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Wednesday, July 2, 2025

ISTEAH-GRAND’ANSE dans la correction d’une insoutenable bévue

Le campus de l"ISTEAH au coeur du projet PIGRAN du GRAHN
à Génipailler, Milot, Haïti
 

Par Max Dorismond 

J’ai souvenance encore du premier livre que je m’étais procuré à mon arrivée au Canada dans les années 70, dans la première librairie visitée. Ce fut le best-seller d’Alain Peyrefitte : Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera. Un titre prémonitoire, à glacer aussi le sang, vendu à plus de 2 millions d’exemplaires. En ce temps-là, la pauvreté démesurée, la misère innommable, avaient croisé leurs jambes sur le cou de ces braves gens, tout droit sortis de la révolution de Mao Zedong, au point qu’au Québec, je m’en rappelle encore, on invitait les écoliers à compiler des cennes noires à envoyer à titre de dons aux petits Chinois. 

Quel message, en réalité, véhiculait ce titre accrocheur? Dans ses interviews de l’époque, Peyrefitte résumait son œuvre en quelques mots : Quand on impose l’enseignement obligatoire à tout un peuple, il est condamné à prospérer, à se dépasser, per fas et nefas! En effet, la scolarisation, qu’elle soit formelle ou informelle, est essentielle pour permettre aux individus de comprendre le monde qui les entoure, de développer leur esprit critique et de participer activement à la société. Justement, Mao y croyait et prescrivait l’instruction généralisée en mandarin1 à tous ses congénères. Et la preuve nous crève les yeux aujourd’hui! En moins de 50 ans, la Chine est connue comme la deuxième puissance au monde, après les USA. L’école mène à tout. Sans surprise, les petits Chintoks peuvent nous rendre la monnaie de nos piécettes. 

Laissons la Chine et regardons un peu chez nous. Qu’avons-nous fait après notre révolution en 1804?

Justement, le contraire des Chinois. Les rares institutions de langue française érigées dans la capitale étaient réservées à une élite prédatrice qui n’avait de bourgeoise que le rêve. La masse des damnés était parquée à la campagne pour cultiver la terre, comme auparavant, loin de toute instruction, en dehors des chemins de l’émancipation, d’où la frustration généralisée, la perte de confiance en son frère de combat, dans le Nouveau Monde naissant. S’ensuivit le résultat que nous partageons par les temps qui courent : un pays exsangue, dangereux, sans gouvernement, sans administration, embrayé en marche arrière pour le pire et l’exil en finalité, contribuant à l’anéantissement de la société. 

Pour sauver la mise, aujourd’hui, certains esprits éclairés, tels que le Dr Samuel Pierre et d’autres, dans une dynamique de rationalité, envisagent de fonctionner à l’envers de l’histoire pour doter la nation de moyens d'enseignement, où les laissés pour compte devraient bénéficier des avantages du télé-apprentissage (via internet). C’est ainsi que s’est installé ISTEAH2, dans plusieurs recoins du pays pour mettre l’excellence au service du bien commun, avec des cours de premier cycle (Bac), de maîtrise et jusqu’au niveau du doctorat, supportés par plus de 200 professeurs bénévoles à travers le monde. Car l’instruction joue toujours un rôle clé dans la réalisation du progrès. Elle fournit les outils nécessaires pour avancer et s’adapter aux changements.  

La Grand-Anse est la dernière étape, puisque toutes les localités de l’île sont presque toutes branchées. Et ce n’est pas tout. Comme la Cité du Savoir construite dans le Nord par le GRAHN3, le vaisseau amiral dont dépend l’ISTEAH, nous rêvons aussi d’une telle entité pour le GRAND-SUD, aux fins d’encadrer, avec cet outil d’ingénierie sociale, les petits surdoués qui s’ennuient dans l’arrière-pays. Voilà un lien qui renseigne sur la dernière collation des grades de l’ISTEAH le 31 mai dernier : https://lescientifique.org/haiti-forme-ses-cerveaux-51-diplomes-engages-issus-de-listeah 

Mme Nadia Lucien

Grâce à la bienveillance de certains Grand’Anselais et d’autres amis, nous avons pu réunir un pactole assez généreux pour concrétiser ce rêve dans le mortier du réel, en créant un espace d’émancipation intellectuelle et d’épanouissement égalitaire. Nous saluons, entre autres, l’apport de Mme Nadia Lucien, une femme d’affaires de la région, qui a mis sa propre demeure à notre disposition, moyennant des paiements symboliques. Nous lui disons mille fois : merci! 

