Une
analyse contextuelle du séisme
Ce qui est
ressorti clairement de cette analyse, c’est l’extrême vulnérabilité du pays
face aux catastrophes naturelles et humaines, causée par un déficit notoire de
gouvernance. Une gouvernance chaotique, voire médiocre, qui affaiblit
continuellement l’État devenu incapable d’assurer la sécurité des vies et des
biens. Dans le contexte du séisme qui a durement frappé le grand Sud, cette
inefficacité grandissante de l’État s’est manifestée par son incapacité à faire
respecter les lois et les normes de construction existantes. Cette réalité
n’est pas différente dans les autres aspects de la vie nationale où des lois
existent et ne sont pourtant pas respectées. Pire encore, elles sont violées
quelquefois par les personnes qui avaient le mandat de les faire respecter.
Dans le cas
des constructions anarchiques érigées sur l’ensemble du territoire haïtien,
cela s’est fait dans la plupart des cas dans l’ignorance totale du schéma
d’aménagement du territoire lorsque celui-ci existe. Plusieurs maisons sont
construites dans des zones à hauts risques de natures diverses : risques
sismiques mais aussi d’inondation dans le cas de fortes pluies saisonnières ou
d’origine cyclonique. Comment demander à des populations démunies de prendre en
compte de tels aléas sans aucun soutien, encadrement technique ou directive des
représentants de l’État, dont les mairies ? Respecter des normes existantes
exige des moyens financiers dont ne disposent pas toujours les ménages à
faible revenu qui vivent dans nos communes et nos sections
communales. Ces ménages sont donc obligés d’opérer un arbitrage douloureux
entre leur survie à court terme – trouver un toit sous lequel héberger leur
famille souvent nombreuse – et l’exigence de sécurité face aux éventuels
risques mentionnés précédemment. Des risques qui sont pourtant bien réels !
Des
actions concrètes et une proposition phare
Plusieurs
propositions concrètes ont été faites pour accompagner les personnes désireuses
de reconstruire leurs maisons détruites de manière plus sécuritaire. Une
d’entre elles suggère de concevoir et de présenter sous forme de catalogue des
maisons modèles prêtes à être construites, qui respectent les normes
parasismiques et qui ne nécessitent pas la prise en charge par des
professionnels non disponibles dans les régions isolées. Encore faut-il que les
terrains sur lesquels ces maisons seront construites ou reconstruites ne se
situent pas dans des zones à risque et respectent les règles de zonage ainsi
que le schéma d’aménagement du territoire en vigueur. Cela passera certainement
par une campagne nationale d’éducation afin de sensibiliser la population au danger de
ne pas respecter ces règles. Il faut que l’État soit présent sur tout le
territoire national afin de veiller au respect des normes de construction, et
ce, de manière indiscriminée et sans complaisance. On a vu des ministres démis
de leur fonction parce qu’ils ont voulu faire respecter la législation en
vigueur en matière d’aménagement du territoire et de lieux de construction.
Nous le
savons toutes et tous : le territoire haïtien est exposé à des risques de
cyclones et de séismes, ce qui engendre des catastrophes à répétition qui
mettent en danger la vie des populations exposées. Dans le meilleur des cas,
les personnes sinistrées font face à des besoins de première nécessité tels
l’eau potable, la nourriture, des trousses de premiers soins, des trousses
d’hygiène, des abris provisoires, et j’en passe. Pourquoi ne pas aménager dans
chaque département au moins un centre d’approvisionnement de secours facilement
accessible, parasismique et résistant aux intempéries afin de faire face à la
détresse humaine qui fait généralement suite aux séismes, aux cyclones et aux
inondations ?
Quand une
population a vécu coup sur coup des catastrophes comme le tremblement de terre
de 2010, l’ouragan Matthew en 2016 et le séisme du 14 août 2021, elle a subi
des traumatismes dont les traces sont le plus souvent invisibles et dont les
séquelles se manifestent par des comportements pour le moins anormaux. D’où la
nécessité de reconstruire l’être haïtien brisé, traumatisé et souvent en proie
à des problèmes de santé mentale non soupçonnés et non pris en charge par la
société ni l’État. Il faudrait créer des cellules de travail pour gérer les
crises de ce genre, tirer des leçons pour l’avenir et planifier dans la longue
durée. Nous devons admettre que le pays est exposé à des aléas sismiques et
cycloniques qui doivent faire partie de notre réalité et de notre imaginaire de
peuple. Nous devons donc nous préparer mentalement et structurellement à y
faire face.
