Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Tuesday, January 29, 2019

Venezuela : une présidence à deux têtes qui divise la communauté internationale

Juan Guaido salue ses partisans lors d'un rassemblement contre
 le gouvernement du président vénézuélien Nicolas Maduro, à 
Caracas, le 23 janvier 2019.                                                      
La crise politique vénézuélienne, où deux présidents se disputent désormais la légitimité du pouvoir, se propage au sein de la communauté internationale. Alors que la majorité des pays occidentaux, dont les États-Unis, le Canada et ceux de l'Union européenne (UE), ont rapidement reconnu le président autoproclamé Juan Guaido, d'autres pays, comme la Russie et la Chine, appuient le président en exercice Nicolas Maduro.

La crise a pris une tournure internationale mercredi lorsque le président de l’Assemblée nationale vénézuélienne, Juan Guaido, s’est déclaré président par intérim du pays à la place du socialiste Nicolas Maduro devant des dizaines de milliers de ses partisans en liesse à Caracas.

Le politicien de 35 ans a ensuite disparu dans un lieu tenu secret, craignant une arrestation prochaine.

L'opposition considère que le mandat de Nicolas Maduro, qui dirige le pays depuis la mort d'Hugo Chavez, est illégitime, puisqu'il a été élu à la suite d'un scrutin boycotté par ses adversaires et jugé frauduleux par ces derniers.

C'est le seul moyen de sauver le pays de la dictature, a soutenu le leader de l'opposition Juan Guaido, défiant ainsi le président Maduro, dont la réélection est également contestée par la communauté internationale.

De son côté, le président Maduro a dénoncé mercredi un coup d’État de l’opposition et a appelé l'armée à maintenir « la discipline ». Il a aussi annoncé la rupture des relations diplomatiques avec les États-Unis et a ordonné à tous les diplomates américains de quitter le pays dans les 72 heures.

Accusant Washington d'inciter Juan Guaido à perpétrer ce putsch, il a précisé jeudi devant la Cour suprême que le Venezuela va fermer son ambassade et tous ses consulats aux États-Unis et rappeler tout le personnel diplomatique qui y était déployé.

Le vice-président américain Mike Pence a fait savoir plus tôt dans la journée que Washington n'a pas l'intention d'obtempérer à l'ordre d'expulsion des diplomates américains, puisqu'il ne reconnaît plus la légitimité de M. Maduro.

Dans une alerte de sécurité publiée en fin de journée sur un site du département d'État américain, les États-Unis ont cependant ordonné le départ du personnel « non essentiel » de leurs missions diplomatiques au Venezuela.

Les mises en garde de Pompeo

Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a mis en garde M. Maduro contre la tentation de recourir à la force pour réprimer l’opposition au cours d’une réunion extraordinaire de l’Organisation des États américains (OEA).

Il a prévenu le « régime illégitime » de Nicolas Maduro contre « toute décision d'utiliser la violence pour réprimer la transition démocratique pacifique », demandant aux forces de sécurité vénézuéliennes de « protéger » Juan Guaido.

« Le temps du débat est terminé. Le régime de l'ancien président Nicolas Maduro est illégitime. Son régime est en état de faillite morale, incompétent en matière économique et profondément corrompu et non démocratique. »

 Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo

M. Pompeo a également demandé à l’OEA de lui emboîter le pas en reconnaissant M. Guaido comme le président légitime du Venezuela.

De nombreux pays d’Amérique latine, dont les voisins du Venezuela, appuient eux aussi ouvertement le geste du président de l’Assemblée nationale Juan Guaido.

Le Brésil, la Colombie, l'Argentine, le Paraguay, le Pérou, le Chili, le Guatemala, le Costa Rica, le Honduras et le Panama réclament tous de nouvelles élections « dans les plus brefs délais, avec la participation de tous les acteurs politiques et avec les garanties et les normes internationales nécessaires à un processus démocratique ».

Ces 10 pays demandent également que soient garantis « le respect de la règle de droit, les droits fondamentaux de la population et la paix sociale ».

Tous ces pays sont membres, avec le Canada et le Mexique, du groupe de Lima, dont la prochaine rencontre aura lieu au Canada, a confirmé jeudi Affaires mondiales Canada.
Le Mexique, la Bolivie et Cuba ont exprimé leur soutien à Nicolas Maduro. Le ministre mexicain des Affaires étrangères a toutefois exhorté, ce matin, les deux parties à tenir des pourparlers afin d’éviter une escalade de la violence.

L'ambassade canadienne fermée
Le personnel diplomatique canadien demeure en place pour le moment à Caracas, mais l’ambassade est fermée pour la journée. Les conditions de sécurité sont continuellement réévaluées afin de décider d’une éventuelle réouverture.

Contrairement au personnel diplomatique américain, dont le président Maduro a réclamé le départ hier, les diplomates canadiens ont été épargnés par les mesures de représailles du gouvernement vénézuélien.

Des créanciers inquiets
Nicolas Maduro en costume cravate fait un signe de paix avec sa main droite. Il arbore un dossard aux couleurs du drapeau vénézuélien: le jaune, le bleu et le rouge.
Nicolas Maduro lors de la cérémonie d’investiture de son
deuxième mandat le 10 janvier dernier à Caracas.               
Moscou et Pékin – les deux premiers créanciers du Venezuela, ravagé par une crise économique qui a conduit le pays au seuil de la faillite – ont prévenu les pays occidentaux que le président Nicolas Maduro demeurait, à leurs yeux, le président légitime du pays.

La Russie dénonce « l'usurpation de pouvoir » de l’opposition et « l'ingérence étrangère » au Venezuela.

Le Kremlin prévient les États-Unis qu’une intervention militaire – que le président américain n’a pas exclue dans l’éventualité où le président Maduro écraserait la contestation par la force – serait « très dangereuse ».

