Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Saturday, March 29, 2025

MES SOUVENIRS DE JEAN-CLAUDE SAMEDY

Par Eddy Cavé

Ottawa, le 24 mars 2025


Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs d’octogénaire  choyé, je l’admets, par la Nature ou par la Providence, je retrouve partout où je tourne les yeux  le visage et la silhouette de Jean-Claude Samedy. Cet ami avec qui j’ai eu le bonheur de cheminer durant l’enfance, l’adolescence et la prime jeunesse, avant que le mauvais génie qui s’acharne contre Haïti nous projette  vers des rives différentes : lui vers l’Argentine, moi vers le Chili d’abord, puis vers le Canada.  Nous sommes néanmoins restés en contact jusqu’à ce que la mort nous sépare pour de bon.

Étant du même âge, du même secteur de la basse-ville et issus tous les deux de familles très proches l’une de l’autre, nous avons grandi ensemble, fréquenté les mêmes écoles et partagé les mêmes valeurs. Jean-Claude ayant toujours été d’une droiture exemplaire, c’est avec son jeune frère Guy que je faisais les folies de l’adolescence pendant que, lui, ’il était plongé dans les livres d’Alexandre Dumas ou de Saint-Exupéry. Il ne manquait toutefois pas d’humour et s’amusait plutôt à la pensée que je me sauvais avec Guy pour aller, à la tombée de la nuit, nous amuser dans des groupes carnavalesques de renommée douteuse comme Démoli ou La jeunesse. 

Déjà à l’école primaire, Jean-Claude se signalait par son sérieux, sa discipline et son application au travail.  Si son cousin germain Ney Jean Dimanche raflait toutes les médailles et les prix d’excellence, Jean-Claude le talonnait sans relâche, et nous n’avons jamais eu le sentiment qu’ils se concurrençaient… même sournoisement.

À la faveur de l’extraordinaire succès obtenu par le père de Jean, le sculpteur André Dimanche, à l’Exposition internationale du Bicentenaire de Port-au-Prince, la famille s’installait à la Capitale, laissant le champ libre à Jean-Claude qui devint automatiquement un premier de classe incontesté. Resté au Lycée Nord Alexis, pendant que nous allions au Collège Saint-Louis, un autre Jean-Claude — Jean-Claude Chassagne — prenait la tête de notre promotion qui se trouvait divisée en deux.

À cette école congréganiste créée en 1954, l’année du cyclone Hazel,  Jean-Claude Samedy s’affirme comme un leader dans tous les domaines : les salles de classe, la cour de récréation, les activités parascolaires. Dans le scoutisme, il brule toutes les étapes pour devenir rapidement routier, chef de brigade, chef de troupe  et un modèle pour tous les jeunes dont il a la charge.


À l’inauguration, en 1956, des locaux flambants neufs du Collège Saint-Louis à Rochasse, c’est à lui que revient le privilège de prononcer le mot de bienvenue à l’endroit de l’assemblée de notables réunie pour la circonstance, dont : l’évêque des Cayes, Mgr Colignon, le préfet Roger Boncy, le commerçant Pierre Sansaricq, le curé de la ville, le père Perron, le maire, le commandant du district militaire, etc.

Lorsque les scouts traversent la ville pour leurs excusions périodiques à la campagne, Jean-Claude porte avec fierté son uniforme et ses décorations pendant que, de mon balcon, je les regarde passer. Pour avoir mûri prématurément, il se plait déjà à orienter ses jeunes dans le droit chemin et joue à la perfection un rôle de leader. Par son port altier, sa belle taille et son sens de l’honneur, plusieurs voient en lui un futur officier de l’Armée d’Haïti d’avant la dictature.

À l’exception du football qui ne semblait pas l’attirer beaucoup, Jean-Claude a laissé sa marque dans tous les aspects de la vie de la ville : les cercles littéraires, le sport, la natation, le canotage, l’haltérophilie. Sous la houlette de Gwo Èvé Mondésir, un  sympathique marin de La Pointe, et du marin dans l’âme qu’est Jean-Arthur Rouzier, Jean-Claude s’initie très jeune au canotage, à la navigation à voile et participe même à la construction d’un petit voilier que nous appellerons Torpille (Photo ci-contre). Nous avons alors 16 ans et nous nous embarquions dans une aventure qui aurait pu facilement tourner à la catastrophe. Avec le recul, je me rends compte qu’ils savaient ce qu’ils faisaient.

Ayant toujours été, d’instinct, réfractaire à toutes les formes d’embrigadement, je n’ai pas vécu avec Jean-Claude l’expérience du scoutisme. J’en ai cependant entendu parler toute ma vie d’adulte, notamment par Pierre-Michel (Pèpè) Smith qui est resté attaché à son chef de troupe jusqu’à sa mort. À en juger par les souvenirs des jeunes que Jean-Claude a encadrés durant cette tranche de sa vie bien remplie, le jeune homme était un parfait modèle du chef en herbe : sens du commandement, rectitude morale, capacité d’enseignement dans toutes les facettes de la vie du jeune citoyen en général et du scout en particulier. Jean-Claude avait toutes ces qualités et il les a inculquées à un grand nombre de jeunes qui, aujourd’hui encore, se souviennent de lui et de ses enseignements. Le futur prêtre Eddy Julien était de la même trempe, mais beaucoup moins flamboyant que Jean-Claude.

