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Saturday, March 29, 2025

MES SOUVENIRS DE JEAN-CLAUDE SAMEDY

Par Eddy Cavé

Ottawa, le 24 mars 2025


Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs d’octogénaire  choyé, je l’admets, par la Nature ou par la Providence, je retrouve partout où je tourne les yeux  le visage et la silhouette de Jean-Claude Samedy. Cet ami avec qui j’ai eu le bonheur de cheminer durant l’enfance, l’adolescence et la prime jeunesse, avant que le mauvais génie qui s’acharne contre Haïti nous projette  vers des rives différentes : lui vers l’Argentine, moi vers le Chili d’abord, puis vers le Canada.  Nous sommes néanmoins restés en contact jusqu’à ce que la mort nous sépare pour de bon.

Étant du même âge, du même secteur de la basse-ville et issus tous les deux de familles très proches l’une de l’autre, nous avons grandi ensemble, fréquenté les mêmes écoles et partagé les mêmes valeurs. Jean-Claude ayant toujours été d’une droiture exemplaire, c’est avec son jeune frère Guy que je faisais les folies de l’adolescence pendant que, lui, ’il était plongé dans les livres d’Alexandre Dumas ou de Saint-Exupéry. Il ne manquait toutefois pas d’humour et s’amusait plutôt à la pensée que je me sauvais avec Guy pour aller, à la tombée de la nuit, nous amuser dans des groupes carnavalesques de renommée douteuse comme Démoli ou La jeunesse. 

Déjà à l’école primaire, Jean-Claude se signalait par son sérieux, sa discipline et son application au travail.  Si son cousin germain Ney Jean Dimanche raflait toutes les médailles et les prix d’excellence, Jean-Claude le talonnait sans relâche, et nous n’avons jamais eu le sentiment qu’ils se concurrençaient… même sournoisement.

À la faveur de l’extraordinaire succès obtenu par le père de Jean, le sculpteur André Dimanche, à l’Exposition internationale du Bicentenaire de Port-au-Prince, la famille s’installait à la Capitale, laissant le champ libre à Jean-Claude qui devint automatiquement un premier de classe incontesté. Resté au Lycée Nord Alexis, pendant que nous allions au Collège Saint-Louis, un autre Jean-Claude — Jean-Claude Chassagne — prenait la tête de notre promotion qui se trouvait divisée en deux.

À cette école congréganiste créée en 1954, l’année du cyclone Hazel,  Jean-Claude Samedy s’affirme comme un leader dans tous les domaines : les salles de classe, la cour de récréation, les activités parascolaires. Dans le scoutisme, il brule toutes les étapes pour devenir rapidement routier, chef de brigade, chef de troupe  et un modèle pour tous les jeunes dont il a la charge.


À l’inauguration, en 1956, des locaux flambants neufs du Collège Saint-Louis à Rochasse, c’est à lui que revient le privilège de prononcer le mot de bienvenue à l’endroit de l’assemblée de notables réunie pour la circonstance, dont : l’évêque des Cayes, Mgr Colignon, le préfet Roger Boncy, le commerçant Pierre Sansaricq, le curé de la ville, le père Perron, le maire, le commandant du district militaire, etc.

Lorsque les scouts traversent la ville pour leurs excusions périodiques à la campagne, Jean-Claude porte avec fierté son uniforme et ses décorations pendant que, de mon balcon, je les regarde passer. Pour avoir mûri prématurément, il se plait déjà à orienter ses jeunes dans le droit chemin et joue à la perfection un rôle de leader. Par son port altier, sa belle taille et son sens de l’honneur, plusieurs voient en lui un futur officier de l’Armée d’Haïti d’avant la dictature.

À l’exception du football qui ne semblait pas l’attirer beaucoup, Jean-Claude a laissé sa marque dans tous les aspects de la vie de la ville : les cercles littéraires, le sport, la natation, le canotage, l’haltérophilie. Sous la houlette de Gwo Èvé Mondésir, un  sympathique marin de La Pointe, et du marin dans l’âme qu’est Jean-Arthur Rouzier, Jean-Claude s’initie très jeune au canotage, à la navigation à voile et participe même à la construction d’un petit voilier que nous appellerons Torpille (Photo ci-contre). Nous avons alors 16 ans et nous nous embarquions dans une aventure qui aurait pu facilement tourner à la catastrophe. Avec le recul, je me rends compte qu’ils savaient ce qu’ils faisaient.

