Jérémie, la cité des poètes |
Après avoir lu le poème « Sur du papier d’aquarelle » du Dr, écrivain, poète et musicien, Jean-Robert Léonidas, Lemarec Destin, un Saint-Marcois, qui n’a jamais traîné dans la région Grand’Anselaise, nous parle de son amour pour la cité grâce à des souvenirs glanés çà-et-là, de la bouche de ses amis Jérémiens. (MaxD.)
UN POÈME QUE J'AI LU AVEC UN RÉTROPROJECTEUR À LARGE SPECTRE DE BALAYAGE. ET POUR CAUSE ... ON VA VOIR POURQUOI CETTE DÉPENSE DE MOYENS.
Mon cher Jean-Robert, le branle-bas précédant les élections américaines, l'inflation d'analyses de toutes sortes de grands médias étrangers et locaux que je ne voulais point rater, joints à celles de nos amis/amies d'ici et d'ailleurs, sans compter mes travaux personnels avaient pratiquement bouffé mes temps libres depuis. C'est ce qui a retardé la production du présent texte auquel je tenais. Mais je savais que je retournerais sur mes pas, car ton poème m'intéresse au plus haut point, pour plusieurs raisons. La lecture du texte les fera défiler une à une. Je voulais le relire afin de mieux le pénétrer et de revivre à travers sa large capture d'images, truffée de superbes descriptions qui, à elles seules, procurent au poète le pouvoir de magnifier éloquemment sa ville natale qui, tiens tiens, est aussi celle de plusieurs de mes amis/amies qui m'ont tant parlé, tant vanté les merveilles de Jérémie, qui ne m'ont jamais caché l'euphorie annuelle, délirante, entourant l'arrivée de la date du 25 août, celle de la fête patronale (la Saint-Louis) pour laquelle « tout't moun'n ap desan'n anba-a », même plusieurs de ses ressortissants en diaspora. Malheureusement, plusieurs d'entre eux sont rappelés trop tôt par leur Créateur.
Tu as cité le nom du chanteur MALOU que je connais et qui me fut présenté un samedi à Port-au-Prince par des admirateurs enthousiastes et zélés. Je savais déjà tout de lui à Jérémie. Je savais aussi qu'il était le chanteur-vedette du groupe musical « LES FANTAISISTES » et qu'il représentait " un moment ", une époque de cette jeunesse jérémienne, éprise de théâtre, de danse, avide de poésie, de belle poésie, de musique, de peinture, de beaux paysages environnants, que ce soit sur "du papier d'aquarelle " ou en textes. Quant à Versailles Night-Club, n'en parlons pas. Pour la jeunesse jérémienne, m'avait-on appris, ce Night-Club représentait en popularité et en glamour le « CABANE CHOUCOUNE » de Port-au-Prince ou le FEU VERT du Cap-Haïtien , toutes proportions gardées :
Avant tout Jérémie, n'est-elle pas aussi, entre autres, la ville natale du Grand Etzer Villaire qui, en dépit de ma longue absence du pays natal et de ma rencontre avec d'autres grands poètes, garde encore sa place de choix dans la galerie de mes poètes préférés et adulés. Le poète dont le verbe intarissable, ciselé, d'essence plus que romantique est capable d'offrir généreusement en cadeau ce beau joyau à une femme qu'il aimait :
« En
toi tout est parfum : l'âme et le corps/tout est grâce et s'unit en célestes
accords/ l'harmonie et le miel coulent de ta parole/tes cheveux ondoyants,
caressant auréole/voilent dans un frisson ta nuque et ton front pur/Et le
soleil qui rit dans tes grands yeux d'azur ».
Tu y as également parlé de « flûte en bambou cueillie sur la route des Roseaux ». Mais moi, en lisant ces deux mots: bambou et Roseaux, en rétrospective mon imaginaire, toujours collé aux récits enflammés des amis jérémiens, me renvoie plutôt à ces silencieux et utiles « Pipirites » nombreux, qui allègrement descendent la Grand'Anse avec leurs cargaisons de victuailles et de produits agricoles de toutes sortes, pour alimenter les marchés locaux et, bien sûr, celui de Jérémie.
