Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Thursday, March 23, 2023

Sous l’impulsion d’une photo retrouvée - (Deuxième de trois parties)

Par Eddy Cavé

Ottawa, le 20 mars 2023

Dans la première partie de cet article, j’ai fait un très bref aperçu de l’histoire du Lycée et retracé les circonstances dans lesquelles a été prise la photo qui a inspiré cette série de trois articles. Cette deuxième partie traite de la première rangée de la photo.

LA PHOTO SOUVENIR DU 5 AVRIL 1955

De gauche à droite. Assis: Clément Amiclé Beaugé, Antoine Martineau,
Jean Laforest (censeur des études), Newton Charles(directeur), Octave
Petit, Roger Jérôme,Émile Alexis                                                                 
Debout:Antoine Jean-Charles, Gérard C. Noël, René laforest, Champana
Bernard, Alix Alcindor, Médius Noël, Pierre Jean-Denis, Gilbeau Robert.

Le corps professoral de 1955

Pour apporter une touche personnelle à cette évocation d’une tranche de l’histoire de notre ville, je cède volontiers à la tentation de dire quelques mots au sujet de chacun des 15 professeurs figurant  sur la photo souvenir. Mais déjà, les visages de deux absents me viennent à l’esprit : ceux de Vicot Samedy, mon premier professeur de latin et celui de professeur suppléant Lys Jérôme, jeune frère de Roger? Vicot était un homme de bien. Excellent pédagogue, proche des élèves de ses classes et visiblement opposé au régime de punitions rigoureuses encore en vigueur au pays. Un professeur consciencieux et compétent. Une personnalité attachante ! Quant à Lys, dont le frère aîné Roger occupait tout l’espace, il passait plutôt inaperçu.

Newton Charles : 1ère rangée,au centre, vêtu de blanc

D’apparence austère, mais jovial et bon vivant, Mèt Newton disait souvent à mon père sur un ton désabusé : « Babal mon cher, dans ce pays, l’homme sérieux est le farceur qui ne rit pas. »

Mèt Newton était un intellectuel de haut vol issu d’une famille d’avocats qui a donné plusieurs professeurs de droit, ainsi que deux bâtonniers, son père Me Louis Charles à Jérémie, et son fils Gervais Charles à Port-au-Prince. Pharmacien de profession, il a enseigné la chimie au Lycée Nord Alexis dans les années 1940 et a été appelé à la direction du Lycée en 1952.

Dans la présentation de mon livre intitulé Le langage clair et simple, un passage obligé, Gervais a évoqué une conversation au cours de laquelle son père  exprimait une vision ultramoderne de la langue que devraient utiliser les avocats et les juges.  Condamnant avec son ironie habituelle la pratique ridicule du charabia, Mèt Newton lui dit un jour : « Tu vois, Gervais, il existe deux types de charabia qu’il faut éviter absolument : le charabia simple et le charabia double. Dans le charabia simple, celui qui parle sait ce qu’il veut dire, mais ne se soucie pas d’être compris; certains s’évertuent même à ne pas se faire comprendre. Dans le charabia double, non seulement l’interlocuteur ne comprend pas ce qu’il entend, mais celui qui parle ne sait pas non plus ce qu’il dit… Le comble de la bêtise. »

Appliquant dans sa famille les principes qu’il appliquait au Lycée, Me Newton a légué à la société haïtienne des chefs de file dans diverses disciplines. Durant mes derniers séjours en Haïti, j’ai eu l’occasion de voir tour à tour le médecin, René  Charles, au poste de  président de la Fondation haïtienne du diabète;  l’infirmière, Lucile, à la tête de l’Association Nationale des Infirmières et Infirmiers licenciés d’Haïti; l’un de ses deux fils  avocats, Gervais,  comme bâtonnier de l’Ordre des avocats du Barreau de Port-au-Prince. Ce n’est pas peu dire…

Mon père et ma mère étaient presque désespérés quand Newton leur annonça en mars 1957 qu’il avait accepté le poste de Secrétaire de la Chambre des députés que son ami, le président provisoire Franck Sylvain, lui avait offert à Port-au-Prince. Lui, par contre était très optimiste, et l’avenir lui a donné raison. Aujourd’hui, je n’ai d’autre choix que de me découvrir devant son courage, sa détermination, sa foi en ses compétences et en son destin.

Jean Laforest, censeur des études en 1955

Me Jean Laforest
Censeur des études en 1955

Troisième à partir de la gauche, donc à la droite du directeur, Jean Laforest combine alors les fonctions de préfet de discipline, de professeur de mathématiques et d’adjoint au directeur. D’une énergie débordante, il parle haut et fort, use encore de la férule et est à la fois aimé, respecté et  redouté des élèves, même des turbulents. Fils de l’ancien directeur Clérié Laforest, Mèt Koy,  il aura la sagesse d’attendre patiemment son tour pour accéder à la direction du lycée après le départ de Gilbeau Robert.                     

Après avoir grimpé tous les échelons de la hiérarchie de l’établissement, pour passer d’un poste de professeur suppléant à celui de directeur, Jean Laforest a laissé un immense capital de sympathie. L‘homme aimait son métier, le pratiquait avec toute son énergie  et il s’est éteint en 2011 au terme d’une fructueuse carrière d’enseignant. Invité par la famille à faire un témoignage à  la messe de requiem chantée à Ottawa à l’occasion de son décès, je m’acquittai de ce devoir avec empressement. Et surtout avec le sentiment que je parlais au nom d’une génération complète de Grand’Anselais. Merci aussi de nous avoir légué cette photo par l’entremise de ta fille Finette.

