Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Saturday, August 23, 2025

Jérémie fait ses adieux à Mgr Willy Romélus, bâtisseur d’espérance

Vue de la nef de la cathédrale accueillant la dépouillle de Mgr Romélus


Par Hervé Gilbert

Sous les voûtes inachevées de la cathédrale « Notre-Dame de la Médaille Miraculeuse », Jérémie a fait ses adieux à l’un de ses fils les plus illustres : Mgr Joseph Willy Romélus. Un adieu empreint de ferveur et de poésie, à l’image d’un homme qui sut transformer la foi en œuvre et l’espérance en architecture vivante.

La dépouille de Mgr Romélus à l'église Ste-Héléne
Une courtoisie de J-Com

Le 21 août 2025, Jérémie s’est arrêtée, comme saisie par l’éternité. La cité des poètes et des cathédrales, bercée par le vent de la mer et la rumeur des collines, s’est enveloppée d’un silence vibrant, où battait le cœur d’une douleur partagée. Ce jour-là, la Grand’Anse disait adieu à un pasteur infatigable, éclaireur d’âmes et bâtisseur de pierres vivantes.

De tous les horizons, enfants de Jérémie, exilés ou enracinés, se sont rassemblés pour ce dernier hommage, porté jusqu’à eux grâce à la retransmission télévisée de J-Com. Tôt le matin, dans l’église paroissiale Sainte-Hélène, sa dépouille reposait, exposée à la ferveur d’un peuple, auréolée d’une dignité qui transfigurait la douleur. Puis s’ébranla la procession : prêtres et diacres en habits liturgiques, autorités, fidèles anonymes et figures notables, tous unis dans la lente avancée d’un cortège devenu prière.

Vue partielle de l'assemblée à la cathédrale Miraculeuse

La cathédrale inachevée devint arche d’émotion. Sous ses voûtes débordantes, les chants liturgiques s’élevaient comme des flammes vers le ciel, entrelacés de témoignages vibrants. La liturgie, présidée par Son Éminence le cardinal Chibly Langlois, entouré de Mgr Gontran Décoste et de prélats venus de tout le pays, prit l’allure d’une offrande nationale. Dans ce lieu encore inachevé, mais déjà sanctifié par la ferveur, une certitude s’imposait : la mort ne saurait clore l’œuvre d’un semeur d’espérance. Parmi les allocutions, celle de Louis Gérard Gilles, membre du Conseil Provisoire de Transition et fils de la cité, marqua les esprits en retraçant le portrait d’un guide inoubliable.

Car on ne célébrait pas seulement l’homme de foi, mais aussi l’artisan de lumière. Son épiscopat fut une semence féconde : écoles, collèges, facultés, institutions surgirent comme des forêts portées par son souffle visionnaire. De ses mains jaillissaient non seulement des prières, mais des chantiers. De son cœur naissaient non seulement la foi, mais la conviction que la dignité se nourrit de savoir.

Pour Jérémie, sa disparition est une blessure vive, mais son héritage se dresse comme une forteresse. Mgr Romélus ne fut pas seulement un pasteur : il fut un bâtisseur de ponts entre la foi et la vie, un éclaireur qui transforma la persévérance en chemin et le courage en boussole.

Ces funérailles n’ont pas seulement salué le départ d’un serviteur ; elles ont révélé la permanence d’une vision. Le glas a sonné pour l’homme, mais son nom demeure comme une étoile fixée au firmament des générations. À Haïti tout entière, il lègue ce testament silencieux : foi, éducation et constance peuvent, même dans l’adversité, bâtir non seulement une communauté, mais une éternité.

✍️ Hervé Gilbert

   

Une courtoisie de J-COM



Monday, August 18, 2025

ISTEAH-GRAND’ANSE : l’ancrage décisif


Par Max Dorismond 

L’inauguration de l’installation du site de l’ISTEAH (L’Université en ligne), dans la Grand’Anse, se tiendra à Jérémie le vendredi 22 août 2025, de 16h à 18h.

Voilà le lien ZOOM : https://us02web.zoom.us/s/82206915609

 Il y a 50 ans de cela, certains compatriotes et moi avions traversé les frontières de l’Amérique avec les bagages minces et des rêves pleins la tête. La modernité de l’époque s’offrait à nous, et nous étions plus ou moins satisfaits. Cependant, l’absence de comparaison avec notre chez-nous venait, dans notre réflexion, endiguer cette jubilation primaire au point de troubler notre sommeil.

Le temps s’est écoulé. Nous étions juges et gérants d’estrade à la fois pour dénoncer les lacunes de notre sous-développement en maudissant tous ceux qui étaient aux commandes, là-bas. En faisant le tour de la basse-cour, mille projets sans lendemain étaient demeurés lettre morte, et le pays s’étiolait à petit feu, faute d’acteurs sérieux et honnêtes pour se mettre au gouvernail. 

