Par Mérès Weche.
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La carte d'Haïti |
Reconnu pour être le côté-coeur de l'île Kiskeya, et le côté-cour de la
République étoilée, Haïti respire à
pleins poumons tous les vents historiques, artistiques et culturels qui ont
balayé la Caraïbe, de la période pré-colombienne à nos jours. Qu'ils fûssent le
mistral et la bora de l'Europe, la bise
et l'alizé de l'Amérique du Nord, ou les
puissants souffles d'Afrique que sont l'éléphanta et le dzhari, tous, - de
longue ou de courte durée- lui ont laissé une part de leur atmosphère, sans
pour autant prendre le vent sur tous les plans. En politique, ce sont surtout
le Grain et le Cyclone qui ont toujours eu la partie belle, et après avoir tout
détruit sur leur passage, ils laissent à la pauvre Haïti un mur de
poussière qui, loin de la remodeler, lui donne très peu de chance d'«élection»
dans le concert des nations.
À bien regarder, ce sont les souffles africains et amérindiens qui ont
davantage ventilé ses espaces idéologiques et culturels, pour non seulement la
doter de structures mentales créatrices,
mais aussi assurer sa survie comme nation à part entière, dans les pires
moments de son existence. Il n'est un
secret pour personne que la semence du basball apportée dans l'ile par les
vents du Nord, au cours des différentes périodes d'occupation américaine,
trouva terrain ferme de l'autre côté de la frontière pour se reproduire, mais
n'a jamais pu s'enraciner sur la terre d'Haïti;
l'enfant rebelle sera accusé de tous les maux: déficit de chromosome;
propagatrice du virus du SIDA; instigatrice de la révolte en Amérique; entité
chaotique ingouvernable, jusqu' à l'incapacité de se diriger. Les velléités
d'autodétermination ou d'indépendance manifestées par la Martinique et la
Guadeloupe ont été tuées dans l'oeuf, par le seul spectre de la «misère haïtienne»
agité devant eux par la Métropôle française.
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Jean-Pierre Boyer a gouverné Haïti pendant 25 ans et détient
jusqu'à ce jour le record de
longévité au pouvoir en Haïti. |
Comprendre Haïti n'a jamais été chose facile depuis la colonie de
Saint-Domingue. À l'entendement de ses fossoyeurs, cette nation aurait dû
disparaître de la carte géopolitique mondiale, depuis la proclamation de son indépendance en 1804.
Le blocus économique dont elle fut l'objet de la part des grandes puissances
d'alors, joint au paiement en francs-or de la dette de l'indépendance qui lui
fut imposé par la France, auraient dû lui éteindre le souffle depuis 1825, sous
le gouvernement de Jean-Pierre Boyer qui, pour y parvenir, dut pressurer le
peuple par de lourds impôts et en restaurant la corvée au détriment des masses
rurales. Cependant, l'insurrection de Praslin, près des Cayes, allait le
contraindre à l'exil, après avoir profondément envenimé les relations
haitiano-dominicaines. Boyer broya une grande part de nos rêves de
développement.
L'art et la culture comme soupapes de redressement
Il existe fort heureusement des vents qui ne sont pas des
bourrasques, mais bien des courants de
pensée; c'est ce qui fait qu'à l'époque de la Renaissance, la France et
l'Italie purent bénéficier de
l'hellénisme grec, cette grande civilisation qui leur apporta des idées
nouvelles dans la structuration de leurs idéaux de beauté dans tous les
domaines de la créativité.
En dépit des rigueurs de l'esclavage dans la colonie de
Saint-Domingue, aucun vent de destruction ne sut briser l'âme nègre
et aliéner son instinct de création; le révolté de Saint-Domingue aura
transporté en Georgie et à Savannah, non seulement sa détermination de liberté
générale des esclaves, mais aussi le
génie créateur de l'Afrique rupestre et mégalythique. Le «soul» nègre, à
l'origine du Jazz et du Blues,
est né de leurs complaintes dans les champs de coton, de canne à sucre et
d'indigo, sous le fouet du commandeur.
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André Malraux,
Ecrivain,- Intellectuel- Politicien |
Lorsqu' André Malraux se
questionna sur cette singularité de la culture haïtienne, par rapport aux
autres pays et territoires noirs de la Caraïbe, il finissait par comprendre,
après maintes réflexions et consultations - à l'approche d'un Tiga, par exemple
-, que la seconde dimension retrouvée dans l'art d'Hector Hyppolite, d'André
Pierre, de St-Brice, et au sein du mouvement Saint-Soleil, dérivait de la force
agissante du vodou comme idéologie religieuse essentiellement
anthropomorphique. André Breton et Wifredo Lam en avaient fait le même constat,
et ce dernier s'inspira des valeurs intemporelles du vodou pour créer des
chefs-d'oeuvres surpassant même ceux de nombre de ses collègues surréalistes
qui cherchaient leur inspiration dans des hallucinations et sommeils commandés.
Son « Ogoun, dieu de la ferraille», peint en 1945, s'inscrit dans le monde des
créatures hybrides du surréalisme, et il en est de même de son «Imamou»,
inspirée d'Erzulie; des figurations qu'il a transposées et universalisées,
montrant l'exubérance et le mystère d'un monde primitif.
Cet art et cette culture, que quelques peintres, écrivains, artisans et
sculpteurs profondément nationalistes
essaient de garder vivants, sont relégués à l'arrière-plan dans les priorités
budgétaires; nos dirigeants s'en souviennent quand il s'agit de faire œuvre
folklorique en période carnavalesque ou pour tout bonnement singer
«la différence» en matière touristique.
Il est un fait certain qu'en dehors de ses immenses ressources
culturelles et artistiques, Haïti qui figure au
dernier rang du classement mondial des nations, n'existerait tout simplement
pas.
Par :Mérès Weche
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