Mérès Wèche, le poète, l'écrivain, le peintre nous a laissés |
Mérès Wèche, un réel amoureux de la beauté, un incorrigible esthète qui avait trouvé refuge en terre étrangère à cause des aléas du destin, n’est plus. Intelligent, débrouillard, artiste, poète, écrivain, critique littéraire, journaliste, peintre, il possédait un arc multi-cordes. Sa région de naissance, la Grand-Anse, une zone anémiée qui « ne payait pas de mine », était toujours exclue des faveurs de César. Malgré tout, elle animait tous ses espoirs. Il la portait en bandoulière dans ses pérégrinations et y est retourné pour déposer son âme, ses restes et geler ses regrets.
Rêveur impénitent, sans le sou et sans nulle subvention, il voulait faire de Beaumont son coin de paradis, son éternelle muse, le centre du monde, pour donner à ses espoirs éphémères une allure pérenne. Il avait entrepris des démarches pour jumeler sa ville à une homonyme de France. La maison ancestrale était transformée en bibliothèque-musée, mais le séisme du 14 août ne l’entendait point de cette oreille. L’AMECA1, une association médicale cubaine, grâce à son ami, le Dr Blondel Auguste, y maintenait son siège social.
Mérès, le poète, l’auteur de plusieurs livres ne chômait jamais. Il rêvait de donner leurs lettres de noblesse à nos bardes oubliés : les Vilaire, Laforêt et, surtout, Émile Roumer et son caïman étoilé. Il fit ses premiers pas dans la capitale haïtienne au magazine « Le Petit Samedi Soir » de Dieudonné Fardin avec, pour compagnons de route, le jeune Dany Laferrière, le défunt Gasner Raymond lâchement assassiné par les Tontons Macoutes de J.C. Duvalier. Avec une vitesse d’écriture à nul autre pareille, il pouvait, en une journée, pondre une dizaine de textes dans un style clair, net et suave. Des manuscrits de livres, il en possède plusieurs, selon ses confidences. Souhaitons que sa postérité en tienne compte.
La peinture demeure sa deuxième passion. J’ignore combien de ses tableaux habillent les murs des amis, des fanatiques et des collectionneurs, mais, au moins, je sais qu’à l’église Sainte Trinité de Port-au-Prince plusieurs de ses fresques baroques, avec des divinités vaudouesques, qui décorent les parois de cette enceinte, surprennent et attisent la curiosité et l’étonnement des visiteurs.
Le panier à crabes peint par Mérés Wèche |
Au début de la pandémie, chez lui, on parlait à bâtons rompus de la crise haïtienne dans toute sa laideur. Soudainement, il se redressa pour me dire : « Max, apporte-moi une toile vierge et je te déposerai dessus mon Haïti à moi ». J’ai sauté sur l’occasion et 48 heures plus tard, un « Panier à crabes » est venu enrichir ma collection de peinture, avec ces mots : « Voici le tableau qui te manquait, mon pote. Tu as là toutes les causes de notre retour à l’esclavage au service des blancs. Dessalines avait tout prévu, mais, sauf celle-là. Il s’était trompé de générique ». J’ai cerné sur le champ la sincérité du message véhiculé :Il a brossé sans mot dire l’histoire contemporaine d’Haïti
Son itinéraire en terre étrangère, ses tribulations, son divorce, son éloignement de ses enfants, Mérès Junior (Jummy) et Karine, son retour au pays natal, etc… sont liés à sa démarche artistique. Ses œuvres, ses livres, ses poèmes, ses peintures exhalent cette douleur latente et lancinante d’une vie tourmentée à la recherche d’un exutoire, d’où sa plongée sans réserve dans tout ce qui représente l’art tout court.
La passion de l’écriture, chez lui, ne souffre nullement de la précarité. En déposant les pieds à Montréal, au début des années 70, où toute une jeunesse haïtienne fraîchement débarquée en Amérique du Nord faisait ses premiers pas, Mérès a pondu son premier roman, « L’onction du Saint-Fac », qui décrivait de long en large les balbutiements de ses congénères dans les « factory » de leur pays d’adoption.
Plusieurs autres ouvrages sont venus enrichir sa collection. Nous avons savouré le best-seller, l’histoire macabre romancée « Songe d'une nuit de carnage », un théâtre d’ombre et d’ironie écrit avec prudence sur la pointe des mots, car les fauves rôdent toujours. Presque toute Haïti l’a lu, tant les scènes horribles de l’assassinat des mulâtres de Jérémie par les sbires de Duvalier en 1964 avaient ému. Je lui avais consacré un papier très apprécié, intitulé « Mérès Wèche - Entre souvenirs et cauchemars », tant le pragmatisme du récit, qui ne m’était point étranger, m’interpellait.
