Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Thursday, April 20, 2017

Comment comprendre le grand bluff des superpuissances

Le président Trump accueillait son homologue  chinois Xi dans son ranch de Mara-A-Lago en Floride
Trump essaie de jouer à l’intelligent. Un rôle qui ne lui sied guère. Je demeure avec l’impression que Xi Jinping sourie dans sa barbe à écouter ce fanfaron bluffer jusqu’au bout. Or, les Chinois n’ont pas la culture occidentale, c’est-à-dire le prédateur à tout prix qui convoite, accapare brutalement, exploite et contrôle tout au point de laisser le vide là où il passe. C’est la technique de la « Tabula rasa ».
           
Les Chinois sont très patients et réfléchissent et frappent sans faire de bruit. À preuve, ils utilisent dans leur diplomatie « le langage d’une seule Chine » pour ses contrats commerciaux. C’est à prendre ou à laisser. Et Trump s’y est converti sans contrainte. Son audace avec le coup de fil à Taïwan fut un coup d’épée dans la brume. La technique de la Chine, c’est l’occupation économique en priorité. Elle te donne d’abord et prennent ensuite. Tu es libre dans ta politique intérieure. Le risque de coup d’État est presque nul avec elle. La coercition... connait pas. Cette technique a fait ses preuves en Afrique, au point que l’Europe panique et même Mobutu fut surpris de découvrir un colon gentil après avoir reçu un gros cadeau de ce peuple aux yeux bridés. Les prêts sans intérêt de la Chine fait sourciller. De ce train, nous pouvons prévoir la fin du siècle par l’hégémonie de cette dernière sur le tiers monde et peut-être le monde en générale. Nous n’étions jamais habitués à ce type de mains mises en douceur. Ce sera peut-être la fin du néo-colonialisme à l’occidental avant la fin de ce siècle.
                    
          Bonne lecture

Max Dorismond.


