Par Max Dorismond
Une inquiétante trilogie à donner le vertige, juste à y voir de plus
près. C’est écrit dans le ciel, les empires ne peuvent occuper éternellement le
sommet de l’échelle de la domination, de la puissance. C’est une réalité
indéniable. À un certain moment de la durée, grisée par le succès, la mécanique
de l’Histoire s’enraie pour laisser place à de nouveaux prospects. Notre
littérature en recèle assez d’exemples. Souvenons-nous de la civilisation
romaine et des conquêtes de César dans la Gaule antique, « de la fière Albion (l’Empire
britannique et ses 129 colonies)… la grande nation sur les domaines de
laquelle, le soleil ne se couche1 »; pensez au Portugal, à l’Espagne maître des mers. Ils ont tous été
asphyxiés par le poids de leurs ambitions démesurées. Comme l’être humain, tout
bouge et s’anime, on ne fait que passer. L’actualité n’est pas statique, nul ne
peut la sculpter dans le bronze du temps.
En 2019, Donald Trump, le trublion, au jugement limité, avait posé la question à Jimmy
Carter, à savoir si la Chine allait
dépasser l’Amérique. Pour toute réponse, il a reçu un « oui » sonore en
plein visage, assaisonné de la cruelle vérité, confirmant que cette dernière
n’avait jamais de velléité de conquête dans sa culture. Et Carter
continua : « J’ai
normalisé les relations diplomatiques avec Pékin en 1979. Depuis cette date,
savez-vous combien de fois la Chine a été en guerre avec qui que ce soit ? Pas une seule fois! Tandis que nous, nous sommes constamment en
guerre… ».
En effet, c’est le capitalisme triomphant qui a toujours mené le bal,
avec les USA aux commandes. Le chapitre de la Mondialisation du commerce,
enrobé de leurres, a été écrit sur mesure pour mieux sucer les pays pauvres. Ce
fut la goutte de trop. Les yeux endormis se sont entrouverts pour surtout
cerner le cannibalisme des grands. Pour leur malheur, les réseaux sociaux sont
arrivés à point nommé, et les exploités de la terre se sont engouffrés dans
cette clairière sans fenêtres, sans rideaux, pour une mise en commun de leur
rancœur, d’un bout à l’autre de l’univers, en internationalisant l’ampleur du
vol organisé.
La terre en avait assez de ces chevaliers aux armes terrifiantes et
destructrices, aux bombes nucléaires sans commune équivalence, ne laissant
aucun doute sur leurs forces létales. Hiroshima et Nagasaki en avaient fait les
frais en silence.
Toutefois, un matin, un petit peuple colonisé, bien déterminé de l’Asie
du Sud-Est (le Vietnam ou l’Indochine 1963-1975)2, s’est réveillé et a foutu une raclée historique à ce maître
autoproclamé. Mais bien avant ce fiasco retentissant, il en existait un autre
aussi révélateur : c’est l’humiliation de La Baie des Cochons, à Cuba, en
1961. Depuis lors, les fleurs de l’espoir embaumaient les cœurs, rappelant aux
minus, aux moins que rien, que la défaite n’a jamais signé aucun contrat avec
le faible. Une nation vaincue, c’est dans la nature des choses, mais jamais, on
ne peut la contraindre à s’agenouiller pour l’éternité. Sa fierté et sa dignité
imposeront tôt ou tard la rébellion. Les Européens ont amèrement expérimenté
cette loi dans l’histoire contemporaine.
Ainsi, ces deux « accidents de parcours », loin de se liquéfier dans l’espace et le temps, avaient animé et
attisé la réflexion de tous les exploités du monde, ruminant cet espoir que
rien n’est invincible ici-bas quand la détermination et le courage se donnent
la main.
En août 2021, ce fut la répétition en Afghanistan, le sauve-qui-peut
général. Une perte sèche, après des milliards dépensés en argent et en armes
pour classer cette valeureuse nation au rang des zombis. L’historicité de la
situation nous rappelle la fable « Le loup et l’agneau » de La Fontaine. Ce fut, malgré tout, un baume au cœur des exploités de
soupirer de satisfaction, suite à cette défaite inattendue des rois de
l’occupation, quand la frontière de la déchéance se dessina lentement sous les
doigts d’un artiste divin.
Bien avant, ce fut aussi l’échec en Irak, en Libye, sans parler de
l’invasion de l’ambassade des États-Unis en Iran (novembre 1979), de la débandade
américaine dans une guérilla urbaine à Mogadiscio, en Somalie (octobre 1993),
et de divers autres signes annonciateurs, qui écrivaient l’histoire à l’envers
pour l’Oncle Sam.
Surprise! Novembre 2021, le Cabinet international de conseil en
stratégie, Mckinsey & Co, a sonné la fin de la récréation. Les États-Unis
ont perdu le titre de pays le plus riche au profit de la Chine. Une nouvelle
rendue publique par le média économique Bloomberg. Avec une valeur de 120 000 milliards pour l’Empire du Milieu et 90 000 milliards pour les USA en 2020, la porte est close.
Malgré tout, ces derniers ne se voient pas le dos au mur. Pour conjurer
le sort et faire face à l’inéluctable, cette semaine (8-12-21), selon l’agence
de presse Sputnik-France, le budget de la défense américaine a été voté
pour atteindre un sommet inégalé de 778 milliards de dollars, dépassant la
somme engrangée par 11 pays réunis, dont la Chine. (Voir l’encadré
ci-dessous).
