Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Wednesday, November 5, 2025

États-Unis - 4 Novembre 2025: une nuit de renouveau démocrate

Abigail Spanberger     Zohran Mamdani        Mikie Sherril   
 

Par Hervé Gilbert

Les élections locales d’hier soir ont redessiné le visage politique américain. Deux femmes élues gouverneures, la victoire du progressiste Zohran Mamdani à New York, et une vague bleue confirmée en Californie et au New Jersey. Une recomposition politique s’amorce, sous le signe du renouveau et de la compétence.

Un souffle nouveau sur l’Amérique politique

Zohran Mamdani

La victoire de Zohran Mamdani, 34 ans, nouveau maire de New York, symbolise un basculement générationnel. Issu d’une gauche urbaine ancrée dans les réalités sociales, Mamdani incarne une politique du terrain, audacieuse et connectée aux citoyens.
 « Mon election de ce soir  met un terme à une dynastie de la politique new-yorkaise. C’est une victoire pour tous ceux qui persistent à croire que cette ville peut redevenir un espace de justice et d’opportunité », a déclaré  le candidat victorieux, hier soir, dans un discours à la fois sobre et empreint d’émotion.

Mais la soirée a surtout été marquée par l’ascension de deux femmes d’envergure : Abigail Spanberger en Virginie et Mikie Sherrill au New Jersey. Deux profils solides, deux parcours exemplaires, et un même message : celui du retour à la compétence et à la rigueur au sein du Parti démocrate.

Abigail Spanberger : de la CIA à la gouvernance

Abigail Spanberger

Ancienne agente de la CIA, Abigail Spanberger devient la première femme élue gouverneure de la Virginie. Élue pour la première fois au Congrès en 2018 dans un district historiquement républicain, elle s’est imposée par un style direct et pragmatique, axé sur les enjeux économiques, la santé publique et la recherche du consensus.

« Les Virginiens ne veulent plus de querelles idéologiques, ils veulent des résultats », a-t-elle lancé lors de sa victoire. Sa trajectoire atypique, entre services de renseignement et action publique, fait d’elle une figure de stabilité dans un paysage politique fragmenté.

Mikie Sherrill : la rigueur militaire au service du New Jersey

Mikie Sherrill

Dans le New Jersey, Mikie Sherrill, ancienne pilote d’hélicoptère de la Marine américaine et ex-procureure fédérale, s’impose face à un adversaire soutenu par Donald Trump. Élue députée en 2018, elle a bâti sa campagne sur la sécurité, la lutte contre la vie chère et la protection des familles.
 Sa victoire confirme la capacité des démocrates à conquérir des territoires modérés et à parler à une classe moyenne en quête de sérieux et de stabilité.

« Ce que nous avons prouvé ce soir, c’est qu’une politique de bon sens peut encore gagner en Amérique », a-t-elle affirmé devant ses partisans.

Un parti démocrate revigoré

Entre la Virginie, le New Jersey, la Californie et New York, les démocrates sortent renforcés. Ces succès traduisent un désir profond de renouvellement, de compétence et de leadership féminin. Le parti, souvent perçu comme divisé, montre sa capacité à reconcilier pragmatisme et vision progressiste, tout en s’ouvrant à une nouvelle génération de leaders.

Mais le défi reste immense : transformer ces victoires électorales en résultats concrets sur les sujets qui minent le quotidien — logement, sécurité, inflation, cohésion sociale.

Les républicains en quête de repères

Du côté républicain, la soirée a un goût amer. Les revers successifs en Virginie et au New Jersey confirment une érosion du socle électoral traditionnel, notamment chez les jeunes, les femmes et les classes urbaines.Le parti conservateur semble toujours prisonnier de son aile la plus radicale, incapable de séduire au-delà de sa base.

« Nous avons besoin d’un discours d’avenir, pas d’un écho du passé », a reconnu un stratège républicain sous couvert d’anonymat.

