Arlette Caidor |
Chacun de nous porte en soi la connaissance que la mort est à la fois inévitable et inéluctable. Cette certitude nous accompagne depuis notre naissance. Pourtant, accepter cette réalité, particulièrement lorsqu'il s'agit de perdre un être cher, demeure une épreuve difficile. Nous espérons tous une longue vie, mais la durée de chacun varie. Nous aspirons à un monde paisible, sécurisé et exempt de mauvaises surprises. Cependant, les tragédies nous rappellent brutalement la vulnérabilité de notre propre existence.
Aujourd'hui, nous nous réunissons pour rendre un dernier hommage à Arlette Caïdor, qui a été une épouse, une mère, une éducatrice, une linguiste, une éminente speakerine de radio, ainsi qu'une sœur et une amie précieuse. Avant tout, elle était une femme exceptionnelle. L'annonce de son décès a provoqué un profond émoi au sein de la communauté haïtienne d'Orlando, semblable à une onde de choc. Cette nouvelle a été un choc inattendu, marquant une perte soudaine et inopinée.
Bien que nous savions qu’elle n’était pas en grande forme, nous l’avions visitée bien avant son intervention chirurgicale il y a quatre mois. Après l’opération, nous restions en contact régulièrement par téléphone, et elle semblait se rétablir progressivement. Malheureusement, nous avons appris qu’elle est décédée des suites d’un AVC, aussi connu sous le nom de “stroke”.
L’esprit humain aura toujours du mal à accepter pleinement la mort. Parler d’Arlette dans ces circonstances peut sembler étrange, tant sa disparition nous paraît inconcevable.
Lorsque quelqu'un de cher comme Arlette nous quitte, le vide laissé est immense, et nous faisons face à une tristesse profonde. Pourtant, bien que la perte d’Arlette soit un chagrin immense, cela ne doit pas nous faire oublier le bonheur d’avoir eu la chance de la connaître.
Arlette au studio de RCI - Juin 2006 |
Depuis quelques mois, Arlette était touchée par une maladie cruelle qui dégradait lentement son corps et son esprit, la repliant sur elle-même comme dans une prison. Cependant, après avoir affronté cette épreuve avec courage, elle retourne aujourd'hui à la terre, l'élément naturel qui l’a vue naître et grandir. Son voyage terrestre, comme le nôtre, touche à sa fin, marquant un parcours rempli de hauts et de bas, de joies et de peines, de rires et de regrets.
Cette perte nous affecte tous profondément. Cependant, nous devons chérir les souvenirs qu'elle nous a laissés et l'impact considérable de sa personnalité. Son exemple de vie restera à jamais dans nos cœurs.
Souvenons-nous de sa voix captivante sur les ondes de Radio Classique Inter pendant plus d'une décennie. Rendons-lui hommage en suivant son exemple : en nous investissant comme elle l'a fait pour les autres, en étant aussi dévoués et productifs dans nos propres domaines.
Maintenant, au nom de Dr Maryse Nau, administratrice de Radio Classique Inter, permettez-moi de retracer brièvement le parcours d’Arlette Caïdor. C’est moi qui l’ai introduite à Radio Classique Inter.
Je me souviens de ma première rencontre avec Arlette à Jérémie, vers les années 1972-1974, à l’Alliance française. À l’époque, j’avais environ 16 ans, tandis qu’Arlette, un peu plus âgée, frôlait la vingtaine.
L’Alliance française, située au Morne l’Hôpital non loin de chez moi, était un centre culturel dynamique, semblable à l’Institut français de Port-au-Prince. Elle offrait aux jeunes de Jérémie l’opportunité de s’épanouir en français à travers des conférences, des expositions, du théâtre, du cinéma, et bien plus encore. Arlette y apportait son soutien, souvent en compagnie de Gérard Bordes, le coopérant français de l'époque. Je la voyais souvent à l'Alliance, soit en train de lire, soit d'aider les jeunes passionnés de littérature. Bien que nous ne soyons pas devenus amis proches, nous nous saluions, et je l'ai vue participer activement aux événements culturels de la ville.
Arlette Caidor
8 Fév 1949 - 27 Avril 2014 |
En 1975, mes parents quittèrent Jérémie pour s'établir à Port-au-Prince, et depuis cette époque, je n'ai plus eu l'occasion de revoir Arlette. Elle avait, elle aussi, quitté Jérémie en 1981 pour rejoindre la capitale. La vie trépidante de Port-au-Prince nous a séparés, et nous ne nous sommes pas retrouvés avant mon départ d’Haïti en 1995.
Entre-temps, Arlette avait enseigné le français et les sciences sociales au Collège Etzer Vilaire de Jérémie. À son arrivée à Port-au-Prince, elle a poursuivi sa carrière comme professeure d’études sociales et de français au Collège Grégoire Eugène. Dans les années 76-78, elle rejoint la Faculté de Linguistique Appliquée (anciennement Centre de Linguistique Appliquée), où elle obtient son baccalauréat. Elle devient ensuite professeure et formatrice à l’Institut Pédagogique National (IPN). Elle reçoit par la suite des bourses pour poursuivre ses études à l’Université Harvard, à l’Université du Texas, et à l’Université d’Albany à New York, où elle décrocha également une maîtrise en Éducation. Elle enseigna à la Faculté des Sciences Humaines de Port-au-Prince de 1994 à 2001 et fut professeur de langue française à l’Université Quisquéya de 2000 à 2001. Arlette participa également à des cours et séminaires en France, en Provence, pour la recherche et la diffusion de la langue française, et reçoit un certificat d’études supérieures en français de l’Université des Antilles en Guyane française. Les témoignages recueillis attestent qu'elle était une spécialiste aguerrie des méthodologies d’enseignement des langues nationales. Bien que petite de taille, elle était une grande dame, semblable à « une pièce de Kannon ».