Avec l'ancien condisciple, le père Eddy Julien et Pèpè Smith à Montréal en 1978

Il se produit en 1957 une sorte de changement de cap dans la ville et dans nos relations. Au Lycée Pétion où je vais terminer mon secondaire, et où Jean-Claude Chassagne viendra faire sa philo,  mes études prennent une orientation très différente de la sienne. L’enseignement laïque et très progressiste que dispensent nos professeurs dans une atmosphère de militantisme de gauche influence jusqu’à nos relations personnelles et nos loisirs. Ma déception sera donc grande quand, en classe de philo, où je m’attendais à récupérer mon ami d’enfance, j’apprends qu’il est entré à Saint-Martial. J’ai alors cru la cause perdue, mais il allait se rattraper dans l’Argentine post-péroniste des années 1960. Libéré du carcan de l’enseignement des prêtres bretons, Jean-Claude adoptera une idéologie fortement teintée du justicialisme du Juan Perón, changera de langage, de comportement et même de siècle, si je peux dire.

Pendant que je termine mon droit en Haïti et que je poursuis ma formation à Santiago du Chili, Jean-Claude décroche son doctorat en médecine et un diplôme en sociologie à l’Université de Cordoba. Après un rendez-vous manqué avec lui à Buenos-Aires en 1967, je retourne en Haïti où je combine études et travail pendant trois ans, tout en maintenant  notre chaleureuse correspondance. De son côté, il terminera son doctorat en médecine en Espagne.

On trouvera la liste complète des élèves au tome 1 de De mémoire de Jérémien. La silhouette dont on ne voit que la moitié gauche est celle de Jean-Claude.

Le wharf de notre enfance

L’ami que je retrouve à Montréal à l’été 1970 est celui dont je rêvais depuis longtemps. Un professionnel de gros calibre, un intellectuel qui était allé jusqu’au bout de ses convictions idéologiques qui avait  aligné son quotidien sur sa formation théorique. Un érudit d’une curiosité sans bornes, mais qui avait tendance à trop se fier à l’efficacité des modèles argentins dont les lacunes étaient bien connues. Dans ma vision à moi, ce médecin doublé d’un sociologue était exactement le genre de cadre qui aurait pu servir le pays à la fois dans les hautes fonctions de l’administration publique et  sur le terrain, là où se livrent les véritables combats contre la corruption, l’incompétence et le laisser-grennen.

Notre rencontre à Montréal fut relativement brève, car il retourna précipitamment en Argentine où il avait laissé sa famille.  Par la suite, nous nous sommes revus à chacun de ses voyages à Montréal où vivaient Tante Annette, sa mère, et sa sœur  Guerda. C’était chaque fois un vrai régal de discuter avec lui des problèmes de société d’Amérique latine, des choix stratégiques de l’Argentine ou du Chili, de l’avenir d’Haïti et de la responsabilité des intellectuels du Tiers-Monde.

Au printemps 2004, l’année du bicentenaire de l’Indépendance, Pèpè Smith, lui et moi prenions rendez-vous pour passer la Saint-Louis entre nous à Jérémie. En toute franchise, je n’ai été convaincu que le projet était réalisable que lorsque les trois nous  nous sommes retrouvés ensemble à Buvette, sur la superbe propriété de Jean-Claude Tabuteau. Comble de bonheur, Donald Ferdinand était rentré de New York; Claude Pierre, de Port-au-Prince; Bobisson Large, de New York après un détour à Jacmel. 

À sa descente d’avion, Jean-Claude semblait perdu, mais il ne tarda pas à s’acclimater. Un de ses rêves les plus chers avait toujours été d’offrir gratuitement,  au moins une fois dans sa vie, des soins médicaux à la population de la Grand’Anse.  Et voilà que sa visite à Jérémie coïncidait avec la journée de clinique gratuite que les médecins et infirmières bénévoles de la Floride tenaient à Jérémie à l’avant-veille de la Saint-Louis à Jérémie. Cette merveilleuse initiative en était à sa 7e ou 8e édition  et Jean-Claude eut le bonheur d’y participer. Ce fut pour moi une immense joie de le voir, stéthoscope au cou, converser avec les patients, les ausculter et participer à la distribution des médicaments (Photo ci-contre).

Le soir, tout le groupe se retrouvait à la résidence des époux Edwin Magloire à Calas d’où, assis au bord de la piscine, nous regardions les lumières de Jérémie, tout en remémorant les belles années de notre enfance. Dans la soirée du 24, soit la veille de la Saint-Louis, c’était au tour du couple Mimose et Ernso Jérôme de le recevoir dans leur résidence de Bordes. Ce fut une soirée mémorable de retrouvailles où Jean-Claude était véritablement le centre d’intérêt. Mais le sociologue en lui voulait aussi voir les rues de la ville et ses night-clubs après 40 ans d’absence et je partageais cette curiosité, car ma dernière Saint-Louis à Jérémie remontait à 1964. On se souviendra que les festivités de cette année-là avaient avaient eu pour toile de fond l’invasion des Treize de Jeune Haïti et les massacres qui s’ensuivirent.