Une vague bleue… en devenir

Cette nuit électorale n’est pas une révolution, mais une transition. Les démocrates reprennent du souffle, les républicains s’interrogent. Les Américains, eux, semblent avoir envoyé un message clair : le leadership se mérite désormais par la compétence, la crédibilité et la proximité.

Si la vague bleue continue de monter, elle pourrait bien transformer cette soirée électorale en tournant historique pour la politique américaine.

Hervé Gilbert

Tuesday, November 4, 2025

Réplique à Amos Cincir : Quand la verve remplace la vision

     Himler Rébu           Jean Ernest Muscadin

Par Hervé Gilbert 

Le texte d’Amos Cincir, intitulé «  Haïti : quand les justiciers de circonstance deviennent les prophètes d'une République perdue », a le mérite du style, mais il pèche par excès de posture. Il dénonce, sans comprendre ; il accuse, sans situer ; il moralise, sans mesurer la profondeur du désastre. Son indignation est brillante, mais elle demeure stérile. 

L’auteur, juché sur sa tribune diplomatique autoproclamée, voit en Jean Ernest Muscadin et Himmler Rébu les symboles d’une dérive populiste et autoritaire. Il leur oppose l’idéal d’un État rationnel, d’une République réconciliée avec le droit. Belle idée, certes, mais dans le pays réel — celui des routes éventrées, des commissariats sans cartouches, des postes de police sans policiers et des tribunaux sans juges — la morale, à elle seule, ne suffit plus. 

Quand l’État s’effondre, il ne reste que des fragments de légitimité : l’homme d’action, le chef local, le justicier improvisé. Muscadin n’est pas un symptôme d’arriération, il est le produit d’un vide. Le vide laissé par un État absent, par ceux qui, depuis trente ans, ont réduit la politique et la sécurité du pays à de simples bavardages, laissant la nation livrée à elle-même.

Quant au colonel Himmler Rébu, on peut railler son verbe martial, mais l’on ne saurait effacer l’ombre d’une époque qu’il symbolise — celle où servir l’État se confondait encore avec un acte de foi, presque religieux. Il fut de cette génération d’hommes persuadés que l’uniforme suffisait à incarner la vertu, que la posture tenait lieu de bravoure. Ses détracteurs parlent de discipline, mais n’en connaissent que la légende. Ils n’ont jamais senti le froid du matin dans la cour d’un casernement, ni entendu le silence lourd qui précède l’ordre de marcher.

Pourtant, de ce corps jadis proclamé d’élite, Rébu n’a conservé que la voix — une voix d’airain usé, résonnant dans le vide. Il parle comme un tambour crevé au fond d’un carnaval républicain : beaucoup de bruit, peu d’écho. Théoricien sans champ de bataille, général sans armée, il s’est réfugié dans le confort de la rhétorique, faisant du mot son dernier uniforme. Le verbe, chez lui, a remplacé l’action comme la parade remplace la guerre. 

Et tandis que les discours s’empilent comme des drapeaux délavés, d’autres hommes — plus frustes peut-être, mais plus entiers — se dressent dans la poussière. Là où Rébu déploie sa grammaire, Muscadin brandit sa témérité.

L’un théorise la République depuis un balcon, l’autre la défend, sabre invisible à la main, au milieu du fracas et du sang.

Sans l’élan de cet héroïsme brut, le Grand Sud serait depuis longtemps un territoire perdu, livré aux corbeaux — tout comme Martissant, à quelques kilomètres à peine de la résidence du colonel Rébu, est devenu un champ de désolation où même la honte a cessé de pousser. 

Dans un pays où les généraux parlent et où les justiciers agissent, il faut bien parfois que la balle accomplisse là où la phrase échoue. 

Car c’est bien là le cœur du drame haïtien : les uns parlent au nom de la loi qu’ils n’ont jamais su défendre, les autres agissent dans le vide qu’ils ont laissé. Et entre les deux, le peuple, ce peuple qu’on accuse d’émotion, survit dans un théâtre d’hypocrisies. 

