions concernées et l'est encore plus lorsqu'il s'agit des conseils d'administration.

Des solutions rapides
Le Metropolitan Museum notamment risque de se faire taper sur les doigts s'il ne rectifie pas rapidement le tir. Au même titre que le Carnegie Hall ou la Staten Island Historical Society, le musée est menacé de voir ses aides suspendues. Tom Finkelpearl, en charge des affaires culturelles de la ville de New York, a néanmoins tenu à se défendre « d'encourager les quotas » et revendique la mise en place de pratiques permettant une plus grande diversité au sein des institutions concernées. Le Public Theater a pourtant réagi en affichant clairement un objectif de 50 % d'employés de couleur à atteindre en 2023. Le Moma PS1 a quant à lui supprimé les stages non rémunérés, trustés par les étudiants ayant les moyens de ne pas être payés. D'autres institutions songent également à encourager leurs employés de couleur à suivre des formations afin d'accéder à des postes à responsabilité. À peine l'étude commence-t-elle à dévoiler ses résultats que de nombreuses institutions trouvent déjà des solutions qui étaient donc, semble-t-il, à portée de main.

Par LePoint.fr

Thursday, August 1, 2019

Sénateur Patrice Dumont veut chasser Gracia Delva du bureau du Sénat!


Palais législatif, le 31 juillet 2019
Carl Murat CANTAVE
Président du Sénat de la République
En ses bureaux 

Honorable Président,

En plus de la dénonciation du collègue Youri Latortue dénonçant à la radio le fait que le Sénateur Garcia Delva a joué le rôle d’émissaire entre le Président de la République et le chef de gang Arnel Joseph pour que celui-ci procédât à la macabre parade du 14 février flanque d’une centaine de ses sbires ;

En plus du rapport de la Commission Justice du Sénat faisant état de 28 appels téléphoniques entre le Sénateur Delva et le chef de gang sus nommé.

En plus de plusieurs dénonciations du même type et visant le même Senateur Garcia Delva, dont celle du militant des droits humains Pierre Esperance sur les ondes de la Radio Magic 100.9, ce mardi 30 juillet ;

Sénateur Gracia Delva et Arnel Joseph,une paire de gangs
(dixit Patrice Dumont)                                                             
En plus d’informations relatives au kidnapping de Monsieur Jean Neel Michel par ce même Arnel Joseph dont le Sénateur Delva était au courant, mais n’a point porté secours au kidnappé malgré les suppliques de l’épouse, informations que je détiens par des témoignages surs et divers ;
Voilà que la DCPJ à l’audition de ce matin 31 juillet a affirmé par devant les Sénateurs membres de la Commission Justice que ses affirmations concernant la liaison entre le gang Arnel Joseph et le Sénateur Delva sont vrais à 98%.

Dans notre République, comme dans d’autres, le pouvoir judiciaire se saisit de tels cas tout en respectant la partie de la constitution traitant de l’immunité parlementaire. Notre constitution en parle aux articles 113, 114, 114.1, 114.2 et 115 et nos règlements intérieurs traitent de cette question aux articles 27 et 28. Il faudra aussi se référer au droit parlementaire, donc à la doctrine aussi, pour affronter ce problème en toute lucidité dans le respect auquel a droit tout citoyen haïtien et, par-dessus tout, dans l’idée du devoir à accomplir au bénéfice de la République.  

Dans de telles circonstances, par respect pour le peuple haïtien, il faut, Honorable Président, membres du bureau, collègues Sénateurs, par un acte de grande sagesse et de grand courage, anticiper sur l’action judiciaire en invitant le collègue Delva à arrêter de siéger comme membre du bureau et de s’abstenir de participer à nos travaux.

Honorable Président, par de nombreux signaux nous constatons que le vice absolu s’est installé dans notre République, mais parce que nous sommes HAÏTI, la vertu s’invite chez nous en frappant avec insistance à nos portes. Nous détenons au Sénat l’une des clés favorables au retour de la vertu chez nous. Faisons-en sorte qu’elle soit la bienvenue et caractérise désormais toutes nos actions collectives.

Pour la jeunesse, pour son futur, salutations patriotiques 

Patrice DUMONT
Sénateur de la République

L’éloge du chaos en Haïti 


Haïti s’enfonce dangereusement dans une crise sociale, politique et économique qui menace d’aggraver davantage la situation déjà tragique du pays, considéré comme le plus pauvre de l’hémisphère sud. Dans cette « jungle » des Caraïbes, plusieurs dizaines de morts par balle ont déjà été enregistrées cette année, les dernières victimes ayant été recensées du 5 au 13 juillet 2019 dans le bidonville tristement fameux de La Saline, où un groupe de bandits lourdement armés a tué une vingtaine de personnes, parmi lesquelles des femmes et des enfants.

