Par
Lemarec Destin lemarec_dest@yahoo.ca
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L'une des entrées de la ville de Saint-Marc |
Depuis
le temps qu'on en parle, ça y est maintenant! Poursuivant inlassablement son
long voyage à travers le temps, la ville de Saint-Marc vient d'emprunter, au
début de l'année 2016, la dernière ligne droite qui devra la conduire, le 25
avril prochain, au 300e anniversaire de sa fondation entreprise pendant la période coloniale. Puisqu'elle en
est issue, il me paraît utile d'effectuer un saut dans le passé, à l'époque
pionnière (deuxième mouture) afin de revisiter le contexte dans lequel la ville
a pris naissance et, au premier abord, dégager de la gangue d'oralité qui les
enveloppe deux éléments fondamentaux fortement emblématiques de la naissance et
de la personnalité de la ville: sa date de fondation et son nom.
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La cathédrale de Saint-Marc qui fête
son saint-patron chaque 25 avril....
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Malheureusement,
on remarque quand on s'y intéresse que ces deux éléments essentiels peinent à
se sortir de ce magma de légendes dans lequel ils sont trop longtemps enfouis. Mais
grâce aux recherches entreprises par des passionnés, grâce aux archives, grâce
aux documents d'époque et de l'histoire comparative, des chercheurs et
historiens chevronnés ont réussi à «restituer l'histoire réelle» aux différents
publics. C'est ainsi que d'«admirables trésors de connaissance», insoupçonnés,
ont été découverts et publiés dans des
textes et ouvrages de grande diffusion pour
le plus grand bien de tous, incluant les Saint-Marcoises et les Saint-Marcois.
Certaines informations, dites historiques, fondées sur des mythes ne peuvent, en aucun
cas, être considérées comme des vérités susceptibles de validité. Celles-ci
méritent alors d'être revisitées, toutes
les fois qu'il est possible et que les moyens pour le faire existent. Sous ce
rapport, nous pensons que l'historien et
économiste britannique T.S. Ashton n'avait pas tort d'écrire, au milieu du
siècle dernier, qu'«il n'y a de pire eau
que l'eau qui dort».
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Le plan de la ville de Saint-Marc en 1785
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Cela
étant dit, réglons tout de go les deux problèmes ci-dessus mentionnés avant de
prendre le large. Contrairement à une idée reçue, la ville de Saint-Marc a
véritablement été fondée en 1716(1) (*) sous l'administration de Louis de
Courbon, comte de Blénac. Celui-ci dirigea
la colonie de 1714 à !717 en qualité de Gouverneur général et fut le premier
d'une longue lignée de représentants royaux à porter désormais ce titre
hautement prestigieux jusqu'en 1803. Et
de leur côté, les colons-développeurs qui prirent l'heureuse initiative donnèrent au nouveau-né
le nom de « Saint-Marc » et l'ont placé ainsi sous le patronage de l'évangéliste du
même nom. À cet égard, il est intéressant de rappeler que ce mode opératoire
s'inscrivait dans la plus pure tradition française et espagnole de l'époque
pionnière de donner le nom d'un saint à
une ville ou à une localité naissante ou, à défaut, placer celle-ci sous sa
protection. Les villes d'Haïti (plusieurs d'entre elles portent le nom d'un
Saint) et de la République Dominicaine peuvent nous en convaincre à ce chapitre.
À cet égard, le cas du Québec--ancienne colonie française catholique en
Amérique, mais rapetissée territorialement-- est particulièrement édifiant sur le plan quantitatif. On a pu y dénombrer officiellement
plus de 1000 municipalités portant, de nos jours encore, le nom de Saint. Des
exemples de cette nature peuvent se multiplier encore, si nous traînons notre curiosité dans d'autres pays ou
territoires ayant connu la colonisation française ou espagnole.
Les
débuts de la cité ---Les préalables
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Vue panoramique de la ville de Saint-Marc |
La
nouvelle ville fut fondée sous d'heureux auspices. On dirait que les astres
étaient alignés à cette période-là pour que soient réunies, en même temps, les
conditions favorables à son expansion. Mais avant d'en arriver là, il y eut bien
des terrains marécageux à traverser. Pour une meilleure compréhension de la
suite, un effort d'explication s'impose. La politique de «la terre brûlée»,
incessante et de dévastation que pratiquaient les Espagnols---s'estimant être
les véritables maîtres d'Hispaniola---
contre les établissements français
rendait incertaine toute organisation
durable et stable dans la colonie en devenir. Il est à noter à ce propos que
cet état endémique de guerre larvée entre les belligérants en Europe et à
Saint-Domingue freinait, et pour cause, les ardeurs des nouveaux aventuriers
désireux de venir s'établir à Saint-Domingue. Et ceci, même si depuis des
années déjà, la France, pour faire participer ses colonies à sa grandeur et à
son rayonnement, avait mis en oeuvre pour celles-ci un audacieux programme de
développement, articulé à une vigoureuse politique de peuplement.(2) Mais le
blocage resta presque entier. Pour compliquer davantage la situation, la guerre
de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697) éclata en Europe mettant aux prises la
France, l'Espagne, les Provinces Unies et l'Angleterre. Guerre qui se termina
par la signature du Traité de Ryswick en 1697, forçant ainsi l'Espagne à céder
officiellement Saint-Domingue à la France. Ce qui mit un terme à la rivalité
opposant Français et Espagnols dans la colonie.