Ayant toujours été, d’instinct, réfractaire à toutes les formes d’embrigadement, je n’ai pas vécu avec Jean-Claude l’expérience du scoutisme. J’en ai cependant entendu parler toute ma vie d’adulte, notamment par Pierre-Michel (Pèpè) Smith qui est resté attaché à son chef de troupe jusqu’à sa mort. À en juger par les souvenirs des jeunes que Jean-Claude a encadrés durant cette tranche de sa vie bien remplie, le jeune homme était un parfait modèle du chef en herbe : sens du commandement, rectitude morale, capacité d’enseignement dans toutes les facettes de la vie du jeune citoyen en général et du scout en particulier. Jean-Claude avait toutes ces qualités et il les a inculquées à un grand nombre de jeunes qui, aujourd’hui encore, se souviennent de lui et de ses enseignements. Le futur prêtre Eddy Julien était de la même trempe, mais beaucoup moins flamboyant que Jean-Claude.

Avec l'ancien condisciple, le père Eddy Julien et Pèpè Smith à Montréal en 1978

Il se produit en 1957 une sorte de changement de cap dans la ville et dans nos relations. Au Lycée Pétion où je vais terminer mon secondaire, et où Jean-Claude Chassagne viendra faire sa philo,  mes études prennent une orientation très différente de la sienne. L’enseignement laïque et très progressiste que dispensent nos professeurs dans une atmosphère de militantisme de gauche influence jusqu’à nos relations personnelles et nos loisirs. Ma déception sera donc grande quand, en classe de philo, où je m’attendais à récupérer mon ami d’enfance, j’apprends qu’il est entré à Saint-Martial. J’ai alors cru la cause perdue, mais il allait se rattraper dans l’Argentine post-péroniste des années 1960. Libéré du carcan de l’enseignement des prêtres bretons, Jean-Claude adoptera une idéologie fortement teintée du justicialisme du Juan Perón, changera de langage, de comportement et même de siècle, si je peux dire.

Pendant que je termine mon droit en Haïti et que je poursuis ma formation à Santiago du Chili, Jean-Claude décroche son doctorat en médecine et un diplôme en sociologie à l’Université de Cordoba. Après un rendez-vous manqué avec lui à Buenos-Aires en 1967, je retourne en Haïti où je combine études et travail pendant trois ans, tout en maintenant  notre chaleureuse correspondance. De son côté, il terminera son doctorat en médecine en Espagne.

On trouvera la liste complète des élèves au tome 1 de De mémoire de Jérémien. La silhouette dont on ne voit que la moitié gauche est celle de Jean-Claude.

Le wharf de notre enfance

L’ami que je retrouve à Montréal à l’été 1970 est celui dont je rêvais depuis longtemps. Un professionnel de gros calibre, un intellectuel qui était allé jusqu’au bout de ses convictions idéologiques qui avait  aligné son quotidien sur sa formation théorique. Un érudit d’une curiosité sans bornes, mais qui avait tendance à trop se fier à l’efficacité des modèles argentins dont les lacunes étaient bien connues. Dans ma vision à moi, ce médecin doublé d’un sociologue était exactement le genre de cadre qui aurait pu servir le pays à la fois dans les hautes fonctions de l’administration publique et  sur le terrain, là où se livrent les véritables combats contre la corruption, l’incompétence et le laisser-grennen.

Notre rencontre à Montréal fut relativement brève, car il retourna précipitamment en Argentine où il avait laissé sa famille.  Par la suite, nous nous sommes revus à chacun de ses voyages à Montréal où vivaient Tante Annette, sa mère, et sa sœur  Guerda. C’était chaque fois un vrai régal de discuter avec lui des problèmes de société d’Amérique latine, des choix stratégiques de l’Argentine ou du Chili, de l’avenir d’Haïti et de la responsabilité des intellectuels du Tiers-Monde.

Au printemps 2004, l’année du bicentenaire de l’Indépendance, Pèpè Smith, lui et moi prenions rendez-vous pour passer la Saint-Louis entre nous à Jérémie. En toute franchise, je n’ai été convaincu que le projet était réalisable que lorsque les trois nous  nous sommes retrouvés ensemble à Buvette, sur la superbe propriété de Jean-Claude Tabuteau. Comble de bonheur, Donald Ferdinand était rentré de New York; Claude Pierre, de Port-au-Prince; Bobisson Large, de New York après un détour à Jacmel. 