C'est une voie directe vers l'arbitraire et le bain de sang.

 Le ministère russe des Affaires étrangères

« Nous appelons les hommes politiques vénézuéliens sains d'esprit, opposés au gouvernement légitime de Nicolas Maduro, à ne pas devenir les pions d'une partie d'échecs étrangère », poursuit le communiqué du ministère russe des Affaires étrangères.

De son côté, Pékin appuie implicitement le président Maduro en se déclarant hostile à toute ingérence étrangère dans les affaires du Venezuela. La Chine affirme également soutenir les efforts de Caracas pour préserver son indépendance et sa stabilité.

L’ONU appelle au dialogue
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, appelle les Vénézuéliens au « dialogue » afin d’éviter un « désastre », en marge du Forum économique mondial de Davos.
« Nous espérons que le dialogue sera possible pour éviter une escalade menant à un conflit qui serait un désastre pour la population du pays et pour la région », a dit M. Guterres au cours d'une entrevue diffusée via Facebook.

« Des gouvernements souverains ont la possibilité de décider ce qu'ils veulent sur la question de la légitimité entre les deux présidents vénézuéliens », a dit le chef de l'ONU.

La mission diplomatique des États-Unis à l'ONU a officiellement demandé au Conseil de sécurité de tenir une réunion d'urgence samedi afin de « discuter de la crise en cours au Venezuela »

Washington doit obtenir l'approbation de 9 des 15 membres du Conseil pour que cette rencontre se concrétise.

Le chef de l'armée derrière Maduro
Le ministre vénézuélien de la Défense Vladimir Padrino Lopez
 a réaffirmé la loyauté de l'armée envers le président Nicolas 
Maduro.                                                                                   
La déclaration télévisée du ministre Padrino Lopez, jeudi, constitue une démonstration de soutien militaire à Maduro face à la reconnaissance internationale obtenue par son opposant, Juan Guaido.

M. Padrino Lopez a déclaré que d’obscurs intérêts travaillent en marge de la constitution vénézuélienne, enhardissant ainsi la montée de l'opposition. Il ajoute que ses soldats seraient indignes de leur uniforme s'ils ne défendaient pas la Constitution. Un groupe de 27 militaires s'est brièvement soulevé lundi dans une caserne située au nord de Caracas, en lançant des appels à l'insurrection. Ils ont été arrêtés.

Présidence à deux têtes
L'autoproclamation de M. Guaido, élu président de l'Assemblée nationale vénézuélienne au début du mois de janvier, était écrite dans le ciel.

Au lendemain de l'assermentation de Nicolas Maduro pour un second mandat de six ans, il avait dit être prêt à remplacer M. Maduro à titre de président du pays, ouvrant la voie à une nouvelle confrontation entre le pouvoir et l'opposition. Il avait été brièvement détenudeux jours plus tard.

M. Guaido avait toutefois prévenu qu'il lui fallait obtenir l'appui du peuple vénézuélien, de l'armée et de la communauté internationale pour réussir.

Composée de fidèles du président Maduro, la Cour suprême du Venezuela a ordonné une enquête pénale contre les membres de l'Assemblée nationale, en les accusant d'usurper les prérogatives du président vénézuélien. Dominée par l’opposition, elle a été dépouillée de tous ses pouvoirs par une Assemblée constituante contrôlée par des partisans du président Maduro, élu à l’été 2017 au terme d’un vote discrédité.

Le Venezuela est aujourd'hui un pays exsangue que ses citoyens fuient par centaines de milliers, en raison de la situation politique, mais aussi des conditions économiques désastreuses, marquées par des pénuries de produits de base.

Cette spirale a été accélérée par l'effondrement des cours du pétrole, qui compte pour 95 % des revenus du pays.

Selon le Fonds monétaire international, le PIB du Venezuela a chuté de 18 % l'an dernier et l'inflation atteindra 10 000 000 % en 2019.

Sources combinées : avec les informations de  Radio Canada, Agence France-Presse, Reuters et Associated Press