Haïti ne mourra pas d’un trop-plein d’action, mais d’un trop-plein de paroles. Elle ne se relèvera que lorsque la parole retrouvera le courage de se salir les mains, et que l’action cessera d’être aveugle. Ce jour-là seulement, la République cessera d’être un mirage récité à voix haute, et redeviendra ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un devoir silencieux, mais vivant. 

Hervé Gilbert

Friday, October 31, 2025

Jérémie 1975: l’épopée des oubliés qui ont défié les géants du football national

Les anciens joeurs présents au Gala du 20 septembre 2025
De la gauche :
Saul Noël, Eric St-Surin, Pierre-Richard Legagneur, Richard Jacob, Maurice Chéry


Par Hervé Gilbert

Il est des victoires qui ne se mesurent pas seulement à la lumière des trophées, mais à la profondeur des émotions qu’elles éveillent, aux rêves qu’elles rallument dans le cœur des peuples.

L’histoire du football haïtien, écrite dans l’élan d’une décennie flamboyante, porte en elle l’empreinte de ces triomphes discrets qui, bien au-delà du sport, racontent une lutte acharnée pour l’existence, la dignité et la reconnaissance.

En 1975, Jérémie — la « Cité des Poètes », capitale mélancolique de la Grand'Anse  — offrit à la nation l’une de ces pages immortelles : une épopée née dans le sillage de la Coupe du Monde 1974 en Allemagne, à laquelle Haïti participait pour la première fois.

L’enthousiasme était alors national, presque mystique : le football devenait miroir de l’identité, promesse d’unité et symbole d’espoir et de développement. Dans ce souffle d’ivresse collective, la Fédération haïtienne de football organisa de prestigieux championnats interrégionaux. C’était dans ces tournois que s’affrontaient les fiertés locales, que foisonnaient les talents de demain. C’était là aussi que se forgeait, loin des projecteurs, le socle humain de l’équipe nationale.

Jérémie, l’outsider aux rêves d’absolu

Pourtant, au cœur de cette effervescence, Jérémie se dessinait dans la marge. Elle n’était ni Port-au-Prince ni Cap-Haïtien. Elle ne régnait pas sur les pelouses : elle les effleurait avec timidité. Ses terrains, souvent poussiéreux, n’avaient rien des grandes arènes. Mais ses enfants, eux, portaient dans leurs veines la flamme de l’insoumission et le désir d’écrire leur propre destin.

Une photo d'archives de l'équipe jérémienne vers les années 1955

Maurice Léonce
Dans ces clubs modestes mais valeureux que furent Hazel et Jupiter, s’élevaient des noms qui, pour beaucoup, résonnent encore dans la mémoire jérémienne: Maurice Léonce, Maxan Juste, Éric Pierre, Barnave François, Jean-Claude Tabuteau, Jean-Claude Jean-Louis — que l’on appelait Jean-Claude « Deux Pieds » —, Albert Marcel, Jean Martin Monlouis, alias Tat, Georges Laforest, Jean-Joseph Charles, Louis Lafortune, Gibson Jacob — « Gogo » pour les siens —, Raoul Cédras Jr., Jean-Claude Monlouis, Jean-Parnel Bontemps, Max Dorismond, Pierrot Alcindor, Louis Timothé, dit Ti Loulou Bata. Dans le fracas des matches de quartier, au Parc Saint-Louis balayé par les vents  marins qui déviaient souvent le ballon de sa trajectoire, une génération dorée rêvait de bousculer, le moment venu, l’ordre établi.