La
proposition phare qui a été présentée et discutée à cette rencontre de réflexion
demeure celle d’un projet consistant à reconstruire les habitats détruits par
le séisme dans les trois départements concernés – Nippes, Sud et Grand’Anse –
en respectant les deux exigences minimales suivantes : éviter les zones à
risque sismique et cyclonique, et construire dans le strict respect des normes
parasismiques et anticycloniques. Évidemment, un tel projet se concentre sur
les résidences familiales et n’englobe pas les lieux de culte, les écoles, les
établissements de santé, les édifices publics et les entreprises. L’idée en est
qu’il faut d’abord héberger de manière convenable et sécuritaire les résidents
des milieux touchés afin d’assurer la pérennité de ces communes et sections
communales. De toute manière, les infrastructures collectives comme les lieux
de culte, les écoles, les édifices publics et les entreprises ne s’érigent
jamais dans les déserts, dans les endroits où il n’y a pas de vie, de
résidences, de personnes qui y habitent. Néanmoins, un tel projet doit être
mené dans le respect d’un plan d’aménagement urbain ou rural qui prévoit de la
place pour ces infrastructures collectives.
Pourquoi
doit-on faire cela ?
La capitale
d’Haïti, Port-au-Prince, a été fondée en 1749 pour accueillir environ 250 000
personnes. Aujourd’hui, près de 3 millions de personnes y vivent ou survivent,
avec une pléthore de bidonvilles qui pullulent ici et là dans tous les
quartiers huppés ou non qui constituent la grande région métropolitaine.
Résultat des flux migratoires qui ont débuté au cours des années 1960 avec les
différentes manifestations politiques organisées par le pouvoir en place, des
personnes venant des neuf autres départements géographiques du pays ont
convergé vers Port-au-Prince et y sont restées dans l’espoir d’une vie
meilleure. Ainsi naquirent les bidonvilles autour de la capitale qui n’était
pas préparée à recevoir un tel flux migratoire. À cela s’ajoutent l’explosion
démographique et la disparition des opportunités liées à l’agriculture dans les
milieux ruraux, disparition causée par une ouverture irréfléchie du marché
haïtien au commerce international. Les régions ont envahi la capitale qui est
devenue progressivement la République de Port-au-Prince, avec les résultats
socio-économiques que l’on connaît aujourd’hui : bidonvilles omniprésents,
zones de non-droit qui entretiennent la terreur, insécurité généralisée,
incivisme devenant mode de vie, rues et ruelles devenues infranchissables et
sales, taux élevé de criminalité et de gangstérisme, baisse fulgurante de la
qualité de la vie...
Imaginez ce
que deviendrait Port-au-Prince si toutes les personnes sinistrées des trois
départements, n’ayant plus de résidences dans leur patelin, basculées l’espace
de quelques secondes dans la pauvreté extrême, sans perspectives de vie dans
leur localité, décidaient de venir s’établir dans la capitale à la recherche de
moyens de vivre, de résidence, d’emploi, de perspectives, d’espoir. Cette
éventualité constitue une vraie menace pour la capitale qui pourrait avoir à
faire face à un afflux sans précédent de migrants en quête d’un mieux-être et
fuyant l’extrême pauvreté.
Il y a une
recette bien connue des pays qui veulent combattre la pauvreté et relever leur
économie, surtout en période de récession économique ou après une catastrophe
naturelle ou humaine. C’est la conception et l’exécution de grands projets
d’infrastructures dont une des finalités est de relancer l’économie et de créer
massivement des emplois. Selon la Direction générale de la protection civile
(DRPC), en date du 18 août 2021, « 137 000 familles ont été touchées dans
les départements du Sud, de la Grand’Anse et des Nippes. Près de 61 000 maisons
ont été détruites et plus de 76 000 ont subi des dommages dans les trois
départements les plus touchés, laissant des milliers de personnes sans abri et
entraînant un besoin urgent de solutions pour un hébergement
d’urgence ».
