Par Max Dorismond
Sans statistiques en main, puis-je avancer sans crainte d’être contesté que l’individualisme exacerbé se révèle le fléau qui a le plus contribué à la descente aux enfers de mon pays d’origine? Voyons voir!
Plusieurs exemples me viennent à l’esprit, mais concentrons-nous simplement sur deux d’entre eux. Dans l’actualité haïtienne, un gouvernement transitoire a l’obligation d’expédier les affaires courantes de la Nation, en situation de vacance de la présidence. Le cabinet devrait être remanié à la cloche de bois pour se donner un certain vernis.
C’est le moment propice qu’attendaient les rêveurs impénitents. Personne ne veut rester sur le carreau. De temps à autre, quelques listes de ministrables apparaissent sur nos mini-écrans, comme par magie, d’où leur appellation de « Ministres Facebook » ou « ministres face de bouc » avec, en sous-titre, des fanfaronnades telles que : « Dernière heure — le Palais national a fait son choix ».
Quand on se rapproche de plus près, sa lecture nous fait grincer les dents. On y trouve de tout : quelques échantillons de l’intelligentsia, des gens de bonne facture pour la crédibilité, mais aussi des analphabètes, des vendeurs de drogue, des voleurs, des « Koupèd poch », d’anciens bagnards, des cagoulards, que sais-je?
Et pourtant, ces listes
jouent leur rôle sans crier gare. Ce sont des messages sibyllins envoyés au
premier dirigeant de la nation, habituellement nommé par un simple Twitt, en
guise de rappel, juste pour éviter les affres de l’oubli, car la lutte est
âpre. C’est une autre façon d’impulser sa propre promotion sociale, une technique
de valorisation personnelle aux yeux des possédants, aux fins de leur soutirer
quelques sous pour tromper la faim.
Certains des prénommés vont promouvoir leur propre publicité
en démentant, à demi-mots à leur entourage, la douteuse nomination avec une
certaine légèreté, tout en attribuant aux aléas du hasard l’objet de la comédie.
Ô surprise, j’ai appris que la liste a un coût. Elle n’a pas été imprimée « like this - like that ». Mais non. Elle est monnayable en fonction du ministère recherché. Plus la boîte est calibrée, plus chère est la mise. En fin de compte, il faut payer pour mériter le titre, même en rêve.
Face à ces ambitions débridées, ces listes ne passent pas inaperçues pour certains intéressés, telles les agences internationales (du genre de la CIA), en quête de marionnettes à placer au timon des affaires. Elles servent de viviers où sont péchés les guignols à garder en réserve pour les coups fumants au détriment de la république.
L’une de ces listes m’avait vraiment surpris dernièrement pour deux raisons. Un nom choisi comme titulaire de l’Éducation était celui d’un ex-maire unilingue (créolophone). Ce personnage possède une fausse licence en droit, obtenue d’un imprimeur des Cayes, pour la modique somme de 200,00 $ en 1995. D’ailleurs, pour le charmer, on lui décerne son titre de « Maître » à toutes les occasions. J’ignore si c’est « Me. Zabèlbok bèr a chatt ». Interrogez-moi encore !
Pour plusieurs naïfs, à court de réflexion, il est un vrai maître. Toutefois, si son nom figure sur la liste des « ministres face de bouc », point n’est besoin de chercher midi à quatorze heures, l’éditeur aurait été largement monnayé pour avoir accordé l’Éducation à ce barbouze.
Un phénomène socio-économique – En mentionnant cet « avocat marron » qui rêve de la grande vie, cela me ramène à un article que j’avais écrit sur ces entités maléfiques pour l’île. D’où vient cette tendance aux faux diplômes qui indisposent et entravent la nation dans sa marche vers sa destinée ?
Dans un pays où la justice est quasiment inexistante, on demeure avec l’impression qu’il y a plus d’avocats que le reste de la population. En fait, comme aucune institution n’est viable sur cette île, tout le monde en profite. Les moyens de contrôle sont caducs. Allez, emmenez-en des titres !
En conséquence, avec ces cohortes de diplômés en goguette, la profession n’est plus rentable, la majorité des disciples de Thémis se trouvent quelque part en politique. Et une porte en ouvre une autre. Presque tous les militants du Champ-de-Mars s’attellent à la tâche pour se procurer un titre de « Maître » à leur tour, au cas où !
Maître samba, Maître azizwèl, Maître Kornichon, Maître Kare chacun est le maître de quelqu’un, quelque part. Ils ignorent royalement l’existence du Barreau et son rôle de chien de garde. Ce dernier se lave les mains. Personne n’ose protester sous peine de kidnapping.
Les imprimeries ronronnent. De faux diplômes d’avocat s’alignent en rang serré. Tout le monde sera un maître. C’est l’île de la « Maîtrologie », le royaume des « Maîtrologues » unilingues qui trouvent dans la politique un exutoire pour tromper le chômage.
Peut-on leur en tenir rigueur ? Il revient aux lecteurs de partager le vrai du faux ! Car, on ne voit pas d’issue. Comment sortir de ce cercle vicieux qui nous entraîne toujours plus profondément dans ce labyrinthe sans destination. C’est toute une interrogation!
Max Dorismond |
Quel humour pour nous décrire tous ces "Maîtres" qui dominent la place !
ReplyDeleteQue le ton en soit caustique ou comique, vos textes ne manquent pas d'être lus avec intérêt.
L'économiste que vous êtes ne perd jamais le contrôle du sujet qu'il aborde avec toutes les règles de la mathémathique.
Vous maniez vos chiffres aussi bien que vos lettres.
Il ne fait aucun doute que vous défendez si bien les intérêts de notre patrie, que votre plume toujours trempée dans le sang de nos héros, finira bien par placer vos réflexions sous les yeux et dans l'esprit de ceux qui essaieront un jour, de sauver ce pauvre pays, livré à ces "facedebouc" comme vous les appelez si bien.
Comment sommes-nous tombés si bas ?
Comment effacer les marques dont Duvalier a imprégnés ce pays ?
On prétend que de 15 à 25 jeunes filles vierges furent enterrées au Calvaire du Bélair pour perpéter son règne. Si c'est vrai, sa malédiction est bien difficile à disparaitre. Je dis toujours qu'il a tué l'âme de mon pays.
Je redis les paroles de mon mari : mourir en terre étrangère alors qu'on aurait préféré reposer dans sa terre natale, est quelque chose que beaucoup n'arrivent pas à accepter.
Merci Max pour ce beau texte et continuer, je vous en prie.
Amitiés
Janine RM.
Bien decrit la situation des faux diplomes. D'ailleurs çà ne date pas d'hier un petit rappel de Astrel Benjamin sou papa Doc!!!!!!!
ReplyDeleteP.J. Blano
Allô Excellence
ReplyDeleteMon beau-frère se raffole de tes néologismes. Voici ce qu'il écrit:
Lys, je te le dis:
A coté des vérités fondamentales que l'article de Max Dorismond révèle, j'aime les "néologismes" utilisés pour nommer ces "vauriens" de la classe politique et aussi ces analphabètes fonctionnels retrouvés
au Temple de Thémis.. Des néologismes comme " ministre face de bouc".." maitre azizwèl "..Maitre Kare" doivent te plaire en tant que toi-même auteur de tant de néologismes dans nos conversations locales.
C.P