L’aigle à tête blanche a-t-il
perdu de sa superbe ? Nous
pouvons l’affirmer sans ambages, vu les échecs cumulés. D’autres indices nous
confortent dans notre réflexion. Les 16 Américains kidnappés à
Port-au-Prince par les « 400 Marozo » et leur chef « Lanmò
San Jou » depuis le 19 octobre, laissent tout le monde perplexe. Pour
avoir négligé ses propres ressortissants, l’Oncle en a-t-il marre d’ Haïti ou
veut-il adresser un nouveau message au reste du globe, à titre d’un changement
de paradigme ? L’impression à en extraire n’a étanché la soif de qui que ce soit !
Autrefois, Washington n’avait qu’à tourner le pouce et c’était la
libération assurée, sans histoire et sans le moindre coup de feu. Mais
qu’est-ce qui se passe ? Quelle stratégie se dessine derrière cette excessive complaisance ? D’ailleurs, sans la débandade au Moyen-Orient, « Lanmò San
Jou », aurait-il osé ? Tout le monde connaît le refrain ! C’est non !
De plus, en écho à ces échecs à répétition survient la rebuffade de la
bouche d’un effronté diplomate chinois, Zhang Jun, lors de la conférence interactive entre la Troisième
commission et le Rapporteur spécial de l’ONU sur les questions relatives aux
minorités. Il a étalé sans retenue sa hargne contre le cynisme des USA et leur
clique, preuve que le fruit est bien mûr. Écoutons-le :
« … En fait, vous êtes le fauteur de troubles et le plus
grand obstacle à la coopération internationale en matière de droits humains… Il
est temps de se réveiller ! L’époque où vous brimiez et opprimiez les pays en
développement est révolue depuis longtemps…
… Aux États-Unis et à quelques autres pays (France, Grande-Bretagne…):
vos tentatives désespérées de dissimuler votre terrible bilan en matière de
droits humains ne fonctionneront pas. Le monde le voit clairement. Les
États-Unis ont mené un génocide contre les Indiens d’Amérique. Ils ont réprimé
leur propre peuple au point qu’il crie “Je ne peux pas respirer”. Ils ont
ignoré la mort de plus de 700 000 ressortissants due à la “pandémie3… »
Ma crainte, et non la moindre
Si les États-Unis sont tannés et
fatigués de jouer au gendarme du monde, devant ces échecs à répétition,
certains, loin de s’assagir et de réfléchir, seraient tentées de colmater le
vide pour contrecarrer les risques du futur. C’est le cas avec la dernière
complainte d’Israël, se sachant vulnérable sans le parapluie US, face aux
velléités de l’Iran, avec sa bombe nucléaire en gestation.
Et du côté d’Haïti, je vais encore plus loin. Avec
plusieurs indices prémonitoires en ces derniers temps, la République Dominicaine, à l’est, qui ne
portait jamais sa voisine dans son cœur, serait incitée à envahir notre
territoire, même pour une journée, pressentant que l’Oncle la laisserait faire
en se délestant d’un poids, devenant trop encombrant. Ainsi, la revanche de
l’Histoire serait consommée pour ce peuple vindicatif, qui caressait ce rêve
depuis des lustres. Pour nos voisins, ce ne serait qu’une simple excursion, une
occupation d’un pays édenté sur tous les plans, vidé de ses esprits éclairés,
sans gouvernement et sans nulle institution.
Toutefois, ce serait un acte à somme nulle, un geste égoïste, inhumain et inutile, une décision nullement réfléchie de dirigeants sous-informés, car la communauté internationale ne tolérerait jamais une telle forfaiture. En effet, « la structure géopolitique de l’Amérique, organisée autour de l’OEA et de l’ONU, entrave au départ, la résurgence de telles velléités expansionnistes4 ».
Max Dorismond |
— NOTE —
1 – Albion : ancien nom de la Grande-Bretagne. - Alphonse
Leclerc – Revue canadienne - 1873
2 – Vietnam ou Indochine : Indochine, c’était ainsi que les
colonisateurs français (1858 à 1949), nommaient l’Asie du Sud-Est, mais pour les
communistes de Hô Chi Minh, c’est le Vietnam.
3 — Sources : RI — Réseau International du 25 novembre
2021
4 — Phrase extraite de mon texte « Le mal-être d’Haïti 217 ans après » publié dans l’ouvrage « Des intellectuels haïtiens proposent des pistes de résolution… », page 79, sous la direction de Joël Lorquet.
Le Congrès américain vient de
voter ce 8 décembre en faveur du plus important budget défense de l’histoire des États-Unis
…En augmentant son budget militaire à
778 milliards de $$, "Les États-Unis se sont piteusement retirés
d’Afghanistan et donc ils veulent envoyer un message de force pour rappeler
qu’ils sont toujours numéro un", explique Philippe Moreau-Desfarges… En effet, le départ calamiteux des États-Unis, illustré
par les images d’Afghans accrochés aux avions qui décollent, a terni leur
réputation de superpuissance…Les
États-Unis dépensent ainsi plus pour la défense nationale
que la Chine, l’Inde, la Russie, le Royaume-Uni, l’Arabie saoudite,
l’Allemagne, la France, le Japon, la Corée du Sud, l’Italie et l’Australie…
réunis. … Il investit d’importants
montants", explique au micro de Sputnik Philippe Moreau-Desfarges, ancien
diplomate et spécialiste des relations internationales. (Src. : Sputnik – France du
9-12-21)
Quel beau texte et quelle belle analyse!
ReplyDeleteIl y a beaucoup de vérités dans ce texte.
Guillaume André