Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Sunday, August 29, 2021

Le pont sur la Grand-Anse, bien trop jeune pour mourir


Par Mérès Weche

Après le roi Henri Christophe, grand civilisateur haïtien du XIXe siècle, qui nous dota de la noble citadelle du Cap-Haitien, le président Dumarsais Estimé nous a suffisamment montré le chemin de la fierté nationale, par des constructions assez imposantes pour soutenir la comparaison avec celles d’autres pays immensément riches. 

Ce n’est point du passéisme que de revenir à de telles réalisations, car c’est avec les matériaux du souvenir que les grandes nations construisent leur avenir, par le maintien des patrimoines et la transmission des valeurs. Nous avons de grandes brèches à colmater dans notre société, pour que les nouvelles générations haïtiennes, de l’intérieur et de l’extérieur, soient fières de leurs sources et ressources, ferments de l’identité nationale.

Patriote bâtisseur, à l’image d’Henri Christophe, le président Dumarsais Estimé, le plus estimé chef d’État haïtien de ces soixante-quinze dernières années, rêvait, dans la modernité, d’un futur de grandeur pour Haïti. En plus de ce superbe ouvrage d’art érigé sur la Grand-Anse, il rebâtit la ville de Belladère, pour une prestigieuse face à face avec la République voisine, sans oublier la Cité de l’exposition à Port-au-Prince où s’élevaient les pavillons des plus grands pays du monde, tels que l’Italie, la France et les États-Unis d’Amérique.  Cette merveille de bord-de-mer n’est plus l’ombre aujourd’hui de ce qu’elle fut, en comparaison avec le ``Malecon`` de Santo-Domingo, né plusieurs années plus tard. Mieux que ça, l’expo 1967, sur l’ile Sainte-Hélène à Montréal, dans le voisinage du pont Jacques Cartier, n’était même pas en chantier quand germa le ``Bicentenaire`` dans la pensée de l’illustre Dumarsais Estimé, site d’exposition universelle caractérisé par ses extraordinaires jets d’eau et de lumières. 

Les nouvelles générations d’Haïtiennes et d’Haïtiens du pays et de la diaspora doivent savoir d’où vient cette expression si galvaudée aujourd’hui d’Haïti ``perle des Antilles``. Le tourisme florissait à un point tel au pays que notre peinture primitive - pas nécessairement naïve - ornait les résidences de grands acteurs et actrices d’Hollywood, tels que Burt Lancaster, Charlton Heston, Gina Lollobrigida, Alain Delon, et plus encore, qui séjournaient respectivement à Ibo-Lélé, Oloffson, Castel-Haïti, pour ne citer que ces destinations hôtelières, jadis propices à une lune de miel de rêve. 

Jusque dans les années 70-80, nos superbes maisons gingerbread, à Pacaud, Bois-Verna et Bas-Peu-de-chose, attiraient les esthètes de partout, et c’étaient des modèles d’architecture que des profs en polytechnique prescrivaient à leurs étudiants pour des projets de sortie. Ceux de la République Dominicaine n’avaient, sans trop de frais, qu’à traverser la frontière. Aujourd’hui, c’est à l’inverse que ce voyage se fait, par absence de prise en charge publique de la formation   universitaire chez nous.

Le pont de réflexion que j’établis entre Haïti et d’autres pays peut paraitre illusoire aux yeux de certains, mais notre culture est si forte et notre passé si glorieux que nous ne saurions être un petit poucet sur l’échiquier des nations dont les idéologies ont façonné le Nouveau Monde. Champion des Droits de l’Homme, Haïti ne revendique point son ancienne dénomination ``touristique`` de ``perle des Antilles``- propre à un eldorado pour ``bronzés``-, mais bien son fier titre de ``lumière des nations``.  

À coté du Canada, pays bilingue, Haïti est la seule autre nation indépendante de ce genre en Amérique, ayant avec ce dernier le Français en partage.  Notre savoureuse langue créole et notre souche africaine nous distinguent culturellement du Québec, mais nos idiosyncrasies historiques se rapprochent sur bien des points. Et bien des ponts nous relient.   À l’exemple du pont Jacques Cartier qui fête cette année ses 90 ans, et qui se porte bien, nous ne devons point désespérer du pont Dumarsais Estimé, qui se porte mal à 75 ans. Et par rapport à celui de Brooklyn, construit en 1901, la même année que l’église Saint-Louis de Jérémie, ce pont sur la Grand-Anse est bien trop jeune pour mourir.   