Clément Beaugé, professeur vedette d’anglais

Clément Beaugé
Professeur vedette d'anglais

Premier à partir de la gauche, Clément Amiclé Beaugé est un pédagogue né qui a adapté la méthode Berlitz pour faire de vrais miracles à Jérémie dans l’enseignement de l’anglais langue seconde.  Sévère à l’extrême, ne reculant jamais devant les châtiments corporels, il a formé des cohortes de professeurs d’anglais et préparé des centaines d’élèves pour une adaptation relativement facile aux États-Unis.                                                

Installé à Ottawa à la fin des années 1960, Mèt Beaugé se recycle comme professeur de français langue seconde à la Commission scolaire des écoles catholiques d’Ottawa. Sa classe devient alors une sorte de vitrine où la coordonnatrice amène les jeunes professeurs observer les méthodes d’animation et d’enseignement d’un professeur qualifié de « Super Teacher ». Élégant, théâtral même, pointilleux au plus haut point sur la discipline, Amiclé n’acceptait, depuis l’époque du Lycée de  Jérémie, aucun écart de conduite ni la moindre minute d’inattention quand il entrait en classe. Parmi les futurs professeurs d’anglais sortis de sa pépinière, il faut citer Joseph René, Gérard Gilles, Windsor Joseph, Gabriel Antoine, etc.                              

Les Jérémiens de diverses villes d’Amérique du Nord défilèrent en grand nombre  à ses funérailles qui ont été chantées à Ottawa en 1995. J’avais alors une affectation à la Cour internationale de justice à La Haye, et c’est de là que j’ai eu connaissance des témoignages de reconnaissance auxquels ses funérailles ont donné lieu. À mon retour à mon port d’attache, tous les Jérémiens rencontrés en parlaient encore. Il ne reste plus de sa progéniture que sa fille Juliette. Clément, tu as bien mérité de la Patrie. Un grand merci!

Antoine Martineau, professeur de latin

Antoine Martineau

Deuxième à partir de la gauche, Mèt Tatanne était un citoyen d’une douceur infinie. On ne lui connaissait ni fredaines en dehors du lycée ni conflits avec les élèves ou leurs parents. Il faisait son boulot à la satisfaction de tous  et repartait sur la pointe des pieds. 

Il m’est impossible de parler de son enseignement, ayant quitté le lycée avant d’arriver à ses classes.Je me souviens que Mèt Tatann surveillait une salle d’examens de passage où l’on avait mis ensemble des élèves de différentes classes pour réduire les risques de copiage. J’étais assis à côté d’un élève de 4e, même si j’étais en 5e et je me hasardai à poser quelques questions à ce voisin de table pour me dépanner. Tatanne était debout dans mon dos et j’eus une peur bleue quand le bonhomme commença à me répondre à haute voix. Pendant que je m’évertue à lui dire «  Trop fort, trop fort », il me répond calmement : «  Ou pa bezwen pè. Li pa tende.» (Aucune crainte. Il n’entend presque pas.) Vraiment, la jeunesse est sans pitié !

Octave Petit, professeur d’histoire, de droit romain et de latin

Octave Petit
Prof. d'histoire et de latin 

Troisième à partir de la gauche sur la photo de groupe, Mèt  Petit était un professeur carrément atypique. Fils de l’ancien imprimeur Pétion Petit, érudit et intellectuel d’un très bon calibre, il n’a jamais été apprécié à sa juste valeur par les gamins que nous étions. Il n’en avait cure d’ailleurs. À Ti-Michel Fignolé qui chuchotait un jour pour le taquiner : « Mèt Petit pa met chosèt ! », il répondit avec son calme habituel : « Fignolé, mwen gen chosèt nan tèt mwen. M pa bezwen nan pye m.» L’homme était d’une modestie exemplaire, se contentait de peu, faisait lui-même ses courses au marché et ne se plaignait jamais…

J’ai découvert en faisant des recherches pour la rédaction de mon livre sur l’extermination des Pères fondateurs que « ce petit professeur de province » avait été  dans sa jeunesse un historien reconnu qui donnait des conférences dans les cercles littéraires et publiait dans la jeune Revue de la Société haïtienne d’histoire et de géographie. Sa conférence sur Dédé  Bazile, dite  Défilé-la-folle, est encore disponible dans la collection Gallica de la Bibliothèque Nationale de France.   

Le cofondateur de l’hebdomadaire new-yorkais Haïti Observateur, Léo Joseph, qui a fait une partie de ses études secondaires à Jérémie, m’a longuement parlé cette semaine des relations privilégiées qu’il a eues avec Mèt Octave. Intéressé très jeune à l’imprimerie, il était le seul de tous les élèves à qui ce grand solitaire ouvrait ses portes. Léo a beaucoup appris avec lui et en a gardé un très agréable souvenir.         

J’ai eu, quant à moi, des relations un peu chaotiques avec lui. D’abord, parce que je n’aimais pas l’école, ensuite parce que j’avais l’impression qu’il ne m’aimait pas. Je me suis rendu compte à l’âge adulte que je m’étais complètement  fourvoyé à son sujet. Mèt Petit méritait beaucoup plus que le régime de privations et d’austérité que le destin lui a imposé. Paix à son âme ! 

Roger Jérôme, flamboyant professeur d’histoire 

Roger Jérôme
Professeur d'histoire

Deuxième à partir de la droite sur la photo de groupe, Mèt Jérôme est sans doute le professeur le plus pittoresque de toute l’histoire de ce lycée. Et aussi l’un des plus brillants. Célibataire endurci, petit de taille,  éloquent, énergique et doté d’une verve intarissable, on ne le voyait jamais dans les soirées mondaines. Les mauvaises langues le disaient amateur de « baka », ces « bandes à pieds » qui, durant la saison du carnaval, parcouraient les rues de la ville à la tombée de la nuit et où certains notables allaient se dévoyer dans l’anonymat complet. C’était probablement  une farce de lycéen, mais on le disait pour bien des professeurs. À Port-au-Prince également, d’ailleurs.                    