Violence, corruption, crimes, une trilogie de maux et leurs charges émotives venaient chambouler notre méditation au quotidien à la recherche de la cause à éplucher, à extirper, pour trouver un semblant de civilisation dans ce marché de dupes. Hélas, les raisons étaient légion et titanesques à défigurer le diable. 

En dépit de tout, nous avions pointé la méconnaissance, l’analphabétisme et l’ignorance comme les principaux facteurs de l’empoisonnement du corps social. Entre autres solutions, avons-nous choisi de mettre l’accent sur l’aide à l’apprentissage de tous ceux qui veulent terminer des études avancées sans laisser leur patelin. Une nouvelle façon de joindre l’utile à l’agréable. Haïti a souffert cruellement de cette carence. Et les mécréants qui restent à demeure occupent entretemps le haut du pavé par la force du nombre, obligeant les natifs à marcher pieds nus sur les braises de l’enfer. 

Trouvant dans le projet du GRAHN et de l’ISTEAH l’instrument idéal de développement humain, nous avons invité nos compatriotes malchanceux à s’accrocher à cette bouée de sauvetage avec l’assurance, qu’à long terme, nous pourrons souligner à l’encre rouge que nous avions fait notre devoir filial pour cette terre qui nous avait tant donné malgré tout. 

En effet, point n’est besoin de déblatérer sur ces sœurs et frères oubliés dans le pays désappointé, avec une éducation moyenne et sans avenir. Allons à l’envers du décor. Avec le téléapprentissage, le cellulaire, l’Internet, l’énergie solaire, l’Université sera amovible pour tout un chacun et facilitera le dialogue entre tous aux fins d’extraire certaines communautés trop engluées dans les oripeaux d’un passé d’inégalité et de résignation. 

Une fois le secondaire terminé, juste à titre d’exemple, l’intéressé pourra opter pour une future profession débutant avec un diplôme universitaire en technologie (DUT), une licence en sciences ou un diplôme d’ingénieur, avec l’opportunité de s’offrir une maîtrise ou un doctorat sans laisser sa région limitrophe, comme autrefois. En fidélisant l’individu formé et instruit à son milieu, on fera œuvre qui vaille pour la zone, pour tout le territoire. Ce sera un plus à ajouter au cadran de la résurrection de notre nation dénaturée. 

Le confrère négatif va spéculer sur la carence d’emploi pour le diplômé. Ne l’écoutez pas. L’individu cultivé a plusieurs cordes à son arc. Il peut devenir entrepreneur et sera préparé en conséquence. Avec l’Internet, il peut commencer par opérer à distance et offrir sa prédisposition à toute entité intéressée. Le monde est à ses pieds, il n’est pas analphabète. Et c’est là le moindre mal! 

Aujourd’hui, par le télétravail, on peut habiter au nord du globe et bosser pour le sud. L’essentiel, c’est de maîtriser une profession. Juste en pensant à ce dénouement proactif, on peut discerner tout le tort que les imbéciles patentés d’hier avaient causé à Haïti en fermant toutes les écoles en 1825, pour ankyloser la mémoire du peuple et l’empêcher de s’organiser. On peut voguer plus loin encore dans ce raisonnement. Si le diplômé désirait émigrer vers un ailleurs plus prometteur, ce serait son droit inaliénable. Néanmoins, il n’arrivera pas les mains vides dans son pays d’adoption. On ne l’accusera pas non plus de mangeur de chiens des voisins. 

Toujours à titre d’exemple, aujourd’hui ou dans 4 ans, à l’heure de l’Intelligence Artificielle (IA), un ingénieur en robotique ou un ingénieur roboticien1 frappe à la porte de Trump, on devra lui dérouler le tapis rouge. Ce sera ainsi dans le monde à venir. Ces derniers seront la perle rare recherchée du futur. Le système en aura besoin en masse. Il revient à l’ISTEAH, à titre de catalyseur, de les éduquer par grappes. Le racisme, l’outil des hypocrites, n’existera point pour cette catégorie de professionnels. 

Et là encore, si le pays, un de ces quatre, pouvait bénéficier de l’aide ou d’un coup de pouce d’un gouvernement haïtien, nationaliste, patriote, compétent, instruit et nullement corrompu, qui accorderait des milliers et des milliers de bourses d’études pour « former nos jeunes concitoyens » dans la science de l’avenir, nous finirions par produire un Alain Peyrefitte pour écrire « Quand Quisqueya se réveillera… 3 ». 

En attendant, plaçons toute notre confiance dans le dessein du GRAHN2 et de l’ISTEAH4 pour nous conduire vers la terre promise. C’était notre rêve à tous, bien avant de traverser les frontières de l’exil :  trouver le chaînon manquant à Haïti après plus de 200 ans d’histoire. Bienvenue ISTEAH! La Grand’Anse te salue.

Max Dorismond. 

– NOTE –

1 - Un ingénieur en robotique peut être désigné par plusieurs titres, les plus courants étant ingénieur(e) roboticien(ne) ou ingénieur(e) en robotique. On peut aussi retrouver les termes "ingénieur en automatisation" ou "ingénieur mécatronicien" si son travail est plus axé sur l'intégration de plusieurs disciplines. 

