Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Sunday, April 27, 2014

Compte rendu de mon dernier voyage en Haiti

Chers amis internautes,
           Emmanuelle Gilles
Au début de ce mois,  j’ai effectué un voyage d’agrément dans notre pays pour voir mes deux petites jumelles de  4 ans.  Pour débuter les vacances, on a passé un excellent weekend au Club Indigo.  C’était un samedi matin, après le petit déjeuner, nous avons fait le tour de la station balnéaire, et j’ai été étonnée de voir que les clients étaient peu nombreux.  Les membres de la MINUSTHA que les Haïtiens appelaient les Touristas n’étaient plus sur les plages.  Les chiffres d’affaires ne doivent pas être très alléchants.  Les clients étaient en majorité quelques membres de la diaspora et quelques expatriés. Très peu de touristes !  Ce n’était pas la foule…  Ceci dit, la MINUSTHA serait entrée dans sa coquille car ses membres ne fréquentent plus les plages ni les boites haïtiennes.   Même si leurs bottent nous dérangent a vue d’œil mais leur dollar dérange-t-il ?   Les touristas auraient bien pu augmenter l’emploi dans le secteur service car plus ils sont présents plus la demande pour la main d’œuvre augmente.  Dans un système économique, les décisions  de produire, d'échanger et d'allouer des biens et services sont déterminées par l'offre et de la demande établie par le libre jeu du marché.  Il fut un temps où le marché était bien là avec la présence des Touristas.  Bien évidemment, mieux vaut que les Haïtiens s’enfuient en République Dominicaine plutôt que viser les perdiem des touristas en leur offrant de «l’Entertainment ».   Un Hard Rock Café Haïti aurait été amplement suffisant.  Bref, cela ne m’étonnerait pas qu’ils se la coulent douce en RD de préférence là où les touristas seraient les bienvenues, et là où la main d’œuvre haïtienne est plus en demande en dépit des conflits.  

Le pays est-il en Chantier ?
Des images d'Haiti par E.G (Cliquez pour agrandir la photo)
Le gouvernement avance qu’Haïti est en chantier, en effet, j’ai noté quelques bâtiments en construction, en l’occurrence des édifices publics et des routes.  Cependant il n’existe aucun plan de reconstruction en instance d’exécution.  Les travaux sont au ralenti, et d’après des renseignements obtenus auprès d’un employé du gouvernement, le parlement n’aurait jusqu’à présent pas voté le budget pouvant permettre le décaissement des fonds pour les travaux de construction.   Aucune loi n’a été votée malgré leur soumission, c’est le cas de  la loi sur le Fond National pour l’Education et la loi électorale. 
Les Fonds de PetroCaribe alimentent en majeure partie le budget de l’Etat pour les travaux de construction en plus des projets de la BID.  Autrement, Haïti ne reçoit pas d’assistance financière depuis la fermeture du CIRH.  Sans les fonds Petrocaribe, Haïti aurait des difficultés à poursuivre ses projets de reconstruction.  Il n’y a aucune garantie d’activités économiques dans le long terme en absence des fonds petrocaribe. Martelly et Lamothe ont commis l’erreur de miser sur les fonds PetroCaribe sans une forte mobilisation de ressources parallèlement.  Pour survivre, Haïti devra trouver des moyens de diversifier ses sources économiques pour éviter une dépendance totale soit du fond Petrocaribe ou de l’extérieur.   
Les Programme Sociaux en Haïti :
Image d'Haïti (Photo E.G)
Nous avons remarqué qu’Haïti investit des fonds dans différents programmes sociaux, ce qui est un phénomène nouveau puisqu’avec les fonds de la Banque Mondiale et du FMI, les programmes sociaux n’étaient pas permis, on peut constater que le pays dispose de  beaucoup plus de flexibilités pour investir dans le social avec les Fonds Petrocaribe mais il demeure une absence de transparence totale dans les activités de l’Etat.   La corruption bat son plein! C’est la réalité de notre pays.  Espérons que la stabilité du Vénézuela reviendra afin d’éviter une coupure totale de l’aide Vénézuélienne qui alimente en grande majorité l’économie Haïtienne.  Haïti doit trouver des moyens de productions et de génération de ses ressources économiques propres, autrement ces programmes sociaux ne seraient que des initiatives ad hoc qui ne pourront faire l’objet d’un programme à long terme. 
Quels sont les progrès visibles :
Vue d'une agglomération à Port-au-Prince ( Photo E.G)
J’ai noté quelques réalisations telles que la construction de centres sportifs à travers le pays, beaucoup d’aménagements ont été réalisés à Pétion-Ville, Jacmel et d’autres villes de provinces selon les témoignages de mes proches, cependant vu que j’étais seulement à Port-au-Prince et Montrouis, mon rapport sera limité à la Capitale et la situation de l’Ile à  Vache.  S’agissant des aménagements à Pétion-Ville, l’émergence de complexes hôteliers et de supermarchés modernes auraient pu rendre Pétion-Ville attrayante, cependant nous qui avons vécu dans des pays structurés et qui pouvons faire la différence entre des structures urbaines et rurales, ces améliorations sont à peine visibles.   Je regrette de dire qu’aucun changement ne peut se réaliser à Port-au-Prince ou dans les grandes villes sans une déconcentration majeure et sérieuse. A Pétion-ville, on se heurte à une foule dans les rues à toutes les heures.  A quoi bon reconstruire les trottoirs si c’est pour être envahi par des vendeurs de rues qui sabotent tous les efforts.  La surpopulation tue les grandes villes qui sont exposées à tous les risques environnementaux.  C’est une situation catastrophique !  Une copine de l’Ethiopie qui était en Haïti a eu à me dire que Pétion-ville ressemble à une petite ville de l’Ethiopie et non pas sa capitale Addis avec son imposante Hotel Sheraton.  Les habitants de Jalousie qui de plus en plus prennent davantage d’expansion sur les mornes polluent la ville.  On sous-estime le risque que courent les résidents des mornes telles que Jalousie et autres en cas de catastrophes naturelles.  En absence d’arbres dans les mornes avec des constructions sommaires et précaires, les résidents deviennent vulnérables aux effets du danger que représentent ces constructions illégales et anarchiques.  On devrait alors se demander qui dirige le pays, est-ce le peuple ou l’Etat? Ces actions irresponsables des gouvernements successifs, sont-elles irrémédiables à jamais au détriment des normes d’urbanisation ?   Le parc de la Place Boyer nouvellement rénové est occupé quasi quotidiennement par des chômeurs à vie.  Malheureusement, la bidonvilisation n’a jamais été stoppée ni contrôlée car elle constitue une garantie de manœuvres politiques des politiciens apatrides successifs.  Il faudrait un gant de fer pour prendre des décisions musclées pour mettre en œuvre un plan coriace favorisant l’urbanisme à tout prix.  Comment pouvons-nous espérer un changement dans ces conditions? 
Quid de la Reconstruction du Centre-Ville ?