J’avais bien entendu dire et observé que la ville avait beaucoup changé depuis, mais l’idée que je m’en faisais n’avait aucune commune mesure avec la réalité que j’allais découvrir. Mes amis Brunel Pierre et Guiton Dorimain, qui étaient de la partie, acceptèrent de bonne grâce de nous faire découvrir non seulement la nouvelle Saint-Louis, mais aussi les aspects les plus surprenants de la nouvelle ville. 

Place Dumas durant la Saint-Louis en 2004

Sitôt dit, sitôt fait. Nous remercions nos hôtes après le dessert et nous embarquons dans la luxueuse Lexus de Brunel, cap sur le carré La Place. À peine avons-nous passé le quartier de Jubilé que nous entrons dans un véritable carnaval de motos allant dans tous les sens. Une première question me vient à l’esprit : « D’où viennent-ils, tous ces véhicules ? »  Puis une seconde : « Et où vont-ils ? »  Pour nos deux amis convertis en cicérones, la réponse est simple : Ils viennent des nouveaux quartiers et vont vers les nouvelles boîtes de nuit. De Caracoli, Sainte-Hélène, Dèyè Kazèn, Déyè  Izin Elektrik, etc.

Comme moi, Jean-Claude regarde bouche-bée la voiture avancer pas à pas en direction de l’ancienne École industrielle et dans un vacarme étourdissant. Des deux côtés  du sentier que nous longeons, des étals de fritay, des marchands ambulants de pâté, de fresco. Brusquement, le bruit familier d’un gros moteur au gazoil : Ça, ça doit être l’usine électrique, s’exclame Jean-Claude !» Il a bien raison.

En effet, la piste d’atterrissage de notre enfance et qu’on appelait Dèyè Kazèn avait été prise d’assaut par une multitude de nouveaux arrivants et convertie en moins de deux générations en un vrai bidonville : « Un véritable cours de sociologie pratique, ajoute Jean-Claude au bout d’un long silence. Muchas gracias amigos ! »

De là, nous avons fait le tour de la ville qui nous a vus grandir, revoyant les maisons que nous avons habitées, les cinémas que nous avons fréquentés, nos anciennes écoles, etc. Puis,  nous sommes revenus à la maison des Jérôme où j’avais laissé la voiture de ma sœur en allant faire cette visite guidée.  Mauvaise surprise, le portail était fermé à clé et Brunel était reparti. Nous décidons donc de remonter à pied et de faire une bonne marche. Je découvre alors que Jean-Claude était dans une forme physique exécrable. L’ancien sportif que j’avais connu et qui nous battait tous à la natation, au canotage, aux exercices de poids et haltères avait toutes les misères du monde à monter à un rythme normal la côte conduisant à notre maison.

Le  lendemain, pendant que toute la famille était réunie pour le petit-déjeuner, mon beau-frère Jean Martineau, médecin et ancien fumeur comme lui, pensa le taquiner en parlant de ses Gitanes, ces affreuses cigarettes françaises de tabac noir, et de son mode de vie par trop sédentaire. Avec son aplomb habituel et sans la moindre hésitation, il répondit : « L’abandon de la cigarette et la marche sont sans aucun doute de bonnes choses. C’est ce que je recommande à mes patients. » Autrement dit, fais ce que je vous dis, pas ce que je fais. Ça, c’était Jean-Claude. Un homme d’une sincérité désarmante qui n’a jamais cherché de faux-fuyants.

Avec un recul de 20 ans exactement, le décès de Jean-Claude des suites d’un emphysème pulmonaire ne manque pas de rappeler celui du fumeur invétéré qu’était le célèbre acteur américain Yul Brynner. Après avoir appris à 63 ans qu’il souffrait d’un cancer du poumon et qu’il était inopérable, l’acteur déclara plusieurs fois en 1985 qu'il souhaitait laisser une campagne anti-tabac en héritage à l’humanité. Quatre mois après son décès, survenu la même année, l'American Cancer Society lançait contre ce fléau une campagne tous azimuts se résumant en trois mots prononcés d’une voix rauque par cette célébrité : « DO NOT SMOKE. »

Je me souviens également avoir reproché des dizaines de fois à Jean-Claude de n’avoir jamais appris à utiliser un ordinateur pour sa correspondance et la rédaction de ses textes. La réponse était un peu la même : « Oui, c’est très utile, mais c’est ma secrétaire qui s’en occupe. » Ça encore, c’était Jean-Claude. Un ancien chef scout qui répartissait les tâches au sein de sa troupe, selon le grade, l’ancienneté ou les compétences.