Quels enseignements tirer de la rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping, les 7 et 8 avril dernier, en Floride ? Décryptage par le sinologue François Godement.
Les deux dirigeants les plus puissants de la planète dégustaient "le meilleur gâteau au chocolat de tous les temps" quand Donald Trump a annoncé à Xi Jinping qu'il venait d'ordonner le bombardement d'une base militaire syrienne... Mais à part cette incroyable anecdote du président américain sur la chaîne Fox, que faut-il retenir de la première entrevue entre les grands rivaux de la mondialisation ? François Godement, directeur du programme Asie et Chine au sein du think tank European Council on Foreign Relations (ECFR), nous révèle les secrets des relations sino-américaines marquées par l'imprévisibilité de Trump, la grande méfiance de Pékin et une crise ouverte en Corée du Nord...
Quel est le bilan de la rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping en Floride ? Tout au long de sa campagne, Trump a promis un bras de fer avec la Chine. Or il a arrondi les angles, évité les sujets qui fâchent, dans l’espoir dit-on d’obtenir un beau « deal » commercial. Deal qui n’est pas venu...
On ne sait pas vraiment comment cette rencontre s’est passée. D’habitude, un sommet qui ne donne lieu à aucune conférence de presse, aucun communiqué conjoint, est considéré comme un mauvais sommet. Les Chinois n’ont rien dit, ils se sont contentés de laisser filtrer une offre commerciale particulièrement modeste, alors que la rumeur avait fait miroiter une superbe proposition. De leur côté, les Américains ont reconnu que cela avait été assez dur, et spécialement après les frappes en Syrie qui se sont produites au beau milieu du sommet. Xi Jinping a certes observé un calme olympien. Mais ce raid sur la Syrie a totalement détourné l’attention médiatique, faisant passer le sommet au second plan.
Alors ce sommet est un coup pour rien ?
Je ne le pense pas. Il a permis aux deux adversaires – je dis bien adversaires – de se jauger. Je pense que Xi a compris que l’incertitude sera désormais la règle. Trump est tellement changeant qu’il est impossible de le cerner. Qu’il joue de cette imprévisibilité, ou qu’il en soit le jouet, cela importe au fond assez peu. Ce qui importe, c’est la capacité qu’elle lui donne de bouleverser le train-train des discussions, de déstabiliser les relations. Gros changement pour la Chine, qui avait réussi, au fil des décennies, à formater à son avantage les échanges diplomatiques avec les États-Unis comme avec tous ses autres partenaires.
Quand vous dites « formaté » à quoi pensez-vous ?
A des choses tellement énormes qu’on ne les voit plus. La Chine est par exemple la seconde économie mondiale. La valeur de sa production industrielle a dépassé celle des États-Unis depuis trois ans. Son PIB évalué en parité de pouvoir d’achat est supérieur aussi depuis 2016. Or elle continue d’être classée « économie en développement » et profite des avantages induits. Il y a des déséquilibres commerciaux très conséquents – 385 milliards de dollars d’exportations chinoises vers les États-Unis, 85 milliards dans l’autre sens – et pourtant la Chine continue à protéger son marché intérieur. Autre exemple : elle fait signer à tout le monde des déclarations d’accord sur la politique dite « d’une seule Chine », alors que dans la pratique et à l’évidence, il y en a deux. Avec beaucoup de patience et de ténacité, elle a obtenu du monde extérieur qu’il se plie à sa façon de dénommer les choses, qu’il ostracise Taïwan.
Au cours de ce sommet, Trump n’a pas abordé la question de Taïwan.
Certes, il s’est abstenu de mentionner des thèmes gênants pour la Chine – Taïwan, la liberté de navigation en Mer du Sud, etc. Mais il a lourdement insisté sur un autre point de friction : la Corée du Nord. Il semble avoir parfaitement cerné la priorité de Xi Jinping, à savoir que la Chine a besoin avant tout de sa relation économique avec les États-Unis. On voit donc Trump établir dans ses tweets un lien entre affaires commerciales et dossier Nord-coréen. Si la Chine résoud ce problème, écrit-il, elle peut espérer un accord de commerce « beaucoup plus favorable ». Le tweet suivant est encore plus direct : « Ce serait formidable si la Chine acceptait de nous aider. Sinon nous réglerons le problème sans elle ». Sous-entendu : on en a les moyens, on n’a pas besoin vous.
Je pense que Trump n’a à ce jour rien lâché vis à vis de la Chine.
On a pourtant assisté à une reculade retentissante : après avoir bravé les foudres chinoises en parlant directement au téléphone avec la présidente taïwanaise, Trump et son administration se sont rangés derrière la « politique d’une seule Chine », ce qui revient à céder aux exigences de Pékin.
Les couples présidentiels à Mara-A-Lago en Floride
Ce n’est pas ainsi que je l’analyse. Quand Trump a fait ce geste vraiment surprenant d’un coup de fil à la présidente de Taïwan, il a signifié qu’il ne se plierait pas aux règles habituelles. Depuis, il y a eu ce revirement, et beaucoup y voient une inconséquence. Je pense pour ma part que Trump a compris que la Chine est une grande spécialiste des mots. Alors il lui donne ce qu’elle veut entendre. Qu’est-ce que ça coûte ? Lisez ses tweets : tout est « formidable », « extraordinaire », une « grande réussite », etc. On voit bien que c’est du vent. Rien de ce qu’il dit ne l’engage. Le coup de fil à Taïwan était un message en direction de la Chine, lui signifiant qu’elle devait désormais s’attendre à des surprises. Alors, y a-t-il eu vraiment une reculade ? On le découvrira quand on en saura plus concernant la vente d’armes qui doit se conclure ce printemps. Il est question que les États-Unis fournissent à Taïwan des avions de chasse les plus en pointe, et on parle même d’un système anti-missile, le même que celui qui vient d’être installé en Corée du Sud. Si cela s’avérait, ce serait un défi considérable pour la Chine, et encore un coup de théâtre auquel elle sera contrainte de faire face.
La question de la libre navigation en Mer du Sud n’a pas non plus été mise sur le tapis pendant la rencontre en Floride, alors que Trump n’a cessé d’en parler pendant sa campagne.