Le jour où Jérémie fit trembler l’ordre du football

Nous étions en 1975. Le Stade Sylvio Cator, plein à craquer, vibrait comme un cœur au bord de l’explosion. Jérémie affrontait Saint-Marc en finale du championnat interrégional. Tout semblait déjà écrit, comme une fatalité tracée sur le parchemin du destin : les outsiders devaient s’incliner. Mais le match, âpre, haletant, disputé avec une ardeur farouche, demeura stérile jusqu’au bout. Aucun but ne vint dénouer l’affrontement, aucune faille ne s’ouvrit dans les défenses héroïques. Alors, dans ce théâtre de tension où chaque souffle retenu pesait plus lourd qu’un cri, le destin décida de se jouer aux nerfs. La finale s’en remit aux tirs au but — ce rituel cruel où les héros se forgent ou s’effondrent. Là, sous les projecteurs tremblants, dans une atmosphère où l’histoire semblait suspendre au bout de chaque frappe, Jérémie fit mentir les pronostics.

Pierre-Richard Légagneur
& Clermont Coamin
D’un courage insolent, d’une foi plus forte que les doutes, les siens écrivirent leur légende, une frappe après l’autre, jusqu’à ce que l’explosion d’un dernier but consacra leur victoire. L’histoire bascula : Jérémie l’emporta 3–2. Et toute une région, longtemps marginalisée, surgit au centre de la scène.

Dans les rues de la Grand'Anse, les tambours résonnaient, le son guerrier des conques déchirait l’atmosphère.Les « Héros de 1975 » étaient portés en triomphe, célébrés comme les artisans d’une révolution sportive. La presse, émerveillée, parla de « l’épopée de Jérémie », symbole d’un football régénérateur d’une jeunesse dévouée et indomptable.

Les visages de la gloire

Derrière ce triomphe, des visages et des noms se dressèrent comme les silhouettes héroïques d’une génération entière, à jamais gravés dans la mémoire collective: Maurice Chéry, gardien vigilant; Pierre Richard Legagneur, capitaine courageux; Luckner Laguerre; Eddy Gilbert; Orel Lamarre; Parnel Michel; Louis Lafortune; Éric St-Surin; Agnus Chéry; Bradler Ogé; Gérard Charles; Richard Jacob; Bonera Moïse; Éric Saint-Fleur; Saül Noël ;Mario Fauché; Dominique Jean-Miche ; Richard Scylla; Jean Gérard Pierre.

La sélection de 1975 
Photo prise aux landes des Gabions, Aux Cayes (1975)

Chacun d’eux portait en lui la flamme de l’insoumission et le courage des oubliés. Certains furent plus tard appelés à rejoindre les camps de l’équipe nationale, prolongeant ainsi une épopée née dans l’ombre pour s’inscrire dans la lumière de l’histoire. Parmi eux, Pierre Richard Legagneur porta plus loin encore le flambeau jérémien en rejoignant le prestigieux Violette Athletic Club de Port-au-Prince — champion de la Concacaf en 1984 — inscrivant durablement l’esprit de 1975 dans les grandes arènes du football national. Jusqu’en 1984, son talent prolongea, au sommet, le souffle victorieux né sur les terres de la Grand’Anse.

Devant:de la gauche: Parnel Bontemps,Guy Cupidon, Pierre Richard
Legagneur, Mme  Richard Jacob. En arrière plan: Mme & Mr Saul Noël,
Mme Pierre- Richard Legagneur, Richard Jacob.                                       \

La gloire comme héritage

Cette victoire unique, solitaire et pourtant immense, laissa dans les mémoires une trace indélébile. Elle inspira des générations entières, y compris ceux de la diaspora qui, loin du pays, continuèrent de porter fièrement cette histoire comme un talisman.Des décennies ont passé. Les visages ont mûri, les voix se sont adoucies, mais la mémoire de cette épopée demeure intacte.

Guy Cupidon
Raymond Jn-Louis
Cinquante ans plus tard, à New York, dans le quartier de Brooklyn, le 20 septembre 2025, un gala empreint d’émotion réunit, au Lago Kache Restaurant & Lounge, ces anciens combattants de la gloire. Sous le parrainage de Guy Cupidon, et avec la collaboration de Raymond Jean-Louis, la cérémonie se déroula dans une atmosphère à la fois solennelle et fraternelle — comme un rite de passage entre générations. L’initiateur de l’événement, M. Cupidon, remit à chacun des coéquipiers présents une bague commémorative : non pas un simple souvenir, mais un sceau d’honneur, destiné à sceller à jamais leur place dans la mémoire collective. Le capitaine de l’équipe de 1975, Pierre Richard Legagneur, reçut des mains du champion de 1981, Clermont Coimin, un trophée honorifique — symbole éclatant d’un flambeau transmis au fil du temps.