Le risque qu’Haïti sombre dans le chaos est si réel que des voies autorisées de la société civile nationale, des milieux religieux et du secteur des affaires se relaient à réclamer la démission de Jovenel Moïse, qui s’accroche à un pouvoir dont le contrôle paraît lui échapper irrémédiablement.
Allégations de corruption


La crise actuelle en Haïti a des racines profondes. Elle a toutefois été exacerbée avec la publication en juin dernier d’un rapport accablant pour le chef de l’État par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, l’équivalent du Bureau du vérificateur général au Canada. Les juges ont trouvé qu’avant de devenir président, Jovenel Moïse recevait des millions de dollars de l’ancien gouvernement du président Michel Martelly pour des projets de construction / réparation de routes qui n’ont en fait jamais abouti.

M. Moïse aurait ainsi servi de prête-nom dans ce qui s’apparente à un vaste plan officiel ayant permis le détournement d’une partie des 4 milliards de dollars des fonds PetroCaribe, une aide pétrolière du Venezuela destinée en principe aux pauvres. En 2017, Moïse, déjà élu président, avait également fait face à des allégations de blanchiment d’argent par l’Unité centrale du renseignement financier (UCREF), un organisme gouvernemental enquêtant sur les crimes financiers.

Ces accusations ont plongé Jovenel Moïse dans une grave crise de légitimité. Le pays est « verrouillé » depuis plusieurs mois par une série de manifestations antigouvernementales gigantesques, auxquelles le régime en place a répondu en utilisant des tueurs d’élite étrangers et des gangs armés locaux pour massacrer ses opposants dans les multiples bidonvilles du pays, l’exposant à une dangereuse guerre civile.

Inapte à présider
Dans un article publié dans l’édition du 12 juillet 2019 du journal américain Miami Herald, M. Moïse n’a proposé à ses millions de compatriotes affamés et en colère aucune solution crédible pour les sortir de l’impasse actuelle. L’article révèle en revanche le total cynisme et la terrifiante mégalomanie d’un homme dont chacune des sorties en public offre une preuve supplémentaire de l’inaptitude à présider.


M. Moïse y annonce son intention de demander à l’Organisation des États américains (OEA) de procéder à un audit des fonds PetroCaribe, confirmant son mépris pour les institutions haïtiennes. Le fait de recourir à un journal étranger, plutôt qu’à un média haïtien, témoigne d’une suffisance et d’une manière presque désinvolte du président de se prononcer sur la calamité en cours dans son pays, et ressemble à un exercice de déni contre-productif.

Qui pis est, M. Moïse n’a adressé le moindre mot d’empathie à l’endroit des populations que les bandits continuent de massacrer dans les zones de non-droit, laissant des régions entières, en particulier de la capitale Port-au-Prince, dans un état de ruine totale qui rappelle fort bien certaines des pires horreurs vécues en ce début du XXIe siècle.

Son acte de communication malencontreux peut enfin être interprété comme venant d’un leader déconnecté des masses pauvres haïtiennes, mais qui se sent, ou veut paraître se sentir, encore capable de discuter de la situation de son pays avec les puissances étrangères, dont il n’a cessé ces derniers temps d’arpenter les ambassades en Haïti en guise d’actes présidentiels visibles.

La « tyrannie des cousins »
Une bonne moitié de la population haïtienne de 11,4 millions d’habitants vit en dessous du seuil de pauvreté (avec 2,41 $ par jour), tandis qu’un quart vit dans l’extrême pauvreté (avec moins de 1,23 $ par jour). Dans un récent rapport, l’ONU estime que le nombre de personnes touchées par l’insécurité alimentaire en Haïti entre mars et juin 2019 est d’environ 2,6 millions, dont 2 millions en situation de crise et 571 000 en situation d’urgence.

Sans gouvernement fonctionnel ni nouveau budget, le pays connaît une croissance économique anémique et affiche un taux d’inflation qui a atteint 18,6 % en juin 2019. Derrière les gesticulations du président Moïse, c’est donc tout un pays qu’il est méthodiquement et impitoyablement en train de sacrifier à ses intérêts personnels et à ceux de son clan, c’est-à-dire un secteur influent et réfractaire au changement de la bourgeoisie haïtienne, dont il a transformé la présidence haïtienne en un secrétariat privé.

Cette impression fait de la question du départ de Jovenel Moïse un problème mineur par rapport à ce que le politologue américain Francis Fukuyama appelle la « tyrannie des cousins » : pour ces gens qui l’ont porté au pouvoir et contribuent à l’y maintenir, le chef de l’État est prêt à faire n’importe quoi, mais rien pour la population civile qu’il livre aux viols, aux pillages et aux meurtres.

C’est pourquoi, advenant une transition politique en Haïti qui paraît inéluctable, le pays serait mieux aidé par un dialogue politique serein que par des élections hâtives. L’histoire récente démontre en effet que celles-ci étaient loin d’être l’élément le plus essentiel à l’éclosion du printemps démocratique haïtien. Un pacte de gouvernance, négocié entre toutes les élites du pays et assorti de mécanismes convenus de mise en œuvre, serait une stratégie bien plus crédible.

S’agissant d’Haïti, on sait bien qu’il n’y a pas de solution facile. Encourager la politique du pire du président Jovenel Moïse, ou espérer que les tonnes d’aide au développement suffiront à ramener la stabilité politique et une paix durable au pays serait toutefois une approche aussi décevante que délirante.

Source : Le Devoir Canada