On prétend aussi que, dans la rivalité que Roger Jérômel entretenait comme professeur d’histoire avec Octave Petit, son aîné, et Antoine Jean-Charles, son cadet,  il gardait chez lui les livres d’histoire de la Collection du lycée pour s’approprier en quelque sorte  le monopole des plus récentes publications. Cela créait évidemment des frictions et Ti- Jéròm s’en fichait éperdument. J’ai assisté le jour du Cinquantenaire à une discussion orageuse au cours de laquelle Antoine Jean-Charles et lui faillirent en venir aux poings. Je reviens sur cette scène dans la troisième tranche de cet article. Aux funérailles de l’ancien directeur Georges Séraphin, décédé en 1956, Mèt Jéròm prononça, tout de suite après Lucien Balmir, un hommage funèbre  qui est resté longtemps gravé dans la mémoire des Jérémiens.

Roger n’a jamais été mon professeur, mais j’ai écouté la plupart de ses conférences, de ses oraisons funèbres. C’est donc en connaissance de cause que j’atteste qu’il était brillant.  Exubérant de nature, il jouissait de la sympathie de tous et était réputé pour ses talents d’orateur, sa grande culture et pour sa générosité. Par ailleurs, il était au centre de la plupart des blagues des lycéens de la ville. Je n’ai jamais entendu dire qu’il aurait recalé un élève par méchanceté ou  par rancune.uxième à partir de la droite sur la photo de groupe, Mèt Jérôme est sans doute le professeur le plus pittoresque de toute l’histoire de ce lycée. Et aussi l’un des plus brillants. Célibataire endurci, petit de taille,  éloquent, énergique et doté d’une verve intarissable, on ne le voyait jamais dans les soirées mondaines. Les mauvaises langues le disaient amateur de « baka », ces « bandes à pieds » qui, durant la saison du carnaval, parcouraient les rues de la ville à la tombée de la nuit et où certains notables allaient se dévoyer dans l’anonymat complet. C’était probablement  une farce de lycéen, mais on le disait pour bien des professeurs. À Port-au-Prince également, d’ailleurs.                

On prétend aussi que, dans la rivalité que Roger Jérômel entretenait comme professeur d’histoire avec Octave Petit, son aîné, et Antoine Jean-Charles, son cadet,  il gardait chez lui les livres d’histoire de la Collection du lycée pour s’approprier en quelque sorte  le monopole des plus récentes publications. Cela créait évidemment des frictions et Ti- Jéròm s’en fichait éperdument. J’ai assisté le jour du Cinquantenaire à une discussion orageuse au cours de laquelle Antoine Jean-Charles et lui faillirent en venir aux poings. Je reviens sur cette scène dans la troisième tranche de cet article. Aux funérailles de l’ancien directeur Georges Séraphin, décédé en 1956, Mèt Jéròm prononça, tout de suite après Lucien Balmir, un hommage funèbre  qui est resté longtemps gravé dans la mémoire des Jérémiens.

Roger n’a jamais été mon professeur, mais j’ai écouté la plupart de ses conférences, de ses oraisons funèbres. C’est donc en connaissance de cause que j’atteste qu’il était brillant.  Exubérant de nature, il jouissait de la sympathie de tous et était réputé pour ses talents d’orateur, sa grande culture et pour sa générosité. Par ailleurs, il était au centre de la plupart des blagues des lycéens de la ville. Je n’ai jamais entendu dire qu’il aurait recalé un élève par méchanceté ou par rancune.

Émile Alexis, professeur de mathématiques et de sciences  

Me Émile Alexis

Première à partir de la droite sur la photo de groupe, Émile Alexis attire tous les regards par son élégance, son nœud papillon, sa belle stature. J’avais déjà quitté le lycée quand il y est arrivé de sorte que je ne suis pas en mesure de parler de ses relations avec ses élèves, ses  collègues, de ses compétences, etc. À l’âge adulte, j’ai fait partie de son cercle d’amis  et je garde de lui de très bons souvenirs. Les anciens élèves s’accordent pour dire qu’il était compétent, juste  et impartial dans ses évaluations. Il a quitté l’enseignement assez tôt pour se lancer dans la politique. C’est ainsi qu’on le retrouvera ainsi  comme parlementaire à la Chambre des députés sous le gouvernement de Jean-Claude Duvalier.           

Il ne semble pas qu’il ait marqué son passage au Parlement par des réalisations concrètes ni par des interventions remarquées.                                                    

Voilà pour la première rangée de photos de ce superbe souvenir de notre Jérémie des années 1950.  Nous examinons la deuxième rangée dans la troisième et dernière partie de l’article.

      FIN  DE LA DEUXIEME PARTIE  —


Sunday, March 19, 2023

Sous l’impulsion d’une photo retrouvée - (Première de trois parties)

 Par Eddy Cavé

Ottawa, le 17 mars 2023

À l’approche du 5 avril 2023, qui marquera le 118e anniversaire de la création du Lycée Nord Alexis, la diffusion de la photo souvenir des célébrations du Cinquantenaire de l’établissement est venue réveiller de leur torpeur les milliers d’anciens élèves et d’autres  Grand’Anselais vivant au pays et en diaspora. C’est grâce à la générosité de Mme Finette Tabuteau, la fille de Jean Laforest, que cette photo a refait surface après plus de sept décennies.  Les Jérémiennes et Jérémiens de partout la remercient du plus profond de leur cœur. Toutes celles et tous ceux qui  regardent cette photo essaient dans un premier temps d’identifier les visages enfouis dans leur mémoire, puis  d’y accoler un nom et de revoir ces professeurs déambuler dans les rues de la ville ou sur la Place Dumas. Les plus âgés les  revoient, un bâtonnet de craie en main, recouvrant le traditionnel grand tableau noir de formules mathématiques, d’expressions latines ou de noms d’auteurs à retenir. Que les temps ont changé !

