Une île qui a perdu sa boussole et ne sait plus où jeter l'ancre |
Par Max Dorismond
Voilà, le mal est fait! La finalité que tous appréhendaient vient d’être concrétisée sur les ondes de l’émission « Matin Débat », en ce vendredi 24 septembre 2021, par un animateur du nom d’Esaüe César (voir la vidéo). De crise en crise, les Haïtiens en avaient marre de patauger dans les méandres de la délinquance, de la déliquescence, de la misère inhumaine d’une nation ravagée par la violence et sa sœur jumelle, la peur, d’une île qui a perdu sa boussole, sans savoir exactement où jeter l’ancre.
Tous les adjectifs sont utilisés pour accuser les dirigeants et les aspirants dirigeants qui caressent tous un rêve commun : piller la caisse du pays. L’animateur les épingle comme des « Gangs à cravate », « Gangs de la presse », « Gangs à paletot » ou « Bandits à costume » qui ne sont que des voleurs, nullement différents des Gangs armés de la rue qui déstabilisent la nation.
Sans ambages, et sans nuances, dans une crise délirante, telle une plainte de fin du monde, sur un ton éruptif, M. César, jouant au prophète de l’apocalypse, s’est affranchi des interdictions morales et contextuelles, pour inviter les Izzo, les Tilapli, les BBQ, les Crisla et Cie, à cesser les palabres et à s’emparer, une fois pour toutes, du Palais national, car la similitude entre eux et ceux qui détiennent la bride ne souffre d’aucune nuance.
Son exaspération a trouvé
tout d’abord sa source et son inspiration dans la déchéance et le discrédit des
institutions du pays. En tête de liste, une cinquantaine de gangs des bas-fonds
de Port-au-Prince, lourdement armés, venus des périphéries de la capitale,
s’occupaient de la circulation sur la Grand’rue, ce vendredi 24 septembre. Ils
invitaient les voitures à pénétrer dans les zones de non-droit, à Martissant,
tandis qu’à 20 mètres, des policiers également armés, à bord de deux blindés,
assistaient à la scène dans une totale indifférence.
Une autre source d’agacement est l’humiliation de nos congénères, parqués à la frontière du Rio Grande (Mexique/USA), qui font la une de tous les médias du monde sans ébranler nos dirigeants. La vie est devenue intenable en Haïti, malgré la résilience proverbiale de ce peuple. Les politiciens de tout poil et de tous horizons, hyper riches, et en transit au pays, arborant un air d’autosatisfaction dans leurs VUS blindées, ont poussé l’animateur à sortir de son cadre objectif pour lancer cette surprenante invitation et offrir un micro à ces Robins des bois nationaux. C’est un choix discutable tant par sa singularité que par sa frivolité. Mais, il fallait s’y attendre!
À bien réfléchir, entre les « Gangs à paletot » du pouvoir et les Gangs de la rue, sans tordre la perception de la réalité, y’a-t-il une différence ? De prime abord, on serait tenté de comprendre le ras-le-bol de l’animateur Esaüe César. Privé de tout, évoluant dans la déchéance suprême, happé par la spirale de la faim, le pauvre de la rue est un oublié, un laissé pour compte, qui n’a d’autres recours que la délinquance ou emprunter la route de l’exil vers l’Amérique du sud pour entreprendre un pèlerinage hasardeux, à travers la jungle de la cordillère des Andes, au risque de se faire dévorer par les crocodiles, dans l’espoir d’arriver, après mille tourments, dans ses dernières illusions, à la frontière des USA, pour se faire attraper au lasso par les cow-boys du Far-west de l’armée américaine.
De l’autre côté, un autre groupe, à moitié analphabète, occupant soit le pouvoir, soit les couloirs de l’opposition, mène le pays à sa ruine, car il ne cherche autre chose que l’arche d’argent qui doit lui garantir le bien-être d’un exil doré en pays étranger. Ce comportement de bandits légaux, de pilleurs de nation, de contrebandiers, a contribué à l’assassinat crapuleux du président Jovenel Moïse, un autre bouffon, un autre bon à rien qui ne méritait point cependant une telle fin.
L'invitation de "Matin Débat" aux chefs de gangs
Donc, les « Gangs à costume » à la recherche des espèces sonnantes et trébuchantes n’hésitent pas à tuer, sans rien gérer. Les Gangs de la rue kidnappent, assassinent, handicapent le pays pour exorciser leur vie de chien. On se trouve en face d’un dilemme criant, faute d’un choix exhaustif. Tout le monde appréhendait cet appel du pied. Il est arrivé clairement sur les ondes d’un marchand d’opinions, sans surprise, car le pays en a vraiment ras-le-bol.
Si un Crisla, un Barbecue ou un Lanmô san jou devient président, comment serait notre futur? C’est la question à un million de dollars pour laquelle on cherche encore une réponse. Attendons demain : « La guê avêti pa tiyé kokobe »! Le mot d’ordre est lancé sur les ondes de « Matin Débat » par le chef de gangs Crisla, par ses mots chargés de troublantes espérances : « Si nèg geto met têt ansanm nap fè mèvèy ». En fait, ils se voient déjà au pouvoir!
Espérons que ces « bruits de sapate » resteront sans effets et que la frange saine de la société saura accoucher d’une solution éclairée pour nous tirer de l’horreur de la nuit, pour le bien-être de la majorité, à ce carrefour dangereux de la vie nationale!
Max Dorismond |
TRIBUNE DE LIBRE OPINION
ReplyDeleteCe qui se passe dans le pays est ahurissant. Ça dépasse les limites de l'entendement. Un animateur d'émission de radio qui dans un délire démesuré, invite publiquement des bandits, ennemis déclarés
de la Nation, à s'accaparer du symbole du pouvoir est inconcevable et inadmissible. Je veux bien croire
qu'entre ces derniers et ceux qui nous gouvernent la différence en termes de contrefaçon à la nation
est très mince. Mais, cet animateur de radio a commis un acte de sédition épouvantable dans son délire, ce qui doit faire sourciller et même frissonner plus d'un dans leurs réflexions sur la situation actuelle du pays.
Mais en lisant attentivement le texte de mon ami Max, on peut se faire une idée de ce qui attend notre
pays, qui actuellement est au bord d'une situation explosive dont on aurait grande peine à subir les conséquences. Alors, c'est pourquoi, toute incitation à la sédition devient un acte horrible, répréhensible et malheureux à la nation.
Essayons de préférence, tout d'abord à éliminer nos maux l'un après l'autre. D'abord par accepter un gouvernement d'inclusion de transition qui va s'occuper au rétablissement des valeurs du pays, puis à l'organisation des élections libres, honnêtes, ensuite s'arranger pour que le reste des malheurs de ce pays se résolve comme par enchantement dans un climat de paix et de sécurité. Donnons seulement au pays une chance de prendre cette voie. Jean Mathurin