Mérès Weche 


De haut en bas

Pont Dumarsais Estimé sur la Grand-Anse, Jérémie Haiti - 75 ans

Pont Jacques Cartier, Montréal Québec, Canada- 90 ans

Pont de New York, Brooklyn- 120 ans


2 comments:

  1. Thanks for sharing this amazing content your information is really very awesome to read. Keep it up and best of luck with your future updates. Check out rest in peace messages

    ReplyDelete
  2. Gare aux Pontifes sur le pont de Jérémie.

    Il m’importe dans ce texte de faire le pont entre les idées déjà exprimées sur les failles sismiques en activité dans la Grand-Anse et le cas-type du pont Dumarsais Estimé à Jérémie.
    En effet, depuis au moins cinq ans, des cris d’alarme sont lancés à répétition concernant le possible affaissement de ce superbe ouvrage d’art datant d’environ 75 ans.
    L’action sismique du 14 août 2021 dans le Département de la Grand-Anse fait se poser avec davantage de rigueur la pressante question de la réparation de ce pont qui montrait déjà des failles dans sa structure, depuis le tablier jusqu’aux armatures tant verticales qu’horizontales.
    En plus du pont Dumarsais Estimé, quatre autres relient la Grand-Anse au reste du pays; ils sont respectivement sur les rivières La petite Guinaudée, La Voldrogue, Les Roseaux et Glace. L’on retient que dans la région de Duchity où s’est érigé ce dernier pont, il y a eu de sérieux éboulements au passage de ce séisme, et un important tronçon de route s’est effondré, causant de graves accidents de motos.
    Cependant, s’il y a urgence en la demeure, elle concerne précisément le pont sur la rivière Grand-Anse qui constitue visiblement un ``danger public``. Ce pont qui n’a reçu que des couches d’aluminium depuis son existence - à part quelques rares travaux de rapiéçage sur son tablier-, porte fébrilement le poids de son grand âge.
    Au passage de ce séisme, de magnitude 7.2, il se pose de sérieuses questions sur la résistance de son tablier qui était déjà en très mauvais état, sur le degré d’élasticité de ses armatures transversales, ainsi que sur son coefficient sismique, tant vertical qu’horizontal.
    Il est indiscutable qu’après plus de soixante-ans d’existence, la résistance en compression du béton soit considérablement réduite, par rapport aux chargements successifs et aux effets temporels différés. Aujourd’hui, la conception et le dimensionnement de ces ouvrages d’art sont déterminés par des codes, non seulement pour les matériaux utilisés, mais aussi pour les aspects géotechniques. Ces dernières années, ces codes sont entièrement consacrés à la conception parasismique. Et c’est ce qui fait défaut chez nous au niveau de tous les types de constructions. La prolifération des bidonvilles dans la vallée de Bourdon à Port-au-Prince, ainsi qu’au pied de Montagne Noire à Pétion-Ville, sans omettre Canapé-Vert et Morne l’Hôpital, sont des preuves flagrantes de cette absence de code de construction en Haïti.
    Parlant de conception parasismique, le pont sur la rivière Grand-Anse, par exemple, est devenu obsolète par rapport aux normes établies aujourd’hui. Dans les pays développés, le zonage sismique est constamment revu en fonction des changements climatiques, de l’importance des ces types d’ouvrages d’art et de la durée de leur utilisation. En ce sens, les Grand-Anselais doivent faire preuve de vigilance pour éviter que des apprentis-sorciers de la construction ne viennent de nulle-part ``pontifier`` sur des questions aussi sensibles, dans l’unique but de faire de l’argent.
    Il faut que le Maitre-d ’œuvre soit à la hauteur de la tâche, en intervenant à tous les stades de réparation de ce ``beau-vieux pont``, unique dans la Caraïbe, afin qu’il puisse, par une régularité structurelle, résister aux aléas sismiques à venir. Il incombe à ce Maitre-d ‘œuvre de travailler à partir d’investigations sismologiques, géologiques et géotechniques qui définissent la nature du sol en-dessous du pont, afin de déterminer les effets de site, les risques de liquéfaction, etc. Ce sont toutes ces considérations d’ordre technique qui influencent les travaux de façon très significative, en termes d’élasticité, de ductilité, de densité de ferraillage, etc. Les pièces d’amortissement du pont doivent être inspectées et remplacées si nécessaire. Le plus important encore va être le changement d’attitude municipale qui consiste à lui appliquer une couche d’aluminium, sans penser aux opérations de maintenance périodique en matière structurelle.

    Mérès Weche

    ReplyDelete