J’ai eu le privilège de vivre de près ce Cinquantenaire même si j’avais déjà  déserté cet établissement qui se trouvait dans mon village de Nan Goudwon et à proximité de tous mes lieux de loisirs. J’étais en effet passé au Collège Saint-Louis d’où je serai éjecté rapidement pour être récupéré par le Lycée Pétion. C’est là que je ferai mes humanités et que je découvrirai le goût de l’étude, la passion de l’histoire ainsi que le militantisme politique et idéologique. Avec Marcel Gilbert, un ancien de Nord Alexis,  comme directeur  et comme professeur de philosophie au Lycée Pétion, je me retrouverai alors indirectement dans les sillons tracés par le Lycée Nord Alexis. 

Me souvenant des célébrations d’avril 1955, je ressors de mes tiroirs un article paru dans Le Nouvelliste du 5 avril 2005 dans lequel, à l’occasion du Centenaire de l’établissement,  Ary Balmir évoquait avec une nostalgie contagieuse  les moments forts de cette journée mémorable : messe d’action de grâces, banquet d'anniversaire, séances de photos, lecture publique d’une lettre de circonstance adressée par le président Paul Magloire à la direction de l’institution, au corps professoral et aux élèves. Me revoilà plongé dans l’atmosphère de cette journée de festivités.          

Après une journée riche en activités commémoratives, la direction de l’établissement avait clôturé le programme avec la présentation d’une pièce de théâtre au ciné Rex de Gérald Delaquis dans mon quartier de Nan Goudwon. L’atmosphère de réjouissance et de fraternité du moment reflétait en tous points la satisfaction de la nouvelle direction placée sous la férule du brillant avocat qu’était Me Newton Charles. Deux ans après, ce dernier abandonnait la barque  à l’invitation de son vieil ami, le président provisoire Franck Sylvain, pour s’installer à Port-au-Prince. Sous la gouverne d’Amiclé Beaugé, le lycée allait entrer dans une période mouvementée marquée par l’incendie du 17 mai 1957, l’installation provisoire de l’établissement dans une résidence privée à La Source. En procédant, en 1963, à la construction des locaux actuels, le gouvernement Duvalier rebaptisait l’établissement du nom de Lycée François Duvalier qu’il conservera jusqu’au renversement du régime le 7 février 1986. Dans l’intervalle,  Mèt Beaugé s’était établi à Ottawa et avait cédé sa place au professeur de mathématiques Gilbeau Robert.

Je n’oublierai jamais l’atmosphère d’euphorie dans laquelle s’est déroulée la soirée du Cinquantenaire du Lycée en 1955. Un véritable frisson parcourut la salle quand Mèt Netòn écarta son texte écrit pour commencer  à improviser : « Ce soir, s’exclama-t-il, je suis gris, je suis saoul. Je suis content ! » Le ton était donné et l’activité se déroula dans une atmosphère festive dont la ville gardera un souvenir amusé pendant de nombreuses années. 

LA PHOTO SOUVENIR DU 5 AVRIL 1955

De gauche à droite. Assis: Clément Amiclé Beaugé, Antoine Martineau,
Jean Laforest (censeur des études), Newton Charles(directeur), Octave
Petit, Roger Jérôme,Émile Alexis                                                                 
Debout:Antoine Jean-Charles, Gérard C. Noël, René laforest, Champana
Bernard, Alix Alcindor, Médius Noël, Pierre Jean-Denis, Gilbeau Robert.

L’arrangement floral qu’on voit  aux pieds du Directeur, la présence de l’intégralité du corps professoral et l’élégance de la tenue vestimentaire témoignent du caractère solennel des manifestations de la journée.  Je n’étais pas sur les lieux au moment où la photo a été prise, mais j’ai assisté,  durant la soirée, aux célébrations organisées au Ciné Rex sous la présidence de Me  Newton Charles. J’étais encore adolescent, mais j’en garde encore un souvenir très clair. Un souvenir à partager…

Maintenant que se sont éteintes les générations qui ont vécu l’évolution tumultueuse de ce tout premier établissement secondaire de la Grand'Anse, il importe de rappeler  quelques -uns des  grands moments de son histoire. De souligner également la contribution de ceux qui se sont battus pour cette noble cause.                                                                                                  

Le tout a commencé avec la clairvoyance et la détermination du député de la circonscription regroupant Corail, Pestel et les Roseaux, qui se battit du bec et des ongles au détour du siècle pour doter l’arrondissement de sa première école secondaire.  La création du lycée faisait partie des projets de célébration du premier centenaire de l’Indépendance, mais l’inauguration n’aura lieu que le 5 avril 1905.                                                

Par un de ces caprices bien connus du destin, Mèt Drainvil avait perdu son siège dans l’intervalle et c’est à titre d’invité d’honneur qu’il participa à l’inauguration de son œuvre. L’ancien professeur Parnell Marc se plaisait à rappeler que cette inauguration fut l’occasion d’un vrai duel d’éloquence  entre le député sortant Drainville Pierre, le député en fonctions Dutel Beauboeuf et le premier directeur du lycée, le poète, professeur et homme de loi Etzer Vilaire. Ainsi commençait la tumultueuse histoire de cet établissement qui, dans les six décennies suivantes, allait loger tour à tour, à la Haute Ville, dans l’imposant immeuble dénommé Gros Lycée, au Fond Augustin et à La Source, avant d’aboutir à sa destination actuelle, à Nan Bourette.

