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Monday, March 27, 2017

Dîtes-vous « Parlement » ou « Caverne d’Ali Baba »

Par Max Dorismond mx20005@yahoo.ca 

Comment expliquer qu’un gouvernement majoritaire se fasse tripoter par ses propres alliés parlementaires lors de la ratification de son Premier ministre aux fins d’une application rapide de sa politique pour une gestion efficiente du pays ?

C’est la première question qui  tambourine contre les tympans de tout citoyen s’attendant à une reconnaissance rapide du gouvernement nommé à cause de la majorité dont jouit le pouvoir en place au Parlement. Étant un pays unique, Haïti fonctionne à l’envers des lois et des principes établis. Il faut replier les rebords pour saisir les raisons. Le marchandage et le népotisme ont un pays.

                     Ali Baba et les Quarante Voleurs
Pour illustrer ce comportement hors norme, nous empruntons  un récit d’origine persane appris sur les bancs de la petite école. C’est l’histoire d’Ali Baba. Dans l’antiquité, la caverne d’Ali-Baba comptait seulement 40 voleurs. Mais aujourd’hui, les Baba se sont multipliés. Le Parlement haïtien  en compte 30 sénateurs et une centaine de députés. Le nombre peut augmenter à l’avenir. Déjà, une armée de prétendants piaffe d’impatience derrière la porte. L’assiette au beurre est alléchante. Tout le monde veut se graisser la patte. Faute d'être président, le titre de parlementaire fascine. c'est un placement sûr.

Le président Jovenel Moïse pensait gérer le pays à la manière des coopérants de sa bananeraie, avec un résultat positif en fin de parcours. Non ! Il a eu la surprise de sa vie, de se retrouver face à des détrousseurs qui lui présentent deux choix : la bourse ou la vie. En effet, les petits baba, riant dans leur barbe, laissent au coin de la table, leur liste d’épicerie au nouvel occupant du fauteuil présidentiel comme condition préalable de l’accréditation du premier ministre de son choix.  Ahuri, Jovenel se dit : « Dans quel pétrin me suis-je fourré. Seigneur-Dieu, Mwen pran nan 3 wa ». Les conditions sont surprenantes.

Vue  de l'Assemblée  Nationale
(Photo archive)
De guerre lasse, en ouvrant par hasard une première enveloppe, il lit : je voudrais tel ministère pour mon frangin ; telle direction pour ma soeurette ; dix bourses d’études en France ou au Canada pour mes enfants et neveux ; deux Bâton-Moïse (2 Auto VUS Range-Rover) pour mon père et mon beau-père ;  une maison de deux étages dans les hauteurs avec voitures et chauffeurs pour chacune de mes maîtresses, (des Madan Papa) ; un consulat pour mon beau-frère ; une ambassade pour le gendre de ma 2èm maîtresse ; vacances à Walt Disney World pour mes petits-enfants ; un chèque pour la bonne et le garçon de cour ; deux billets de voyage, avec frais d’hôtel, pour mon voisin d’à côté….etc…etc.
 
Le parlement en séance plénière
(Février 2017)
Ainsi va la politique dans ce pays merveilleux. Et chaque veille de sabbat, on assiste à la procession du cortège des limousines des frères Baba, frais comme des œufs, faisant le tour des ministères et des directions générales à la perception des prébendes escomptées, le chèque de la semaine, avec la satisfaction du devoir accompli.


Que le monde a changé! Hier, comme je l’ai déjà écrit dans l’une de mes chroniques sur la corruption, la fonction de sénateur ou de député, était, naturellement, selon la tradition, le poste réservé aux notables méritants de nos villes, de nos patelins. Personnages de valeur, au dessus de tout soupçon, l’honnêteté personnifiée à qui on confiait par le truchement des élections, la gestion de la région, du pays. À cette belle époque, le citoyen ordinaire pouvait vaquer à ses occupations sans crainte de déception, car la nation  était entre bonnes mains. Il pouvait dormir en paix. Aujourd’hui, c’est la fin du rêve. Si le citoyen a le malheur de s’assoupir présentement, il risque de se réveiller avec la citoyenneté dominicaine, ou je ne sais quoi. La confiance est au diable.

Le Sénateur Gracia Delva (à droite) très connu pour sa
fameuse remarque sur l'article (IV) qu'il appelle (Ive)
Peuple haïtien, réveillez-vous, sortez de votre gentillesse. Cessez de priez le ciel pour votre délivrance. J’ai souvenance encore, de votre feinte ou passivité légendaire, à l’époque où les Duvalier et consorts pillaient et détroussaient la nation à tour de bras, «  maspinaient » nos pères, frères, sœurs et voisins ; vous chantiez à tue-tête : « Duvalier Duvalier, peyi-a se pou ou, vire bouda w  jan w vle ». Voilà le résultat aujourd’hui. À l‘Université de la subornation, 95% de nos élus ont été à bonne école. Ils sont tous des Docteurs Ès-Fraude. 75% ne savent ni lire, ni écrire, mais leur propension pour les billets verts est exacerbée par leur consommation à outrance des bling-blings importés. Leur appétit ne connaît aucune limite. Ce sont des analphabètes politiques ou du moins, des analphabètes tout court. Ce que nous pouvons illustrer avec cette diatribe de Bertolt Brecht.

« L’analphabète politique …ne sait pas que le coût de la vie…le prix du loyer…le prix des médicaments… dépendent des décisions politiques… Il ne sait pas l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et internationales. (Eugen Berthold Friedrich Brecht, 1898-1956).

Un segment en vidéo durant la séance houleuse de ratification du Premier ministre Lafontant par ses propres alliés  soit-disant majoritaires au Parlement.

Écoutez, sœurs et frères, tassez ces fanfarons. Nous sommes en démocratie. Donc, le pouvoir c’est vous ! Saisissez-le au vol ! Descendez dans la rue, amendez la constitution et réclamez non pas la dissolution, mais l’abolition pure et simple de l’une des deux chambres! Demandez à votre président de faire, comme Macky Sall, le président du Sénégal, en Afrique. Ce  dernier a éliminé le sénat de son pays et a consacré le budget de ce Corps inutile au développement de l’énergie solaire. Son pays se porte mieux maintenant en matière d’électricité.

Avec ses hommes de corde et de sac, Haïti va tout droit vers un mur. C’est un suicide annoncé. Mais, ce n’est pas la première fois que Haïti se démerde avec les Ali Baba. C’est une habitude nationale, si bien qu’une formulation avait pris racine dans la culture du pays avec l’expression « Kon-Baba ». Quand l’haïtien est exaspéré, découragé, déçu, étonné, il lève les bras  au ciel et porte ses mains sur sa tête en hurlant : « Kon-Baba! Nou mélé ». Ce qui peut se traduire par : « Nous sommes foutus ».

Point n’est besoin de nous illusionner, le cas de la nation est une affaire entendue. Le sage chinois avait raison. « Après vingt ans de malversations, un pays finira par être dirigé par des voleurs, des cancres et des bandits1 ». Nous y voilà ! Il nous reste à croiser nos bras et à entonner en chœur le nouveau refrain national d’Haïti : « Kon-Baba! Nou mélé !/ Nou fenk karé mélé / Vive Ali Baba ! ».

 2016-10-27
Max Dorismond


Note 1 : Voir mon texte : Quand la corruption destabilise un pays (1 et 2) publié sur  Haïti Connexion Culture ou sur le Journal le Nouvelliste (20 avril et 3 mai  2016).

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