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Le campus de l"ISTEAH au coeur du projet PIGRAN du GRAHN à Génipailler, Milot, Haïti |
Par Max Dorismond
J’ai souvenance encore du
premier livre que je m’étais procuré à mon arrivée au Canada dans les années 70,
dans la première librairie visitée. Ce fut le best-seller d’Alain Peyrefitte :
Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera. Un titre prémonitoire, à
glacer aussi le sang, vendu à plus de 2 millions d’exemplaires. En ce
temps-là, la pauvreté démesurée, la misère innommable, avaient croisé leurs
jambes sur le cou de ces braves gens, tout droit sortis de la révolution de Mao
Zedong, au point qu’au Québec, je m’en rappelle encore, on invitait les
écoliers à compiler des cennes noires à envoyer à titre de dons aux petits
Chinois.
Quel message, en réalité,
véhiculait ce titre accrocheur ? Dans ses interviews de l’époque,
Peyrefitte résumait son œuvre en quelques mots : Quand on impose l’enseignement
obligatoire à tout un peuple, il est condamné à prospérer, à se dépasser, per
fas et nefas ! En effet, la scolarisation, qu’elle soit formelle ou informelle, est essentielle
pour permettre aux individus de comprendre le monde qui les entoure, de
développer leur esprit critique et de participer activement à la société. Justement, Mao
y croyait et prescrivait l’instruction généralisée en mandarin1 à tous ses congénères. Et la preuve nous
crève les yeux aujourd’hui ! En moins de 50 ans, la Chine est connue
comme la deuxième puissance au monde, après les USA. L’école mène à tout. Sans
surprise, les petits Chintoks peuvent nous rendre la monnaie de nos piécettes.
Laissons la Chine et
regardons un peu chez nous. Qu’avons-nous fait après notre révolution en 1804 ?
Justement, le contraire
des Chinois. Les rares institutions de langue française érigées dans la
capitale étaient réservées à une élite prédatrice qui n’avait de bourgeoise que
le rêve. La masse des damnés était parquée à la campagne pour cultiver la terre,
comme auparavant, loin de toute instruction, en dehors des chemins de
l’émancipation, d’où la frustration généralisée, la perte de confiance en son
frère de combat, dans le Nouveau Monde naissant. S’ensuivit le résultat que
nous partageons par les temps qui courent : un pays exsangue, dangereux, sans
gouvernement, sans administration, embrayé en marche arrière pour le pire et
l’exil en finalité, contribuant à l’anéantissement de la société.
Pour sauver la mise, aujourd’hui,
certains esprits éclairés, tels que le Dr Samuel Pierre et d’autres, dans une
dynamique de rationalité, envisagent de fonctionner à l’envers de l’histoire
pour doter la nation de moyens d'enseignement, où les laissés pour compte devraient
bénéficier des avantages du télé-apprentissage (via internet). C’est ainsi que
s’est installé ISTEAH2, dans
plusieurs recoins du pays pour mettre l’excellence au service du bien commun,
avec des cours de premier cycle (Bac), de maîtrise et jusqu’au niveau du doctorat,
supportés par plus de 200 professeurs bénévoles à travers le monde. Car l’instruction joue toujours un
rôle clé dans la réalisation du progrès. Elle fournit les outils nécessaires
pour avancer et s’adapter aux changements.
La Grand-Anse est la
dernière étape, puisque toutes les localités de l’île sont presque toutes
branchées. Et ce n’est pas tout. Comme la Cité du Savoir construite dans
le Nord par le GRAHN3, le
vaisseau amiral dont dépend l’ISTEAH, nous rêvons aussi d’une telle entité pour
le GRAND-SUD, aux fins d’encadrer, avec cet outil d’ingénierie sociale, les
petits surdoués qui s’ennuient dans l’arrière-pays. Voilà un lien qui renseigne
sur la dernière collation des grades de l’ISTEAH le 31 mai dernier : https://lescientifique.org/haiti-forme-ses-cerveaux-51-diplomes-engages-issus-de-listeah
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Mme Nadia Lucien |
Grâce à la bienveillance
de certains Grand’Anselais et d’autres amis, nous avons pu réunir un pactole
assez généreux pour concrétiser ce rêve dans le mortier du réel, en créant un
espace d’émancipation intellectuelle et d’épanouissement égalitaire. Nous
saluons, entre autres, l’apport de Mme Nadia Lucien, une femme d’affaires
de la région, qui a mis sa propre demeure à notre disposition, moyennant des paiements
symboliques. Nous lui disons mille fois : merci !
Très bientôt, vous serez
invités à participer à l’inauguration de l’implantation de l’ISTEAH à Jérémie.
Une date vous sera fournie, de même qu’un lien Zoom pour tous ceux qui ne
peuvent être sur place.
Max
Dorismond
–NOTES—
1
— Le mandarin standard appelé Putonghua était activement promu comme langue
commune pour unifier le pays, notamment dans l’éducation… Avant, la Chine
utilisait plus de 500 dialectes.
2
— ISTEAH : « Institut des Sciences des Technologies et des
Études avancées d’Haïti »
3
— GRAHN : « Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti
Nouvelle »