Samuel Pierre Le savant canadien venu d'Haïti |
Il y a six
ans, la terre tremblait en Haïti, entraînant dans la mort 230 000
personnes. Si beaucoup d’organismes internationaux se sont lancés à la
rescousse du pays, les Haïtiens –sur place et dans
la diaspora – ont aussi mis la main à la pâte de la reconstruction.
De Montréal a émergé une université. Largement virtuel depuis deux ans,
l’établissement sortira de terre dès demain matin.
Une fois par
mois, la professeure Chantale Jeanrie a rendez-vous avec l’avenir d’Haïti.
De son bureau de l’Université Laval, elle dirige les travaux de doctorat
d’un étudiant de Port-au-Prince. Ce dernier, qui planche sur les problèmes
d’alphabétisation dans son pays, sera parmi les premiers titulaires
d’un doctorat formés en Haïti par une université conçue à Montréal.
Mise sur
pied par un professeur de génie de Polytechnique Montréal, Samuel Pierre, et
par un groupe d’amis d’Haïti qui s’est formé dans la métropole québécoise au
lendemain du tremblement de terre de 2010, l’Institut des sciences, des
technologies et des études avancées d’Haïti (ISTEAH) a vu le jour
en novembre 2013.
Première
université haïtienne à offrir des formations doctorales dans la Perle des
Antilles, aux dires de M. Pierre, l’ISTEAH compte aujourd’hui plus de
190 étudiants. Cette année, les premiers diplômés à la maîtrise recevront
leur diplôme. En 2017, ce sera le tour des premiers doctorants.
« Les
besoins en éducation supérieure sont décuplés en Haïti. Les étudiants veulent
avoir les ressources et les connaissances qui leur permettront de reconstruire
le pays. »
— Chantale
Jeanrie, professeure à la faculté des sciences de l’éducation
de l’Université Laval et enseignante à l’ISTEAH
Pour le
moment, ces ressources manquent cruellement. Même si le pays compte plus de 200
universités, tout juste une centaine de titulaires de doctorat y vivent.
Résultat : l’ISTEAH,
à l’exception d’un seul professeur embauché l’été dernier en Haïti, compte sur
un réseau de 167 professeurs qui vivent à l’étranger et donnent
bénévolement cours et encadrement à coups de séances sur Skype.
Certains de
ces volontaires se rendent aussi en Haïti pour de courts séjours.
Mme Jeanrie a déjà fait le voyage deux fois et compte le répéter
l’automne prochain. « C’est très nourrissant, dit-elle. Surtout quand je
suis en contact avec des étudiants qui ont la motivation de changer les
choses. »
PROBLÈMES ET
SOLUTIONS HAÏTIENNES
L’université,
largement virtuelle pour le moment, ne le restera pas longtemps.
Demain, au lendemain du sixième anniversaire du terrible séisme qui a
tué 230 000 personnes, une première pelletée de terre sera soulevée sur un
grand terrain de Milot, à 5 km de Cap-Haïtien, la deuxième ville en
importance du pays. D’ici 2020 y poussera la Cité du savoir, un grand
campus qui vivent à l’étranger et donnent bénévolement cours et encadrement
à coups de séances sur Skype.
Certains de
ces volontaires se rendent aussi en Haïti pour de courts séjours.
Mme Jeanrie a déjà fait le voyage deux fois et compte le répéter
l’automne prochain. « C’est très nourrissant, dit-elle. Surtout quand je
suis en contact avec des étudiants qui ont la motivation de changer les
choses. »
PROBLÈMES ET
SOLUTIONS HAÏTIENNES
En 10 ans,
Samuel Pierre, qui préside l’ISTEAH, espère voir émerger 1000 experts dans un
petit éventail de domaines prioritaires, soit le génie, l’administration
des affaires, les sciences de l’éducation et de la santé.
Samuel Pierre a mis sur pied la première université à offrir sur le sol haïtien des formations doctorales. |
« En
Haïti, quand on a besoin de solutions, on fait venir des gens de l’étranger. Le
pays n’a pas la capacité de penser ses propres problèmes. On espère
remédier à ça. Nos étudiants vont trouver des solutions haïtiennes aux
problèmes haïtiens », dit l’ingénieur originaire des Cayes.
L’université,
largement virtuelle pour le moment, ne le restera pas longtemps.
Demain, au lendemain du sixième anniversaire du terrible séisme qui a
tué 230 000 personnes, une première pelletée de terre sera soulevée sur un
grand terrain de Milot, à 5 km de Cap-Haïtien, la deuxième ville en
importance du pays. D’ici 2020 y poussera la Cité du savoir, un grand
campus qui donnera du travail aux nouveaux titulaires de doctorat haïtiens,
issus de l’ISTEAH. Ces derniers y deviendront à leur tour professeurs.
Cette
approche n’est rien de moins qu’une petite révolution, selon Samuel Pierre, qui
constate que l’exode des cerveaux est l’un des plus grands problèmes d’Haïti.
« De
100 Haïtiens qui ont fait des études supérieures, 83 vivent à l’étranger.
Haïti a été décapité. Pendant la dictature des Duvalier, les
cerveaux ont commencé à quitter le pays, et ça n’a jamais arrêté. »
— Samuel
Pierre, professeur de génie de Polytechnique Montréal et fondateur de
l’ISTEAH
« Nous
devons redonner une tête à Haïti », ajoute le professeur de
génie, convaincu qu’en formant des gens en Haïti et en leur offrant un
emploi de bonne qualité, le pays a plus de chances de retenir ses
cerveaux.
SOUTIEN
CANADIEN
Actuellement,
le soutien pour le projet est largement canadien. L’ISTEAH est notamment
financé par le Centre de recherche en développement international (CRDI),
qui a lui accordé un fonds de démarrage de 600 000 $ pour quatre ans.
« Ça
nous permettra de nous rendre jusqu’à la remise des diplômes de nos
premiers doctorants », dit M. Pierre.
En plus de
Polytechnique Montréal, où enseigne Samuel Pierre, l’ISTEAH collabore aussi
avec une brochette d’universités québécoises (dont l’Université du Québec
à Montréal et l’Université du Québec à Trois-Rivières), françaises et
américaines.
Les forces
vives derrière le projet essaient maintenant de trouver les fonds pour la
construction de la Cité du savoir, un projet de 50 millions sur 20
ans. Les gouvernements sont sollicités, ainsi que la grande diaspora
haïtienne, concentrée au Québec et aux États-Unis. « À terme, on veut
faire de la Cité du savoir une ville qui contribuera au développement du nord
d’Haïti », conclut Samuel Pierre.
Par:
Laura-Julie Perreault
La Presse
La Presse
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