Un projet de
construction-réhabilitation de 140 000 résidences familiales dans les communes
et les sections communales pourrait relancer l’économie de ces régions, créer
des dizaines de milliers d’emplois de différentes natures dans ces régions et
dans le reste du pays, augmenterait les compétences et le savoir-faire des
jeunes techniciens locaux, favoriserait l’émergence de nouveaux consommateurs
et de nouvelles entreprises pour répondre aux besoins de ces derniers,
appliquerait de manière efficiente la théorie de la percolation souvent perçue
comme socle conceptuel du paradigme de l’aide internationale. Ce serait
l’occasion de mobiliser les jeunes des écoles professionnelles et des
universités de la région dans un mouvement de citoyenneté participative. Bref,
il s’agit d’un projet mobilisateur qui emploierait au maximum les ressources
locales afin de créer des emplois dans les régions dévastées, de redonner
espoir à ces populations en détresse et de permettre aux départements sinistrés
de se relever durablement.
Est-ce
faisable ?
Sur le plan
technique, c’est un projet tout à fait faisable. Les compétences, l’expérience
et le savoir-faire sont disponibles au pays et ne demandent qu’à être
mobilisés.
Sur le plan
économique, les retombées pour l’État sont évidentes : relance de
l’économie haïtienne qui est en chute libre depuis au moins les quatre
dernières années avec des taux de croissance négatifs et des taux de chômage
constamment à la hausse enfonçant ainsi les jeunes dans le désespoir. Il est
bien connu que la construction est un secteur important qui contribue
grandement à la croissance économique d’un pays, et ceci, de manière quasi
instantanée.
Sur le plan
financier, l’enjeu est de taille. Il faut trouver les sources et la stratégie
de financement. Mais, avant toute chose, quel serait le montant nécessaire ? Le
GRAHN est en train de réaliser depuis 2016, à Génipailler, troisième section
communale de Milot, dans le Nord du pays, le projet Pôle d’innovation du
grand Nord, PIGraN – Cité du savoir, combiné à un autre projet de Village de la
Cité du savoir en partenariat avec food For the Poor. Il a donc les prix réels
de construction en milieu rural lorsqu’une gestion rigoureuse est pratiquée,
pour avoir construit de 2016 à 2021 plusieurs édifices de différentes tailles,
dont les prix varient entre 8 000 et 1 million de dollars américains.
Forts de ces expériences, en demeurant dans la sobriété et avec un système
efficace d’approvisionnement en matériaux surtout locaux, nous estimons grosso
modo qu’un minimum de 1,7 milliard de dollars américains serait nécessaire pour
réaliser ce projet, sans compter les apports supplémentaires de capitaux
provenant des ménages plus aisés aspirant à des maisons plus haut de gamme.
Résidence de
gardien dans la Cité du savoir à Génipailler (coût de construction : 8 000
dollars américains)
Bureau
d’ingénierie de la Cité du savoir à Génipailler (coût de construction : 25
000 dollars américains)
La nécessité
de repenser la gouvernance du pays
Le troisième
volet de la rencontre de réflexion du GRAHN portait sur la gouvernance globale
du pays au cours des trois dernières décennies. Un des points forts de
l’échange qui a été soulevé à plusieurs reprises, c’est la mainmise de forces
obscures sur l’État et ses institutions, une sorte d’État dans l’État qui
contrôle une bonne partie des sources de revenus de la République, rendant
ainsi l’État incapable de fournir des services de base à la population. Cela est
à la fois cause et conséquence du désengagement de l’État qui apparaît de plus
en plus faible, voire inexistant, en tout cas incapable de faire respecter la
loi, de protéger la population contre les atteintes à la vie et à la liberté de
déplacement des citoyennes et citoyens à travers le pays.
