A visionner certaines vidéos, on a tendance à se tromper d'histoire: Haïti ou Hawaï |
Vivre loin de son pays n’a jamais été une belle promenade
vespérale sur les ailes du rêve. Au contraire ! Quand la nostalgie nous tenaille, on se rabat sur tout ce qui
nous rappelle notre chère patrie : lectures, poèmes, souvenirs… souvenirs, etc. Or, la technologie, faisant si bien les choses,
nous apporte toutes formatées les images, les photos, et même du cinéma en
vidéographie.
Récemment, l’occasion m’a été offerte d’auditionner l’interview
d’un ex-ministre de chez nous. Dans une mise en scène de style hollywoodien,
interrogé par un journaliste complaisant et primaire, le tacticien se mit à
pérorer sur sa carrière passée, sur le côté respectueux des normes et des
principes. À le voir couronner de fleurs les noms de certains ex-collègues
cités dans ce laps de temps, on dirait qu’ils étaient tous des surdoués, des
gens honnêtes et compétents qui avaient su diriger leur barque avec maestria
dans ce théâtre de faussetés et d’utopie. À visionner la vidéo, on pourrait se
croire sur une autre île. Parlait-il d’Haïti, ce pays honni, le plus pauvre
parmi les pauvres où la misère coupable crie sa rage et où l’ignorance se
conforte dans toute sa dimension ? C’est la première question qui aurait germé dans l’esprit d’un étranger.
D’une nation qui collectionne gaffe après gaffe, bêtises après
bêtises, le trublion nous en met plein les oreilles en nous brossant un
parcours sans faute. À l’entendre, ses collègues ministres ou hauts
fonctionnaires étaient des anges aux mains propres. Allez lui demander où se
trouvent sa femme et ses enfants. Sa réponse hésitante, pour les situer quelque
part sur le globe, ne souffrirait d’aucun remords. Idem pour ses associés.
Ont-ils les moyens de leurs ambitions ? Leur salaire officiel préfigure-t-il de telles dépenses : grande
maison pour la famille, universités et soins pour les jeunes, une Porshe pour
madame qui ne daigne rouler en petites cylindrées, ou un manoir au bord d’un
lac bleu « pour les
garçons qui
fréquentent
de grands amis (sic) », etc, et
entretemps Haïti se noie.
Plusieurs audio ou vidéos de cette trempe animent le web, qui en
est inondé. Tous les acteurs se justifient en se payant notre tête. Ils nient
leur origine pour occulter la misère ambiante de leur subconscient. Ce sont
tous des archanges chantant le « Hosana au plus haut des cieux ». Pleins aux as, ils surveillent le prochain scrutin électoral
ou font des appels du pied pour se faire voir et ne pas sombrer dans l’oubli, au
cas où le présent César au Palais ne s’approprierait le fauteuil pour de bon.
Aucune critique du pouvoir régnant n’entrave leur discours. C’est
la loi du clan. Il n’est pas du tout sage de juger, de contredire les amis en
place, surtout quand on a la bouche pleine. C’est un accroc à la politesse ! Sinon, « les zanno kay Sò Mansya1 » sortiront de leur
cachette. La décence s’impose, amigos !
Dans mon pays d’adoption, après l’hiver, on se découvre au sens
physique comme au sens figuré. Les copains sont enchantés de se revoir au grand
air, à un barbecue, à une fiesta, après l’enfermement obligé. C’est l’époque
aussi où certains frangins d’Haïti viennent faire leur tour, « aux frais de la reine », pour honorer le très cher
visa reçu, ou pour se la couler douce avec la deuxième
famille, ranimer au passage l’opulent compte bancaire en réserve, se procurer un
nouveau Condo à laisser en location, etc... Ces opportunistes, venus de loin et
qui inspirent le mépris, nous arrivent parfois avec de fraîches nouvelles à
émousser nos envies d’une belle échappée ou avec des sornettes à nous glacer le
sang.
Certains de ces vacanciers véreux, qui occupent ou avaient occupé
un poste privilégié au pays, qui ont ou avaient un droit de regard sur les
entrées et les sorties de leur institution, connaissent assez bien les secrètes
pensées et les non-dits de la diaspora frustrée à propos de ces carriéristes
prédateurs chevauchant le système des « Bêchons joyeux »,
incarnant l’hypocrisie et l’aveuglement.
Souvent, au cours de ces festivités circonstancielles, ces
hurluberlus, mal à l’aise dans leur peau, voulant se justifier, ne laisseront
jamais la soirée écoulée sans se mettre en scène pour parler, en toute
confidentialité, de leurs succès, de leurs réalisations saupoudrées de leur
haute moralité. À les entendre, ils n’ont jamais volé un sou à l’État. Ils sont
indépendants de fortune, étant entrepreneurs, disent-ils, depuis leur jeune âge
(sic). Mais, dans la réalité, à cause de leur ignorance et de leur avarice, la
misère hurle de partout. La populace est aux abois.
Le plus souvent, diplômés, disent-ils des grandes universités
d’outre-mer, le doute à leur propos va en s’accentuant sur la véracité du
document présenté à l’embauche, tellement le vernis de la connaissance a pris
la poudre d’escampette une fois de retour en Haïti. À preuve, nous pourrons
souligner à l’encre rouge la montée en puissance de la médiocrité triomphante
au plus haut niveau de l’administration publique.
Franchement, ils sont tous indistinctement des acteurs
oscarisables pour leur performance dans le rôle des anges de lumière bénis des
dieux. À les écouter discourir sur leur carrière, sur leur passage au timon des
affaires, à propos du sérieux de leurs collègues, à propos de leur honnêteté
proverbiale, de leur compétence illimitée, on devrait regarder à deux fois pour
entrevoir si, d’aventure, ils ne parlent pas d’Hawaï au lieu d’Haïti.
Max Dorismond
NOTE
1 – « Zanno kay Sò Mansya » : Proverbe créole
indiquant que chacun a une histoire bien cachée, pas trop belle à montrer.
Tarif chirurgie esthétique tout compris
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