Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Sunday, December 15, 2024

Quand un non-Jérémien tombe en amour avec la poésie de cette cité

Jérémie, la cité des poètes
 

Après avoir lu le poème « Sur du papier d’aquarelle » du Dr, écrivain, poète et musicien,  Jean-Robert Léonidas, Lemarec Destin, un Saint-Marcois, qui n’a jamais traîné dans la région Grand’Anselaise, nous parle de son amour pour la cité grâce à des souvenirs glanés çà-et-là, de la bouche de ses amis Jérémiens. (MaxD.)

UN POÈME QUE J'AI LU AVEC UN RÉTROPROJECTEUR À LARGE SPECTRE DE BALAYAGE. ET POUR CAUSE ... ON VA VOIR POURQUOI CETTE DÉPENSE DE MOYENS.

Mon cher Jean-Robert, le branle-bas précédant les élections américaines, l'inflation d'analyses de toutes sortes de grands médias étrangers et locaux que je ne voulais point rater, joints à celles de nos amis/amies d'ici et d'ailleurs, sans compter mes travaux personnels avaient pratiquement bouffé mes temps libres depuis. C'est ce qui a retardé la production du présent texte auquel je tenais. Mais je savais que je retournerais sur mes pas, car ton poème m'intéresse au plus haut point, pour plusieurs raisons. La lecture du texte les fera défiler une à une. Je voulais le relire afin de mieux le pénétrer et de revivre à travers sa large capture d'images, truffée de superbes descriptions qui, à elles seules, procurent au poète le pouvoir de magnifier éloquemment sa ville natale qui, tiens tiens, est aussi celle de plusieurs de mes amis/amies qui m'ont tant parlé, tant vanté les merveilles de Jérémie, qui ne m'ont jamais caché l'euphorie annuelle, délirante, entourant l'arrivée de la date du 25 août, celle de la fête patronale (la Saint-Louis) pour laquelle « tout't moun'n ap desan'n anba-a », même plusieurs de ses ressortissants en diaspora. Malheureusement, plusieurs d'entre eux sont rappelés trop tôt par leur Créateur.

Tu as cité le nom du chanteur MALOU que je connais et qui me fut présenté un samedi à Port-au-Prince par des admirateurs enthousiastes et zélés. Je savais déjà tout de lui à Jérémie. Je savais aussi qu'il était le chanteur-vedette du groupe musical « LES FANTAISISTES » et qu'il représentait " un moment ", une époque de cette jeunesse jérémienne, éprise de théâtre, de danse, avide de poésie, de belle poésie, de musique, de peinture, de beaux paysages environnants, que ce soit sur "du papier d'aquarelle " ou en textes. Quant à Versailles Night-Club, n'en parlons pas. Pour la jeunesse jérémienne, m'avait-on appris, ce Night-Club représentait en popularité et en glamour le « CABANE CHOUCOUNE » de Port-au-Prince ou le FEU VERT du Cap-Haïtien , toutes proportions gardées :

 « le Versailles de/ mon coeur/est dans un coeur/de femme, dit le poète ».

Avant tout Jérémie, n'est-elle pas aussi, entre autres, la ville natale du Grand Etzer Villaire qui, en dépit de ma longue absence du pays natal et de ma rencontre avec d'autres grands poètes, garde encore sa place de choix dans la galerie de mes poètes préférés et adulés. Le poète dont le verbe intarissable, ciselé, d'essence plus que romantique est capable d'offrir généreusement en cadeau ce beau joyau à une femme qu'il aimait : 

« En toi tout est parfum : l'âme et le corps/tout est grâce et s'unit en célestes accords/ l'harmonie et le miel coulent de ta parole/tes cheveux ondoyants, caressant auréole/voilent dans un frisson ta nuque et ton front pur/Et le soleil qui rit dans tes grands yeux d'azur ».

Tu y as également parlé de « flûte en bambou cueillie sur la route des Roseaux ». Mais moi, en lisant ces deux mots: bambou et Roseaux, en rétrospective mon imaginaire, toujours collé aux récits enflammés des amis jérémiens, me renvoie plutôt à ces silencieux et utiles « Pipirites » nombreux, qui allègrement descendent la Grand'Anse avec leurs cargaisons de victuailles et de produits agricoles de toutes sortes, pour alimenter les marchés locaux et, bien sûr, celui de Jérémie. 