Tu y as
également évoqué la mer et le warf. Là, ce sont les armateurs, ceux qui font le
transport maritime qui « me viennent en tête », en particulier
monsieur FULTON (prononcer FOULTON'N) à qui les parents
confiaient leurs enfants pour le transport Jérémie-Port-au-Prince, lors de
l'ouverture des classes, non sans payer à l'avance la traversée. Le retour à
Jérémie, c'était toujours la fête de regagner joyeux le bercail et la
perspective d'enivrantes et folles vacances, quitter la ville pour des
randonnées, des promenades à la campagne, en zones péri urbaines comme aller
nan « No 2 » par exemple, toujours d'après les différents
récits joyeusement entendus. Le propriétaire du VERSAILLES de son côté,
en bon homme d'affaires, se frottait les mains de joie et d'espoir en cette
période marquée, car pour son Club " mythique ", le rendez-vous de
jeunes coeurs qui souffrent, ce sera la « haute saison » pour
une accélération de son entreprise d'entertainment et aussi pour le
personnel.
Bref, il y aurait beaucoup à dire de ce beau poème que j'adore pour sa « sublimité » pour aussi les gens, les lieux, les objets qui n'y figurent pas, mais qui a l'énigmatique vertu de nous les rappeler, de les faire revivre dans la pensée, et aussi se rappeler des filles qui ont appris à danser au poète, et en même temps réactiver mon imaginaire jérémien, curieusement « construit » par les conversations débonnaires et instructives de mes chères amies/ amis jérémiens.
Mais finalement, il m'apparaît plus qu'utile d'avancer que c'est la Muse
qui, dans sa grande Générosité, a conféré au poète Jean-Robert cet immense
pouvoir des mots qui lui permet de « convoquer les gosiers des oiseaux/
les luettes du choeur des anges/ et sous le vétiver d'une grange »
pour chanter, d'admirable façon, les merveilles et la gloire de sa ville natale
Jérémie et, pourquoi pas de toute la Grande-Anse. La ville de Jérémie et toutes
les régions de la Grande-Anse te seront très reconnaissantes mon cher
JEAN-ROBERT pour ce beau cadeau, même si le poème est écrit depuis 2007.
Félicitations. Du beau travail!
Lemarec Destin |
Sur du papier d'aquarelle
Sur du papier d'aquarelle
jeté contre le chevalet de ma jeunesse
avec le pastel de mes souvenirs
je dessine Jérémie
s'ébauchent les sommets des hauts lieux du
désir
se profile la ligne des crêtes de mon
enfance
telle un cercle de poètes oubliés
maints quartiers battent la chamade
mille points cardinaux tourbillonnent
comme une rose des vents
Rochasse Bordes La Source
La Pointe le wharf Versailles
et la mer la mer anse d'azur et de varechs
sur le cannevas de ma mémoire
se reforme peu à peu la pochade de
Versailles
je la vois qui prend vie
sous le ciseau des pygmalions du Sud
comme un vieux castel fleuri de queue-de-rat
de crotons de caladiums
comme une peinture primitive
un gtand cocotier au profil d'hidalgo
planté dans le tableau des artistes sans nom
le Versailles de non coeur
est dans un coeur de femme
je t'en dirai le nom
tissé de sons
de couleurs de ciel et d'océan
de collines de rochers
de rivière d'embouchure
de banjo d'harmonica et de banboula
de cadence de rythme de contredanse et de
ripaille
et surtout
surtout de boléro de compas et de rumba
et j'écrase une larme
en pensant à Saunt-Louis
le bon vieux saint jamais n'a renié la
cadence
on dit de lui qu'il était roi de France,
mais il fut bon ami je l'appelais Loulou
à Versailles maintes fois il allait avec
nous
tous les 25 Août de joie il était fou
il causait dansait chantait avec Malou
il aimait lui aussi la fête et la bombance
après tout comme nous n'est-il pas de
Grand-Anse
sur du papier d'aquerelle
jeté contre le chevalet de ma jeunesse
avec le pastel de mes souvenirs
je dessine Jérémie
ma ville poésie
d'une flûte en bambou cueillie sur la route des Roseaux
je convoque les gosiers des oiseaux
les luettes du choeur des anges
et sous le vétiver d'une grange
pour toi je chante do ré mi
pou toi je chante ô Jérémie
terre de musique coin de poésie
Jean-Robert Léonidas ( Extrait de Parfum de Bergamote, Montréal, 2007)
Mon cher Hervé, tu as accouché pour les lecteurs une anthologie culturelle sur la Grand’Anse. Ton montage nous en met plein la vue. Dans le texte de Lemarec Destin, chaque titre coloré nous réserve ses surprises: poésie, musique, la beauté du coin... Un clic sur chacun de ces indices bleutés nous retourne vers des souvenirs incontestables. Dommage que c'est du passé pour la jeunesse actuelle. Au moins, la diaspora Grand'Anselaise, dans la solitude de son exil, se souvient encore de ce passé enchanteur qui avait bercé sa jeunesse dans une époque totalement révolue qui ne reviendra jamais plus. Mille mercis, mon vieux.
