Par Max Dorismond
Ces mots ne viennent pas de moi, mais bien d’une jeunesse jérémienne exaspérée et aux abois, qui crie sa détresse sur la place publique. N’ayant aucun point d’appui où prendre racine pour changer la trajectoire de sa vie, elle prend le public à témoin. https://youtu.be/ICyRlz2z5zE.
La voilà dans la rue en plein désarroi, en train d’implorer un dieu pour lui venir en aide, puisqu’en fin de compte, regardant l’horizon fuyant, dans la baie, l’avenir n’annonce rien de bon. Elle avait emprunté le chemin du savoir à l’Université Publique de la Grand’Anse (UPGA) pour dessiner son futur dans un désir d’affirmation et d’émancipation, mais des forces malveillantes en ont décidé autrement. Sidérée par la bêtise humaine, elle prend le taureau par les cornes.
Quel coin malchanceux ! Dans un passé, que les plus de 50 ans ne sauraient oublier, une partie des têtes pensantes de la ville a été décapitée, pour le simple plaisir d’un ogre. La cité avait perdu son âme et son entrain. Elle était devenue l’ombre d’elle-même.
Aujourd’hui, dans un sursaut de renaissance, des jeunes qui réclament un peu de lumière pour sortir des cavernes se voient reléguer au rang de prisonniers. C’est leur compréhension et leur constatation dans la plénitude de leur déception. Et ils le crient haut et fort : c’est la première fois, disent-ils, sur la terre qu’une université forme des prisonniers. En réalité, selon leurs doléances, l’UPGA fonctionne comme les prisons d’Haïti : « Gen antre, pa gen sòti ». Ils précisent : l’Université ne produit presque pas de diplômés. Les promotions de 2015, 2016, 2017, 2018, n’arrivent pas à déposer leur mémoire de sortie, faute de documents, de papier, d’argent, d’appareillage et d’organisation ». Nous sommes en 2022.
Les étudiants se sentent prisonniers de la gabegie. Ne pouvant nullement offrir leur service à autrui, faute de parchemins, ils se voient déjà au bagne de la vie. Ils ne réclament point de kalachnikov pour kidnapper les plus mal pris de l’île, comme c’est la mode présentement, mais de la connaissance à titre d’instruments destinés à faire grandir la vie et non à la détruire. Ils ne veulent point construire un nouveau Village-de-Dieu dans le Sud, mais un Village-de-Lumière.
Les dirigeants, disent-ils, « gèrent l’Institution comme leurs biens familiaux ». Le budget de l’université a été amplement augmenté. Il est passé en 8 ans de 3 millions à 12 millions de gourdes et les services ont été diminués à l’envers de la flèche des besoins. Les frais d’inscription aussi sont haussés de 500 Gdes chaque année. Mais on manque de tout : Absence de courant électrique, carence d’internet, toilettes non fonctionnelles; aucune d’entre-elles ne fait honneur à leur appellation. La cour est sale, pas d’eau courante. Le service de photocopie est inexistant, la cafétéria est fermée depuis 3 ans. Pas de maintenance pour protéger la vie des usagers contre les microbes ambiants. Le personnel de service augmente chaque année. Les petits cousins, les petits « zanmis » ont le beau rôle. Ils sont chez eux. C’est leur bien privé. Nous demeurons avec l’impression qu’il y a plus de gens de service que d’étudiants et de professeurs réunis.
Ce sont des interrogations à faire trembler d’effroi. Par gentillesse, les étudiants ne font pas de grabuge, ils réclament simplement des démissions. Mais le temps presse. SVP, ne les laissez pas embrayer en 4e vitesse.
Chers amis, chers
congénères, dans ma jeunesse, la participation à une telle manifestation n’aurait
jamais effleuré mon esprit ni celui de mes camarades, en raison des risques de
sévices et même de mort. C’était impensable dans l’île des Tontons flingueurs ! Cette peur
congénitale a contribué à dessiner le contour de l’Haïti d’aujourd’hui. Je vous
en conjure, continuez la bataille puisque la situation le commande et l’impose.
Aucune lutte pour la justice sociale ne s’avère jamais vaine, quel que soit le
continent. Il s’agit de votre avenir et du devenir de votre coin de terre.
Bonne chance !
Max Dorismond |
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