Monday, January 28, 2019

Le Venezuela et la conscience latino-américaine


Par Cristóbal León Campos
Les derniers événements autour du Venezuela ont rouvert une page qui, pour beaucoup, était fermée dans l’histoire de l’Amérique latine, mais en réalité, ce n’est rien de plus que la poursuite de la politique impérialiste qui a fait tant de mal à nos républiques sœurs, les preuves de l’interventionnisme américain et ses intentions de saisir la richesse naturelle et humaine de ce pays ne laissent aucun doute, les déclarations faites par Donald Trump quelques heures après la tentative de Juan Guaidó, son pantin, qui a voulu usurper la présidence du Venezuela ont jeté le dernier rayon de lumière.
Le prétendu coup d’État a le plein appui des États-Unis et des pays alliés, bien qu’ils aient aussi posé un jugement sur la propre force politique de Trump, puisqu’il n’a pas reçu toute l’approbation qu’il attendait ni obtenu une résolution unanime ou majoritaire au sein de l’Organisation des États Américains, la réorientation stratégique de la région entraînant un conflit pour plusieurs nations a également provoqué que ces nations se rangent aux côtés de Trump.
Le contexte qui s’ouvre laisse entrevoir l’erreur ou la commodité de nombreux universitaires et intellectuels qui, il y a longtemps, ont annoncé la non-existence de l’impérialisme, ont parlé sous diverses formes d’une nouvelle période historique, ont dit que l’ère de la démocratie (libérale) était arrivée, et bien que de nombreuses circonstances soient sans précédent, l’empire américain exerce aujourd’hui sa politique d’expansion et d’accumulation avec plus de désir.
Les silences de ceux qui ont nié la réalité sont maintenant abolis et disparaissent dans le développement violent des évènements. L’intention manifeste d’intervenir au Venezuela, même militairement par le gouvernement américain, ne peut être interprétée autrement que comme une volonté palpable de contrôler l’ensemble de la région sud-américaine, puisque l’établissement de son contrôle au Venezuela permettrait un espace fondamental pour implanter des formes de domination et arrêter l’évolution progressive des pays à gouvernement populaire. L’intention n’est pas seulement d’obtenir le pétrole, l’or et d’autres richesses naturelles, ils cherchent à établir des gouvernements fantoches dans la région et à faire face à l’avance d’autres nations comme la Russie et la Chine.
Ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont exprimé leur soutien à l’intervention nient l’histoire ou l’ignorent complètement, les alliances stratégiques que font les États-Unis ne sont que cela, des alliances qui durent tant qu’elles sont utiles, la voracité de l’impérialisme n’a aucune considération éthique ou morale, il a seulement des intérêts et des désirs de pouvoir et de richesse. Favoriser l’intervention, c’est violer la souveraineté des nations et favoriser la violation du droit à l’autodétermination ; jamais plus un empire ne pourra ou ne devra être au-dessus des peuples.
Les pays d’Amérique latine qui ont apporté leur soutien à la tentative de coup d’État ont trahi leur identité et leur histoire, ainsi que leurs peuples qui, en tant que Latino-américains, éprouvent ou conservent de la sympathie pour leurs frères et sœurs vénézuéliens. Les oligarchies et l’empire oublient que les peuples ont la mémoire et la dignité dans leurs racines, les voix de l’unité et de l’intégration réclament la fin des interventions et du harcèlement constant des gouvernements et des populations, les fantômes des héros de Notre Amérique errent aux côtés de chaque citoyen qui élève sa voix et crie pour la liberté des nations.
Seuls les États-Unis peuvent être intéressés par le développement d’une guerre dans la région, leur tactique vise à diviser les nations et les peuples par des campagnes de haine et de désinformation, leur stratégie est d’imposer des laquais provoquant des conflits déchaînés qui alimentent leur besoin impérialiste de pouvoir.
La République bolivarienne du Venezuela résiste aux attaques sur tous les fronts, la solidarité mondiale soutient les décisions de son peuple, l’audace pédante de l’empire pour tenter de le contrôler affronte et affrontera l’organisation populaire. La conscience développée ces dernières décennies montre une force singulière qui rend possible la résistance. La reconnaissance que les Vénézuéliens ont faite de l’héritage patriotique et latino-américain de Simón Bolívar est une arme beaucoup plus puissante et profonde que tout missile ou guerre. L’élan de son peuple mis en mouvement pour faire face à cette nouvelle agression s’accompagne de voix qui reconnaissent et défendent l’autodétermination des nations comme un droit inaliénable, comme en témoignent les gouvernements du Mexique et de l’Uruguay qui se sont abstenus de participer à cette nouvelle audace inhumaine et qui ont posé les bases pour une éventuelle médiation ou ouverture du dialogue en faveur des peuples.
Nous sommes à nouveau confrontés à la nécessité de résister et d’organiser l’utopie bolivarienne de l’intégration et de l’unité des peuples d’Amérique latine en faveur de leur bien-être et de l’amélioration de leurs conditions de vie : défendre le Venezuela c’est défendre tous nos pays.

Sunday, January 27, 2019

Le deuxième grand chelem de Naomi Osaka

L'Haïtiano-Japonaise Naomi Osaka remporte son deuxième grand
chelem en battant la Tchèque Petra Kvitova à l'Open d'Australie 2019.

Ainsi donc, Naomi Osaka, la superbe joueuse de tennis haïtiano-japonaise, vient de confirmer que la victoire qu’elle a remportée sur la légendaire Américaine Serena Williams au dernier US Open (septembre 2018) n’était nullement due au hasard ou à une quelconque perte de contrôle de soi de la part de Serena Williams. En battant la Tchèque Petra Kvitova en trois sets âprement disputés (7-6, 5-7, 6-4) dans la finale du tournoi d’Australie, premier grand chelem de l’année 2019, Osaka  a prouvé qu’elle ne se contente pas de jouer dans la cour des grandes, mais qu’elle est bel et bien une grande du tennis mondial.
Elle est classée  numéro 1 au nouveau classement WTA (2019)
Après une rencontre passionnante Naomi Osaka est venue à
bout de Petra Kvisova pour se hisser  en 1ère place du tournoi.
En fait, elle sera officiellement classée numéro un dès lundi prochain au nouveau classement de la Women’s Tennis Association (WTA). Si son parcours tout au long de ce tournoi n’a pas été de tout repos (elle a été forcée de gagner au moins trois des 6 matchs précédents en trois sets), elle a livré en finale face à Kvitova un match d’une intensité et d’un suspense implacables. J’ai rarement vu un match féminin aussi accroché. Osaka et Kvitova se sont livré un duel sans merci, frappant la balle dans tous les angles avec une rapidité, une force et une férocité sans pareille. Il n’y a pas beaucoup de joueurs masculins qui soient capables d’exhiber une pareille démonstration de force de frappe et de contrôle de soi. Ayant gagné le premier set au tie-break, et menant 5-3 et 40-0 sur le service de Kvitova, Osaka, étouffé peut-être par la grandeur de l’enjeu, a laissé filer trois balles de match, s’est fait rejoindre à 5 partout et perd le set 5-7. Pire, elle se fait mener 0-2 au début du troisième set, mais elle se ressaisit et aligne quatre jeux de suite pour mener 4-2. Elle conservera son service pour finalement gagner le set 6-4 et le match. Elle a gagné cette finale et le deuxième grand chelem de sa jeune carrière à la force de son poignet car, en face, la Tchèque Petra Kvitova a joué une partie extraordinaire. On savait que c’était une joueuse d’une force de caractère et d’un mental exceptionnels. Elle a déjà gagné deux tournois de Wimbledon en 2011 et en 2014, mais surtout elle a réussi l’exploit de se battre avec un intrus qui s’était introduit dans son appartement en décembre 2016.  Blessée au poignet, elle a longtemps été jugée perdue pour le tennis, mais a travaillé courageusement et a retrouvé sa forme et son moral. On n’oubliera pas de sitôt cette finale qui a mis aux prises deux superbes joueuses de tennis qui ont livré un match d’anthologie. Naomi Osaka a réussi l’exploit d’aligner deux victoires consécutives en grand chelem (US Open 2018 et tournoi d’Australie 2019), ce qui est loin d’être courant dans le monde du tennis féminin.
Naomi à bord de son avion privé avec sa famille après
sa victoire du samedi 26 janvier à Melboune (Australie)
Ce qui est presque sûr, c’est que cette victoire de l'Haïtiano-Japonaise Naomi Osaka sur la Tchèque Petra Kvitova risque d’initier le début d’une longue rivalité entre deux joueuses dotées de qualités tennistiques incomparables : sens du placement, force de frappe féroce, coup droit dévastateur, service destructeur, avec pour Kvitova, l’avantage d’être gauchère, ce qui rend son service particulièrement dangereux. Le prochain tournoi de grand chelem se déroulera à Paris à la Porte d’Auteuil (Roland –Garros) en mai prochain et on aura l’occasion de les retrouver, cette fois sur terre battue. Le tennis féminin a certainement de beaux jours devant lui avec ces deux talentueuses joueuses. L’une d’entre elles est à moitié haïtienne. C’est tant mieux et nous ne pouvons que nous en réjouir. Si vous avez raté la finale en direct (je me suis levé à 4 heures ce samedi matin pour la suivre), et que vous disposez de la chaine « Tennis Channel », ne ratez pas les reprises de cette finale qui seront disponibles, je suppose, durant toute la semaine. En attendant l’épique finale hommes de ce samedi soir : Novak Djokovic vs Rafael Nadal.
Hugues Saint-Fort  
New York, 26 janvier 2019        

