Qui de ma génération ne connaît pas la famille Honoré, de la Basse-Ville de Jérémie ?
Dans les années 1980- 1990, les jeunes
femmes et les jeunes hommes de cette famille avaient la réputation d’être discrets
et respectueux, en plus de faire partie des meilleurs élèves de leurs classes.
Discrets, dis-je, oui, mais surtout très
impliqués dans la vie sociale et culturelle de la Grand’Anse. Je pense à cet
égard à l’UJDCGA, l’Union des jeunes pour le développement culturel de la Grand’Anse,
qui a largement contribué, à son époque, à entretenir le sentiment d’appartenance
de ses membres à la communauté, à la ville de Jérémie et au département.
Cette association était le lieu de
prédilection où les jeunes se rencontraient pour discuter de développement, de
politique, de littérature et d’éducation.
Elle a ainsi contribué à stimuler la soif du
savoir, la passion de l’étude et des formes de solidarité qui semblent avoir
disparu depuis.
Presque toutes celles et tous ceux qui sont
passés par cette école, excellent aujourd’hui dans ce qu’ils ont choisi de
faire, tant sur les plans professionnel, familial et individuel, dans leur vie
d’adulte. Tant en Haïti qu’en diaspora.
Cette association très chère à leur cœur a
donc été pour elles et pour eux tous une excellente école qui les dotait d’un
bagage de valeurs morales et intellectuelles inestimables. Quoi de mieux comme
complément aux valeurs reçues dans le cadre familial !
Le samedi 4 décembre en cours, le père des
Honoré, M. Octave Honoré, a été accompagné à sa dernière demeure,
le cimetière de Jérémie avec respect, affection, dignité, tendresse et de
grands honneurs. Lors des funérailles, j’ai écouté religieusement Raymond, un
des aînés de la famille, qui faisait l’éloge d’un père responsable et qui avait
à cœur ses devoirs envers sa progéniture.
Raymond, je suis restée suspendue à tes lèvres
tout au long de ton éloge !
Après tout, c’est bien normal que les sacrifices consentis par ce vaillant père
de famille soient un jour récompensés et « honorés ».
Les autres membres de la famille et toi, vous êtes devenus grâce à votre mère, cette femme forte, rude travailleuse et à lui, des citoyennes et des citoyens honnêtes, travaillants, respectueux et respectés dans les sociétés où vous évoluez. Vous avez suivi son exemple, en étant des pères aimants et attentionnés pour vos enfants.
Dans la société haïtienne, on parle souvent de
la démission d’une catégorie de pères absents et égoïstes même. Mais on oublie
de louer les efforts de ces braves et dévoués papas, comme le fut le
vôtre.
Les papas absents ne font pas grand
cas de l’avenir de leurs enfants, préférant courir de fleur en fleur, de
s’adonner à leurs jeux préférés, tout en cachant leurs ressources financières,
laissant les mères porter à elles seules le lourd fardeau de la
réussite de leurs enfants.
Le constat est désolant pour beaucoup de ces
pères absents et de ces mères abandonnées, seules, dans cette noble tâche
qu’est l’éducation de leur progéniture. Et par ricochet, les sociétés dans
lesquelles ils évoluent se retrouvent mal prises, avec des adultes qui ont grandi
sans modèles, sans repères et sans boussole pour guider leurs pas dans ce monde
égoïste, sans cœur et sans compassion.
Nous ne vénérons pas assez les hommes de cœur,
généreux et responsables de la trempe de M. Octave Honoré.
Ce père, pour se faire obéir, n’avait qu’à
jeter un regard autour de lui, et les enfants fautifs comprenaient le message
ou la discipline qu’il voulait leur inculquer.
Je suis restée bouche bée et admirative à
écouter Raymond nous décrire les trajets effectués par son père pour
subvenir aux besoins de la famille « durant
les années dures », les années de
grandes turbulences, où les routes étaient coupées en réponse aux consignes de désobéissance
civile passées dans toutes les régions du pays.
Dlo Tessier vers les années 1950 Photo (Paul Couba) - Collection Eddy Cavé |
En effet, depuis le départ de Jean-Claude Duvalier
le 7 février 1986, le pays a connu une succession de coups d’État, de
gouvernements de facto et d’une mission de casques bleus de l’ONU.Une Mission qui
a pris fin le 30 novembre 1997. Durant cette période, la vie était souvent
paralysée par des soulèvements dans les coins les plus reculés du pays. Le déchouquage,
les guerres larvées forçaient la population à faire preuve d’ingéniosité pour
continuer de soutenir leurs proches et pour subsister.
Je n’arrive pas à estimer avec précision la
distance entre Carrefour-Sanon, Calas, Bordes , Berquier etc. Je sais seulement
qu’en transportant sur un cheval croulant sous le poids des régimes de
bananes, des sacs d’ignames, de patates, de maïs et de haricots, en plus des "makònn
de poulets", il fallait du courage, de la détermination et beaucoup d’adresse
pour se rendre à destination.
Tout ce que je sais, c’est qu’il venait de
très loin pour nourrir convenablement ses enfants, contre vents et marées.
Les pipirites sur la rivière de Marfranc Photo (Eddy Cavé) |
Aujourd’hui, nos sociétés ont besoin d’hommes
de la trempe de Octave Honoré pour construire un monde plus juste et plus
humain où il fera bon de vivre.
Personnellement, j’ai la certitude que seul le
royaume de Dieu pourra changer pour le mieux le mode de vie que celle que nous
connaissons dans cette période troublée de nos sociétés, peu importe où nous soyons
sur cette planète.
Un grand homme, M. Octave Honoré, a pris
un aller simple pour sa dernière croisière, et nous ne le reverrons plus. Repos
bien mérité, en attendant le jour où Jésus, le fils de Jéhovah revêtu de gloire,
lui ordonnera de sortir du schéol, comme il l’avait fait pour Lazarre et la
fille de Jairus. Seulement à ce moment-là, la haine, la jalousie
maladive, les manipulations, les manœuvres dilatoires, la terreur, la guerre et
la méchanceté gratuite feront place à la paix et à la sérénité dont nous avons
tant besoin.
Et vous, membres de la famille Honoré, je vous
exhorte à continuer à tirer une grande fierté de la vie de ce père, de cet
oncle, de ce frère, de ce cousin et de cet ami hors norme que vous avez eu le
bonheur de compter dans votre entourage.
Que les doux souvenirs à travers les sentiers de Tessier, les sources d’eau claire et les chevaux vous accompagnent dans votre deuil !
Pivoine MJL 2021-12-05 |
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