L'immeuble original situé dans la Haute Ville. Connu sous le nom de Gros
Lycée, il a disparu dans un incendir, de 4 janvier 2011.                                 
(Photo tirée de Mémoire de Jérémien d'Eddy Cavé)

En attendant que je constitue pour l’histoire une galerie des anciens directeurs du Lycée, j’emprunte à l’article d’Ary Balmir la liste des directeurs qui se sont succédé à la tête de l’établissement entre 1905 et 2005  : Etzer Vilaire,  Louis Arlet, Alain Clérié, Gustave Vigoureux, Camille Large, Roger Boncy, Emmanuel Ambroise, Max Duvivier, Georges Séraphin, Clérié Laforest, Newton Charles, Amiclé Beaugé, Gilbeau Robert, Jean Laforest, Jean Robergeau et Jean Divert.

Vue partielle de l'immeuble disparu dans l'incendie du 17 mai 1957

Cette brève reconstitution de la longue histoire du premier lycée de la Grand’Anse serait très incomplète si je n’y ajoutais pas la seule photo, prise en 1957, que j’ai pu retrouver d’une des promotions qu’il a formées. On y  voit :

Debout, de gauche à droite : Jacques René, Gérard Mercure, le Léo Joseph de Jérémie (pas celui d’Haïti Observateur), Jean-Claude Chassagne,  Jeannot François, Arnold Mignon, Arsène Girault, Gérard Chassagne, Donald Ferdinand. Acroupis : Andris Adonis, Eddy Vincent, Yves Michel, Antoine Blain et Lionel  Bourdeau.

On trouvera dans les deuxième et troisième parties de l’article un bref aperçu du parcours  de chacun des membres du corps professoral de 1955. Un article sur les élèves de cette promotion suivra dans un deuxième temps.

      FIN  DE LA PREMIÈRE PARTIE  —

Thursday, March 2, 2023

Ariel Henri rêvait-il d’être le Zelensky des Caraïbes

La communauté des Caraïbes n'a pas mordu à l'hameçon: c'est non!



Par Max Dorismond 

La géopolitique nous arrive parfois avec ces déconvenues qui peuvent nous surprendre les culottes baissées. 

En fait, avant la réunion de la CARICOM1, toute la conjoncture indiquait que les voisins étaient réceptifs et que Haïti allait bénéficier des faveurs des César antillais. Justin Trudeau, Premier ministre du Canada à qui l’Oncle Sam avait confié le «remote control» de la rédemption, était l’invité d’honneur. Les indices des effets pervers du banditisme haïtien sur les îles environnantes se révélaient déjà comme une encombrante épine à extraire des chaussures des membres du groupe, selon les analystes de la région. Toutes les étoiles étaient alignées en faveur de notre Ariel national. 

Coup de tonnerre! Surprise sur prise, la montagne a accouché d’une souris. Notre transitioniste s’est retrouvé le bec à l’eau. Ce fut un échec cuisant, la CARICOM s’est désistée. C’est le retour au bercail sans panache, sans sirène, la queue entre les jambes. Ajustons notre rétroviseur pour saisir l’insaisissable! 

Mi-octobre 2019, au départ de la MINUSTHA qui avait englouti près de 6 milliards de dollars dans l’île, j’avais écrit que la prochaine crise n’attendrait pas 4 ans pour montrer ses couleurs. La nostalgie du «Green back» allait donner des ailes aux faiseurs d’évènements. Ils voudraient continuer à ramer dans le beurre. 

En effet, on ne pourrait noircir d’un coup de pinceau l’eldorado qui avait pignon sur rue pendant 15 ans. Les oligarques et leurs actionnaires avaient investi des millions dans la construction d’hôtels de luxe et de châteaux des mille et une nuits à offrir aux étrangers et à leur famille. La route de la drogue traversait l’île en chantant. Les contrebandiers tant nationaux qu’internationaux étaient aux anges. La prostitution fleurissait, l’argent coulait à flots. Beaucoup de petits propriétaires louaient leur maison aux travailleurs des ONG et dormaient dans l’arrière-cour. Donc un retour des Yankees est souhaité. Une crise sur mesure sera décrétée pour ramener les dollars sous le ciel bleu de Toma. 

Le temps d’y penser, le président Jovenel est assassiné, les kidnappings se multiplient. Les armes de guerre décorent le pavé. Leurs crépitements annihilent la nonchalance. À chacun son gang. C’est le chaos. Finie la romance! 

Entretemps, « le p’tit transit », expression adorée du défunt président, va bon train. Un tweet de l’ambassade des USA a mis la table pour Ariel Henri à titre de Premier ministre. Les gangs ont beau jeu. La police ne fait pas le poids. On étale comme attendu la partition musicale. Ariel appelle au secours et frappe à la porte de l’OEA. Ses courbettes infantilisantes devant le blanc indisposent et font s’esclaffer la nation. Dans sa posture démesurée, il risque de noircir ses lèvres sur les chaussures fraîchement cirées de ses interlocuteurs. Malgré tout, les interpellés résistent et tergiversent : c’est la valse-hésitation et un soupçon de refus sans le nom. 