Prise de vue  à Delmas  ( Photo  Emmanuelle Gilles)
Depuis que le gouvernement de Préval avait déclaré le centre-Ville d’utilité publique, un plan de reconstruction avait été établi mais les commerçants se sont plaints de cette mesure argumentant que leur propriété avait été saisie de façon arbitraire.  Le gouvernement de Martelly a levé cette mesure d’utilité publique tout en invitant les propriétaires à participer librement à la reconstruction du centre-ville.  Depuis la levée de la mesure, les commerçants se sont concentrés sur Pétion-ville qui n’a pas un espace adéquat ou structures pour un grand marché économique comme ils le prétendent.  Pétion-ville est petite avec très peu d’espace pour garer.  Tout est coincé.  On parle de magasins, mais en fait, il n’y a que des petites boutiques invisibles et de petites entreprises.  On ne voit rien de l’extérieur, ce n’est pas comme marcher sur Madison Ave à New York ou on peut faire la lèche vitrine.  Mais c’est là où se concentre le nouveau centre-ville.  D’après ce que j’ai appris de certaines sources, les commerçants n’avaient aucune intention de reconstruire le centre-ville après le séisme car ils entendaient vendre leur propriété à des investisseurs potentiels pour des millions. Ils avaient voulu récupérer leur terre à cette fin et non pour participer à une quelconque reconstruction du centre-ville.  De toute manière, pour inciter les commerçants à réinvestir au centre-ville, l’Etat devrait d’abord faire sa part, développer les infrastructures (route, eau, électricité) afin de créer des  incitations pour attirer l’investissement interne ou externe.  L’Etat Haïtien n’a rien offert et s’attend à ce que les commerçants réinvestissent au centre-ville sans leur aide.   En résumé, le Centre-Ville est abandonné à son sort et Pétion-ville ainsi que les quartiers avoisinants, Frères, Delmas et tous les coins du pays sont devenus de véritables marchés de rues incontrôlables.  Grosso modo, les changements ne seront jamais visibles car cette eternelle bidonvilisation des villes ne favorise pas le changement de l’image d’Haïti.  Haïti ne saurait être ouvert aux affaires dans ces conditions.