Monday, January 21, 2019

Le rêve de Martin Luther King: son discours sur ce rêve.

En ce jour du révérend Martin Luther King: L’intégralité du discours sur son rêve en  français.

Un audible du texte peut être entendu aussi sur Radio Francophonie Connexion durant le programme le Saviez-vous ou bien en bas



« Je suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour participer à ce que l’histoire appellera la plus grande démonstration pour la liberté dans les annales de notre nation.

Il y a un siècle de cela, un grand Américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre Proclamation d’Émancipation. Ce décret capital se dresse, comme un grand phare, illuminant d’espérance les millions d’esclaves marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce décret est venu comme une aube joyeuse terminer la longue nuit de leur captivité.

Mais, cent ans plus tard, le Noir n’est toujours pas libre. Cent ans plus tard, la vie du Noir est encore terriblement handicapée par les menottes de la ségrégation et les chaînes de la discrimination. Cent ans plus tard, le Noir vit à l’écart sur son îlot de pauvreté au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle. Cent ans plus tard, le Noir languit encore dans les coins de la société américaine et se trouve exilé dans son propre pays.

C’est pourquoi nous sommes venus ici aujourd’hui dénoncer une condition humaine honteuse. En un certain sens, nous sommes venus dans notre capitale nationale pour encaisser un chèque. Quand les architectes de notre République ont magnifiquement rédigé notre Constitution de la Déclaration d’Indépendance, ils signaient un chèque dont tout Américain devait hériter. Ce chèque était une promesse qu’à tous les hommes, oui, aux Noirs comme aux Blancs, seraient garantis les droits inaliénables de la vie, de la liberté et de la quête du bonheur.

Il est évident aujourd’hui que l’Amérique a manqué à ses promesses à l’égard de ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple Noir un chèque invalide, qui est revenu avec l’inscription “ provisions insuffisantes ”. Mais nous refusons de croire qu’il n’y a pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres des opportunités  en notre pays. Aussi, sommes-nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous donnera sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice.

Nous sommes également venus en ce lieu sacré pour rappeler à l’Amérique les exigeantes urgences de la conjoncture actuelle.  Ce n’est pas le moment de s’offrir le luxe de laisser tiédir notre ardeur ou de prendre les tranquillisants des demi-mesures. C’est l’heure de tenir les promesses de la démocratie. C’est l’heure d’émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale. C’est l’heure d’arracher notre nation des sables mouvant de l’injustice raciale et de l’établir sur le roc de la fraternité. C’est l’heure de faire de la justice une réalité pour tous les enfants de Dieu. Il serait fatal pour la nation de fermer les yeux sur l’urgence du moment. Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu’advienne un automne vivifiant de liberté et d’égalité.

1963 n’est pas une fin, c’est un commencement. Ceux qui espèrent que le Noir avait seulement besoin de se défouler et qu’il se montrera désormais satisfait, auront un rude réveil, si la nation retourne à son train-train habituel.

Il n’y aura ni repos ni tranquillité en Amérique jusqu’à ce qu’on ait accordé au peupleNoir, ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte ne cesseront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse.
Mais il y a quelque chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui donne accès au palais de la justice : en procédant à la conquête de notre place légitime, nous ne devons pas nous rendre coupables d’agissements répréhensibles.

Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous devons toujours mener notre lutte sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever jusqu’aux hauteurs majestueuses où la force de l’âme s’unit à la force physique.

Le merveilleux esprit militant qui a saisi la communauté noire ne doit pas nous entraîner vers la méfiance de tous les Blancs, car beaucoup de nos frères blancs, leur présence ici aujourd’hui en est la preuve, ont compris que leur destinée est liée à la nôtre. L’assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée bi-raciale. Nous ne pouvons marcher tout seul au combat. Et au cours de notre progression il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant, ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière.