Tout cela se
trouve aggravé par une corruption devenue endémique qui se manifeste au plus
haut niveau de l’État mais qui n’épargne aucune couche de la société :
pouvoir exécutif avec les différents scandales de détournement et de
dilapidation des fonds publics, pouvoir législatif avec des parlementaires qui
marchandent leurs prérogatives d’instance de contrôle du pouvoir exécutif,
pouvoir judiciaire incapable de rendre la moindre justice et qui entretient
consciemment ou non l’impunité. À ce titre, il convient de mentionner que, tout
en restant un fléau à combattre vigoureusement, ce n’est pas la corruption en
elle-même qui nous inquiète, c’est plutôt la garantie d’impunité dont jouissent
les personnes qui l’entretiennent et qui s’y adonnent : corrupteurs et
corrompus. Le pays est devenu invivable pour presque tout le monde justement à
cause de cette garantie d’impunité. L’enquête se poursuit toujours… sans jamais
aboutir ! C’est donc à se demander : À quoi sert un pouvoir exécutif qui
ne gouverne pas ? À quoi sert un pouvoir législatif qui ne contrôle pas et qui
adopte très peu de lois ? À quoi sert un pouvoir judiciaire qui ne rend pas
justice ?
Ces
questions donnent à penser que la plupart de nos élus ne sont pas à la hauteur
de leurs tâches et des attentes placées en eux, même s’ils ont cette fâcheuse
habitude de s’appeler des « hommes d’État ». Et cela n’a rien à voir
avec le niveau d’instruction de ces personnes. Cela a plutôt à voir avec leur
degré d’intégrité, leur niveau de sens éthique, leur degré de moralité, leur
sens des responsabilités envers les électeurs qu’ils représentent, leur degré
de patriotisme, leur niveau de compréhension du rôle qui leur est assigné, leur
propension à se mettre au-dessus des lois de la République, leur attachement
trop fort aux privilèges dus à leur rang sans aucun souci de résultats pour la
nation. Il est résulté de tout cela un pays qui a nettement perdu le contrôle
de sa destinée, avec une majorité d’institutions devenues inexistantes,
dysfonctionnelles ou inopérantes. Voilà donc le résultat de 35 ans d’une
transition démocratique qui n’a pas dit son dernier mot !
Puisqu’il
faut appeler les choses par leur nom, cet échec collectif n’a pas de quoi nous
rendre fiers, même si nous n’avons pas joué de rôle actif dans la gouvernance
du pays. Les oppositions politiques doivent au moins reconnaître qu’elles n’ont
pas joué le rôle constructif de contre-pouvoir que l’on était en droit
d’attendre d’elles au cours des 35 dernières années, avec une capacité de
propositions inspirantes et pragmatiques pour la nation. Au contraire, nous
avons assisté à un long exercice de dogmatisme et d’intransigeance qui, lui
aussi, n’a pas permis d’arriver à un compromis acceptable et nécessaire au
déblocage du pays. « Que le pays crève, mais je maintiens ma position. Car
je suis convaincu d’avoir raison. » Voilà ce à quoi, impuissant, le pays a
assisté, particulièrement au cours des quatre dernières années ! Personne ne
veut rien céder à personne… jusqu’à ce que le Blanc débarque et prenne
officiellement le contrôle de tout.
Il est
vraiment temps que toute cette comédie cesse. C’est la vie de 12 millions de
personnes qui est en jeu. La société civile doit sortir de sa léthargie et
entrer en scène. Elle s’était remise candidement entre les mains d’armateurs
amateurs qui ont conduit le bateau au naufrage dont nous sommes à la fois les
témoins et les victimes. Une conférence nationale ou yon chita pale ansanm –
appelons-la comme on veut – devient alors incontournable. D’abord comme
démarche de thérapie collective pour tenter de vider des contentieux
historiques qui fragmentent et fragilisent la société haïtienne, mais surtout
pour esquisser les contours d’un projet commun de nation dont nous avons du mal
à accoucher. Ce n’est certainement pas là une panacée, mais plutôt une quête de
réconciliation du pays avec lui-même en vue d’un nouveau départ vers plus de
justice, d’équité, d’éducation, de progrès et de lumière. Après avoir été un
apôtre de la liberté des peuples opprimés de l’humanité, nous devons cesser
d’être la risée du monde.