À sa descente d’avion, Jean-Claude semblait perdu, mais il ne tarda pas à s’acclimater. Un de ses rêves les plus chers avait toujours été d’offrir gratuitement,  au moins une fois dans sa vie, des soins médicaux à la population de la Grand’Anse.  Et voilà que sa visite à Jérémie coïncidait avec la journée de clinique gratuite que les médecins et infirmières bénévoles de la Floride tenaient à Jérémie à l’avant-veille de la Saint-Louis à Jérémie. Cette merveilleuse initiative en était à sa 7e ou 8e édition  et Jean-Claude eut le bonheur d’y participer. Ce fut pour moi une immense joie de le voir, stéthoscope au cou, converser avec les patients, les ausculter et participer à la distribution des médicaments (Photo ci-contre).

Le soir, tout le groupe se retrouvait à la résidence des époux Edwin Magloire à Calas d’où, assis au bord de la piscine, nous regardions les lumières de Jérémie, tout en remémorant les belles années de notre enfance. Dans la soirée du 24, soit la veille de la Saint-Louis, c’était au tour du couple Mimose et Ernso Jérôme de le recevoir dans leur résidence de Bordes. Ce fut une soirée mémorable de retrouvailles où Jean-Claude était véritablement le centre d’intérêt. Mais le sociologue en lui voulait aussi voir les rues de la ville et ses night-clubs après 40 ans d’absence et je partageais cette curiosité, car ma dernière Saint-Louis à Jérémie remontait à 1964. On se souviendra que les festivités de cette année-là avaient avaient eu pour toile de fond l’invasion des Treize de Jeune Haïti et les massacres qui s’ensuivirent.

J’avais bien entendu dire et observé que la ville avait beaucoup changé depuis, mais l’idée que je m’en faisais n’avait aucune commune mesure avec la réalité que j’allais découvrir. Mes amis Brunel Pierre et Guiton Dorimain, qui étaient de la partie, acceptèrent de bonne grâce de nous faire découvrir non seulement la nouvelle Saint-Louis, mais aussi les aspects les plus surprenants de la nouvelle ville. 

Place Dumas durant la Saint-Louis en 2004

Sitôt dit, sitôt fait. Nous remercions nos hôtes après le dessert et nous embarquons dans la luxueuse Lexus de Brunel, cap sur le carré La Place. À peine avons-nous passé le quartier de Jubilé que nous entrons dans un véritable carnaval de motos allant dans tous les sens. Une première question me vient à l’esprit : « D’où viennent-ils, tous ces véhicules ? »  Puis une seconde : « Et où vont-ils ? »  Pour nos deux amis convertis en cicérones, la réponse est simple : Ils viennent des nouveaux quartiers et vont vers les nouvelles boîtes de nuit. De Caracoli, Sainte-Hélène, Dèyè Kazèn, Déyè  Izin Elektrik, etc.

Comme moi, Jean-Claude regarde bouche-bée la voiture avancer pas à pas en direction de l’ancienne École industrielle et dans un vacarme étourdissant. Des deux côtés  du sentier que nous longeons, des étals de fritay, des marchands ambulants de pâté, de fresco. Brusquement, le bruit familier d’un gros moteur au gazoil : Ça, ça doit être l’usine électrique, s’exclame Jean-Claude !» Il a bien raison.

En effet, la piste d’atterrissage de notre enfance et qu’on appelait Dèyè Kazèn avait été prise d’assaut par une multitude de nouveaux arrivants et convertie en moins de deux générations en un vrai bidonville : « Un véritable cours de sociologie pratique, ajoute Jean-Claude au bout d’un long silence. Muchas gracias amigos ! »

De là, nous avons fait le tour de la ville qui nous a vus grandir, revoyant les maisons que nous avons habitées, les cinémas que nous avons fréquentés, nos anciennes écoles, etc. Puis,  nous sommes revenus à la maison des Jérôme où j’avais laissé la voiture de ma sœur en allant faire cette visite guidée.  Mauvaise surprise, le portail était fermé à clé et Brunel était reparti. Nous décidons donc de remonter à pied et de faire une bonne marche. Je découvre alors que Jean-Claude était dans une forme physique exécrable. L’ancien sportif que j’avais connu et qui nous battait tous à la natation, au canotage, aux exercices de poids et haltères avait toutes les misères du monde à monter à un rythme normal la côte conduisant à notre maison.