Ce geste, salué par les Jérémiens et Grand'Anselais dispersés aux quatre coins du monde, vint réparer l’injustice de l’oubli, raviver la flamme de 1975 et ressusciter, dans le cœur des témoins, la lumière indélébile de cette épopée.


Conclusion

L’histoire de Jérémie 1975 est celle d’une région qui refusa l’effacement. C’est l’histoire d’un match devenu métaphore de l’existence, d’une victoire qui, bien plus que sportive, fut sociale, culturelle et identitaire. Elle rappelle que les grandes conquêtes naissent souvent dans les lieux que l’on croit insignifiants, et que les rêves les plus fous s’écrivent parfois avec les pieds nus des enfants sur des terrains poussiéreux.

Dans la mémoire d’Haïti, cette épopée demeure un poème de courage et d’espérance — un poème que rien, jamais, ne pourra effacer.

Hervé Gilbert


Thursday, October 16, 2025

Robert “Bobby” Denis : le souffle du son, l’éternité d’un producteur

Robert Bobby Denis
La mémoire vivante de la musique haïtienne

Par Hervé Gilbert

Robert Denis, que tous appelaient tendrement Bobby, s’est éteint le mardi 14 octobre 2025, comme s’achève une chanson au dernier souffle du vent.

Fondateur d’Audiotek, ce sanctuaire du son où tant de voix haïtiennes ont trouvé leur timbre éternel, Bobby laisse derrière lui un silence vibrant — un écho suspendu entre mémoire et mélodie — celui d’un homme qui avait fait de chaque note une prière et de chaque enregistrement une œuvre d’amour.

Mais Bobby Denis ne fut pas seulement un maître du son. Président de Canal Bleu et de l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH), il a également marqué de son empreinte le paysage audiovisuel et médiatique du pays. Par sa vision et son engagement, il a contribué à professionnaliser la radiodiffusion haïtienne, à défendre la liberté de la presse et à bâtir des institutions qui donnent voix à la culture et à la vérité.

Discret mais essentiel, Robert Bobby Denis a façonné pendant plus d’un demi-siècle la trame sonore de la musique haïtienne. Des vinyles d’hier aux formats numériques d’aujourd’hui, il fut le témoin, l’artisan et le passeur d’un patrimoine qui ne s’éteindra pas avec lui.

Il est des hommes qu’on ne voit jamais sur scène, mais sans qui la musique ne respire pas. Dans l’ombre des projecteurs, ils tissent le fil invisible qui relie les artistes à l’immortalité. Robert “Bobby” Denis était de ceux-là — un alchimiste du son, un artisan de l’âme musicale haïtienne, un maître silencieux dont la disparition laisse dans le milieu culturel un vide à la fois immense et insonore.

Depuis les années des vinyles et des bandes magnétiques, Bobby Denis a accompagné la grande aventure du "Konpa Dirèk", enregistrant, mixant et produisant les voix qui allaient faire danser, rêver et pleurer plusieurs générations. Il appartenait à cette famille d’ingénieurs du son et de producteurs qui, sans jamais chercher la lumière, donnaient à chaque note sa justesse, à chaque instrument sa place, à chaque artiste la possibilité d’être entendu.

Dans son studio, le temps semblait suspendu. Il y régnait un mélange de rigueur et de fraternité, de passion et de patience. Bobby Denis n’enregistrait pas seulement des musiciens : il écoutait des histoires, des âmes, des fragments de vie qu’il transformait en musique. Sa console devenait une scène intime où se rejouait, encore et encore, le dialogue entre tradition et modernité.