Tu y as également évoqué la mer et le warf. Là, ce sont les armateurs, ceux qui font le transport maritime qui « me viennent en tête », en particulier monsieur FULTON (prononcer FOULTON'N) à qui les parents confiaient leurs enfants pour le transport Jérémie-Port-au-Prince, lors de l'ouverture des classes, non sans payer à l'avance la traversée. Le retour à Jérémie, c'était toujours la fête de regagner joyeux le bercail et la perspective d'enivrantes et folles vacances, quitter la ville pour des randonnées, des promenades à la campagne, en zones péri urbaines comme aller nan « No 2 » par exemple, toujours d'après les différents récits joyeusement entendus. Le propriétaire du VERSAILLES de son côté, en bon homme d'affaires, se frottait les mains de joie et d'espoir en cette période marquée, car pour son Club " mythique ", le rendez-vous de jeunes coeurs qui souffrent, ce sera la « haute saison » pour une accélération de son entreprise d'entertainment et aussi pour le personnel.

Bref, il y aurait beaucoup à dire de ce beau poème que j'adore pour sa « sublimité » pour aussi les gens, les lieux, les objets qui n'y figurent pas, mais qui a l'énigmatique vertu de nous les rappeler, de les faire revivre dans la pensée, et aussi se rappeler des filles qui ont appris à danser au poète, et en même temps réactiver mon imaginaire jérémien, curieusement « construit » par les conversations débonnaires et instructives de mes chères amies/ amis jérémiens.

Mais finalement, il m'apparaît plus qu'utile d'avancer que c'est la Muse qui, dans sa grande Générosité, a conféré au poète Jean-Robert cet immense pouvoir des mots qui lui permet de « convoquer les gosiers des oiseaux/ les luettes du choeur des anges/ et sous le vétiver d'une grange » pour chanter, d'admirable façon, les merveilles et la gloire de sa ville natale Jérémie et, pourquoi pas de toute la Grande-Anse. La ville de Jérémie et toutes les régions de la Grande-Anse te seront très reconnaissantes mon cher JEAN-ROBERT pour ce beau cadeau, même si le poème est écrit depuis 2007.

Félicitations. Du beau travail!

Lemarec Destin





 

Sur du papier d'aquarelle


Sur du papier d'aquarelle

jeté contre le chevalet de ma jeunesse

avec le pastel de mes souvenirs

je dessine Jérémie

s'ébauchent les sommets des hauts lieux du désir

se profile la ligne des crêtes de mon enfance

telle un cercle de poètes oubliés

maints quartiers battent la chamade

mille points cardinaux tourbillonnent

comme une rose des vents

Rochasse Bordes La Source

La Pointe le wharf Versailles

et la mer la mer anse d'azur et de varechs

sur le cannevas de ma mémoire

se reforme peu à peu la pochade de Versailles

je la vois qui prend vie

sous le ciseau des pygmalions du Sud

comme un vieux castel fleuri de queue-de-rat

de crotons de caladiums

comme une peinture primitive

un gtand cocotier au profil d'hidalgo

planté dans le tableau des artistes sans nom

le Versailles de non coeur

est dans un coeur de femme

je t'en dirai le nom

tissé de sons

de couleurs de ciel et d'océan

de collines de rochers

de rivière d'embouchure

de banjo d'harmonica et de banboula

de cadence de rythme de contredanse et de ripaille

et surtout

surtout de boléro de compas et de rumba

et j'écrase une larme

en pensant à Saunt-Louis

le bon vieux saint jamais n'a renié la cadence

on dit de lui qu'il était roi de France,

mais il fut bon ami je l'appelais Loulou

à Versailles maintes fois il allait avec nous

tous les 25 Août de joie il était fou

il causait dansait chantait avec Malou 

il aimait lui aussi la fête et la bombance

après tout comme nous n'est-il pas de Grand-Anse

sur du papier d'aquerelle

jeté contre le chevalet de ma jeunesse

avec le pastel de mes souvenirs

je dessine Jérémie

ma ville poésie

d'une flûte en bambou  cueillie sur la route des Roseaux

je convoque les gosiers des oiseaux

les luettes du choeur des anges

et sous le vétiver d'une grange

pour toi je chante do ré mi

pou toi je chante ô Jérémie

terre de musique coin de poésie

Jean-Robert Léonidas ( Extrait de Parfum de Bergamote, Montréal, 2007)

 

6 comments:

  1. Mon cher Hervé, tu as accouché pour les lecteurs une anthologie culturelle sur la Grand’Anse. Ton montage nous en met plein la vue. Dans le texte de Lemarec Destin, chaque titre coloré nous réserve ses surprises: poésie, musique, la beauté du coin... Un clic sur chacun de ces indices bleutés nous retourne vers des souvenirs incontestables. Dommage que c'est du passé pour la jeunesse actuelle. Au moins, la diaspora Grand'Anselaise, dans la solitude de son exil, se souvient encore de ce passé enchanteur qui avait bercé sa jeunesse dans une époque totalement révolue qui ne reviendra jamais plus. Mille mercis, mon vieux.