Après une séparation de 26 ans, soit plus d’un quart de siècle, mes retrouvailles avec Arlette Caïdor eurent lieu à Orlando en juillet 2001, lors d’une de mes émissions hebdomadaires sur Radio Classique Inter, intitulée « Carrefour des Étoiles ».
L'équipe de Carrefour des Etoiles en 2002 à Radio Classique Inter ( G vers D) Herve Gilbert, Fernande Gilbert, Arlette Caidor, Soeurette Lespérance et le poète Joseph B. Fanfan. |
C’était une émission dédiée à la culture, enrichie par la participation des auditeurs par téléphone. Un jour, Arlette Caïdor appela le studio, et sa contribution ce jour-là fut remarquable. Elle fit une intervention brillante sur les ondes, offrant des analyses perspicaces sur notre sujet du jour. Ce jour-là, nous formions un trio animé : Soeurette Lespérance, notre poète bien connu Joseph B. FanFan, et moi-même. Avant de raccrocher, je lui ai demandé de rester en ligne et, hors antenne, je l'invite à nous rejoindre pour notre prochaine émission. Arlette accepta avec enthousiasme, et elle devint rapidement une co-animatrice de notre programme.
Une anecdote amusante : lors de sa deuxième participation, Gérard Bernadel, un employé de la radio, fit spécialement le déplacement pour la rencontrer. Après leur rencontre, Bernadel ne put cacher son admiration, murmurant : « Hervé, se li menm ki Alèt la ! Hoho ! Pou jan dam sa a ap kraze radio ak vwa li, a pa se yon ti dam… Oho, mwen sezi… M te konprann se te yon jenn ti fi wi. »
Mes chers amis, avec sa voix, sa diction et son intervention derrière le microphone de Radio Classique Inter, Arlette était tout simplement exceptionnelle. Sa voix, puissante et envoûtante, pouvait même ébranler les saints… une voix tonitruante, résonnante comme celle d’une femme de 20 ans.
L'adolescente Arlette |
Les difficultés ne l’ont jamais arrêtées dans ses grandes entreprises. Arlette Caïdor n’a jamais déçu ceux qui croyaient en ses idéaux de rayonnement et de bien-être. Elle n’a pas cherché à changer le monde comme une révolutionnaire, mais à améliorer la vie de chaque personne croisant son chemin.
À travers Radio Classique, Arlette a réussi à transmettre bien plus que sa voix. Elle a partagé son caractère combatif, sa détermination, sa joie de vivre et, surtout, son exemple inégalé de manière de concilier vie familiale, activités sociales, carrière professionnelle et engagements associatifs, le tout avec un amour inépuisable pour les autres.
Après la perte d’un être cher, il est normal de se sentir vulnérable pendant des mois, surtout si cette personne occupe une place importante dans notre quotidien. Les sentiments sont confus : solitude, emploi du temps bouleversé, vide intérieur et perte des repères.
Sophiane, en tant qu’unique fille, tu fais face aujourd’hui à une épreuve ardue : vivre sans ta maman. Mais de cette douleur émergera une lueur d’espoir et de réconfort. Ceux qui perdent des êtres chers ont besoin de consolation, d’espoir et de réconfort. Les Écritures nous rappellent : « C’est pourquoi, exhortez-vous réciproquement, et édifiez-vous les uns les autres, comme en réalité vous le faites » (1 Thessaloniciens 5 : 11). Il y a toujours de l’espérance dans l’avenir. Trouve réconfort et assurance, et reste motivée en pensant intensément à l’avenir et à la signification de la vie. Sois attentive à la recommandation biblique de veiller spirituellement.
Arlette, ce n’est pas un adieu que je t’adresse aujourd’hui, mais une reconnaissance éternelle. Tu resteras à nos côtés, comme un personnage formidable et un exemple que nous continuerons d’aimer.
Tu es désormais sur l’autre rive, reposant dans la sérénité que tu désirais tant. Nous resterons toujours fiers de toi. Là où tu es, nous te remercions pour ton amour, ton amitié et ton exemple. Tu demeureras toujours dans nos esprits et nos cœurs.
Au nom de l’équipe de Radio Classique Inter et des membres du conseil d’administration avec qui tu avais formé une seconde famille, je présente mes sincères condoléances à Sophiane, à ton frère Daniel Caïdor, à ta sœur Michelle Caidor, ainsi qu’à tous les proches et amis touchés par ce deuil.
Que ton âme repose en paix !
Hervé Gilbert
herve.gilbert@gmail.com
NB:Oraison funèbre écrite et lue par Herve Gilbert à l'Eglise Beracah II French Seventh-Day Adventist Church d'Orlando au nom de Radio Classique Inter ce 11 Mai 2014
Merci beaucoup pour cet hommage à Arlette Caidor. J'ai très peu connu ma tante, mais je suis heureuse d'avoir eu la chance de lire cette courte biographie.
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