Quand est venu pour moi le temps d’écrire sur Jérémie dans la perspective du récit illustré, j’ai d’abord cherché des photos inédites dans mon entourage immédiat. Claude Martineau et Fritzner Bourdeau, de New York, Jean-Robert Pierre, les frères Julio et Nephtalie Gauthier, de Montréal, m’ont donné d’excellentes photos, mais Jean-Claude était le seul qui, malgré son isolement dans le fin fond de l’Argentine, a pu me faire parvenir certaines des photos dont j’avais le plus besoin. Cela n’a pas été facile, mais il l’a fait. N’ayant jamais pris la peine d’apprivoiser l’ordinateur, il a dû pour cela apporter ses imprimés à un laboratoire de Tinogasta, sa ville d’adoption et, une fois le travail effectué, c’est le propriétaire de l’entreprise  qui m’a, lui-même, transmis les  fichiers par le courrier électronique. Ça aussi, c’était Jean-Claude. Un gestionnaire qui allait chercher les ressources ou les services là où ils se trouvaient et qui ne reculait jamais devant le prix à payer…

Au restaurant La fourchette créole de Raymonde Bourdeau,à
Montréal, entre Jacques Dugué Némorin, moi-même et Serge
Pierre en 2015                                                                          
Ce chercheur doté d’une mémoire prodigieuse, ce collectionneur d’antiquités, de timbres-poste, de vieux disques et d’anciennes photos ne pouvait ne pas être fidèle en amitié. Partout où il met les pieds, il s’informe du devenir des vieux amis, des petits pêcheurs de Nan Pousyè, des marins de l’ancien embarcadère de la United Fruit à La Pointe, le Waf bwa. Ses séjours à Montréal étaient toujours pour moi d’agréables occasions de renouer avec les anciens camarades dont il demandait des nouvelles… Jean-Claude était spécial. En outre, il était devenu avec le temps un parfait
 homme du monde. On le voit ici en train de danser à Jérémie avec Didi, l’épouse de son fils spirituel Pèpè Smith. Il avait donc appris à danser et cessé d’être un intello perdu dans ses livres. Ces    rendez-vous avec ma propre jeunesse me manqueront énormément.

Voilà donc le compagnon de route, l’ami de toujours, le frère que je ne reverrai plus et que je pleure aujourd’hui. Le plus triste pour moi, c’est que je n’ai aucun espoir de pouvoir aller un jour me prosterner devant sa tombe et de pouvoir lui dire :


« Routier Jean-Claude Samedy, Jérémie se souvient de toi… Lève-toi et vole  à la rencontre des tiens. Vole vers Jérémie où repose Tonton Tony. Vole vers Saint-François Xavier, au Québec, où nous tous t’avons suivi pour accompagner Tante Annette. Vole vers  Port-au-Prince où Guy, ton frère de sang et mon frère de baptême, a été fauché en plein vol en février 1986 dans la tourmente de la fin du règne qui nous a tous contraints à une forme ou une autre de l’exil.

Routier, si ta dépouille mortelle demeure et demeurera dans ta patrie d’adoption, ton souvenir, quant à lui, restera vivace dans toutes les villes du monde où l’incompétence, la mauvaise foi  et l’obsession du pouvoir absolu ont forcé un jour tes proches, toi et moi-même à déposer pour de bon nos valises de pèlerin fatigué. Et à devenir par la même occasion des citoyens de partout et de nulle part…                                             

QUE TON ÂME REPOSE EN PAIX ! »

Jérémie vue de Bordes, avec son port, sa mer d'un bleu d'azur, sa cathédrale
aujourd'hui démolie et le cimetière où reposent nos parents et grands-parents.
Jérémie de nos amours, ADIEU








Tuesday, March 25, 2025

Mia Love, une pionnière d’origine haïtienne, s’éteint à 49 ans après un combat courageux

Mia Love
Première femme noire républicaine élue au Congrès


Par Hervé Gilbert

Figure emblématique de la politique américaine, Mia Love, première femme noire républicaine élue au Congrès et fière descendante haïtienne, s’est éteinte le 23 mars 2025 à l’âge de 49 ans. Son parcours, jalonné de victoires et d’un engagement indéfectible, s’achève après une bataille acharnée contre un glioblastome, une forme agressive de cancer du cerveau. Son héritage restera gravé dans l’histoire.

Née Ludmya Bourdeau le 6 décembre 1975 à Brooklyn, New York, de parents haïtiens, Mia Love a grandi dans le Connecticut avant de s’installer dans l’Utah. Elle a débuté sa carrière politique comme membre du conseil municipal, puis est devenue maire de Saratoga Springs. En 2014, elle a marqué l’histoire en devenant la première femme noire républicaine élue à la Chambre des représentants des États-Unis, représentant le 4ᵉ district de l’Utah.

De 2015 à 2019, elle s’est distinguée par son engagement en faveur de la responsabilité budgétaire, du gouvernement limité et des libertés individuelles. Elle a siégé au Comité des services financiers de la Chambre et a été membre du Caucus noir du Congrès.

Après son départ du Congrès, elle a travaillé comme commentatrice politique sur la chaîne de télévision CNN et a brièvement coanimé l’émission The View en 2021. Suite à son diagnostic en 2022, elle est devenue une fervente militante pour la recherche sur le cancer et la sensibilisation à cette maladie.