2 – GRAHN : «Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle»

3 – Alain Peyreffite – Membre de l’Académie Française avait écrit en 70 un livre prémonitoire annonçant le développement fulgurant de la Chine : « Quand la Chine se réveillera, le monde tremblera » Voir mon texte : « STEAH-GRAND’ANSE dans la correction d’une insoutenable bévue »

4 – ISTEAH : «Institut des Sciences des Technologies et des Études avancées d’Haïti»

 


Wednesday, August 13, 2025

Monseigneur Joseph Willy Romélus, l’évêque qui défia les vents et les puissants

Mgr Joseph Willy Romélus


Par Hervé Gilbert

Sous le ciel changeant du Sud et au cœur des collines verdoyantes, une lumière s’est éteinte. Monseigneur Joseph Willy Romélus, évêque émérite de Jérémie, s’en est allé à 94 ans. Mais ses mots, ses écoles, ses cercles catholiques, ses églises et ses combats pour la justice continuent de résonner, comme des échos qui traversent le vent et les générations.

Il s’est éteint hier matin à Arniquet, son village natal, une paisible commune des Cayes, laissant derrière lui une Église, un peuple et une mémoire que nul silence ne pourra jamais effacer. Monseigneur Joseph Willy Romélus, évêque émérite de Jérémie, appartenait à cette rare lignée de voix capables de résister aux tempêtes, de se dresser avec courage et dignité, même lorsque le vent du destin s’acharne.


Né en 1931 sur la côte du Sud, il fut ordonné prêtre en 1958. Je me souviens de l’avoir rencontré pour la première fois en 1974, à Latibolière, alors qu’il était encore curé, suite à une invitation qu’il avait adressée à mon père. Jeune adolescent, je conduisais, non sans fierté, une Jeep Toyota aux côtés de mon feu père et de ma mère. Nous gravissions le morne Château par une route en terre battue, serpentant entre les collines verdoyantes. Au sommet, le village surgit comme un tableau vivant : l’air mêlait l’odeur du café et de la terre humide, et les coqs lançaient leur cri clair, tel un cortège annonçant notre arrivée. Il nous accueillit avec une chaleur qui avait déjà la grandeur d’un chef spirituel. Nous découvrions alors ce bourg, berceau de grands hommes, où chaque pierre semblait respirer l’histoire.

Trois années plus tard, le 26 avril 1977, il s’élevait comme évêque de Jérémie, succédant à Mgr Carl-Édouard Peters, premier évêque du diocèse, récemment disparu. Pendant plus de trois décennies, il ouvrit grand les portes de ses églises aux persécutés, affronta l’injustice face aux puissants et sema, à coups d’écoles, de centres de formation et d’initiatives agricoles, les graines d’un Sud plus digne et lumineux. De 1993 à 1999, il présida la Conférence épiscopale d’Haïti, s’imposant comme médiateur national, guidant le dialogue et la non-violence, forgeant des ponts là où le conflit menaçait.

Dans la Grand’Anse, Mgr Romélus ne fut pas seulement un pasteur d’âmes : il fut un bâtisseur de destinées. Des écoles se sont levées sous son regard, comme des jardins où germaient les espérances des enfants ; un collège, une faculté de droit, une école d’infirmiers ont donné voix à l’avenir. Sous ses mains, un foyer culturel a ouvert ses portes aux chants et aux rêves, et la première pierre d’une cathédrale s’est posée comme une promesse au ciel. Il a tendu ses bras aux congrégations venues soigner, nourrir, consoler ; il a défendu, sans trembler, la dignité humaine, jusqu’à recevoir l’écho du monde en prix et en honneurs. Dans les collines et au bord de la mer, on se souvient de lui comme d’un homme qui, pierre après pierre, geste après geste, a inscrit dans la terre et dans les cœurs la marque indélébile de sa foi et de sa justice. Il osa lancer la construction d’une cathédrale majestueuse mais coûteuse, qui resta inachevée, suspendue dans le temps comme un rêve de pierre et de foi, symbole de son audace et de sa vision intemporelle.

Lauréat du Prix européen des droits de l’homme et un temps pressenti pour le Nobel de la Paix, il préférait que l’on se souvienne de lui comme d’un simple pasteur. Retiré depuis 2009, il vécut ses dernières années dans la prière et la sobriété, publiant un livre-testament : Espérer contre toute espérance.

Aujourd’hui, à Jérémie et dans tout le Sud, nous pleurons la perte d’un père. Mais son souffle demeure, porté par le vent qui danse sur les collines et par les prières qui s’élèvent des églises. Son nom résonne comme un serment immuable : tant que la justice sera à conquérir, la voix de Monseigneur Romélus continuera de marcher avec nous.

Herve Gilbert


Mgr Romélus, un hommage en vidéo par Dr Carl Gilbert