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La rue principale de la ville de Saint-Marc,
par où passe la route nationale No 1. |
«En
fournissant une solide assise légale à l'existence de la colonie, le traité de
Ryswick enleva du même coup l'hypothèque qui pesait sur le destin de
Saint-Domingue. Désormais, les autorités coloniales françaises et les colons se
sentaient en meilleure posture pour penser à l'établissement de structures
stables sans s'inquiéter outre mesure»(3). Alors arrivèrent à Saint-Domingue,
et de façon soutenue d'appréciables groupes de colons dans la perspective
d'améliorer leur situation et recommencer une nouvelle vie. Entre-temps, les
administrateurs royaux demandaient à la Métropole d'encourager aussi la venue
et l'installation d'hommes de métier dans la colonie. Répondirent à l'appel:
tonneliers, maçons, forgerons, charpentiers, briquetiers, tanneurs, ainsi que
des artisans tels que boulangers, cordonniers, tailleurs, sans compter des
travailleurs agricoles.
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Le Tribunal de Paix abritant aussi l'office de l'Etat civil |
Il importe de préciser que parallèlement à ce courant
européen s'accélérait aussi, par vagues successives, l'arrivée des esclaves
africains en contingents fort significatifs à divers ports de la colonie. Il est à noter
que ces nouvelles arrivées eurent l'effet de permettre à la petite agglomération
naissante d'acquérir une certaine«
épaisseur démographique», élément indispensable au démarrage et à l'expansion d'une ville. C'est donc dans ce contexte de
conditions favorables, de disponibilité de forces productives ---d'autres éléments devant y être aussi
considérés--- que la nouvelle ville fut créée en 1716.
Les
trente premières années qui suivirent la fondation de la ville furent des plus
déterminantes. En effet, la jeune cité connut au cours de cette période un
essor fulgurant qui étonna tant par son ampleur que par sa vigueur. Entre-temps,
affluèrent à Saint-Marc et s'y
établirent, à des dates différentes cependant, des comptoirs de grandes maisons
de France. Celles-ci étaient de Nantes, de Bordeaux, du Havre, de La Rochelle
et de Saint-Malo. L'histoire de cette époque retient quelques noms de grandes
maisons et dynasties d'affaires établies
à Saint-Marc telles: la famille Grou de Nantes vers 1720, la famille Bapst, la
famille Reynaud, la famille Foäche avec les frères Martin et Stanislas qui ont
établi un comptoir familial à la rue Dauphine(4), non loin de la zone dénommée
Fort Bergerac (Fò Begirac), à la rue Christophe. Il est nécessaire d'indiquer
ici, en guise de complément
d'information, que la rue Dauphine est l'actuelle rue appelée:« rue Tête
cheval». Nos parents et quelques aînés gardaient néanmoins le nom de rue
Dauphine.
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Vue aérienne du port de Saint-Marc |
La
prospérité s'installe. L'activité portuaire était particulièrement intense car
le commerce avec les villes de France citées plus haut se faisait directement
dans les deux sens, à une cadence accélérée. Aussi la Métropole, sur
recommandation de son administration coloniale, institua-t-elle à Saint-Marc un
poste de Trésorier de la marine.(5) Le plus remarquable des fonctionnaires qui
occupèrent cette fonction importante fut un certain M. Marty. Déjà, un peu
après le milieu du XVIIIe siècle, Saint-Marc était déjà une grande ville (selon les critères de l'époque dans la colonie)
tant par la multiplication de ses habitations(6), de ses établissements agricoles et industriels en
périphérie et dans son hinterland que par le volume de son commerce métropolitain. Aussi, dès
1759, nous apprend Moreau de Saint-Méry,
l'expression «quartier de l'Artibonite» fut remplacée par celle de
«quartier de Saint-Marc», réunissant les quatre paroisses suivantes:
Saint-Marc, Gonaïves, Verrettes et Petite-Rivière-de l'Artibonite avec
Saint-Marc pour centre, selon une décision de l'Administration coloniale.