Mia, son mari et ses trois enfants

Mia Love laisse derrière elle son mari, Jason, et leurs trois enfants. Sa famille a exprimé sa gratitude pour le soutien reçu et prévoit d’annoncer prochainement les détails de ses funérailles ainsi qu’une cérémonie publique en son honneur.

Haïti Connexion Culture adresse ses plus sincères condoléances à sa famille, ses proches et tous ceux qu’elle a inspirés.

Son engagement, sa détermination et son sens du service resteront à jamais gravés dans l’histoire. Fière de ses racines haïtiennes, elle a incarné les valeurs de persévérance et d’excellence, ouvrant la voie à de nombreuses générations.

En ce moment de deuil, nous nous unissons à sa famille dans la douleur et l’espérance. Que son âme repose en paix et que son héritage continue d’inspirer ceux qui aspirent à un monde meilleur.

Herve Gilbert

Mia Love en vidéo

Une coutoisie de CNN




Wednesday, March 19, 2025

Hommage à Anthony Phelps – L’éternité d’un poète

Anthony Phelps

Haïti Connexion Culture s’incline avec une profonde révérence devant la mémoire d’Anthony Phelps, l’un des plus grands artisans de la parole poétique haïtienne, dont la voix s'est tue mais dont l’écho résonnera à jamais dans l’âme de notre peuple et au-delà.

Poète, romancier, journaliste, conteur d’exil et de mémoire, Anthony Phelps était plus qu’un écrivain : il incarnait une parole vivante, un phare dans l’obscurité, un passeur d’émotions dont les mots, tissés de lumière et de blessures, ont traversé les âges et les frontières. Il appartenait à cette lignée rare des poètes dont chaque vers porte la vibration d’une terre natale, chaque image l’empreinte du sel et de la mer, chaque silence la force d’une révolte contenue.

L’exil en vers et en âme

Né en 1928, Anthony Phelps a grandi dans une Haïti vibrante mais tourmentée. Son engagement littéraire s’est affirmé à travers Haïti Littéraire, ce mouvement qui, dans les années 1960, porta haut la voix d’une génération avide de justice, de renouveau et de liberté. Contraint à l’exil sous la dictature, il n’a jamais cessé d’écrire, faisant de la distance un territoire poétique, une patrie intérieure où Haïti restait omniprésente.

Qui pourrait oublier « Mon pays que voici », ce chant d’amour et de douleur où Haïti se dévoile dans toute sa complexité, entre splendeur et blessures profondes ? Ses vers, empreints de nostalgie et d’une lucidité implacable, résonnent comme une prière murmurée au vent, une incantation pour conjurer l’oubli et préserver l’âme d’un peuple à travers la poésie.

Un héritage impérissable

Anthony Phelps
Mais Anthony Phelps n’était pas seulement un poète. Homme de radio, conteur inspiré, il a su donner une voix aux silences et bâtir des ponts entre les générations, entre Haïti et le monde. Son œuvre demeure un legs inestimable, une source intarissable où viendront encore s’abreuver ceux qui cherchent à comprendre, à aimer, à rêver Haïti autrement.

Son départ laisse un vide immense, mais il ne marque pas la fin. Un poète ne disparaît jamais : il devient une rivière souterraine qui nourrit la mémoire collective, un chant que l’on fredonne sans même s’en rendre compte, une lumière qui danse dans le regard de ceux qui, un jour, ouvriront un de ses livres et y retrouveront un fragment d’eux-mêmes.

Anthony Phelps, votre étoile ne s’éteint pas, elle brille autrement.

Haïti Connexion Culture adresse ses plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à tous ceux qui, aujourd’hui, portent en leur cœur le deuil de ce géant. Que son souffle poétique continue de nous inspirer et que sa voix demeure, éternelle, dans l’âme de notre chère Haïti.

Reposez en paix, maître des mots.

Haïti Connexion Culture


Monday, March 17, 2025

Hommage aux trois auteurs disparus ces derniers mois

 Séance de lecture de l’Authors Network & Distributors, 9 mars 2025


Par Eddy Cavé

Il y a environ une semaine, mon ami Hervé Fanini-Lemoine m’invitait, au nom du club haïtien  international de lecture, à prononcer quelques mots  à la mémoire de trois anciens piliers de notre communauté disparus au cours des trois derniers mois : Gérard Férère, Max Manigat et Franck Étienne.  C’est naturellement de gaieté de cœur que j’ai accepté l’invitation et que je me m’acquitte aujourd’hui de cette mission. Mes déformations de mémorialiste aidant, je ferai surtout appel aux souvenirs de mes rapports personnels avec chacun d’eux pour contribuer à préserver leur mémoire.

Gérard Férère

Je commencerai par Gérard Férère que j’ai connu durant mon adolescence, pendant qu’il était jeune lieutenant de bord d’une vedette des Garde-Côtes d’Haïti, le GC 9. Envoyé en mission de secours à Jérémie après le passage du cyclone Hazel en 1954, Gérard passa une bonne partie de son temps dans le port de la ville, et c’est dans ces circonstances que je l’ai connu.

