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Monday, April 3, 2017

Quand Jérémie retourne à l’âge des cavernes

Sans abri, sans nourriture et abandonnés par leur gouvernement,
après le cyclone Matthew, les Haïtiens retournent à l'âge des hommes 

des cavernes (temps préhistoriques).                                                
 Par Max Dorismond
À voir, en cette fin du mois de mars 2017, des photos d'enfants  au regard perdu et inquiet, des familles recroquevillées, entassées dans les grottes de Fonds Rouge à 20 minutes de la ville, le Jérémien expatrié perd carrément l’équilibre, avec un souffle au cœur, tant les images chiffonnent. C’est un film poignant et fulgurant qui lui prend l’âme en étau. Instinctivement, il se replie sur le déni1, tant la réalité des faits le déstabilise. Une fois sa lucidité recouvrée, une grave question surgit de son for intérieur, à savoir quel crime la Cité a-t-elle commis pour se retrouver aux portes de l’enfer. Est-ce une malédiction divine ? Et pour se dédouaner, une réponse sournoise, telle une volute de fumée, s’infiltre lentement à travers ses méninges.

Six millions de dollars ont été dépensés par le gouverne
ment, il y a trois semaines  pour le carnaval dans la ré-
gion, alors que des familles ont faim et vivent dans les

cavernes ou " Tr0u-Roche". Où sont les priorités ?        
Oui En effet, en août 1964, les tristement célèbres cagoulards de la Cité avaient violé, éventré, dépecé, écorché vif des familles entières. Souvenons-nous des Sansaricq, des Drouin, des  Villedrouin, de l’illustre avocat, Me Alphonse Bazile2 etc…, arrachés en pleine nuit de leur lit pour être dévorés sans autre forme de procès, pour le plaisir du Vampire en chef, siégeant en maître de céans au Palais national. C’étaient les citoyens les plus progressistes, les premiers employeurs de la région, les esprits les plus éclairés. Pour quelles raisons ? Pour rien, juste de fallacieux prétextes pour faire peur aux autres, aux fins de rentabiliser le revolver reçu. C’était l’unique politique de création d’emplois des Duvalier. On coupe les têtes pensantes pour zombifier le reste de la populace aux fins d’éterniser la bêtise humaine, une présidence à vie et la mise à sac de la nation par association. Par sadisme, vanité et cupidité, ces scélérats avaient endeuillé la place et recouvert des quartiers entiers d’un linceul de mort.

Réveillons-nous et reprenons nos sens. Dieu est Amour et non le contraire. Toutefois, il existe une justice immanente. D’ailleurs 75% des criminels de la Cité ont goûté à la sauce de la déchéance et plusieurs ont absorbé l’absinthe amère avant leur départ au « pays sans chapeau ».
 
Un film poignant et fulgurant
Mais, qu’est-ce que  les malheureux qui se retrouvent confinés dans les grottes de Fonds-Rouge ont à voir avec le drame des mulâtres jérémiens rayés de la terre. Évitons d’affubler le ciel de tous nos maux. Voyons de préférence la malhonnêteté débridée de l’être, l’incompétence crasse des analphabètes du pouvoir d’hier et d’aujourd’hui, l’absence de vision des mandataires régionaux qui se complaisent, comme d’habitude, dans les miasmes de la corruption jusqu’au cou.

Je ne cesserai jamais de le marteler. Le Nord et le Sud-Est du pays reçoivent plus qu’ils n’en ont besoin. Le Grand-Sud a toujours été oublié. Les assassinats n’étant point payants, nous ne saurons jamais si les Tontons Macoutes de Jérémie étaient déçus. Étant cyniques et vicieux de nature, ils s’étaient sans doute contentés des quelques vaisselles, quelques bouquins dérobés chez leurs victimes et vendus pour quelques centimes dans l’obscurité. J’ai coutume de comparer les routes et les rues de la Grand’Anse à des pistes de safari africain.  Je ne suis pas du tout étonné de cette tournure dramatique pour ces malheureux Jérémiens, victimes d’une  conjoncture naturelle et de l’incompétence  des mandataires. Il fallait s’y attendre. C’était une catastrophe  annoncée,inscrite depuis des lustres  à l’agenda du temps. Personne n’a jamais levé le petit doigt pour ériger des infrastructures dignes de ce nom pour une région dédiée aux  cyclones dévastateurs et cycliques. Aucun centre d’urgence n’a été prévu.