Entre autres, c’est la guerre en Europe. Un tapis de milliards a été déroulé pour Zelensky, le président de l’Ukraine. Ariel, en « péteur de tête2 », se croit en droit d’insister. C’est peine perdue. Vu que la rumeur rapporte qu’il avait reçu un appel de l’un des assassins de Jovenel dans la nuit du carnage, serait-ce suffisant pour semer le doute et indiquer à ses interlocuteurs étrangers qu’il n’est pas fréquentable? Le ciel nous le dira. 

Par contre, je peux noter que mon pays est un mendiant historique qui ne fonctionne qu’avec l’obole des institutions internationales. Aucun dirigeant ne peut mettre un pied devant l’autre sans présenter sa gamelle au maître blanc. Pour boucler son budget annuel, l’aide étrangère est toujours là à titre de béquilles. Or, à y  voir clair, c’est vraiment un puits sans fond, sans garantie de résultat. La face d’Haïti crie toujours famine au point d’irriter les bailleurs de fonds. 

Toutefois, j’avais tiré la sonnette d’alarme dans un de mes articles, en parodiant un proverbe burkinabé : «On ne marche pas deux fois sur les couilles de l'aveugle ». C’était une façon de souligner que les donateurs ne sont pas des cons, quant à la masse d’argent évaporée, envolée, au nom de la reconstruction de l’île sinistrée, après le séisme de 2010. Peut-on leur reprocher leur inaction? 

De désaveu en désaveu, de courbette en courbette, Ariel se tourne vers les cousins des Antilles : La CARICOM. Il y eut un début d’enthousiasme avant la 44e réunion du 16 février. Notre Premier ministre se voyait déjà en un Zelensky des Caraïbes, récoltant dollars après dollars, aide militaire et policière, etc. 

Pourtant, ce fut un «non» sonore et tonitruant qui est venu réveiller notre premier citoyen. Les 15 de la Caraïbe n’ont pas mordu à l’hameçon. Ils prétendent, en chœur, que le problème haïtien est une affaire interne. Les armes ne seront d’aucune utilité. Qu’ils s’entendent entre eux! 

Qu’est-ce qui est arrivé? L’inconstitutionnalité de notre Ariel, la suspicion dans l’assassinat de Jovenel, le pillage systématique des dons antérieurs, l’échec de l’aide étrangère dans ce trou merdique, sont-ils les raisons de la fermeture de toutes les portes devant nous? 

Si oui, notre chien est mort et enterré! Impossible de remettre le dentifrice dans le tube. Le temps est venu, pour la première fois pour nos dirigeants, depuis Estimé, de gérer la nation sans soutien économique externe. Se rèl kay  Makorèl! 

Max Dorismond


 



–NOTE –

1 - La Communauté caribéenne, ou Communauté des Caraïbes en abrégé CARICOM ou CC

2 – « Péteur de tête » : De quelqu’un qui s’illusionne (en créole Aysyen

Thursday, February 16, 2023

Quand un médecin d’origine haïtienne casse la baraque

Dre Ferdinand s'est jointe au Fonds 1804 pour stimuler des vocations


Par Max Dorismond 

Ah, le «Mois de l’histoire des Noirs » tient à nous faire connaître les génies altruistes de la race! Je dis «Bravo»! 

Aujourd’hui, le focus est mis sur une jeune dame, médecin spécialiste de sa profession, cheffe de Service de rhumatologie au CCSMTL  (CIUSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal) et professeur à la Faculté de Médecine de l’Université de Montréal. Elle a rendu des services incommensurables dans son domaine, en concrétisant le rêve de plusieurs afro-descendants du Canada. Son nom : Isabelle Ferdinand. 

Fille des époux Ferdinand (Jacques et Agnès), deux amis originaires de Jérémie, élevée à Sainte-Julie, une banlieue sud de Montréal, Dre Ferdinand a aidé à changer le statu quo en contribuant à modifier un tableau qui l’avait plus ou moins ostracisée au cours de son apprentissage en médecine à l’Université Laval à Québec : la solitude qu’elle a connue en étant l’unique étudiante noire de sa promotion de 200 inscrits. 

En effet, elle n’est pas la seule à avoir vécu cette situation d’isolement. Ma fille, Sarah-Jane et deux de mes nièces qui sont également médecins aujourd’hui, s’étaient plaintes de cette absence au cours de leurs études médicales à l’Université de Montréal et à Mc-Gill. Un état de fait qui s’expliquait en raison des exigences académiques à l’entrée (notes presque parfaites depuis le secondaire, examen et entrevue orale, lettre de motivation, etc), la masse de connaissances à engranger et la durée des études qui désarçonnaient plus d’un. Ces particularités avaient toujours effrayé pas mal de prospects. Malheureusement, aucun mouvement n’a été initié pour enrayer leur phobie ni les encourager à tenter le diable. C’est un sentiment d’exclusion, qui, surtout chez les jeunes, aurait incité à un repli sur soi. 

Dre Isabelle Ferdinand

Heureusement, Dre Ferdinand a réagi à l’envers du décor. Elle s’est attelée à la tâche avec acharnement et a frappé à toutes les portes pour reformater le disque. Elle s’est jointe à des organismes dédiés et prometteurs, tel celui d’Édouard Staco, «Le Fonds 1804 pour la persévérance scolaire». Elle a démystifié la profession, annihilé la peur chez les éléments de sa race, et s’est offerte en exemple. 

Il en est résulté qu’en 2023, les deux plus grandes universités du Québec, l’Université de Montréal et de Mc-Gill ont ouvert les portes de leur faculté de médecine à 40 étudiants noirs. C’est un exploit et une victoire inédite, au point que plusieurs journaux en ont fait leurs choux gras, surtout à une époque où tout le Canada manque cruellement de médecins. Souhaitons que ce ne soit pas une ligne tracée dans le sable. 