Nouvellement arrivé du Venezuela où il avait étudié la marine militaire, Gérard était déjà une personnalité hors du commun. D’une extraordinaire ouverture d’esprit envers les jeunes, il nous faisait visiter son bateau à ses heures perdues et il semblait adorer à la fois la mer et sa mission de surveillance des côtes d’Haïti. Je l’ai par la suite perdu de vue et je ne l’ai retrouvé que 30 ans plus tard, recyclé dans la linguistique et l’enseignement universitaire à Philadelphie.

Quelle ne fut pas ma surprise, pour ne pas dire ma déception, quand, en le visitant à Boca Raton en 2003, peu de temps après sa retraite, j’ai observé que, contrairement à la plupart de ses voisins, il n’avait pas un yatch dans sa cour.  Il me fit ce jour-là une confidence surprenante : « Eddy, la marine n’a jamais été pour moi rien de plus qu’un métier… Pour moi, la mer, c’était la fréquentation quotidienne du danger et des risques de naufrage, l’immersion constante dans la solitude de l’océan, les nuits sans étoiles où souffle trop souvent ce vent violent que les gens de la côte appellent le nordé… Tout cela pendant que mes amis se la coulaient douce à Cabane Choucoune ou dans les bars animés du Port-au-Prince by night »

Nous avons causé des heures ce jour-là pendant que Nancy, son épouse, arrosait les plantes et nous préparait un copieux repas. Nous avons parlé, pêle-mêle, littérature, enseignement des langues, combats politiques, patriotisme et absence de patriotisme, armée d’Haïti. Nous avons également évoqué avec une évidente tristesse ses journées d’angoisse à la prison de Fort Dimanche et les massacres perpétrés en 1964 dans le cadre de la présidence à vie.

Parmi les bambins qui l’accablaient de questions à Jérémie, il y en avait un dont les yeux pétillants d’intelligence et le sourire énigmatique étaient restés gravés dans sa mémoire. C’était Marcel Numa, qui avait alors 10 ou 11 ans,  et que Gérard allait reconnaître, dix ans plus tard, attaché à un poteau face à un peloton d’exécution et attendant la mort avec un compagnon rebelle du nom de Milou Drouin. François Duvalier avait supervisé en personne cette exécution publique qui a traumatisé des centaines d’élèves emmenés de force à  l’entrée du cimetière de Port-au-Prince pour assister à ce spectacle macabre.  L’évocation de cette scène me troubla profondément, ainsi que les deux amis qui m’accompagnaient,  Cécil Philantrope et Harry Loiseau.

Nous nous sommes séparés par la suite pour ne plus nous revoir, mais nous n’avons jamais cessé de nous parler au téléphone…

Je salue en Gérard Férère un grand citoyen. Un patriote comme ce pays en produit peu de nos jours. Un marin formé dans l’affrontement des  mers démontées et qui a retrouvé la terre ferme dans la joie et la sérénité. Un survivant, aussi, des prisons de Duvalier qui n’a jamais cessé de rêver d’une Haïti d’où la tentation et la pratique du pouvoir absolu auraient disparu à tout jamais.

Que son âme repose en paix!

Max Manigat

Max Manigat est celui des trois auteurs que j’ai le moins bien connu et le moins pratiqué. Écrivain aux multiples talents, Max a laissé surtout le souvenir d’un intellectuel de combat qui ne s’est jamais contenté de penser, d’écrire et de publier. Outre sa contribution impressionnante à l’enrichissement de la culture et de la littérature haïtiennes, il a participé activement aux divers  combats menés  pour le rétablissement de la démocratie en Haïti avant et après 1986, pour la préservation de la mémoire, pour la promotion du créole au rang de langue officielle, ainsi que pour  le progrès économique et social en Haïti. Il a été en outre membre fondateur de l’Académie du créole haïtien et laissé un héritage considérable dans les domaines de la linguistique, l’enseignement, la vulgarisation et la promotion du créole écrit.

Détail pittoresque. Bien qu’il ait passé la plus grande partie de sa vie active en dehors du Cap et  à l’étranger,  Max n’a jamais perdu l’intonation et l’accent capois, et les mauvaises langues de son entourage prétendent qu’il les a même cultivés avec une certaine coquetterie. 

Au chapitre de la préservation de la mémoire régionale, Max Manigat a fait, après Marc Péan, et, sur une échelle beaucoup plus petite il est vrai, un travail de pionnier comparable à celui que Georges Corvington a réalisé avec les sept tomes de  Port-au-Prince au fils des ans. Vu sous cet angle, Voix capoises de la diaspora, dont il a coordonné la rédaction et dirigé la publication en 2007, apparaît comme une sorte de point de départ de ce que j’appellerais une littérature régionale d’Haïti. Je mets dans cette catégorie les livres de Georges Condé sur Les Cayes; de Gesler Jean-Gilles sur Jean-Rabel; d’Alain Turnier sur Jacmel, de Lemarec Destin sur Saint-Marc;  d’Alain Louis Hall sur la presqu’île du Sud. Les trois livres  que j’ai écrits sur Jérémie appartiendraient à ce courant. Comme Georges Corvington a eu à me le dire peu de temps avant sa mort, ces livres montrent qu’« il se passait des choses dans les villes de  province et que Port-au-Prince n’était pas Haïti ».  