Il y a des gens qui demandent aux militants des Droits Civiques : “ Quand serez-vous enfin satisfaits ? ” Nous ne serons jamais satisfaits aussi longtemps que le Noir sera la victime d’indicibles horreurs de la brutalité policière. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos corps, lourds de la fatigue des voyages, ne trouveront pas un abri dans les motels des grandes routes ou les hôtels des villes.

Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que la liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d’aller d’un petit ghetto à un ghetto plus grand. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos enfants, même devenus grands, ne seront pas traités en adultes et verront leur dignité bafouée par les panneaux “ Réservé aux Blancs ”. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps qu’un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu’un Noir de New-York croira qu’il n’a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits et ne le serons jamais, tant que le droit ne jaillira pas comme l’eau, et la justice comme un torrent intarissable.

Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduis ici par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine d’étroites cellules de prison. D’autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d’être battus par les orages de la persécution et secoués par les bourrasques de la brutalité policière. Vous avez été les héros de la souffrance créatrice. Continuez à travailler avec la certitude que la souffrance imméritée vous sera rédemptrice.

Retournez dans le Mississippi, retournez en Alabama, retournez en Caroline du Sud, retournez en Georgie, retournez en Louisiane, retournez dans les taudis et les ghettos des villes du Nord, sachant que de quelque manière que ce soit, cette situation peut et va changer. Ne croupissons pas dans la vallée du désespoir.

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “ Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux ”.

Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Georgie les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.

Je rêve qu’un jour, même l’Etat du Mississippi, un Etat où brûlent les feux de l’injustice et de l’oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice.

Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour, même en Alabama, avec ses abominables racistes, avec son gouverneur à la bouche pleine des mots “ opposition ” et “ annulation ” des lois fédérales, que là même en Alabama, un jour les petits garçons noirs et les petites filles blanches pourront se donner la main, comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour toute la vallée sera relevée, toute colline et toute montagne seront rabaissées, les endroits escarpés seront aplanis et les chemins tortueux redressés, la gloire du Seigneur sera révélée à tout être fait de chair.
Telle est notre espérance. C’est la foi avec laquelle je retourne dans le Sud.

Avec cette foi, nous serons capables de distinguer dans la montagne du désespoir une pierre d’espérance. Avec cette foi, nous serons capables de transformer les discordes criardes de notre nation en une superbe symphonie de fraternité.

Avec cette foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de défendre la cause de la liberté ensemble, en sachant qu’un jour, nous serons libres. Ce sera le jour où tous les enfants de Dieu pourront chanter ces paroles qui auront alors un nouveau sens : “ Mon pays, c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante. Terre où sont morts mes pères, terre dont les pèlerins étaient fiers, que du flanc de chacune de tes montagnes, sonne la cloche de la liberté ! ” Et, si l’Amérique doit être une grande nation, que cela devienne vrai.

Que la cloche de la liberté sonne du haut des merveilleuses collines du New Hampshire !
Que la cloche de la liberté sonne du haut des montagnes grandioses de l’Etat de New-York !
Que la cloche de la liberté sonne du haut des sommets des Alleghanys de Pennsylvanie !
Que la cloche de la liberté sonne du haut des cimes neigeuses des montagnes rocheuses du Colorado !

Que la cloche de la liberté sonne depuis les pentes harmonieuses de la Californie !
Mais cela ne suffit pas.

Que la cloche de la liberté sonne du haut du mont Stone de Georgie !
Que la cloche de la liberté sonne du haut du mont Lookout du Tennessee !
Que la cloche de la liberté sonne du haut de chaque colline et de chaque butte du Mississippi ! Du flanc de chaque montagne, que sonne la cloche de la liberté !

Quand nous permettrons à la cloche de la liberté de sonner dans chaque village, dans chaque hameau, dans chaque ville et dans chaque Etat, nous pourrons fêter le jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les Juifs et les non-Juifs, les Protestants et les Catholiques, pourront se donner la main et chanter les paroles du vieux Negro Spiritual : “ Enfin libres, enfin libres, grâce en soit rendue au Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres ! ”. »


complaisons pas dans la vallée de la désespoir.
 

Martin Luther King Jr à Washington le 28 Août 1963. Le discours donne encore des frissons. Il a beau avoir 50 ans, il n'a pas perdu en intensité et en émotion. Le 28 août 1963, devant le Lincoln Memorial, à Washington, Martin Luther King s'adresse à une impressionnante foule en prononçant à plusieurs reprises "I have a dream".

Friday, January 18, 2019

Diplomatie « de caniveau » ou de pragmatisme à la François Duvalier

Par Eddy Cavé eddycave@hotmail.com

La décision d’Haïti de tourner brusquement le dos au régime Chavez après l’avoir adulé pendant des années a été accueillie avec stupéfaction et provoqué un brûlant débat qui risque de durer longtemps. Étant un observateur éloigné de la scène politique haïtienne, je ne me crois nullement autorisé à juger du bien-fondé ou de l’absurdité de la décision de la présidence haïtienne de voter à l’OEA contre la présence des héritiers d’Hugo Chavez à la tête de l’État vénézuélien. Encore moins à condamner ou à absoudre des dirigeants dont je n’ai jamais pu percer  le fond de la pensée ni l’orientation idéologique. Si tant est qu’ils en aient une. 
Pamela White (au centre) au carnaval de Jacmel en 2014
En effet, je n’ai jamais pu concilier ni interpréter les deux images ci-dessus de l’ancien premier ministre  Laurent Lamothe que j’ai archivées pour consultation future : celle prise durant un carnaval de Jacmel où il se pavane aux bras de Pamela White, l’ambassadrice des États-Unis, avec une familiarité contraire à toutes les règles du protocole et de la bienséance; l’autre où, flanqué de son partenaire et complice Michel Martelly, il se prosterne « religieusement », en guayabera rouge bolivarien, devant la dépouille d’Hugo Chavez. Du grotesque comme on a rarement vu dans une cérémonie officielle du genre! Comment des gens dotés d’intelligence  ont-ils pu s’imaginer que ce jeu de dupes pourrait amuser indéfiniment la galerie?