Au plaisir du partage, je vous laisse le lien ci-dessous pour vous donner une plus ample idée des prouesses de Docteure Isabelle Ferdinand, rapportées par un des magazines de sa profession. Bonne lecture et joyeux «Mois de l’Histoire des Noirs»: Docteure Isabelle Ferdinand, modèle de toute une génération.


Wednesday, February 8, 2023

Le deuxième discours de Joe Biden sur l'état de l'Union

Joe Biden promet de finir le travail 

Le président Joe Biden a prononcé mardi soir son deuxième discours sur l'état de l'Union. Face à un Congrès divisé, il a tenté de faire passer un message d'espoir, en disant  aux républicains qu'il veut travailler ensemble au lieu de "se battre pour le plaisir de se battre.

M. Biden a cherché à établir un lien avec les Américains en abordant divers problèmes ayant un impact sur la classe moyenne. Les soins de santé et l'économie ont été au cœur de son discours, alors qu'il préparait le terrain pour une réélection prévue en 2024. M. Biden a également attiré l'attention sur la réforme de la police, les anciens combattants et les infrastructures. Les tensions ont parfois augmenté dans la salle de la Chambre lorsque certains républicains l'ont chahuté au sujet des réductions de dépenses, mais le président n'a pas semblé ébranlé. 


Le retour du “Made in America”, et des "emplois bien rémunérés" : Joe Biden, qui envisage de se représenter en 2024, a tenté, mardi 7 février, devant le Congrès, d'insuffler un message d'espoir et de prospérité économique, à une Amérique morose.


À la peine dans les sondages, Joe Biden a joué la carte du pragmatisme, faisant l'étalage - dans les détails les plus précis - de ses grands projets de loi censés ramener ces emplois en Amérique, améliorer la vie des seniors, supprimer les frais bancaires abusifs...


Président Biden dans la chambre des représentants

Visiblement à l'aise depuis le perchoir de la Chambre des représentants, un Joe Biden combatif s'est même payé le luxe d'ironiser sur les républicains, partisans d'une orthodoxie budgétaire, qui ont plus d'une fois hué son discours. "Laissez-moi vous dire, j'aime convertir les gens" à mes idées, s'est-il amusé.

"L'âme" de l'Amérique

Face aux parlementaires, le démocrate a aussi réclamé de pouvoir "finir le travail", en concrétisant les promesses qui l'ont porté à la Maison Blanche : guérir "l'âme" de l'Amérique et "unifier le pays". Quitte à faire des promesses irréalisables avec une majorité républicaine à la Chambre : l'interdiction des fusils d'assaut "pour de bon", une "taxe minimale" sur les milliardaires.... 


Car sur cette grande allocution annuelle de politique générale, par laquelle tout président américain remplit son obligation constitutionnelle d'informer le Congrès, plane déjà la perspective de la présidentielle de 2024.


La liste des invités de la Maison Blanche en donne un aperçu. Sont présents dans l'hémicycle les parents de Tyre Nichols, jeune homme afro-américain mort après avoir été passé à tabac par des policiers à Memphis ; un couple de lesbiennes ; et une Texane qui a failli mourir des suites d'une fausse couche, les médecins ayant refusé de la traiter de peur de violer une loi limitant l'avortement.


Les États-Unis sont "en meilleure position que n'importe quel pays dans le monde" pour relancer leur économie, malgré les effets de la guerre en Ukraine et du Covid-19, a assuré le président américain dès le début de son discours sur l'état de l'Union.


Pour cette traditionnelle allocution de politique générale, Joe Biden a promis devant les parlementaires d'œuvrer pour les "oubliés" de la croissance.  "Durant des décennies, la classe moyenne a été écrasée", a-t-il déploré. "Les emplois bien rémunérés partaient à l'étranger, les usines fermaient", a-t-il énuméré.  "Je me suis présenté pour vraiment changer les choses, pour être certain que l'économie fonctionne pour tous afin que chacun puisse être fier de ce qu'il fait", a-t-il déclaré.


Visiblement à l'aise depuis le perchoir de la Chambre des représentants, un Joe Biden combatif s'est même payé le luxe d'ironiser sur les républicains, partisans d'une orthodoxie budgétaire, qui ont plus d'une fois hué son discours. "Laissez-moi vous dire, j'aime convertir les gens" à mes idées, s'est-il amusé.


Rare manifestation d'unité dans une Amérique extrêmement divisée : l'entrée de Joe Biden dans l'hémicycle a été, à quelques exceptions près, saluée par une ovation debout.


"Déclin"

Tout au long de son allocution, le dirigeant a tenté d'aborder des sujets susceptibles de mobiliser les Américains, qui, selon les sondages, ne veulent pas d'un second match entre lui et Donald Trump en 2024.


Déjà en campagne, le milliardaire républicain se présente en homme providentiel, seul capable de sauver l'Amérique d'un "déclin" généralisé. Et commentait mardi en direct le discours de Joe Biden sur son réseau social, Truth Social. "Il a l'air très énervé, crie dans le micro, alors qu'il tente d'être conciliant" a-t-il moqué. L'ancien président veut capitaliser sur la réelle déprime de la première puissance mondiale.


Mardi, Joe Biden a au contraire voulu se donner le rôle d'optimiste en chef. Il a assuré que la démocratie américaine, bien que "meurtrie" comme l'a montré le 6 janvier 2021 l'assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump, restait "préservée et inviolée."