Quelques grandes étapes du parcours
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Grosse Roche, fait la fierté de Saint-Marc avec son eau turquoise bordée de sable blanc. Elle est située sur le littoral urbain et très fréquentée par les Saint-Marcois |
La
ville de Saint-Marc a généré au cours de ses trois siècles d'existence une
histoire vaste, massive, peuplée de faits marquants, d'hommes politiques, de
personnalités fortes, d'événements sociopolitiques et économiques de grande
portée, d'hommes et de femmes d'action connus pour leur engagement,
d'intellectuels de haut niveau, de juristes chevronnés, de citoyennes et de citoyens
ordinaires remarquables, mais aussi de faits déchirants. Malheureusement, nous
ne pouvons pas tous les traiter dans le cadre de cet article, même si l'envie
de passer outre nous torture. En revanche, pour obvier à cet inconvénient, nous
allons devoir procéder à quelques judicieux découpages qui correspondraient, selon nos propres vues, à autant
de haltes, d'événements ou de faits importants qui expliqueraient en accéléré
l'histoire de la ville et de son évolution dans le temps. En voici ceux que
nous avons retenus:
1779--Lieu
de rassemblement et de départ du contingent de 1500 Affranchis pour participer
à la Guerre de l'indépendance américaine à Savannah(Géorgie) et à
Yorktown(Virginie).
Mars-Avril
1790-- Ville-hôte de l'Assemblée de Saint-Marc (212 députés) qui ébranla et
fragilisa irrémédiablement les structures sociopolitiques et économiques de la
colonie.
Début
1793-avril 1798--Les Anglais occupent pendant cinq ans la ville de Saint-Marc.
Saint-Marc
et le XIXe siècle
1er
janvier 1804--Fin de la prépondérance de Saint-Marc comme ville-centre du
«quartier de Saint-Marc» (équivalent du département de l'Artibonite) acquise en
1759 au profit des Gonaïves.
De
1804 à 1900--Un siècle de turbulence politique. Saint-Marc s'inscrivit très tôt
dans cette dynamique et devint même l'une des villes les plus actives à ce
chapitre. Quand elle n'était pas l'instigatrice, elle s'invitait. Ce n'était
pas toujours rose. Elle a aussi perdu nombre de ses fils par des exécutions
sommaires.
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Hôtel de Ville de Saint-Marc |
1913--
Mesure économique majeure: la signature par le gouvernement du président
Antoine Simon avec un consortium d'intérêts financiers américains dirigé par
MM. Roger Farnham et James P. McDonald des contrats dits McDonald. Ces contrats
visaient la construction de la ligne de
chemin de fer du Nord et l'exploitation à grande échelle de la figue-banane.
Les deux contrats apportaient beaucoup d'emplois à Saint-Marc et ses environs.
1934--
Fondation du premier et seul lycée de la ville de Saint-Marc, grâce au
dévouement et à la grande vision du Dr Clément Lanier. L'institution, portant
le nom Lycée Sténio Vincent, ouvrit ses portes le 23 octobre 1934 et contribua
à assurer une formation de niveau secondaire à la jeunesse.
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Amani-y les bains - Les riverains sont gâtés par la beauté de son sable blanc et le bleu d'azur de sa mer |
25
février 1935--Signature de contrat du gouvernement de Sténio Vincent avec la
Standard Fruit and Steamship Co., accordant à la multinationale le privilège
exclusif de l'achat de la figue-banane sur tout le territoire national. Ce
contrat laissa dans la mémoire de la population saint-marcoise et de
l'Artibonite une empreinte indélébile.
1942
et 1944--Mise sous séquestre, nationalisation et vente de l'Usine oléifère
Saint-André à Saint-Marc appartenant à l'industriel allemand Reinbold. «...
cette entreprise, écrit Marcel B. Auguste, soutenait, avec La Standard Fruit,
toute l'économie de l'Artibonite et de Saint-Marc.(7)»
1956--Électrification
de la ville, à la toute fin du gouvernement du président Paul-Eugène Magloire.
1963--Fermeture
et démantèlement de la Compagnie nationale des chemins de fer, des Ateliers de Freycineau
et tout le pillage qui s'ensuivit.
Années
60-- Fin de l'activité portuaire si florissante autrefois--- Transfert du
Tribunal terrien à Port-au-Prince--- Démantèlement de l'usine de citrons--
Début de l'exode des familles saint-marcoises
vers Port-au-Prince d'abord et ensuite vers l'étranger. Une véritable saignée. Saint-Marc en paie durement le prix jusqu'à aujourd'hui.
par: Lemarec Destin
lemarec_dest@yahoo.ca
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Lemarec Destin |
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