ReplyDeleteMax, tes mots vibrent en moi comme un écho venu des hauteurs verdoyantes de la Grand’Anse, ravivant l’importance sacrée de préserver ces éclats d’un héritage qui nous définit. Par le souvenir et l’écriture, nous tissons un fil fragile mais précieux entre hier et aujourd’hui, entre ce qui fut et ce qui reste à rêver. Si cette anthologie a su éveiller la douce mélancolie de jours révolus et raviver l’éclat de cet enchantement perdu, alors l’effort n’aura pas été vain. La Grand’Anse, avec ses trésors culturels et ses symphonies d’antan, demeure un sanctuaire dans nos cœurs, défiant l’épreuve du temps et de l’exil.
DeleteMerci infiniment pour ton hommage, qui réchauffe l’âme et illumine le chemin du souvenir.hg
Cher ami,
ReplyDeleteJ’achève à l’instant la lecture de ton article, « Quand un non-Jérémien tombe en amour avec la poésie de cette cité » paru aujourd’hui 15 décembre 2024 sur le site ami Haïti-Connexion, et je ne puis résister à l’idée de te faire ce bref courriel.
J’ai bien noté, et cela m’a interpellé, que ton texte est consécutif à la lecture du poème « Sur du papier d’aquarelle » du médecin-romancier et poète Jean-Robert Léonidas. Comme tu le sais déjà, ce romancier jérémien de belle eau se situe dans la lignée des grands écrivains-médecins, notamment Jacques Stéphen Alexis, Joël Des Rosiers, Jean Métellus, Jacques Lacan --sans oublier le médecin-écrivain Portugais António Lobo Antunes qui a si bien arpenté l’« âme » et les convulsions des Portugais et des Angolais en lien avec la révolution anticolonialiste de l’Angola…
Tout de go, comme le maugréent parfois mes interlocuteurs amerloques, je salue ta vive plume, ton style alerte qui s’éclaire d’une ample maîtrise de la langue française, ta manière de faire de la mémoire le fil conducteur d’une amicale lettre au médecin-romancier et poète Jean-Robert Léonidas. J’y vois à coup sûr l’expression de « La belle amour humaine », titre emprunté à Jacques Stéphen Alexis par le romancier et poète Lyonel Trouillot…
Il en va ainsi des médecins-écrivains qui, à force de soigner les corps, ont résolu de soigner l’esprit en soignant avant tout la langue.
Je te félicite hautement, cher Lemarec, et je te dis mon amitié de poète !
Bien à toi,
Bob
Bob a gardé de mon écriture la même opinion qu'il a eue il y a 20 ans.
ReplyDeleteMax mon ami d'enfance et camarade de classe n'a jamais caché son admiration.
Et voici que Lemarec se mêle de la partie avec enthousiame dans Haiti Connexion Culture. En vérité, une belle surprise que je découvre à l'instant même.
Merci, chers amis.
Pour employer une expression bien ordinaire, je dirai que j'ai eu "le souffle coupé" en lisant le poème de Jean-Robert Cet authentique poète jérémien m'a vraiment remuée avec ses vers.
ReplyDeleteLa critique de Lemarec est tout à fait à la hauteur des émotions de ses lecteurs.
Il y en aurait beaucoup à dire, mais, hélas ! je me contente de méditer en pensant à celle qui fut la Muse insprirante de ces vers.
Ayant quitté Jérémie à la fin des années 40, je n'ai pas connu Versailles. Ensuite les boulversements politiques ont remué la Cité des poètes. Il n'est étonnant que ses filles et fils aient su surmonter cet épisode malheureux qui a marqué cette Cité des poètes.De nombreux artistes trempent à leur tour leurs pinceaux dans les eaux parfois tumultueuses dans cet immense bassin de romance qu'est la Grand-Anse.
À bientôt et merci Max.
Àmitiés,
Janine.
Mon cher Max
ReplyDeleteLemarec ou Dess comme tu le nommes a une belle âme, un grand coeur, et une intelligence remarquable. Il faut cependant admettre, que seul une personne avec ces même vertues puisse reconnaître l'autre! Je ne vous connais pas, mais j'avoue admirer vos talents littéraires. Je me sens privilégié de pouvoir au moins correspondre avec vous, même quand je suis loin d'être de votre calibre. Merci du partage, porte-toi bien et "Joyeux Noël & Bonne Année".
Jean-Bernard ou JB