Martin Luther King Jr, le 28 août 1963, lors de son discours "I have a dream" devant 250 000 personnes à Washington. |
L’Amérique se
souvient de Martin
Luther King, l'icône de la lutte pacifique contre les inégalités raciales,
assassiné il y a 50 ans à Memphis (Tennessee) par un ségrégationniste
blanc. Le 4 avril 1968 à 18 h 01, le pasteur noir
est mortellement touché d'une balle sur le balcon d'un motel de Memphis, où il
était venu soutenir les éboueurs en grève. Sa mort, à l'âge
de 39 ans, déclenche des émeutes dans plusieurs grandes villes
américaines. Cinquante ans après, ce mercredi 4 avril 2018, des rassemblements lui ont rendu hommage à Washington,
autour de la statue de son mémorial sur le Mall en matinée et devant le motel
Lorraine de Memphis, depuis transformé en musée, à l'heure exacte où il a été
abattu. Cinquante ans après la mort de Martin Luther King, les inégalités
raciales persistent aux Etats-Unis. 50 ans après la mort de Martin Luther King,
«le combat continue»
L'histoire a
retenu très peu de noms de leaders africains-américains, et parmi eux, presque
exclusivement des hommes. On peut citer W.E.B Du Bois, Martin Luther King, Malkom X, Jesse Jackson, Barack
Obama... L'exception féminine pourrait être Rosa
Parks, mais elle n'est citée que comme la femme qui a refusé de céder sa
place dans un bus
et pas comme la militante engagée pendant des dizaines d'années. Parmi ces
figures, le nom qui ressurgit à chaque fois est celui de Martin Luther King. Du
héraut du mouvement des droits civiques, on a retenu la célèbre formule «I have
a dream», et on a fait de lui l'espoir incarné de la fin de la ségrégation.
Un demi-siècle après l'assassinat de la figure de
proue du mouvement des droits civiques, que reste-t-il de ses combats?
Jesse Jakson, Martin Luther king et Ralph Abernathy au balcon du Motel Lorraine à Memphis Tenessee, le 3 avril 1963, la veille du jour où King fut abattu le lendemain. |
Grand
défenseur des droits humains en général, Martin Luther King avait une vision
universelle de progrès social indifférente à la couleur de peau. On oublie - et
c'est en partie à cause de la récupération politique du personnage - que Martin
Luther King a toujours mis l'accent sur la lutte économique et sociale en
parallèle de son combat pour les droits civiques. À partir de 1966, il s'était
ainsi installé dans un quartier difficile de Chicago pour lutter contre la
ségrégation résidentielle. Par ailleurs, le prix Nobel de la paix 1964 était
parfois plus controversé qu'on ne l'imagine aujourd'hui. En témoigne par
exemple son engagement contre la guerre au Vietnam, une prise de position très
décriée à l'époque.
Le célèbre «rêve» de Martin Luther King est-il
aujourd'hui accompli?
Le 26 mars 1964 , Malkom X et Martin Luther King Jr. se rencontrent en marge des débats au Sénat américain sur la loi pour les droits civiques. |
Le rêve de 1963 de Martin
Luther King, cet espoir de liberté, de justice, de fraternité, ne s'est réalisé
qu'en partie. Les lois de 1964 et 1965 - Civil Rights Act et Voting Rights Act
- ont été de grandes victoires pour la communauté africaine-américaine. Bien
plus tard, l'élection de Barack Obama a aussi été, d'une certaine manière, la
réalisation du rêve de King: un président noir aux États-Unis, c'est une
progression stupéfiante lorsqu'on se rappelle que l'esclavage n'a été aboli
qu'en 1865! Il ne faut pas minimiser la portée symbolique de cet événement,
même si le symbole ne fait pas tout... Obama n'avait pas l'intention d'être le
président des Noirs, et il ne l'a jamais été.
D'un autre côté, plusieurs
indicateurs socio-économiques montrent que dans les faits, l'égalité entre
Blancs et Noirs est encore loin d'être atteinte, notamment en matière de
revenus, de santé et d'espérance de vie, d'éducation, d'incarcération... Quant
aux violences policières, un problème très ancien mais bien plus médiatisé
aujourd'hui qu'auparavant, le plus bel hommage à la mémoire de King serait que
le comportement de la police devienne indifférent à la couleur de peau. Mais
nous en sommes encore loin.