Les Conflits à l’Ile à Vache :
Bref les conflits de l’Ile à Vache sont très complexes.  La constitution stipule que « L'expropriation pour cause d'utilité publique peut avoir lieu moyennant le paiement ou la consignation ordonnée par justice aux ordres de qui de droit, d'une juste et préalable indemnité fixée à dire d'expert.  Si le projet initial est abandonné, l'expropriation est annulée et l'immeuble ne pouvant être l'objet d'aucune autre spéculation, doit être restitué à son propriétaire originaire, sans aucun remboursement pour le petit propriétaire. La mesure d'expropriation est effective à partir de la mise en œuvre du projet. »  Voilà ce que stipule la constitution.

Dans les années 1957, toute l’ile appartenait à l’Etat, Louis Déjoie avait acheté une petite partie des terres qu’il avait distribuées à quelques Habitants de l’Ile.  Duvalier de son coté, en réalisant les astuces de Louis Déjoie, avaient aussi acheté des terres qu’il distribua aux habitants qui se plaignaient de n’avoir pas bénéficié de la largesse de Déjoie.  C’est ainsi que près de 800 personnes sont propriétaires sur l’ile sur les 15,000 habitants.  Ceux qui ne sont pas propriétaires se sont servis des terres de l’Etat pour l’agriculture de subsistance donc pour leur survie. Les 15,000 habitants de l’ile ne sont donc pas tous des propriétaires.

En déclarant l’ile d’utilité publique, l’Etat Haïtien n’a pas violé les lois car la constitution lui confère ce droit cependant l’état n’a pas respecté les clauses de la constitution qui stipulent que le paiement et une indemnité fixée par des experts devraient être effectués.  Il arrive aussi que selon l’article 39, «les habitants des sections communales ont un droit de préemption pour l'exploitation des terres du domaine privé de l'Etat situées dans leur localité. »

Le gouvernement a commis des erreurs capitales dans le dossier.  Premièrement, Il ne s’était jamais préoccupé de l’ile !  Les habitants de l’ile étaient quasiment livrés à eux-mêmes pendant deux siècles.   Deuxièmement, les habitants de la ville n’ont pas été consultés ni avisés au préalable car Ils avaient aussi leur mot à dire dans les négociations. La déclaration d’utilité publique au prime abord couvrait toute l’ile sans tenir compte des besoins de ceux qui ont habité l’ile toute leur vie.  La mesure n’épargnait pas des investisseurs locaux déjà sur place qui se sont sentis menacés. C’est le cas de cette famille Haïtienne et leur beau-fils Américain qui avaient investi sur l’ile avec chacun leur « share » dans Akaba Bay Resort.  Ils avaient également développé un « master plan » pour le développement touristique de l’Ile à Vache.  Martelly était au courant de ce masterplan.   Apres l’élection de ce dernier, son avocat Gary Lissade aurait fait pression sur les propriétaires de Abaka Bay resort que le président convoitait personnellement. L’Américain au nom de Dietricht aurait écrit une lettre ouverte à Martelly et Lamothe et je cite un des passages :

“I am appalled at the way you are today treating my former neighbors, the inhabitants of Ile a Vache.  My vision had been to attract tourism and investors to the island, but only in complete transparency, cooperation, fair dealing, and respect for the island’s residents.  Instead, you and your officials are lying to the island’s people, expropriating them from their land, unilaterally bulldozing their forest, land and homes, and then terrorizing and brutalizing them with heavily-armed militarized police when they protest. I had seen the Ile a Vache project as a way to give back to Haiti, not to take from her yet again”. 
L’approche du président était arbitraire tout comme les diverses arrestations qui ne sont pas justifiées.  L’idée de rendre l’Ile à Vache un lieu touristique n’était pas celle du gouvernement Martelly et de Lamothe mais plutôt des actionnaires d’Akaba Bay qui avaient soumis à Martelly un plan de développement touristique pour l’ile.  Selon l’investisseur Américain, Martelly et Lamothe auraient décidé de s’accaparer du projet pour en faire leur pour leurs intérêts personnels et non pour le développement économique du pays comme ils l’entendent.

Les manifestations successives qui s’en ont suivi étaient justifiées car l’Etat ne pouvait pas déclarer l’ile d’utilité publique sans un plan qui incorporait un développement communautaire au profit de ceux dont les terres seraient passibles sous cette mesure. Ce plan devrait prendre en compte des infrastructures qui à la fois rehausseraient l’ile et les conditions de vie des Habitants c’est-à-dire, logements, école publique et eau potable avec des possibilités d’emploi.   Les habitants bénéficieraient d’un programme de  perfectionnement de la main d’œuvre, ce qui l’aiderait à participer dans les projets de l’ile.