Son oreille, d’une précision presque légendaire, était sa signature. Elle lui permettait de déceler, derrière une voix ou un accord, la vérité émotionnelle qui fait la grandeur d’un morceau. Il savait que la musique haïtienne, pour toucher le monde, devait d’abord être sincère, enracinée, vibrante de cette humanité que seul un peuple blessé mais debout peut exprimer.

Au fil des décennies, il a vu défiler les modes, les succès, les départs. Mais jamais il n’a cédé à la facilité. Fidèle à son exigence, il rappelait aux jeunes artistes que la technique sans l’âme n’est que bruit. Aujourd’hui, le milieu musical pleure un mentor, un ami, un repère. Ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui évoquent un homme calme, généreux, rigoureux, dont la passion avait quelque chose de sacré.

Robert Bobby Denis s’en est allé, mais son empreinte demeure dans les sillons de nos disques, dans les mémoires sonores du pays, dans le cœur vibrant d’Haïti. Et tandis que ses mélodies continuent de voyager dans le temps, une question demeure suspendue, comme un dernier écho dans le silence du studio :qui, demain, saura encore écouter le son… avec l’oreille du cœur ?

Hervé Gilbert






Wednesday, October 8, 2025

Adieu à un esprit noble : Gérald Vincent

Au revoir à un Prof admiré : Gérald Vincent

C’est avec une profonde tristesse et une immense consternation que nous avons appris le décès de Maître Gérald Vincent. La nouvelle de sa disparition a laissé un grand vide dans le cœur de tous ceux qui ont eu la chance de le connaître. Jérémien de souche, il était une figure emblématique de cette communauté, un homme dont nous admirions unanimement le tempérament calme, le savoir-faire exceptionnel, la sagesse profonde et, par-dessus tout, une humilité qui forçait le respect.

Gérald Vincent (1970)

Gérald était un homme aux multiples talents. Bel homme au charme discret, il était à l’époque, un célibataire respectueux avant de devenir un époux et un père de famille aimant et responsable.  Sa carrière professionnelle fut tout aussi riche et diversifiée. Banquier respecté à la banque nationale, il a su faire preuve d'une grande rigueur et d'une intégrité sans faille. Mais beaucoup se souviendront de lui comme un pédagogue inné, un professeur de chimie passionné qui avait le don de transmettre son savoir avec une clarté et une patience à toute épreuve.  Même au sommet de sa gloire, Gérald était resté toujours égal à lui-même : accessible, simple et profondément humain. C'était là, une qualité plutôt rare et remarquable pour l’époque.

Gérald, tu as mené le bon combat, celui d'une vie droite, généreuse et tournée vers les autres. Sans même t'en rendre compte, tu as été un modèle pour plusieurs de cette génération. Tu as inculqué, à ton insu, bien plus que des formules de chimie ; tu nous as enseigné des leçons de vie, un savoir-vivre qui continue de nous guider.  Nous te serons éternellement reconnaissants pour ta disponibilité et ton dévouement. Au nom de tous les bacheliers à qui tu as si généreusement offert ton temps et tes connaissances les samedis, même après tes longues semaines à la banque, nous te disons un immense merci.

Aujourd'hui, nos pensées les plus émues et empathiques accompagnent la famille Vincent. La famille Decoste présente ses plus sincères condoléances à son épouse, à ses enfants et à toute la famille étendue. Nous espérons que vous trouverez un peu de réconfort et de baume au cœur en vous remémorant les souvenirs heureux et les inoubliables moments passés en compagnie de cet homme d'exception.

Gérald, tu as été une source d'inspiration et un modèle pour plusieurs de notre génération. Ta mémoire restera gravée en nous.

Que la terre te soit légère! 

Michel & Gertha Decoste

           Ottawa

Sunday, September 28, 2025

La chanteuse haïtienne Bedjine fait vibrer le remix de l'étoile du Ghana, Wendy Shay

Bedjine, affectionnément surnommée la Queen haïtienne

Par Hervé Gilbert 

Le remix de Too Late de Wendy Shay, réunissant Bedjine, Guchi et Phina, résonne comme une véritable fête sonore à portée planétaire, envoûtant les auditeurs des quatre horizons.