Les autorités haïtiennes se prosternant religieusement devant
la dépouille d'Hugo Chavez en 2013. 
                                        
Eh bien, un matin de ce début de janvier 2019, le maître des lieux a sonné la fin de la récréation, et son ménage à trois avec ses protégés PHTK (Parti haïtien Tèt Kale) et les Vénézuéliens a volé en éclats. Ma grande surprise, c’est que ce dénouement inévitable ait tant tardé à survenir. Je suis surpris également que le journaliste Michel Soukar, à qui nous devons l’expression « diplomatie de caniveau », ne semble pas avoir prévu cet éclatement. Son indignation aurait sans doute été moins grande!

N’ayant donc ni titre ni qualité pour me prononcer sur la volte-face, jugée scandaleuse par plus d’un, des autorités haïtiennes en la matière, je me contenterai de commenter et de compléter quelques-unes des réflexions enregistrées  ces derniers jours sur le sujet.

D’abord, le tweet de Jean Théagène qui a été, à ma connaissance, le premier à lancer le débat en attaquant brutalement les auteurs de la décision d’appuyer l’initiative américaine. J’avoue en toute humilité avoir lu et relu cette note sans jamais pouvoir ni en saisir l’esprit ni comprendre la lettre. Elle est pourtant limpide pour de nombreux analystes, dont l’animateur de Matin Débats Louko Désir qui l’a salué avec enthousiasme et admiration. Je n’ai pas bien compris non plus le commentaire que Maurice Célestin, nom de plume Le Chapeauteur, vient de diffuser sur le Net.

Au cours de la conférence ministérielle à Punta
del Este en 1962, avec le vote décisif de la délé
gation haïtienne dirigée par le chancelier René
Charlmers, Cuba a été exclu de l'OEA.             
Quand, d’entrée de jeu, le chef de parti Jean Théagène écrit : « Qu’on ne vienne pas me dire qu’il s’agit d’un Nouveau Punta del Este, qui revêtait lors un caractère hégémonique et idéologique », ou bien il se trompe de bonne foi,  ou bien il joue la carte de la confusion délibérée. Cet idéologue du duvaliérisme, jean-claudisme compris, est bien placé pour connaître les circonstances du vote pris à Punta del Este en 1962. L ’Amérique  était encore en plein dans le projet d’hégémonie commencé en 1823 avec la fameuse doctrine de Monroe et dans le combat idéologique auquel la disparition de Fidel Castro et d’Hugo Chavez n’a pas mis fin.  Les circonstances et la signification de ces deux votes sont à mon avis identiques.

Dans ce pays qui ne s’est jamais donné la peine de définir, ne serait-ce que dans ses grandes lignes, une politique internationale moindrement cohérente, c’est toujours le président de la République qui tranche les questions diplomatiques. Et il le fait toujours au gré de ses humeurs, de ses peurs, de ses préférences et de ses intérêts personnels, souvent mesquins,  et de sa vision du moment. Et il le fait souvent sous la dictée des interlocuteurs américains. Pas étonnant qu’il souffle successivement le chaud et le froid et désarçonne continuellement à la fois ses diplomates et les observateurs de la scène politique. Dans cette optique, le virage à 180  degrés des derniers jours est tout à fait dans l’ordre des choses.
L'ambassadeur Harvel Jean-Baptiste lors du premier vote
En limogeant en 2017 l’ambassadeur 
Harvel Jean-Baptiste qui venait de tenir héroïquement tête à Washington et à l’establishment de l’OEA, lors du premier vote sur la crise vénézuélienne, Jovenel Moïse avait déjà annoncé les couleurs. Seuls les naïfs et les imprévoyants n’ont donc pas vu venir le coup de grâce qu’il a donné  la semaine dernière à Nicolas Maduro, qu’il appelait hier encore un frère. Un vrai baiser de Judas!

Ce revirement de la présidence haïtienne n’a en réalité rien d’étonnant. Depuis qu’Haïti bénéficie des largesses du Venezuela et  du soutien actif de Cuba, elle n’a jamais remercié ces pays que de façon très discrète et du bout des lèvres, réservant les grandes manifestations de reconnaissance aux  représentants du  grand voisin du Nord

Loin d’être hors de propos, comme le donne à penser Jean Théagène, le rappel du précédent qu’a été l’exclusion de Cuba de l’OEA avec le vote décisif d’Haïti  est très instructif. Il nous montre qu’en l’absence d’une orientation générale  basée sur des principes et non sur des calculs mesquins, la diplomatie haïtienne est condamnée à faire des alliances contre nature et à multiplier ce genre de revirements cyniques, embarrassants et humiliants pour la population.
François Duvalier à l'époque des négociations de Punta
del  Este en 1962.                                                             
Que s’est-il donc passé à Punta del Este entre le 22 et le 31 janvier 1962 et quel est l’événement dont Jean Théagène refuse même d’entendre parler?  À quelques nuances près, c’est le même revirement qu’on a observé la semaine dernière à Washington. À l’ouverture des travaux de la conférence de 1962, le chef de la délégation haïtienne, le chancelier René Chalmers, déclarait haut et fort que l’organisation hémisphérique devait s’en tenir au respect du droit des peuples à l’autodétermination. Par la suite, il a avec Dean Rusk, son homologue américain, un  déjeuner au cours duquel les deux conviennent qu’Haïti s’alignera sur les positions américaines en contrepartie d’une reprise de l’aide économique suspendue par Washington après l’arrivée de John Kennedy au pouvoir.