Très bientôt, vous serez invités à participer à l’inauguration de l’implantation de l’ISTEAH à Jérémie. Une date vous sera fournie, de même qu’un lien Zoom pour tous ceux qui ne peuvent être sur place. 

Max Dorismond

 

–NOTES— 

1 — Le mandarin standard appelé Putonghua était activement promu comme langue commune pour unifier le pays, notamment dans l’éducation… Avant, la Chine utilisait plus de 500 dialectes.

2 — ISTEAH : «Institut des Sciences des Technologies et des Études avancées d’Haïti»

3 — GRAHN : «Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle»

4 comments:

  1. À Jérémie, le savoir s’enracine.
    Avec l’arrivée prochaine de l’ISTEAH dans la cité des poètes, une nouvelle page s’écrit dans la lutte pour l’équité intellectuelle et la réappropriation du destin haïtien. Le GRAHN, haut lieu de savoir et d’engagement, fidèle à sa démarche de bâtisseur culturel, contribue à jeter les bases d’un espace où l’esprit critique et la création auront enfin droit de cité en dehors des grands centres.
    Mention spéciale à Mme Nadia Lucien, femme d’affaires de la région, dont le geste solidaire — mettre sa demeure à disposition du projet — illustre avec force la vitalité du tissu local lorsqu’il s’allie à une vision d’avenir.
    Haïti Connexion Culture suivra avec attention les prochaines étapes de cette implantation porteuse d’espoir.

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  2. En effet, Max. Je ne cesse de répéter que le jour où Cuba sera débarassé de l'embargo criminel des USA, regardez aller ce pays. Avec ce niveau d'éducation ça va être "laid" comme on dit ici au Québec.
    Max, remontant à la genèse de notre nation, il y a eu les péripéties de Joseph Balthasar Inginac, Secrétaire Général de la République sous Boyer. Ce dernier l'a congédié avec fracas pour lui avoir suggéré d'investir dans l'éducation. Administrateur talentueux et efficace, l'incontournable Inginac fut évidemment rapidement réintégré au sein du gouvernement, cependant il ne revint jamais sur le sujet pour ne pas irriter une nouvelle fois son patron. Je laisse les historiens expliquer ce comportement pour le moins obscurantiste de Jean-Pierre Boyer.
    Honneur et respect au GRAHN, à ses membres, et ses donateurs pour ce travail titanesque dans le contexte que l'on connaît.
    Excellent papier une nouvelle fois cher ami.

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  3. Sans esprit de partisanerie et de groupe , l'ISTEAH est l'un des plus grands projets d'avenir d'Haïti.

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  4. Bonjour Rodrigue
    Mon cher Rodrigue, c'est en relisant le texte de Max à propos du projet de l'ISTEAH de doter la région de la Grande-Anse d'un pavillon universitaire que j'ai vu et lu ton <> sur le sieur Balthasar Inginac et le président Jean-Pierre Boyer concernant l'école pour tous, dès les premiers vagissements de la jeune Nation.
    Ce que je peux te dire en peu de mots, puisque le temps me fait défaut, ton commentaire incluant ce qu'on appelle communément << l'obscurantisme >> de Boyer pourrait constituer, à mon avis, un intéressant sujet de thèse de doctorat.
    En passant je salue l'initiative de l'ISTEAH et des supporteurs de ce beau Projet en direction de la Grande-Anse, entre autres, car quoi qu'on dise, quoi qu'on pense, quelle que soit la diversité et la nature des discours, << c'est l'éducation qui produit les résultats les plus durables >> dans le monde.
    Félicitations également mon cher Rodrigue pour ce remarquable point d'histoire que tu as soulevé. Il est fécond. Il m'interpelle!
    Lemarec Destin
    Ce 14 juillet 2025.

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