Dans cette nouvelle version, Wendy Shay conserve son refrain emblématique, tandis que Bedjine déploie son art avec maîtrise, alternant avec virtuosité entre le créole, l’anglais et le français, insufflant à la chanson une dimension unique. Cette alchimie des langues et des rythmes confère à l’œuvre une force singulière et une intensité nouvelle.

Le succès a jailli avec une fulgurance rare : en à peine six jours, le clip franchissait déjà le seuil symbolique du million de vues sur YouTube, preuve éclatante de la puissance d’une fusion musicale qui captive et désarme. Chaque nouvelle sortie musicale de Bedjine  devient un rendez-vous attendu, une fête numérique où ses duos avec Kadilak, cumulant des millions de visionnages, élargissent sans cesse le cercle de son public. Mais c’est avec Tout va bien, interprété aux côtés de Kadilak, qu’elle a marqué un tournant décisif : ce morceau a pulvérisé les compteurs à plus de 35 millions de vues sur Youtube, s’imposant comme la production la plus visionnée de tout le HMI (Haitian Music Industry) sur sa page Youtube  plus de 20 millions de visionnage  sans compter d’autres . À travers ces triomphes successifs, une évidence s’impose : une étoile s’élève, portée par une audience qui la consacre désormais figure incontournable de la scène musicale haïtienne.

Affectionnément surnommée la Queen de la scène haïtienne, elle déploie dans cette trilogie toute la puissance de son interprétation : expressive, vibrante, capable de franchir les frontières culturelles pour toucher les sensibilités les plus diverses. Sa performance, saluée autant par la critique que par le public, confirme son rôle d’artiste novatrice, porteuse d’un souffle caribéen qui résonne désormais jusqu’en Afrique.

Too Late Remix Video

Dans ce remix, Bedjine ne se contente pas de chanter : elle raconte, elle transporte, elle imprime sa signature avec éclat sur la scène mondiale, rappelant que la musique haïtienne s’impose aujourd’hui comme une force irrésistible. Nous lui souhaitons de tout cœur un succès toujours grandissant.

Hervé Gilbert



Sunday, September 14, 2025

GRAHN-Monde lance une campagne internationale de solidarité avec le peuple haïtien et sa capitale – Port-au-Prince


Haïtiennes, Haïtiens de partout, debout pour Haïti !

Montréal, le 6 septembre 2025 – Depuis plusieurs années, la société haïtienne est plongée dans un cycle grandissant de violences, qui s’est exacerbé au cours des quatre dernières années, plongeant le pays dans une vague d’insécurité sans précédent, sans issue en perspective. Les actes de violence perpétrés en toute impunité s’intensifient. L’État est en train de s'effondrer. La Nation est en grand danger. L’instauration de ce climat anarchique est une responsabilité partagée entre les auteurs de ces actes et ceux qui les commanditent ou qui ont permis à cette situation de s’installer, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur d’Haïti.

Assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens demeure la priorité absolue qui conditionne la tenue des élections et le retour au bon fonctionnement des institutions démocratiques. Compte tenu de la déliquescence de l'État et de ses faibles moyens, le soutien des partenaires internationaux – vrais alliés d’Haïti – est essentiel pour faire face à cette crise. Aujourd’hui, Haïti semble seul dans cette bataille, à un moment où le pays et sa capitale ont besoin du soutien des autres pays et des autres villes, dans un élan de solidarité humaine qui permettra au peuple haïtien de se battre pour regagner sa dignité, dans la sécurité et la paix.