C’est vrai. Mais vous noterez que, depuis deux ou trois mois, c’est à dire depuis les déclarations américaines très fermes à propos de la Mer du Sud, les Chinois se sont abstenus de toute avancée. Il n’y a pas eu de nouvelles poldérisations, pas de militarisation de nouvelles îles. Vis à vis des Philippines, on voit Pékin pratiquer le compromis dans le secteur du Scarborough Shoal pourtant revendiqué par la Chine. On peut donc considérer que le message a été reçu cinq sur cinq. La Chine prend Trump au sérieux et s’abstient de toute initiative. C’est indéniable. Trump fait une remise à zéro du compteur. Toute la question est de savoir s’il est capable du suivi stratégique. Capable d’entraîner derrière lui les alliés asiatiques.
Est-ce que ces alliés asiatiques hésitent ?
Énormément. Regardez la campagne électorale en cours en Corée du Sud, dominée par la volonté d’éviter tout conflit. Tous les « petits » pays de la région sont pris dans la même contradiction : ils sont persuadés que la Chine est devenue dangereuse, qu’elle adopte une posture menaçante, qu’elle applique la loi du plus fort, qu’elle ne respecte plus le droit international. Ils voudraient résister, être soutenus, mais ils sont atterrés par l’hypothèse d’un conflit qui mettrait fin à des décennies de paix. D’autant plus que les États-Unis, dont ils dépendent pour leur défense, ne sont pas rassurants. Obama, déjà, avait créé bien des angoisses avec l’ambiguïté de sa stratégie fondée sur la patience, le long terme, le refus de céder à la provocation. Ils n’étaient pas sûrs qu’Obama interviendrait en cas d’agression chinoise. Et d’ailleurs, il n’est pas intervenu aux Philippines. Ses porte-paroles avaient pourtant affirmé qu’il ne resterait pas inerte si la Chine empêchait les Philippins d’accéder aux îlots qui leur appartiennent. Il a tracé une ligne rouge, un peu comme en Syrie, et comme en Syrie il l’a oubliée. Et il a laissé la Chine boucler cette zone au mépris de ses engagements. Quant à Trump, il a énormément inquiété ces pays en supprimant, dès son arrivée à la Maison blanche, le TPP (Trans Pacific Partnership), un accord qui visait à renforcer l’alliance régionale contre la poussée chinoise. Ils se demandent donc toujours si leurs intérêts seront pris en compte.
Revenons au sommet Trump-Xi. Les frappes en Syrie ont eu lieu au moment où les deux hommes étaient en train de dîner ensemble. Pensez-vous que c’était intentionnel ?
Bien sûr. Quelle difficulté y avait-il à différer de quelques heures ces frappes, même compte tenu du tempérament de Trump et de sa préférence pour la réaction immédiate ? Il voulait éviter qu’on puisse dire « Finalement, il est aussi faible qu’Obama », mais il pouvait attendre 24 heures. Ce choix rappelle, en petit, Poutine déclenchant l’invasion de la Géorgie pendant qu’il assistait à l’inauguration des JO à Pékin en 2008. Une façon de montrer au monde toute l’envergure de sa stature.
N’était-ce pas aussi un message adressé à Xi Jinping : voyez de quoi je suis capable ?
Sans doute. Les Chinois ont d’ailleurs été très avares de commentaires et font preuve d’une grande prudence. Ainsi, ils se sont abstenus au vote du Conseil de sécurité. Or, souvenez-vous, il y a quelques semaines, ils n’ont pas hésité à se joindre à la Russie en mettant leur véto à une aide humanitaire à Alep. C’était très peu de temps après le changement de position de Trump sur Taïwan, un revirement qu’ils avaient interprété alors comme un aveu de faiblesse.
Est-ce que ces frappes auront un impact sur la façon dont la Chine gère le dossier nord-coréen ?
Ce n’est pas exclu. En montrant qu’il est à la fois prêt à coopérer et prêt à passer à l’acte tout seul, Trump pourrait obtenir des Chinois quelque chose de plus substantiel. Il ne faut toutefois pas oublier que ces derniers sont des experts en bluff, et savent très bien le détecter. D’autre part, la situation en Corée du Sud est telle qu’une intervention américaine créerait un mouvement d’opinion et pourrait même décider des élections. Trump a devant lui une voie plutôt étroite. Reste que 25 ans d’« engagement » chinois aux côtés de la Corée du Nord n’ont produit que des résultats très maigres, sinon inexistants.
Il serait donc temps de se montrer plus ferme vis-à-vis de Pékin sur tous ces problèmes ?
Trump bénéficie en tout cas d’un sentiment très répandu aux États-Unis. Il y a ses électeurs qui sont persuadés d’avoir été « volés » par la Chine sur le plan économique. Il y a aussi la coalition républicaine, moins modérée que par le passé, ainsi que les stratèges, qui sont eux aussi persuadés d’avoir perdu face à la Chine après des décennies d’engagement. Rappelons que l’administration Obama s’était montrée très accommodante, ayant même débuté par une politique de la main tendue – que la Chine a ignorée. Au lieu de quoi, on a assisté à une attitude de plus en plus assertive et à des avancées militaires en Mer du Sud… Un échec qu’Obama a d’ailleurs implicitement reconnu dans une interview donnée à la veille de la passation de pouvoir. Interrogé sur Trump et la Chine, il a répondu : « C’est parfois une bonne chose, quand quelqu’un arrive avec une nouvelle approche ». Et il a ajouté : « Je ne suis pas sûr que je referais la même chose… »
Le régime chinois a malheureusement pris l’habitude de l’emporter sans guerre, d’avancer ses pions sans buter sur un conflit.
Washington ne peut plus se contenter de belles déclarations – sur le climat, sur la « fructueuse » coopération avec les États-Unis, etc. La Chine est clairement la question stratégique N°1. Comparée à la Russie, qui reste certes une obligation défensive, mais sans grand impact économique, la Chine est au cœur de la zone principale d’échanges des États-Unis, au cœur des grands flux économiques et de la maîtrise technologique. Elle a un budget militaire de 200 milliards de dollars, quatre fois plus que la Russie. On imagine mal que ce soit pour faire du sur place.
  Journaliste
Ursula Gauthier

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