Entre autres titres que je possède, on trouve « Jérémie – 50 ans de souvenirs » et le dernier en date, «Franckétienne s'est échappé », un nom surréaliste avec un vocabulaire singulier, relatif à des confidences de l’intitulé, faisant allusion à Frankenstein, le monstre du film éponyme élaboré par James Whale et paru en 1931.
Parler de cet être attachant et de si grande culture, qui vient brusquement de nous fausser compagnie sans un adieu, n’est pas une tâche facile, tant sa vie a été riche en accomplissements, de mille et une facettes. Je m’incline devant sa dépouille et je présente mes sincères condoléances à ses enfants, à son frère l’agronome Ernst Wèche et madame et à toute la famille plongée dans l’affliction.
Adieu, mon ami, adieu
vieux frère! Que toutes tes œuvres te survivent en dignes témoins de ton
passage ici-bas, car nous
appartenons à une génération qui s'éteint loin de sa terre natale et qui, pour parodier Lamartine, « ne laisse pas plus de trace que cette barque qui glisse sur
une mer où tout s'efface ».
Max Dorismond |
Très bel hommage à un intellectuel de haut vol, un artiste de gros calibre Une grosse pointure aussi du domaine de l'écriture qui a été victime de son propre génie. Sachant tout faire et pouvant tout faire, il n'a jamais cessé de bouger et s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment sur la trajectoire du virus du siècle. Paix à son âme. Beaumont a perdu en lui son barde, son fils chéri et peut-être le plus enthousiaste de ses promoteurs.
ReplyDeleteNos sympathies a sa famille et a la famille intellectuelle que Meres representait . Son depart inattendu nous a tous surpris et secoue tout en nous rappelant que nous sommes des passagers sur cette planete. Souhaitons lui bon voyage vers l'eternite..
ReplyDeleteL impression de m être fait voler un ami. Incompréhensible. Quelqu'un peut-il me dire ce qui c'est passé ?
ReplyDeleteHummmmmm!
DeleteC'est une grande tristesse Natania Etienne , nous communiquions régulièrement après le tremblement de terre du 14 Août qui l'avait grandement affecté.
Une grosse perte pour le milieu culturel haïtien.
Toutes mes sympathies à sa famille et à ses amis.
Max, tu as tout dit. Par delà le talent qui a habité Mérès, ce frère, cet ami a toujours été comme toi et une poignée d'autres, d'une générosité exemplaire. Cruel et prématuré départ! Nous embrassons les proches et tous ceux qui en sont écorchés. Adieu Mérès. Vita brevis, ars longa !
ReplyDelete��Mwen aprann lanmó Mérès Wesh.�� Quelle perte! Quel drame! Après le départ de Maxime, un autre vide béant... Paix à son âme! Après Claude Pierre et Jean-Claude Fignolé, la Faux de la Mort poursuit sa moisson macabre parmi l'intelligencia jérémienne!
ReplyDeleteAllo Max
ReplyDeleteC'est de cette façon qu'on honore la mémoire d'un ami, doublée de cette proximité que seul le même coin de terre d'origine peut servir de clé pour déchiffrer dans leur plénitude les sentiments et les non-dits amicaux que charrie ce beau texte, cette touchante élégie. Amoureux du beau verbe, fidèle à l'amitié, Mérès, tel que je le connais vibre et frétille actuellement dans sa dépouille.
Merci Max pour ce bel hommage rendu à mon cher ami Mérès Wèche. Il t'entend. Il sourit de satisfaction.
Que Dieu ait pitié de son âme!
Lemarec Destin
Oh no! That is so sad! He will be greatly missed, but his legacy remains!
ReplyDeleteOur sincere condolences to his wife, children, and closed friends. What a shock! Such a pleasant gentleman!
Myriam
Myriam Nader Salomon
naderhaitianart.com
Allo Max,
ReplyDeleteUn très beau texte, un panégyrique bien mérité pour Mérès Wèche. Il a accompli ce qu'il était venu faire sur cette terre ; néanmoins il y a laissé des traces de son passage et La Grand'Anse lui en saura gré et particulièrement Beaumont, son patelin. On souhaite un BON VOYAGE à ce frère de combat.
Enock
Je viens de lire ton beau texte sur le décès de Mères
ReplyDeleteJ’ai l’impression que tu avais déjà ce texte dans ton tiroir tellement c’est bien écrit
Compliments!
M.Décoste
Merci mon cher Max ! Très beau texte qu'il apprécie .
ReplyDeleteNènè
Oui. Il était un homme extraordinaire.