C’est dans ce contexte que le Groupe de réflexion et d’action pour une Haïti nouvelle, GRAHN-Monde, lance aujourd’hui une campagne internationale de « Solidarité avec le peuple haïtien et sa capitale – Port-au-Prince ». Cette campagne s’adresse principalement à des villes du monde entier, de plus en plus menacées par la violence urbaine liée au narcotrafic. La solidarité dont il est question ici ne comporte aucun engagement financier. Il s’agit d’un soutien symbolique et moral à un peuple tout entier en désarroi et à ses villes emprisonnées, qui vivent dans la peur et dans l’insécurité causées par des bandes armées liées au narcotrafic international et utilisant l’état failli d’Haïti comme laboratoire d’expérimentation avant de s’étendre à d’autres villes du monde, y compris celles des pays nantis.

Nous avons déjà reçu l’appui de la Ville de Montréal : 1) qui a réaffirmé « sa solidarité indéfectible envers la diaspora haïtienne à Montréal et le peuple haïtien dans leur désir commun de retrouver une société stable et sécuritaire » ; 2) qui « appelle le Canada à mettre tout en œuvre pour [aider à] éradiquer les gangs en Haïti » ; 3) qui « appelle à une vraie solidarité internationale pour aider le peuple haïtien à prendre un nouveau départ ».

C’est dans ce contexte que des organisations de la société civile haïtienne, en symbiose avec la majorité silencieuse, ont accepté de mettre en commun leur force et leurs ressources afin de lutter en faveur de la paix, de la sécurité et de la bonne gouvernance au pays. Il s’agit des trois organisations suivantes : 1) Démarches Citoyennes pour le rétablissement de l'Etat-Nation Ayisyen ; 2) Initiative citoyenne en faveur de la sécurité et la paix (ICiSP : www.icisp-haiti.org) ; 3) Konbit Sitwayen Konsene (KOSIKO).

Ce regroupement nommé Rasanbleman Sitwayen pou yon Sosyete Sivil Fò, Onèt, Angaje a pour objectif principal de contribuer à très court terme à rétablir la paix, la sécurité et la bonne gouvernance au pays. Ses seules motivations demeurent de sauvegarder la Nation en péril, de revendiquer le droit de vivre en paix et en sécurité sur cette terre héritée des ancêtres, et de contribuer à restaurer la dignité du peuple haïtien.

Tout en s’intéressant aux questions fondamentales qui conditionnent le bon fonctionnement du pays, ce regroupement ne fait pas de politique partisane, ni n’aspire à la prise du pouvoir politique. Il se cantonne davantage dans une posture de contre-pouvoir et de vigie citoyenne par rapport à celles et ceux qui gouvernent le pays ou qui aspirent à le faire. Ouvert à toute personne physique ou morale animée du même désir, ce regroupement se veut enfin une force sociale de proposition pour promouvoir la bonne gouvernance au bénéfice de tous.

Nous invitons les organisations progressistes et les villes du monde entier à se joindre à Montréal et à GRAHN-Monde en vue de soutenir le peuple haïtien dans son long combat pour la dignité et la transformation sociale positive. Haïtiennes et Haïtiens de partout, debout pour Haïti, afin que le pays sorte enfin de son isolement et prenne résolument le chemin de la paix, de la stabilité et du progrès.

Pour participer à cette campagne de mobilisation des villes pilotée par GRAHN-Monde, veuillez nous écrire à :ayisyendebou@grahn-monde.org

Pour appuyer le Rasanbleman, aller à : https://www.icisp-haiti.org/je-supporte-icisp

 

À propos du GRAHN

Créé le 20 janvier 2010 à Polytechnique Montréal, GRAHN-Monde est une organisation mondiale de vigie citoyenne, laïque et apolitique, privilégiant une approche participative pour articuler un cadre de reconstruction d'Haïti qui va au-delà de la simple réfection des infrastructures physiques. Il préconise une réflexion permanente débouchant sur des actions structurantes et coordonnées en vue de la construction d'une Haïti nouvelle fondée sur le droit, le partage, la solidarité, l'éducation, le respect de l'environnement et le culte du bien commun.

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Source :

James Féthière, Ph.D., Vice-président communications, GRAHN-Monde

Samuel Pierre, ing., Ph.D., Président, GRAHN-Monde