Le ministre des Affaires étrangères
Bocchit Edmond
Dans le cas présent, le chancelier haïtien Bocchit Edmond a expliqué à l’animateur à la clochette avoir discuté du vote avec les autorités américaines au cours d’une rencontre au département d’État et d’une autre à la Maison blanche. Sans préciser s’il s’avait été invité ou convoqué, le chef de la diplomatie haïtienne  a précisé qu’il y avait trois sujets au menu des discussions : le sort des quelque 60 000  compatriotes menacés d’expulsion ; la gestion du dossier d’Haïti par le Conseil de sécurité des Nations Unies; le remboursement de la dette Petro Caribe. À en juger par les commentaires des partisans du vote haïtien, le pays aurait gagné sur les trois points qualifiés de « prix du vote » par Matin Débats. Victoire donc sur toute la ligne!

Les journalistes et historiens haïtiens ont souvent prétendu que les Américains n’ont pas honoré leurs promesses, ce qui, à l’analyse, semble  faux. L’assistance technique et économique a été rétablie dès le mois d’avril avec un décaissement de 7,2 millions de dollars, qui a été suivi d’un autre de 3,4  millions pour la reconstruction de la route du Sud (Le Nouvelliste, 12 avril 1962, cité par W. W. Arthus, p.280).

Le politologue Wein Weibert Arthus, actuellement conseiller politique à l’ambassade d’Haïti à Washington, est à mon avis l’auteur qui a relaté et analysé avec le plus d’objectivité et de rigueur la conjoncture générale et les conditions dans lesquelles Haïti a voté pour l'exclusion de Cuba à Punta del Este. Il cite d’ailleurs François Duvalier qui a lui-même écrit à ce sujet : « Une opinion pragmatique voulait que le rôle primordial de la politique d’un État consiste dans la défense de ses intérêts surtout économiques.» (Citation tirée des Mémoires, p. 197, et reprise par Wein Weibert Arthus, Duvalier à l’ombre de la guerre froide, p. 278).

La station balnéaire de Punta del Este,  en Uruguay
Arthus écrit plus loin : « Le compte rendu de Schlesinger, faisant du ministre Chalmers l’instigateur des négociations autour du vote haïtien, est la version la plus utilisée par les spécialistes pour relater cet accroc à toute notion de morale dans les relations internationales, pour reprendre l’expression d’Ariel Colomonos », l’auteur de La morale dans les relations internationales (Odile Jacob, Paris 2005).

À mon avis, il y a ici deux questions qu’il convient d’examiner séparément : la position de principe que le pays adopte et exprime avec fracas dans les médias, puis le revirement soudain assorti d’une enveloppe qualifiée d’intérêts économiques  par le président  Duvalier lui-même. Après avoir réaffirmé son attachement à la politique de neutralité dans les conflits inter-régionaux à l’ouverture des débats le 22 janvier, puis défendu le régime castriste trois jours plus tard, le chancelier Chalmers surprendra le monde entier en votant, « contre toute attente » en faveur de l’exclusion définitive de Cuba de l’OEA.  

Dans son rapport au président Kennedy, Samuel E. Belk, membre du Conseil national de sécurité, écrira que Cuba a été exclu par un vote de quatorze voix contre sept  « grâce à un deal avec Haïti ». Un jeu gagnant-gagnant qui confirmerait pour l’une et l’autre parties que la fin justifie les moyens!

Le scénario de Punta del Este est  exactement le même que celui qui s’est déroulé sous nos yeux  à Washington la semaine dernière. Alors que tout laissait présager un vote de solidarité avec la République bolivarienne ou, au pire une abstention,  c’est par  un spectaculaire coup de théâtre que s’est terminé le dernier acte de cette tragicomédie.  Au tomber du rideau, Maduro était mis au ban des nations du continent grâce au vote décisif d’Haïti.
Président Maduro lors de sa prestation de serment,en  2018
Après avoir bénéficié des faveurs de Chavez, salué sa dernière victoire aux urnes de son protégé et même envoyé à Caracas une importante délégation à la prestation de serment du président nouvellement réélu, la chancellerie haïtienne s’est  rangée sans nuances ni gêne du côté des pays opposés à la perpétuation du régime bolivarien.

Ce deuxième revirement, après celui de Punta del Este, introduit donc cette manière de faire dans l’histoire de notre diplomatie, non plus comme un simple précédent ou un accident de parcours, mais comme une espèce de stratégie de négociation. Perçu non sans raison comme le coup de pied de l’âne, ce vote entache non seulement l’image d’Haïti et sa crédibilité comme  partenaire dans les relations internationales, mais aussi la fiabilité des ressortissants haïtiens en général, tant au pays qu’en diaspora. 

Les suites éventuelles du vote de Washington
Dans les combats entre pots de fer et pots de terre, l’issue est toujours prévisible et dépend presque exclusivement du bon vouloir des pots de fer. Dans la situation d’extrême vulnérabilité de la partie haïtienne dans le bras de fer actuel, il est à souhaiter qu’Haïti perde seulement son honneur et sa crédibilité, ce qui est loin d’être un risque négligeable.  Me fondant sur les pratiques autoritaires instituées par Theodore Roosevelt au début du 20e  siècle avec la « politique du gros bâton » (la  Big Stick Policy), je suis  enclin à penser que tout dépendra de la lecture que les Américains feront du tableau et de l’humeur du moment. Les autorités haïtiennes peuvent donc se préparer à la fois pour pavoiser en cas de succès ou, dans le cas contraire, pour dire : « Adieu, veau, vache, cochons, couvée. »

Retour sur Punta del Este
Siège de l'OEA à Washington baptisé Par Fidel Castro.
Ministère des colonies d'Amérique après le vote de Punta del
Este.                                                                                          
Après le revirement de Punta del Este, Duvalier avait peut-être de bonnes raisons de croire que la hache de guerre avec Kennedy était enterrée et qu’il pouvait s’adonner à sa pratique du pouvoir absolu. Le deuxième mandat qu’il s’était octroyé en 1961 n’ayant jamais été spécifiquement évoqué dans les négociations, les États-Unis s’évertuèrent de leur mieux à le forcer à partir au terme du mandat obtenu en 1957, soit le 15 mai 1963 : nouvelle suspension de l’aide économique, appui ouvert aux organisations d’exilés, protection et octroi de subventions et  facilités d’entraînement militaire aux organisations armées, etc.