ReplyDeleteSaint-Vil Jean
Merci Max très bel hommage. Il va nous manquer.
ReplyDeleteAlix Rey.
Un très bel hommage!
ReplyDeleteBeaumont perd un homme intelligent et d’une grande ouverture.
Je compte garder cet article dans mes archives.
Bonne journée,
Alexandra
J'ai parlé avec Meres quelques heures avant sa mort que je considère comme prématurée, inattendue et subite. Rien ne présageait une séparation imminente d'avec les siens.
ReplyDeleteQuelques jours plus tôt, Il se portait bien. Deux jours de forte fièvre et viennent des complications de toute sorte et voici.... . Mérès avait trop de rêves pour la Grande Anse et sa Beaumont chérie.
Il me disait au téléphone comment Il était difficile pour lui de respirer et qu'on allait le soulager avec un tube d'oxygène. Il n'allait pas survivre la nuit du vendredi 15 octobre.
Mérès qui militait avec tous les grandanselais et grandanselaises du monde entier au sein de"l'Organisation pour le développement de Grande Anse "(SODEVGA) en vue d'un relèvement certain de son patelin, a laissé un grand vide dans la communauté de ses frères de plume et tous ceux et toutes celles qui le pratiquaient.
Ces funérailles seront chantées à Beaumont, le semaine prochaine.
Que son ame repose en paix.
ReplyDeleteQue son âme repose en paix
ReplyDeleteMax ,
ReplyDeleteJe ne veux pas manquer de te féliciter pour ce beau témoignage qui réaffirme et confirme Mérès Wèche. C'est le vrai mis à nu. On ne demande pas à un homme d'être saint mais de se dévouer avec cœur et succès à une cause, à quelque chose qui le dépasse. C'est ce que Mérès Wèche a tenté toute sa vie.
Je le connais depuis l'élémentaire. On était ensemble en 7ieme au College St-louis de Jérémie avec le père Percy décédé récemment. Mérès, un esprit remuant, entreprenant, audacieux, avide de savoir, né pour le changement, la littérature, la poésie, l'art tout court .
La vie ne lui a pas toujours été tendre :une profusion d'évènements imprévus et aléatoires le basculent d'un bord à l'autre; jamais à l'abri des fluctuations économiques, des maux, des misères, des chagrins mais... fluctuat nec mergitur ( le navire est secoué par les vagues mais ne sombre pas )
Il en résulte une personnalité sociale, une création de la pensée, un homme qui a beaucoup donné à son pays, d'une ferveur, d'une dévotion à son coin de terre Beaumont que très peu d'Haïtiens peuvent se flatter d'exciter. Écrivain, il a su trouver à l'endroit de son appartenance à cette communauté des paroles qui partent du cœur et arrivent au cœur.
Ton hommage est tout un petit bonheur qui réchauffe le cœur de notre génération, ce sont des souvenirs que l'on choisit, des moments que l'on partage .
Amitiés de toujours ,
Pierre-Michel Smith.
Que la terre te soit legere ! La Grand ‘ Anse viet de perdre une figure charismatique de notre patrimoine culturel. Que Dieu t’acueille en son royaume de grace et de bonheur. Requiescat in pace !
ReplyDelete" Une vie ne vaut rien ; mais rien ne vaut une vie " disait André Malraux. Meres Weche nous a laissés trop tôt ; son départ pour l'orient éternel est sans aucun doute cette manifestation de la fragilité de la vie. Souhaitons que la terre lui soit légère; que ses souvenirs demeurent parmi nous cette auréole autour de nos pensées et qui nous inspire sans cesse à vouloir le meilleur pour notre ville Jérémie et ses régions. Que son âme repose en paix !
ReplyDeletePaix a son ame ! Triste nouvelle !
ReplyDeleteMon grand Max , tu as su honorer Mères dans toute sa dimension. Tes mots épatants et colorés nous décrivent par ricochet une grande partie de son existence parmi nous.
ReplyDeleteEn effet, c'est un authentique Grand'Anselais qui vient de décrire comme il se doit, le Mérès Weche qui a pris sa place dans l'intelligentsia haitienne. L'histoire de Mères, à travers ta belle plume vient d'ajouter une pièce maitresse à sa mythologie. Un grand merci pour ce beau texte!
Ceux qui ont marqué la vie des autres avec leur empreinte ne s’en vont pas; ils survivront dans les mémoires collectives et individuelles très longtemps même après leur départ pour l’éternité.
Mérès, va, repose-toi poète! Tu vivras éternellement dans nos coeurs et nos esprits. Donc, je m’incline devant ta lumineuse plume, ta vivacité d’esprit, ton amour de la poésie et de l’art dans tous ses états.
Requiesca in pace!