Adieu, cher Max. Tu as bien mérité de la Patrie. Que la terre te soit douce et légère!

Le dernier et non le moindre, Franck Étienne

Frank Etienne

Que reste-t-il à dire de l’ami Franck après le concert d'éloges qui a suivi sa traversée dans l’autre monde? D’une fin de vie que, sans la moindre crainte de verser dans le cliché, je qualifierais de « chronique d’une mort annoncée » en pastichant Gabriel Garcia Marquez. On le savait costaud comme un lion, mais cela faisait un certain temps que son état de santé inspirait des inquiétudes et des rumeurs persistantes. Et la nouvelle de son décès a fracassé les fils de presse le 20 février dernier : « L’auteur de Pèlin Tèt n’est plus », disaient certains.  « Le dernier des pères du spiralisme nous a quittés », disaient d’autres. « Après Dezafi, Kavalye Polka et  Foukifoura, à quoi fallait-il s’attendre, se demandait-on ? » Anyen (Rien) faisait-on répondre Polidor, le pittoresque personnage de Pèlin Tèt.

J’ai eu le bonheur d’assister en 1978 à la 16e représentation de Pèlin Tèt au Rex Théâtre et c’était la première et la seule fois de ma vie que je voyais une telle symbiose entre un auteur et son public, entre les acteurs et les spectateurs d’une pièce de théâtre. Des rangées complètes de spectateurs applaudissant à tout casser ou reprenant en chœur des tirades qu’ils connaissaient déjà. Bref, un vrai délire !

Après la 32e représentation, la dictature déclarait que la plaisanterie avait trop duré et sifflait la fin de la récréation… L’histoire d’amour de Franck avec son public s’est, par la suite, poursuivie jusqu’à son décès. Avec seulement une courte éclipse, lors de son passage à la tête du ministère de la Culture, sous le gouvernement de Lesly Manigat. Ce péché véniel pardonné, il retrouva l’absolution.

À la fin de février dernier, toutes les couches de la société ont pleuré son départ : des plus puissants personnages politiques et des plus riches hommes d’affaires jusqu’aux plus humbles cireurs de chaussures et marchands ambulants. Tout le monde a pleuré la disparition de ce géant au visage unique, au rire tonitruant, à la voix imposante et au regard dominateur. 

Les seuls bémols sont venus ces derniers jours de ceux qu’agaçaient à bon droit sa suffisance habituelle, son assurance tapageuse, son inspiration intarissable et son égo démesuré de mégalomane déclaré.

Frank, tu vivras éternellement dans nos cœurs. En quittant ce monde en cette triste journée du 20 février, tu as seulement changé de planète pour entrer dans le cœur des vivants. Puisque nous sommes déjà dans les clichés, terminons avec Jean Cocteau qui a écrit que « le vrai tombeau des morts est le cœur des vivants ».  

Là, mon cher Franck, dans le cœur des vivants », tu seras en bonne compagnie avec toutes celles et ceux que tu as aimés durant ta longue et riche carrière de touche-à-tout de génie : les créateurs du spiralisme dont tu étais le seul survivants; les comédiens et autres artistes avec lesquels tu as électrisé des salles entières; la multitude d’élèves et de professeurs que tu as formés et façonnés. Bref, l’ensemble du petit monde de la culture, de la pensée et de l’art haïtiens qui t’a mis au monde et que tu as aidé à transformer. L’ensemble aussi  de toutes les formes du militantisme dans ce pays qui se meurt, faute de bras pour porter les projets grandioses que tu as conçus pour nous tous.

En ce qui concerne la préservation de ce riche patrimoine, pas de soucis : Marie-Andrée, Stéphane et Rudolph  s’en chargent déjà…Vas en paix. À toi la Patrie reconnaissante !

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ADDENDUM

Anthony Phelps

Nous avions à peine cessé de pleurer les trois grands disparus des derniers mois que la nouvelle du décès d’Anthony Phelps nous parvenait avec fracas, faisant partout la une dans les médias. C’était le  11 mars en cours. À Montréal, New York,  Paris, Bruxelles, Miami et en Haïti, dans toutes les villes où il y a encore des nostalgiques du vieux pays, on s’est remis à déclamer les vers de Mon pays que voici. L’héritage de cet immense écrivain engagé ne se limite toutefois pas à  ce magnifique hymne à la liberté et à la résistance contre la dictature, il est partout. Partout où il fallait conscientiser des gens, les sensibiliser aux grands enjeux de l’heure et aligner pour une bonne cause des combattants aguerris et déterminés.