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    1. Max, tes mots vibrent en moi comme un écho venu des hauteurs verdoyantes de la Grand’Anse, ravivant l’importance sacrée de préserver ces éclats d’un héritage qui nous définit. Par le souvenir et l’écriture, nous tissons un fil fragile mais précieux entre hier et aujourd’hui, entre ce qui fut et ce qui reste à rêver. Si cette anthologie a su éveiller la douce mélancolie de jours révolus et raviver l’éclat de cet enchantement perdu, alors l’effort n’aura pas été vain. La Grand’Anse, avec ses trésors culturels et ses symphonies d’antan, demeure un sanctuaire dans nos cœurs, défiant l’épreuve du temps et de l’exil.
      Merci infiniment pour ton hommage, qui réchauffe l’âme et illumine le chemin du souvenir.hg

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  2. Robert Berrouët-OriolDecember 15, 2024 at 5:24 PM

    Cher ami,
    J’achève à l’instant la lecture de ton article, « Quand un non-Jérémien tombe en amour avec la poésie de cette cité » paru aujourd’hui 15 décembre 2024 sur le site ami Haïti-Connexion, et je ne puis résister à l’idée de te faire ce bref courriel.
    J’ai bien noté, et cela m’a interpellé, que ton texte est consécutif à la lecture du poème « Sur du papier d’aquarelle » du médecin-romancier et poète Jean-Robert Léonidas. Comme tu le sais déjà, ce romancier jérémien de belle eau se situe dans la lignée des grands écrivains-médecins, notamment Jacques Stéphen Alexis, Joël Des Rosiers, Jean Métellus, Jacques Lacan --sans oublier le médecin-écrivain Portugais António Lobo Antunes qui a si bien arpenté l’« âme » et les convulsions des Portugais et des Angolais en lien avec la révolution anticolonialiste de l’Angola…
    Tout de go, comme le maugréent parfois mes interlocuteurs amerloques, je salue ta vive plume, ton style alerte qui s’éclaire d’une ample maîtrise de la langue française, ta manière de faire de la mémoire le fil conducteur d’une amicale lettre au médecin-romancier et poète Jean-Robert Léonidas. J’y vois à coup sûr l’expression de « La belle amour humaine », titre emprunté à Jacques Stéphen Alexis par le romancier et poète Lyonel Trouillot…
    Il en va ainsi des médecins-écrivains qui, à force de soigner les corps, ont résolu de soigner l’esprit en soignant avant tout la langue.
    Je te félicite hautement, cher Lemarec, et je te dis mon amitié de poète !
    Bien à toi,
    Bob

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  3. Jean-Robert LéonidasDecember 16, 2024 at 7:59 AM

    Bob a gardé de mon écriture la même opinion qu'il a eue il y a 20 ans.
    Max mon ami d'enfance et camarade de classe n'a jamais caché son admiration.
    Et voici que Lemarec se mêle de la partie avec enthousiame dans Haiti Connexion Culture. En vérité, une belle surprise que je découvre à l'instant même.
    Merci, chers amis.

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  4. Pour employer une expression bien ordinaire, je dirai que j'ai eu "le souffle coupé" en lisant le poème de Jean-Robert Cet authentique poète jérémien m'a vraiment remuée avec ses vers.
    La critique de Lemarec est tout à fait à la hauteur des émotions de ses lecteurs.
    Il y en aurait beaucoup à dire, mais, hélas ! je me contente de méditer en pensant à celle qui fut la Muse insprirante de ces vers.
    Ayant quitté Jérémie à la fin des années 40, je n'ai pas connu Versailles. Ensuite les boulversements politiques ont remué la Cité des poètes. Il n'est étonnant que ses filles et fils aient su surmonter cet épisode malheureux qui a marqué cette Cité des poètes.De nombreux artistes trempent à leur tour leurs pinceaux dans les eaux parfois tumultueuses dans cet immense bassin de romance qu'est la Grand-Anse.
    À bientôt et merci Max.
    Àmitiés,
    Janine.

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  5. Mon cher Max
    Lemarec ou Dess comme tu le nommes a une belle âme, un grand coeur, et une intelligence remarquable. Il faut cependant admettre, que seul une personne avec ces même vertues puisse reconnaître l'autre! Je ne vous connais pas, mais j'avoue admirer vos talents littéraires. Je me sens privilégié de pouvoir au moins correspondre avec vous, même quand je suis loin d'être de votre calibre. Merci du partage, porte-toi bien et "Joyeux Noël & Bonne Année".
    Jean-Bernard ou JB

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