Le  lendemain, pendant que toute la famille était réunie pour le petit-déjeuner, mon beau-frère Jean Martineau, médecin et ancien fumeur comme lui, pensa le taquiner en parlant de ses Gitanes, ces affreuses cigarettes françaises de tabac noir, et de son mode de vie par trop sédentaire. Avec son aplomb habituel et sans la moindre hésitation, il répondit : « L’abandon de la cigarette et la marche sont sans aucun doute de bonnes choses. C’est ce que je recommande à mes patients. » Autrement dit, fais ce que je vous dis, pas ce que je fais. Ça, c’était Jean-Claude. Un homme d’une sincérité désarmante qui n’a jamais cherché de faux-fuyants.

Avec un recul de 20 ans exactement, le décès de Jean-Claude des suites d’un emphysème pulmonaire ne manque pas de rappeler celui du fumeur invétéré qu’était le célèbre acteur américain Yul Brynner. Après avoir appris à 63 ans qu’il souffrait d’un cancer du poumon et qu’il était inopérable, l’acteur déclara plusieurs fois en 1985 qu'il souhaitait laisser une campagne anti-tabac en héritage à l’humanité. Quatre mois après son décès, survenu la même année, l'American Cancer Society lançait contre ce fléau une campagne tous azimuts se résumant en trois mots prononcés d’une voix rauque par cette célébrité : « DO NOT SMOKE. »

Je me souviens également avoir reproché des dizaines de fois à Jean-Claude de n’avoir jamais appris à utiliser un ordinateur pour sa correspondance et la rédaction de ses textes. La réponse était un peu la même : « Oui, c’est très utile, mais c’est ma secrétaire qui s’en occupe. » Ça encore, c’était Jean-Claude. Un ancien chef scout qui répartissait les tâches au sein de sa troupe, selon le grade, l’ancienneté ou les compétences.

Quand est venu pour moi le temps d’écrire sur Jérémie dans la perspective du récit illustré, j’ai d’abord cherché des photos inédites dans mon entourage immédiat. Claude Martineau et Fritzner Bourdeau, de New York, Jean-Robert Pierre, les frères Julio et Nephtalie Gauthier, de Montréal, m’ont donné d’excellentes photos, mais Jean-Claude était le seul qui, malgré son isolement dans le fin fond de l’Argentine, a pu me faire parvenir certaines des photos dont j’avais le plus besoin. Cela n’a pas été facile, mais il l’a fait. N’ayant jamais pris la peine d’apprivoiser l’ordinateur, il a dû pour cela apporter ses imprimés à un laboratoire de Tinogasta, sa ville d’adoption et, une fois le travail effectué, c’est le propriétaire de l’entreprise  qui m’a, lui-même, transmis les  fichiers par le courrier électronique. Ça aussi, c’était Jean-Claude. Un gestionnaire qui allait chercher les ressources ou les services là où ils se trouvaient et qui ne reculait jamais devant le prix à payer…

Au restaurant La fourchette créole de Raymonde Bourdeau,à
Montréal, entre Jacques Dugué Némorin, moi-même et Serge
Pierre en 2015                                                                          
Ce chercheur doté d’une mémoire prodigieuse, ce collectionneur d’antiquités, de timbres-poste, de vieux disques et d’anciennes photos ne pouvait ne pas être fidèle en amitié. Partout où il met les pieds, il s’informe du devenir des vieux amis, des petits pêcheurs de Nan Pousyè, des marins de l’ancien embarcadère de la United Fruit à La Pointe, le Waf bwa. Ses séjours à Montréal étaient toujours pour moi d’agréables occasions de renouer avec les anciens camarades dont il demandait des nouvelles… Jean-Claude était spécial. En outre, il était devenu avec le temps un parfait
 homme du monde. On le voit ici en train de danser à Jérémie avec Didi, l’épouse de son fils spirituel Pèpè Smith. Il avait donc appris à danser et cessé d’être un intello perdu dans ses livres. Ces    rendez-vous avec ma propre jeunesse me manqueront énormément.