Outre le prix international de poésie Gatien-Lapointe – Jaime-Sabines, Anthony Phelps a obtenu deux fois le prestigieux prix Casa de las Americas décerné chaque année par l’organisme cubain du même nom. En 2017, l’Académie française lui décernait le grand prix de poésie pour l’ensemble de son œuvre.                                                

En dépit de la beauté de la poésie d’Anthony Phelps et de l’énorme succès qu’elle a connu au fil des décennies, c’est par la manière de déclamer que cet excellent diseur a  le plus influencé les milieux littéraires de son pays. Écoutez attentivement déclamer n’importe quel bon poète ou comédien haïtien, vous me direz si, à un moment ou à un autre, vous n’avez pas cru entendre Anthony Phelps. Dans un grand nombre de cas, la seule différence réside dans le timbre de la voix.

Adieu, poète, sache que tu n’as pas semé sur une terre ingrate ! 


Friday, March 14, 2025

Arly Larivière : Une plongée dans son génie musical

Arly Larivière,  figure emblématique du Kompa

Par : Hervé Gilbert

Depuis plus de deux décennies, Arly Larivière s’impose comme une figure emblématique du kompa 1 haïtien et un acteur clé de son évolution. Il incarne une synthèse rare entre innovation musicale et fidélité aux racines culturelles. Un équilibre qui a propulsé son œuvre bien au-delà des frontières haïtiennes. Son talent exceptionnel en tant qu’auteur-compositeur, chanteur et claviériste fait de lui l’un des artistes les plus influents de son époque.

Nu-Look : Une révolution musicale

Fondé en 2000 sous la direction visionnaire d’Arly Larivière, Nu-Look a redéfini le paysage du kompa. Le groupe est devenu un laboratoire sonore où tradition et modernité cohabitent harmonieusement. À travers des compositions soigneusement arrangées, Larivière propose une musique accessible et attachante, sans sacrifier la sophistication technique. Les ballades lentes du groupe, enrichies par des solos de clavier élégants et une section de cuivres impeccable sous la conduite du talentueux André Déjean, sont devenues une signature artistique admirée tant en Haïti que dans la diaspora.

Une écriture qui touche l’intime

L’essence du génie d’Arly  réside dans ses paroles, qui explorent avec finesse les nuances des relations humaines. Des morceaux comme "Why Do You Say You Love Me", "Cauchemar", "My feelings" ou encore "Wasn't to Meant to Be" dépeignent des histoires universelles avec une sincérité désarmante. Ses textes, empreints d’une mélancolie subtile et d’une sensibilité poétique, trouvent un écho profond chez des fans de tous horizons. Il réussit ainsi à créer un lien émotionnel entre le vécu haïtien et l’universalité des sentiments.

Un héritage familial et une discipline exemplaire

Fils du célèbre compositeur Daniel Larivière, Arly a grandi dans un univers musical qui a façonné sa vision artistique. Dès ses débuts au sein du groupe D-Zine, son talent s’est rapidement imposé, attirant l’attention du public et de ses pairs. La création de Nu-Look a marqué un tournant décisif, consolidant sa place en tant que leader et stratège musical. Sa discipline rigoureuse et son approche méthodique de la création expliquent en grande partie sa longévité et son succès.

Un style intemporel à la croisée des générations

La musique d’Arly  transcende les modes et parle à toutes les générations. Sous son impulsion, le kompa s’est imposé comme un langage universel, capable de traduire avec justesse la sensibilité du rêveur face à l’amour, à la résilience, en passant par la douleur et l’espoir. Les arrangements raffinés et les mélodies captivantes de ses chansons, notamment "My feelings", tirée de l’album Just for You, illustrent parfaitement son art : une musique qui allie profondeur, sensibilité et technicité.

"My feelings" de son dernier album Just for You


Une source d’inspiration universelle

Arly Larivière puise son inspiration dans les réalités sociales, les défis quotidiens et les expériences humaines. Son approche rappelle celle des grands noms de la chanson française et haïtienne, tels que Charles Aznavour ou Ansy Derose, qui ont su capturer l’essence de la condition humaine. Chaque chanson de Larivière invite à la réflexion et à l’introspection, offrant un espace où l’auditeur peut se reconnaître et puiser du réconfort.

Une légende vivante du kompa

Aujourd’hui, Arly est bien plus qu’un artiste : il est une institution, un pilier de la culture haïtienne et un ambassadeur de son patrimoine musical. Son influence dépasse le cadre du succès commercial, s’inscrivant dans une démarche artistique et culturelle qui inspire les générations actuelles et futures.

Conclusion : un monument musical

Maestro Arly Larivière n’est pas seulement une légende du konpa 2 ,Il en est un bâtisseur, un innovateur et un gardien. À travers son œuvre, il a su préserver l’essence du genre tout en l’élevant à des sommets inédits. Son héritage musical est une source de fierté pour Haïti et sa diaspora, un rappel constant de la richesse culturelle et de la résilience du peuple haïtien. Que cet artiste exceptionnel continue d'enchanter nos coeurs et d'illuminer nos âmes à travers sa musique éternelle.

Hervé Gilbert


Note

En Haïti, "konpa", "kompa", et "compas direct" désignent le même genre musical, mais avec des nuances :

3-Compas Direct : Nom original donné par Nemours Jean-Baptiste dans les années 1950 pour son style musical.  Aujourd’hui, "konpa" est le plus utilisé, tandis que "compas direct"reste un terme historique