Peu de temps après son discours, Sarah Huckabee Sanders, gouverneure de l'Arkansas, a présenté la réfutation du GOP dans un discours combatif qui contrastait fortement avec Biden et sa politique.


Sources combinées

Tuesday, February 7, 2023

Les Haïtiens dans l’enrichissement de leur pays d’adoption

Lancement de l'ouvrage du Dr. Samuel Pierre:
« Ces Québécois venus d'Haïti »

Max Dorismond 

Demandez à un psychologue pourquoi les Haïtiens en exil contribuent tant à meubler, à développer leur pays d’accueil, tandis que, chez eux, on dénote, depuis des lustres, le chaos perpétuel, la culture de l’indigence, l’irresponsabilité débridée, et la dégénérescence collective? 

Sans ambages, il vous répondra que c’est le propre de l’homme de se prouver, de se dépasser, d’enrichir son milieu pour le bien-être commun, etc… S’il ne le réalise pas, à plusieurs degrés, c’est qu’un sentiment de révolte aurait plombé ses motivations pour l’entraîner dans le sens opposé de l’idéal existentiel. 

Cette interrogation m’a effleuré l’esprit, en lisant dans un quotidien de Montréal, un article 1 qui explore l’apport des Québécois d’origine haïtienne, dans le cadre du «Mois de l’Histoire des Noirs2»; en particulier, leur contribution au développement du Québec pendant la «Révolution Tranquille3». 

En fait, c’est une réalité indéniable. Cette assertion n’est pas seulement l’apanage de nos congénères au Canada. C’est partout! Un mois ne s’égrène dans l’année sans qu’une nomination extraordinaire de fils ou de filles d’Haïti, ne vienne réchauffer le cœur de la communauté, tant leur collaboration, leur intelligence, leurs capacités les prédestinent à briser les barrières pour conforter leur enracinement. 

Simplement, en ce mois de février 2023, notre compatriote Wiener Kernisan, président de la filiale américaine d’Arianespace, depuis 2016, a reçu l’illustre Ordre National du Mérite français des mains de l’Ambassadeur Philippe Étienne, pour ses grandes réalisations pour la France et l’industrie spatiale française. Notre amie, Madeleine Féquière, a été nommée consul du Canada à Chicago. Et on continue! Nous venons d’apprendre la désignation de l’un des nôtres par Ottawa au titre de juge à la Cour supérieur du Québec, le professeur de droit de 35 ans de l’université Mc-Gill, Alexandre Bien-Aimé Bastien. « Il est le premier homme noir à siéger à cette cour.  Plusieurs acteurs du monde juridique ont salué la nomination d’un juriste souvent cité comme l’un des meilleurs de sa génération ». À la fin de l’année 2022, Claudine Guay a été choisie pour gérer la prestigieuse Harvard University aux États-Unis, l’une des meilleures universités au monde, après 400000 consultations des anciens harvardiens. Qui dit mieux! 

Pour le Québec, je vous invite à lire le magistral ouvrage d’une autre sommité, le Dr Samuel Pierre, «Ces Québécois venus d'Haïti (mai 2007) », pour saisir l’ampleur et la magnanimité de ces architectes colorés, qui ont richement contribué à la naissance du Québec moderne, et ce, dans tous les domaines. 

Suite à cette édifiante lecture, qui apporte un zeste de confiance à notre collectivité grâce à ses compétences, on pourrait se demander, si nous ne sommes pas tout bonnement condamnés à la performance pour masquer le drame, le déchirement, et l’échec qui habillent notre terre de naissance? 

Pressentant déjà, au prime abord, l’hésitation des employeurs, bien au fait de notre faillite collective, à nous confier la clé de leurs actifs, de leurs investissements, on se défonce pour conjurer la noire prémonition et faire triompher la logique de l’utile et de l’agréable, au point de crever tous les plafonds de verre, sans distinction. Et ceci, point n’est besoin d’un psychologue pour nous l’expliquer! L’orgueil en rivalité a chapeauté le rêve pour dessiner un tableau différent de la perception de l’autre. Ce qui a fini par être très payant à long terme. 

Pour revenir à notre chez-soi, nous avions, sans distinction aucune, condamné nos dirigeants, souligné leur incompétence crasse, décrié leur amour pour les rapines, dénoncé leur filouterie inconsciente, dessiné à l’encre rouge leur médiocrité sans bornes, etc… Mais, nous détenons la preuve qu’à l’extérieur, hors du cadre national, nos compatriotes brillent de tous leurs feux, étouffant le concert éreintant des éternelles critiques. 

Ne désespérons point! Haïti, un jour, doit renaître de ses cendres. L’espoir sommeille dans sa diaspora, qui ne rêve que de ressusciter le moribond, d’occulter toutes les perceptions négatives à l’endroit de cette île autrefois magique. Souhaitons simplement qu’elle y retourne en une masse critique pour pouvoir changer l’ordre des choses. 


Max Dorismond


– NOTE –

 1 — L’article en question : https://journalmetro.com/actualites/montreal/2616009/ces-haitiens-qui-ont-bati-le-quebec-pendant-la-revolution-tranquille/ 

2 — Mois de l’histoire de Noirs : Le mois de l’histoire des Noirs est une commémoration annuelle de l’histoire de la diaspora africaine. Lancée pour la première fois aux États-Unis en 1976 par le président américain Gérald Ford, la commémoration se tient chaque année au mois de février. (Wikipédia)

3 — Révolution Tranquille : L’expression Révolution tranquille désigne une période de réformes importantes et de modernisation de l’État québécois dans les années 1960. Cette période de l’histoire du Québec est communément assimilée au gouvernement Jean Lesage, élu en juin 1960 et défait en juin 1966. (Wikipédia).