Donald Trump avec des membres de la presse. Photo: Reuters |
Autant le dire tout de suite, il n’existe aucune obligation légale pour un candidat battu à la présidence de reconnaître sa défaite. La tradition et la bienséance ont toujours dicté toutefois cette obligation morale de saluer le succès du vainqueur et de lui souhaiter bonne chance pour la suite.
Donald Trump étant ce qu’il est, un homme qui, comme il
l’a dit lui-même, n’aime pas perdre, il ne lâche pas le morceau, croit (ou
donne l’impression de croire) qu’il a gagné et qu'il pourra effectuer un
deuxième mandat.
Bien avant que les résultats ne commencent à rentrer le
soir du 3 novembre, il avait averti qu’il y aurait sûrement de la fraude
électorale… s’il ne gagnait pas l’élection. Personne ne fut donc surpris
lorsque, le lendemain du scrutin, malgré une avance raisonnable de Joe Biden
dans les votes comptabilisés, il proclama qu’il y avait une fraude électorale
massive.
La valse des recomptages
Les fidèles de Donald Trump défilent dans les rues en appui au président. |
S’ensuivit une vingtaine de poursuites devant les
tribunaux, dont la plupart ont déjà été balayées du revers de la main par des
juges, arguant que la poursuite n’avait aucune preuve démontrant ce qu’elle
voulait faire croire. Car jusqu’à preuve du contraire, les poursuivants ont le
fardeau de la preuve, n’en déplaise aux républicains qui suivent aveuglément
Donald Trump. Un dossier judiciaire ne peut être basé sur une tirade verbale
criblée d’accusations sans fondement.
D’autres poursuites sont en cours d'examen, mais elles
connaîtront vraisemblablement le même sort. En attendant, les témoignages les
plus loufoques, imaginaires et parfois fabriqués de toutes pièces sur de
supposées fraudes massives ont fait surface. La vérification de faits n’étant
pas le fort de Donald Trump, il les retweete, continuant de miner la
crédibilité du système électoral américain.
Des recomptages, il y en a toujours eu lors des
élections. Si les trumpistes espèrent avoir une chance d’inverser les
résultats, ils seront déçus. Car ces recomptages, étant donné les avances
confortables de Joe Biden sur Donald Trump dans les États visés par les
procédures, ne pourront changer quoi que ce soit au résultat final. On parle
ici de peut-être quelques dizaines ou même centaines de votes potentiellement
mal comptés qui ne feront rien face aux milliers voire dizaines de milliers de
votes en faveur de Joe Biden.
Un calendrier inévitable
Il reste que d’ici le 20 janvier 2021, un calendrier
imparable ne laisse aucun doute sur la fin proche du règne de Trump à la
Maison-Blanche. La première étape concerne la certification des résultats de
l’élection par les 50 États. Celle-ci varie selon les législatures; certaines
le font le 20 novembre, d’autres comme le Wisconsin attendent jusqu’au premier
décembre.L'assermentation de Joe Biden déjà disponibles
en magasin.
La date butoir du 8 décembre a été mise en place en
1877 par le Congrès et sonne la fin de toutes les contestations de résultats.
En effet, six jours plus tard, le 14 décembre, le Collège électoral procède
alors au comptage final des 538 votes, confirmant dès lors dans ce cas-ci la
victoire de Joe Biden, puisque ce dernier a dépassé les 270 votes (306 si la
Georgie avalise le gain pour Biden).
Le fantasme selon lequel de grands électeurs seraient
tentés de changer de camp d’ici là en devenant infidèles (unfaithful) reste un
fantasme. Car si dans le passé certains ont déjà voté pour l’adversaire contre
toute attente, dans ce cas-ci, il faudrait que ce soit le cas (improbable) pour
plusieurs dizaines de grands électeurs.
L’étape finale demeure alors le 6 janvier, lorsque le
Congrès officialisera le décompte des 538 votes octroyés à chacun des
candidats, pavant la voie vers l’investiture du 20 janvier 2021.
Lâché par son parti?
Dès ce moment, il devient presque impossible pour un
président battu d’argumenter contre les chiffres. Il serait d’ailleurs
surprenant que les ténors républicains, qui ont soutenu indéfectiblement Donald
Trump jusqu’à présent, décident d’aller plus loin.
Le mutisme dans lequel s’est emmurée la majorité des
républicains est pour l’instant justifié jusqu’à un certain point. Personne
n’ose encore se mettre dans le chemin d’un président sortant imprévisible, car
cela pourrait ruiner les chances de certains candidats potentiels qui espèrent
se présenter à la présidentielle de 2024.
Trump, lui-même probablement candidat pour un retour à la Maison-Blanche, fera ce qu’il a toujours fait face à la concurrence : la détruire en l'affublant de tous les sobriquets et autres fausses accusations possibles. Vous vous souviendrez sûrement de Little Marco Rubio, Low Energy Jeb Bush,Elizabeth Pocahontas Warren, Crooked Hillary, Sleepy Joe, la liste est longue…
Et il ne faut pas se leurrer, Donald Trump peut se
targuer d’avoir réussi à fédérer plus de 72 millions d’Américains vers les
urnes pour lui et son parti. L’homme et sa doctrine trumpiste ne sont pas près
de disparaître, son influence au sein du parti est bien ancrée.
Au risque de perdre le Sénat?
Un homme illustre avec son affiche les divisions de l'Amérique. |
Mais il reste que, la veille de la date fatidique du 6
janvier 2021, aura lieu le second tour de deux élections sénatoriales en
Georgie. Comme aucun des candidats dans les deux courses n’a obtenu 50 %
des votes, ils doivent à nouveau faire campagne pour l’élection du 5 janvier
2021.
Le résultat aura une importance capitale pour le
contrôle du Sénat. Si les démocrates remportent les deux courses, Joe Biden a
donc les deux chambres en sa faveur et les coudées franches pour son programme
politique. Car en cas d’égalité (50-50), la vice-présidente tranchera en faveur
des démocrates. Si les républicains l’emportent, le démocrate aura donc bien de
la difficulté à faire accepter projets de loi et autres mesures.
N’y a-t-il pas un danger pour les républicains à laisser
durer le faux suspense d’une victoire improbable de Donald Trump face aux
résultats certifiés par les États? Certains pensent que Trump et une majorité
de républicains ne lâcheront pas le morceau avant ces élections spéciales afin
d'éviter les déchirements et la désaffection de l'électorat républicain qui
mèneraient probablement à une double victoire démocrate.
Dans tous les cas, attendez-vous à une campagne
sénatoriale sans merci, dans laquelle les démocrates feront valoir que la
Constitution est de leur côté, une Constitution souvent mise de l’avant par les
républicains purs et durs qui veulent la défendre. Le risque politique est réel
pour eux en jouant ce va-tout. Perdre la présidence, soit, mais prendre le
risque de perdre aussi le contrôle de la Chambre haute?
Héritage politique
Bref, jusqu’à quel point l’héritage politique de Donald
Trump vaut-il ce combat pour le parti? Faut-il s’attendre à ce qu’il soit sorti
manu militari de la Maison-Blanche le 20 janvier 2021 s’il refuse toujours sa
défaite? La réponse lui appartient. Et son parti a une responsabilité dans
l’issue de toute cette histoire.
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