« Nous avons perdu une bataille mais pas la guerre » a lancé Martine Moïse indexant ce qu'elle appelle les oligarques corrompus. |
Faire le déplacement jusqu’ici pour nous soutenir,
pour dire adieu au Président de la République, est une marque de sympathie qui
procure force et courage à toute la famille et l’aide à surmonter ces épreuves.
Quand j’ai rencontré Jovenel Moïse, cet homme qui
allait devenir mon mari et le père de mes enfants, ses professeurs, camarades,
amis et connaissances le décrivaient comme un esprit brillant, inventif et
créatif ; un être passionné et déterminé, une personne sympathique, enjouée,
dotée d’un grand charisme ; un jeune homme réservé mais tellement généreux.
Martine Moïse devant le cercueil de son mari |
Ce jeune homme m’a charmée et séduite. Il m’a
conquise. Il a gagné mon cœur et depuis, nous avons décidé de construire un
seul et même avenir. Nous avons choisi de ne faire qu’un seul et même être. Il
est devenu ma chair et mon sang coulait dans ses veines. Il est devenu mon
hymne et moi son orchestre.
Ce jeune homme passionné, cet entrepreneur à succès,
mon Jovenel Moïse, a toujours cherché à faire plus, à faire mieux. Il ne
voulait pas fermer les yeux sur les conditions de vie de ses parents, de ses
frères et sœurs qui ont dû travailler rudement pour faire son éducation.
Pour en avoir été longtemps une victime, il
connaissait bien les vices de ce système pourri et injuste dont personne avant
lui n’a voulu parler. Ce système auquel peu avant lui ont voulu s’attaquer.
Alors un jour, il a décidé de se porter candidat
à la magistrature suprême de l’État. De mettre la main à la pâte, d’intégrer le
système pour le combattre. Et depuis ce jour, j’ai dû me familiariser à
entendre parler de cet homme que je connais si bien en des termes dont je ne
connaissais pas l’existence.
Mon Jovenel a été traité de tous les noms que peuvent
faire inventer la haine de soi et le dégoût que suscite le reflet de soi dans ceux
qui nous ressemblent. Sous l’anonymat des réseaux sociaux ; derrière la toute
puissance des micros et la pointe de stylos vendus à prix d’or ; cachés sous
des titres ronflants dont ils s’affublent, experts ès mensonges, consultants en
générations de problèmes, techniciens du chaos, politiciens miséreux et si
misérables, chacun s’est voulu plus créatif que l’autre.
Des soldats montent la garde devant le cercueil |
J’entendais des adjectifs associés au nom de mon
bien-aimé et j’avais du mal à m’imaginer que la folie du pouvoir, la
vulnérabilité économique, le vant vid, l’envie pouvait conduire à autant de
méchancetés.
Mais on s’y était préparé. La famille savait que le
combat de Jovenel Moïse nous vaudrait toutes les turpitudes.
Ce à quoi nous n'étions pas préparés, ce à quoi je
n'étais préparée c’est de me tenir debout aujourd’hui pour prononcer l’éloge
funèbre de mon époux. C’est me réveiller un matin et ne pas voir Jovenel à mes
côtés.
Comment accepter l’idée de ne plus entendre ta voix,
tes rires, de ne plus te toucher, de ne plus entrelacer mes doigts aux tiens ?
Comment t’imaginer partir quelque part sans moi, sans tes enfants ?
C’est un cauchemar dont je n’arrive pas encore à
me réveiller ! C’est une situation à laquelle tu ne nous avais pas préparée
! Ta femme, tes enfants, tes petits enfants, tes sœurs, tes frères, tes
neveux et nièces, cousins et cousines, tes amis, tes collaborateurs, ton peuple
! Nous sommes là ce matin à faire quoi ? Te rendre un dernier hommage ? Faire
ton deuil ? Tu ne nous as pas préparé à cela !