Autrement dit, il n’y  pas eu de signatures de chèques en blanc, ni d’un côté, ni de l’autre. Duvalier refusa d’assouplir son régime de terreur et de fiscaliser les revenus provenant d’entreprises d’État comme la Régie du tabac et des allumettes. Un an plus tard, après les massacres du 26 avril 1963, il mettra  résolument le cap sur la présidence à vie. Tout cela était contraire aux objectifs de l’Alliance pour le progrès dont Haïti n’a jamais tiré aucun profit et il a malheureusement pour nous gagné son pari.

À la lumière de ce précédent, il est permis de se demander si nous ne sommes pas en train de revivre l’expérience des années 1960. Si la lune de miel commencée avec le PHTK depuis qu’Hillary Clinton, alors Secrétaire d’État, a écarté Myrlande Manigat de la présidence d’Haïti n’est pas appelée à se perpétuer. À cet égard, l’annonce d’un retour en force de Michel Martelly, faite  dimanche dernier par l’ancien premier ministre Jean Guy Lafontant, ne doit pas être prise à la légère. Si cela se produisait, la trahison de Chavez aurait été payante pour le parti au pouvoir en Haïti.

La pratique des retours d’ascenseur dans la coopération internationale
L’idée des alliances internationales fondées sur des intérêts réciproques, qu’ils soient économiques, géopolitiques, raciaux, etc., n’a en soi rien d’anormal ou d’immoral. Un exemple entre mille. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, des pays comme le Brésil et l’Argentine ne sont pas spontanément ni automatiquement entrés  en guerre aux côtés des États-Unis après le désastre de Pearl Harbour. C’est après de multiples hésitations et d’intenses négociations que le président du Brésil, le dictateur Getulio Vargas, décida d’abord de rompre les relations diplomatiques avec les puissances de l’Axe, puis d’entrer en guerre aux côtés des États-Unis. Cela se fit contre la promesse de financement des aciéries de Volta-Redonda, le moteur de l’industrialisation du Brésil.

Les présidents Kennedy et Goulart passant les troupes en revue
à Washington en 1962. Au milieu, le général brésilien Amauro
Kruel.                                                                                          
Quand, deux ans après,  en 1964, le président démocratiquement  élu Joao Goulart voudra opérer un virage vers la gauche, il sera renversé par un coup d’État militaire  ourdi par la CIA. Par la suite, le Brésil connaîtra successivement cinq dictatures militaires, et les États-Unis envisageront l’avenir économique de l’Amérique latine dans une seule perspective : sous le leadership  du Brésil  comme puissance industrielle et de l’Argentine, colosse aux pieds d’argile, comme puissance agricole.

Si je m’attarde à cet exemple, c’est  pour deux raisons : la première, pour illustrer les avantages que le Brésil a su tirer, dans le long terme, de son entrée négociée en guerre en 1942 aux côtés des États-Unis; la seconde, pour rappeler qu’au moment de l’exclusion  de Cuba à Punta del Este, le Brésil de Joao Goulart a joué la carte de l’abstention, se mettant dans le dangereux collimateur de la CIA. Deux ans après, il était renversé du pouvoir par un coup d’État militaire. À ne pas oublier!

Caricature du Nouvelliste illustrant le poids des largesses
du Venezuela et celui des pressions américaines.               
Lorsque François Duvalier, qui est incontestablement un des maîtres à penser des apprentis sorciers du PHTK, fait référence au pragmatisme en diplomatie, c’est précisément à ce genre de précédents qu’il pense. Et pour tous ces aspirants disciples de Machiavel, ce qui importe en politique, ce n’est pas la réalité des choses, mais leur apparence. En outre, l’arme la plus efficace du Prince, ce n’est pas la sincérité du discours, mais la ruse, comme l’a rappelé le professeur Victor Benoit dans sa postface du livre de Weibert Arthus.  Tel est l’éclairage sous lequel j’analyse la volte-face que vient de faire notre gouvernement devant une opinion publique mal informée, imprévoyante ou simplement crédule.

En guise de conclusion
En abandonnant à son sort le grand bienfaiteur d’hier, aujourd’hui affaibli et appauvri, le PHTK a joué la carte du pragmatisme, du cynisme et d’une soumission assortie de déclarations optimistes et probablement mensongères. Il semble avoir  ainsi gagné une première manche, comme Duvalier avait gagné un sursis à Punta del Este. Comme ce genre d’ententes conclues  dans la fièvre des négociations multilatérales s’accompagne d’un grand nombre de sous-entendus et de clauses implicites, il faudra  un certain recul pour pouvoir en évaluer toutes les retombées.

Alors seulement, on saura  s’il avait mieux valu s’exposer aux caprices et à un mépris encore plus grand de Donald Trump en préservant l’amitié d’un Maduro moribond que de sauvegarder  des apparences d’intégrité et d’honneur en risquant de couler à pic avec un allié qui n’avait plus rien à offrir.


Ottawa, le 17 janvier 2019