Lors d’une conférence de presse, le 12 mars 2021, la porte-parole du ministère des affaires étrangères de la Russie, Maria Vladimirovna Zakharova, a déclaré que la Russie ” a l’intention d’aider Haïti à rétablir la stabilité politique du pays, à maintenir sa sécurité intérieure, à former son personnel, à maintenir la paix et à garantir les droits de l’homme.” La Russie se dit prête à continuer à apporter l’aide nécessaire aux Haïtiens, tant au niveau bilatéral que sous les auspices du Bureau intégré des Nations unies en Haïti.
“En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, nous suivons de près les événements en Haïti, qui suscitent notre inquiétude. Actuellement, cet État des Caraïbes traverse un nouveau cycle d’instabilité politique qui dure depuis plus d’un quart de siècle. Haïti est en proie à une crise sociale et économique majeure. Cette situation, avec quelques changements d’un côté ou de l’autre, est devenue un mode de vie constant pour les Haïtiens”, a fait savoir Maria Vladimirovna Zakharova.
Zakharova se questionne sur les sources de la crise du pays qui, autrefois, était la perle des antilles, le premier pays d’Amérique latine à obtenir son indépendance et qui a donné l’exemple d’un développement progressif.
Les raisons sont nombreuses, selon la porte-parole qui cite, parmi elles, les conséquences de son passé colonial. “Les problèmes internes d’organisation et de gouvernance sont naturels. Il y a eu des catastrophes naturelles, dont la plus spectaculaire a été le tremblement de terre de janvier 2010. Cependant, un facteur destructeur différent et absolument artificiel pour Haïti joue invariablement le rôle principal dans ses troubles. Je veux parler de l’influence extérieure imposée.”
Elle poursuit son questionnement en pointant d’un doigt accusateur, les Nations Unies, qui, selon elle, sont en partie responsable de la situation catastrophique dans laquelle se trouve Haïti aujourd’hui. “Comment qualifier autrement le “gros bâton de la démocratie” permanent utilisé par le voisin du nord d’Haïti qui se dit l’État le plus démocratique du monde ?”
“Quel autre résultat aurait-on pu attendre d’une “aide” extérieure telle que le pouvoir absolu de longue date du clan Duvalier, soutenu par Washington, et deux invasions militaires étrangères – en 1915 et 1994 – en un siècle ? Ces questions ne sont pas rhétoriques mais ont des réponses. Quel autre résultat peut-on obtenir d’une présence extérieure qui imprègne continuellement tous les domaines de la vie économique et politique d’Haïti et qui s’accompagne de l’imposition d’un pouvoir direct par l’instigation d’un conflit entre les élites nationales ?”
Une telle ingénierie politique et sociale, selon Zakharova, exacerbe toujours les problèmes mais n’aide jamais à les résoudre, surtout pendant la pandémie actuelle. “La pratique mondiale a prouvé plus d’une fois que toute exportation de modèles de développement étrangers, sans parler de l’imposition par la force, sans tenir compte des particularités, des traditions, des attitudes ou des racines historiques nationales des populations d’un pays, ne peut qu’entraîner l’introduction d’un déséquilibre dans les éléments fondamentaux du développement de l’État, la destruction des lignes directrices du développement et la rupture des liens économiques naturels.”
“Tout cela devient encore plus évident face à la pratique flagrante du double standard. Nous le constatons au Venezuela, à Cuba, en Syrie et dans un certain nombre d’autres pays dans différentes parties du monde. Il est triste de constater que l’on utilise ouvertement la double moralité qui érode les principes internationaux (si tant est que l’on puisse parler de moralité) et que la démocratie n’est interprétée qu’à travers les interprétations occidentales et en grande partie comme une excuse pour l’ingérence. D’où les défis dont nous discutons aujourd’hui à propos d’Haïti et la responsabilité des États étrangers pour leur part dans l’exacerbation de ces défis.”
“Nous sommes convaincus que ces pays devraient se poser de nombreuses questions désagréables et essayer de parvenir au moins à quelques conclusions sensées. L’essentiel est de réaliser que le véritable objectif de l’aide n’est pas d’imposer des modèles étrangers, mais d’aider les gens à décider eux-mêmes de leur destin par le biais d’un dialogue inclusif, de la formation d’un consensus public et politique fondé sur leur droit interne et les normes internationales, sans interférence extérieure. Ce sont des vérités communes qui sont fixées dans la Charte des Nations unies. Cependant, nous constatons souvent qu’elles sont violées et même oubliées par de nombreux acteurs mondiaux”, poursuit elle.
Par Pierre Emmanuelle Tanis
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