Je me souviens encore de toi me disant que tu veux
partir les mains propres et pures. Mais tu ne pensais pas partir sans avoir pu
nous faire tes adieux. Tu ne pensais pas partir mutilé, désarticulé !
Tu as été sauvagement assassiné, toi qui as
toujours renoncé à la violence ! Tu as toujours prêché le pardon, la
réconciliation, le tèt ansanm ! On a comploté contre toi, te condamnant à
mourir dans la barbarie et la cruauté!
Toi si indulgent envers les autres, tu as connu
la haine ! Ils t’ont jeté leur venin pour assassiner ton caractère. Toi
toujours si loyal envers tes proches, tu as été abandonné et trahi.
Ton assassinat a mis à nu leur haine, leur laideur et
leur lâcheté.
Quel crime as-tu commis pour mériter un tel châtiment,
toi, dont le plus grand péché a été d’aimer ton pays. Défendre les plus
faibles, les plus vulnérables, les opprimés, les sans-voix contre l’avarice des
uns et la cupidité des autres, est-ce un crime ?
Vouloir libérer l’État des griffes d’oligarques
corrompus, est-ce un si grand méfait ? Pourquoi vouloir électrifier son pays
provoque autant de haine et de violence ? Quand combattre la corruption est-il
devenu un délit ? Pourquoi vouloir démocratiser le crédit est un péché ?
Comment lutter pour l’égalité des chances d’accéder à la fonction publique est
devenu condamnable ?
Sœurs et frères, Haïtiennes et Haïtiens, si vous
croisez les bras et regardez faire les bourreaux, le sang ne cessera de
couler. Aujourd’hui, c’est Jovenel Moïse. Demain, ce sera elle, ce sera lui, ce
sera moi, ce sera nous.
Les rapaces courent encore les rues. Leurs griffes et
leurs crocs ensanglantés sont encore à la recherche de proie. Ils ne se cachent
même pas. Ils sont là à nous regarder, à nous écouter, espérant nous faire
peur. Leur soif de sang ne s’est pas encore étanchée.
Mais Jovenel Moïse nous a montré le chemin. Il nous a
ouvert les yeux. Alors ne laissez pas se verser en vain le sang de votre
Président. Crions justice ! Crions justice ! Crions justice !
Nous ne voulons ni vengeance, ni violence. La
violence amène la violence répétait souvent le Président Jovenel. Nous ne
céderons pas non plus à la peur. La peur engendre la peur disait-il
toujours. Nous allons les regarder droit dans les yeux comme, Jovenel
Moïse les aurait fixés. Et nous allons leur dire que c’est assez !
Frèm, Sèm, Ayisyen, Ayisyèn kap viv nan 4 kwen peyi a
ak nan diaspora, ou menm ki vi n sipòte fanmi an nan moman difisil sa,
Nou diw mèsi anpil. Prezans ou ban nou fòs ak kouraj
pou n ka kenbe. Yo asasinen Jovenel Moïse, men yo pa ka asasinen ni vizyon l,
ni ide l yo, ni rèv li genyen pou peyi sa. Nou pèdi yon batay, men nou pa pèdi
lagè. Lit la poko fini. Jovenel pap lage nou nan wout. Li te deja montre nou
chimen an. E l ap kontinye akonpanye nou jiskaske nou rive, menm si chimen an
long.
Jovenel mon amour, mon compagnon, mon ami, mon autre
moi, que vais-je devenir sans toi ? Comment me résoudre à vivre sans toi
? Ces pleurs qui inondent mon cœur, ces larmes dans lesquelles mon âme se
noie, quand viendras-tu les sécher ?
Je ne peux te faire mes adieux. Alors je te dis au
revoir Jovenel. Pars avec tout l’amour que je te porte. Les valeurs que tu nous
a inculquées à tes enfants, à moi, à la jeunesse de ton pays continueront
d’exister de générations en générations.
Pars en paix mon amour ! Pars avec le sentiment
du devoir accompli ! Laisse ton âme reposer en paix ! Nous nous chargerons du
reste !
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