À titre personnel, nous sommes pessimistes sur la capacité actuelle des Américains à faire reculer les inégalités raciales, d'autant plus qu'on assiste depuis quelques années à un phénomène de polarisation raciale accrue. Mais des mouvements interraciaux comme March for Our Lives - une manifestation géante pour le contrôle des armes à feu au cours de laquelle on a notamment vu la petite-fille de Martin Luther King reprendre le fameux «I have a dream» de son grand-père - expriment tout de même une capacité de mobilisation à ne pas sous-estimer.
Un demi-siècle plus tard,
force est de constater que les Afro-Américains ne vivent pas encore dans ce
"rêve", comme l'illustrent les émeutes de
Charlottesville, de Ferguson, le
mouvement Black Live Matters ou de nombreuses statistiques.
Aux États-Unis, alors que les Afro-Américains représentent environ 13% de la
population, ils composent la moitié des victimes de crimes racistes commis en
2016, selon les statistiques du FBI, relayées par le Washington Post. Entre 2010 et 2012, les jeunes Noirs
tués par la police étaient 21 fois plus nombreux que les jeunes Blancs, d'après
ProPublica, cité par Le Monde.
Qu'est devenu le rêve de Martin Luther King ?
Et pour les cinquante années à venir?
On se souvient de Martin
Luther King pour son action forte ainsi que son message porteur et
transgénérationnel. Mais ce qui nous frappe dans toute l'effervescence autour
du cinquantenaire de sa mort, c'est que l'essentiel ne semble pas tant être de
se féliciter des changements accomplis dans les années 60, mais plutôt de faire
en sorte que le combat continue. La force
de King, c'est de continuer à insuffler l'espoir que le changement peut se
poursuivre, même un demi-siècle après sa mort.
À titre personnel, nous sommes pessimistes sur la capacité actuelle des Américains à faire reculer les inégalités raciales, d'autant plus qu'on assiste depuis quelques années à un phénomène de polarisation raciale accrue. Mais des mouvements interraciaux comme March for Our Lives - une manifestation géante pour le contrôle des armes à feu au cours de laquelle on a notamment vu la petite-fille de Martin Luther King reprendre le fameux «I have a dream» de son grand-père - expriment tout de même une capacité de mobilisation à ne pas sous-estimer.
Crimes racistes, bavures policières et émeutes
Yolanda Renée King, la petite fille du Dr. King a pris la parole lors de la «March of Our Lives» le 24 mars 2018 |
Autre chiffre frappant :
en 2010, un Afro-Américain avait six fois plus de chance de se
retrouver en prison qu’un homme blanc, selon l'étude du Pew Research Center,
reprise par Europe 1. Les Afro-Américains sont également plus
fréquemment condamnés à tort. Depuis 1989, 47% des 2 000 erreurs
judiciaires commises par le système judiciaire américain ont concerné des
Noirs, selon un rapport du Nation Registry of Exonerations,
résumé par Le Figaro.
Plus pauvres et plus en mauvaise santé
Les discriminations et
inégalités subies par les citoyens afro-américains sont aussi
économiques. En 2012, 27,2% des Noirs vivaient sous le seuil de
pauvreté, contre 9,6% pour les Blancs, selon l'étude du Census Bureau
développée par L'Express. De même, en 2015, 11,2 % des Noirs étaient
au chômage, contre 4,6 % des Blancs, d'après le Bureau of Labor Statistics. Et
les Blancs étaient en moyenne 13 fois plus riches que les Noirs, d'après le Pew
Research Center, traduit par Alternatives économiques.
Ces disparités sont enfin
sanitaires. En 2009, les Afro-Americains avaient le taux le plus élevé de
morts par crise cardiaque, AVC, cancer et diabète, selon le Centre de
prévention des maladies, repris par L'Express.
Sources de référence: AFP, Reuters,Le
Monde, l’Express, Le Figaro
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