Récemment des amis ont été a Ile a Vache et m’ont fait un compte rendu que l’ile est plutôt calme et qu’il n’y a plus de manifestations.  Les habitants ont repris leurs activités journalières et on ignore toutefois si le plan du gouvernement a été modifié pour tenir compte des revendications des résidents.  Il n’y a toujours pas de transparence sur le projet de l’Ile à Vache.  Nul n’est au courant du profil des investisseurs et de la source de financement de l’aéroport prévu!  Certains jurent que Martelly et Lamothe ainsi que la Ministre du Tourisme ont de gros intérêts personnels dans le projet, mais il reste à voir s’il s’agit vraiment de leurs intérêts ou de développement économique. 

Le gouvernement a déclaré que «Le projet de l'Ile-à-Vache est une lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales à travers les investissements et la création de richesse».  J’en conviens que c’est même une nécessité et notre pays a besoin de plusieurs sources de revenus pour alimenter notre budget national, est ce pourquoi nous devrions nous rassurer que le projet bénéficierait le pays et non les poches des membres du pouvoir.  De ce fait, Laurent Lamothe et Michel Martelly ne devraient pas être des actionnaires dans ce projet ni non plus réclamer des pots de vin et leur pourcentage au niveau des potentiels investisseurs.   Les Haïtiens doivent être donc vigilants, par là je ne me réfère pas à des politiciens véreux qui profitent de cette situation pour déstabiliser et boycotter mais ceux qui sont véritablement concernés par le développement de notre pays.

Lorsqu’un Président déclare que les caisses publiques sont vides, on devrait réfléchir ? Qui alimente le trésor public ? Quel est le pourcentage  des recettes publiques et des impôts alimentant le trésor public mensuellement?  Ou vont les impôts, et les recettes douanières? Sur quoi repose le budget de l’Etat ?

Programme d’Education gratuite : (PSUGO)
Le programme d’éducation gratuite est une initiative qui devrait être appuyée par tous les Haïtiens désireux de voir un changement au niveau de ce secteur important.  C’est un des plus grands défis qu’un gouvernement ait tenté depuis des décennies.  L’accès à l’éducation pour tous a toujours été une préoccupation majeure pour moi, et c’est l’un des objectifs du millénaire auxquels s’engagent les pays en voie de développement.  Je me suis dit que finalement ce projet contribuera à éliminer l’existence de deux mondes dans un même pays, une situation désastreuse qui pénalise et isole tout un peuple depuis plus de deux siècles.  En d’autres termes, c’est en grande partie l’origine de ce grand fossé entre la masse populaire et les nantis.   Le programme d’éducation du gouvernement revêt toute son importance, cependant, vu la célérité avec laquelle ce programme a été mis sur pied, les structures ne sont pas adéquates pour garantir son succès.  Beaucoup de failles ont été enregistrées.  Dans la liste des écoles ayant reçu des subventions de l’Etat, Des Directeurs d’écoles aussi bien que des députés ont falsifiées des écoles inexistantes pour lesquelles ils percevaient des fonds.  C’est une preuve que la corruption gangrène notre société a un point tel que même nos législateurs ne font pas l’exception.  C’est le paradoxe de la corruption institutionnalisée ! En Haïti la corruption est systémique car sa fréquence est telle qu’elle constitue plutôt la régie plutôt que l’exception, et c’est à cause de ces impasses encouragées par un système judiciaire faible et défaillant que le changement d’Haïti ne peut être espéré. 

Conclusion :
Après le départ de Duvalier, c’était évident pour tous que nos problèmes relèvent d’un système défaillant mis en place pendant des décennies par des gouvernements incompétents. L’arrivée au pouvoir d’un gouvernement démocratiquement élu en 1990 était l’occasion idéale pour créer ce nouvel Etat qui nous tient à cœur, malheureusement, l’Etat s’est effondré davantage pour  devenir dysfonctionnel quasi en permanence.  Certains décrets de lois créés par le gouvernement de transition ont pu aider à renforcer le fonctionnement de l’Etat cependant La corruption est considérée comme une négation de l’Etat même en tant qu’institution.   Tous ceux qui lèvent leur voix contre l’actuel gouvernement et qui s’attendent à un changement drastique, se leurre car aucun changement n’est possible sans des réformes institutionnelles en profondeur au sein d’un système décomposé et putréfié.  L’institutionnalisation de l’État moderne repose sur l’exigence de règles formelles reconnues par la loi et applicable selon la loi par tous. Avec un parlement opportuniste et incompétent au service unique de ses intérêts politiques, des gouvernements successifs qui abusent de leurs pouvoirs, et d’une société quasiment en déchéance morale.   En dépit d’une constitution et des lois, l’Etat demeure  l’otage du peuple et le peuple l’otage de l’Etat.  On ne peut rien espérer !

Par: Emmanuelle Gilles manugi28@yahoo.fr

Une adaptation de Herve Gilbert


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