Voilà donc le compagnon de route, l’ami de toujours, le frère que je ne reverrai plus et que je pleure aujourd’hui. Le plus triste pour moi, c’est que je n’ai aucun espoir de pouvoir aller un jour me prosterner devant sa tombe et de pouvoir lui dire :


« Routier Jean-Claude Samedy, Jérémie se souvient de toi… Lève-toi et vole  à la rencontre des tiens. Vole vers Jérémie où repose Tonton Tony. Vole vers Saint-François Xavier, au Québec, où nous tous t’avons suivi pour accompagner Tante Annette. Vole vers  Port-au-Prince où Guy, ton frère de sang et mon frère de baptême, a été fauché en plein vol en février 1986 dans la tourmente de la fin du règne qui nous a tous contraints à une forme ou une autre de l’exil.

Routier, si ta dépouille mortelle demeure et demeurera dans ta patrie d’adoption, ton souvenir, quant à lui, restera vivace dans toutes les villes du monde où l’incompétence, la mauvaise foi  et l’obsession du pouvoir absolu ont forcé un jour tes proches, toi et moi-même à déposer pour de bon nos valises de pèlerin fatigué. Et à devenir par la même occasion des citoyens de partout et de nulle part…                                             

QUE TON ÂME REPOSE EN PAIX ! »

Jérémie vue de Bordes, avec son port, sa mer d'un bleu d'azur, sa cathédrale
aujourd'hui démolie et le cimetière où reposent nos parents et grands-parents.
Jérémie de nos amours, ADIEU








2 comments:

  1. Mon ami Eddy, ton texte sur Jean-Claude Samedy constitue un témoignage poignant et érudit d’une amitié forgée dans l’enfance et consolidée à travers les âges. Avec une plume élégante et sincère, tu nous livres un récit vibrant, empreint de nostalgie et de respect, retraçant le parcours exceptionnel d’un homme dont la droiture et l’engagement ont marqué de nombreuses vies. Loin d’être une simple évocation biographique, ce texte s’impose comme une réflexion profonde sur l’exil, la mémoire et l’impact indélébile des relations humaines. À travers une narration fluide et immersive, tu fais revivre les moments partagés avec Jean-Claude, nous transportant dans une Haïti d’antan où l’éducation, le scoutisme et les valeurs morales formaient les jeunes esprits. La description des années de jeunesse de Samedy met en lumière un homme rigoureux, avide de savoir et porteur d’un idéal transcendant les frontières. L’émotion culmine dans la dernière partie du texte, où tu exprimes avec mélancolie ton incapacité à honorer la tombe de ton ami, soulignant le poids de l’exil et la dispersion des fils de la nation haïtienne. Cette séparation forcée, fruit d’une histoire tourmentée, confère à ce témoignage une portée universelle, faisant écho au destin de nombreux intellectuels haïtiens contraints à l’éloignement. Ton texte brille aussi par sa finesse d’analyse sociopolitique. En relatant les divergences idéologiques de vos parcours, Cavé tu illustres la complexité des choix intellectuels dans un contexte où les influences extérieures, qu’elles viennent du progressisme chilien ou du justicialisme argentin, façonnent les trajectoires individuelles. Cette dimension enrichit l’œuvre, dépassant la chronique personnelle pour s’ériger en document historique et sociologique. En somme, Eddy, ton texte est un hommage magistral à l’amitié, à la loyauté et à l’engagement. Par ta prose limpide et évocatrice, tu ériges Jean-Claude Samedy en figure emblématique d’une génération d’Haïtiens dont les talents et les aspirations ont été dispersés à travers le monde. Une lecture qui interpelle, émeut et invite à la réflexion sur la mémoire collective et le devoir de transmission des récits fondateurs.

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  2. Je n'ai pas eu le privilège de connaître feu Jean-Claude Samedi. Cependant, grâce aux écrits limpides de mes frères Eddy Cavé et Hervé Gilbert, j'ai vite compris l'immensité de cette énorme perte pour notre chère Haïti. Merci Eddy et Hervé, pour ce partage. Vous m'avez éclairé la lanterne en campant ce personnage de grande valeur morale et intellectuelle dont nous tous Haïtiens devrions être fiers. Mes très sincères condoléances aux parents et amis de l'inoubliable défunt.
    Kély Tabuteau

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