Pour
conclure : une énième opportunité à ne pas laisser passer
À
l’intersection de la physique statistique et de la physique mathématique, la
théorie de la percolation étudie les caractéristiques des milieux aléatoires et
s’applique notamment en science des matériaux pour formaliser les propriétés
d’écoulement dans les milieux poreux. Elle tente de répondre, entre autres, à
la question informelle suivante : imaginons que l’on place de l’eau dans
un creux au sommet d’un matériau poreux. Quelle est la probabilité qu’il y ait
assez de canaux communiquant entre eux pour que cette eau réussisse à atteindre
la base de la pierre ? Transposée dans le domaine de l’aide
internationale et dans le contexte du séisme du 14 août 2021, la question
pourrait se reformuler comme suit : comment faire pour que l’aide
internationale qui pourrait être débloquée au profit des familles
sinistrées atteigne la base, c’est-à-dire les nouveaux sans abri du grand
Sud ? Il y a là une opportunité, celle de reconstruire sur des bases plus
résilientes et plus sécuritaires, trois départements d’un pays très exposé aux
risques de catastrophes naturelles. Si nous réussissions ce projet commun, nous
reprendrions confiance en nous-mêmes collectivement, ce qui nous permettrait de
répéter l’expérience lorsqu’un tel malheur frappera une autre région du pays.
Une fois de
plus, Haïti se trouve à la croisée des chemins, comme elle l’a été déjà dans
notre histoire récente en 1986, en 1990 et en 2010. À ces trois occasions, nous
avons raté le virage conduisant vers la concrétisation des espoirs que nous
avions légitimement nourris. N’ayons pas peur de le dire, ces trois occasions
manquées se sont muées en cauchemars pour le pays. Les forces saines du pays en
sont sorties exsangues, plus abattues que jamais. Allons-nous perdre une fois
de plus cette énième opportunité qui se présente à nous aujourd’hui ?
Déjà se
pointent à l’horizon les vieux démons qui nous ont toujours hantés. En
particulier celui de la division, mais qui est en fait une éternelle crise
identitaire. Après 217 ans d’indépendance acquise dans l’union qui a fait la
force, nous semblons ne pas savoir qui est haïtien et qui ne l’est pas, sur
fond d’exclusion à peine voilée. « Entèl se milat, Intèl se nèg nwè, Entèl
se nèg andeyò, entèl se nèg dyaspora, entèl se Siwo-libanè, entel se
Jwif », tout cela entaché chaque fois d’une connotation négative qui
demeure source de stigmatisation et qui sert de prétexte d’exclusion. Où est la
citoyenneté dans tout cela? Où est l’allégeance à la nation et à la République
dans tout cela ? Où est l’exigence du vivre-ensemble dans tout cela ? Où est la
quête d’une plus grande justice sociale dans tout cela ? Nous sommes
manifestement devant un problème mal posé, ou mieux encore devant une situation
qui mérite d’être reproblématisée comme clé d’accès à une société moderne accordant
des chances égales à toutes et à tous, sans égard aux origines sociales ou à la
couleur de la peau. Voilà un sujet central qui devrait être débattu en toute
sérénité et avec hauteur dans une conférence nationale!
Dans la
plupart des pays démocratiques où s’est posé ce problème, il a été abordé et
résolu grâce à des politiques publiques qui ont été imaginées, conçues et mises
en place par des dirigeants résolument animés de la volonté politique
nécessaire pour y parvenir. Dans cet ordre d’idées, il y a lieu de mentionner
le roman biographique du philosophe français Paul Nizan intitulé Antoine Bloyé,
qui aborde ce qu’il appelle « la trahison de classe » et qui soulève
la question de savoir comment changer de classe sans trahir les siens et se
trahir, comment faire pour que les opprimés d’hier ne deviennent pas les
oppresseurs de demain. C’est la responsabilité des élites d’un pays de créer
une société qui ne fait pas que reproduire les classes sociales, une société
qui favorise la mobilité sociale ascendante en donnant des chances égales à
toutes et à tous, et en promouvant le mérite, la compétence, la redistribution,
la solidarité et l’empathie.
Pour
terminer, il n’est pas superflu de rappeler qu’Haïti est née dans l’oppression
et contre l’oppression. Le plaidoyer qui est fait ici est celui d’une
citoyenneté ouverte qui bannit toute forme d’oppression, d’où qu’elle vienne,
une citoyenneté qui s’accompagne à la fois de droits et de devoirs, une
citoyenneté qui deviendrait la base du vivre-ensemble et le socle sur lequel
refonder la nation. Ce sont les valeurs promues par le GRAHN dans sa quête
d’une « Haïti nouvelle fondée sur le droit, le partage, la solidarité,
l’éducation, le respect de l’environnement et le culte du bien commun ».
Samuel
Pierre
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