Ces images sombres  des Haïtiens vivant dans les
cavernes renvoient l'humanité à l'époque préhistorique.
Au début du gouvernement de Martelly, six ministres originaires de Jérémie ou ayant des liens de consanguinité avec des Jérémiens, siégeaient au cabinet. L’espoir, à l’époque, faisait rêver en rose et blanc. Malheureusement, ce ne fut qu’un rêve éphémère. Madame Balmir, du groupe des six, Ministre du Tourisme, avait égrené son programme pour Haïti. Jamais le nom de Jérémie ne fut mentionné. Pour elle, j’avais joint l’utile à l’exécrable à titre d’excuse, pour expliquer à moi-même ce silence tordu. Car, son oncle paternel, le professeur Harry Balmir, lors de la tornade de 1964, avait eu les fesses noircies par les mauvais traitements subis aux mains des singuliers macaques du président à vie. A-t-elle sans doute entendu l’histoire de la bouche de son oncle bien-aimé ? Dans tous les cas, pour Jérémie, elle n’a esquissé qu’un beau sourire et c’est tout. À part la fille du professeur Prosper Auguste, madame Rose-Anne Auguste qui a laissé ses empreintes sur les destinées de la Cité, aucun des quatre autres ministres n’a daigné imprimer son nom sur une porte de la place. Ainsi va la politique de chez-nous. Ne comptez jamais sur les liens du sang. Pour répéter l’autre, « Nagé pou soti ».  Pour tous les Jérémiens ou presque, une fois dans les coulisses du pouvoir , leur solidarité roule à contresens de la mémoire. Sans destin commun avec leurs congénères, leur sentiment de cohésion se liquéfie. Et c’est la fuite en avant. Ils ne verront jamais le soleil se lever deux fois dans la rade.

Le cyclone Matthew a bouleversé les entrailles de la presqu’île du sud depuis plus de six mois. La présidence de Privert ne s’est pas donné la peine de s’enquérir du bien-être de cette partie de la population de l’arrière-pays.

Grand Dieu, où étaient les députés et sénateurs de la zone ? Dans leur liste d’épicerie laissée au président  élu lors de la ratification de J-G. Lafontant pour réclamer des ministères rentables, des postes-clé pour leurs maîtresses analphabètes etc…, il n’y avait même pas un petit mot pour ces souffreteux.  

Président Jovenel  accompagné du Premier ministre  La
fontant, des sénateurs Belizaire et Jacinthe posant devant
la grotte de Fonds-Rouge le 2 avril 2017.
                           
Voilà maintenant le Président Jovenel Moïse qui passe la majeure partie de son temps devant les caméras à théoriser pour amuser la galerie. Je crains qu’il ne nous abonne, lui aussi, aux phrases creuses et aux incohérences. Il dirige le pays en amateur et n’aurait pas vu crever ces pauvres gens si ce n’était le passage dans la zone, de l’ONG Food for the Poor et l’article du journal « Miami Herald » qui l’ont réveillé de sa torpeur. Osons espérer que toutes les promesses faites par le président aux sinistrés de Fonds-Rouge ne sont pas qu’un poisson d’avril.

Max Dorismond


Note -1 : Ce fut ma position. Je m’en excuse. Ma source de vérification était erronée. Elle s’est trompée royalement.

Note -2 : Le très regretté Me Alphonse Bazile est le feu père du Dr. Frantz Bazile, de Mie-Évy Bazile, Michelle Bazile (Marc-Antoine Gauthier), Paule, Andrée et Renée Bazile…etc.




Audio de la visite de Jovenel Moïse aux Fonds Rouge devant les trous où vivent des familles depuis le balayage du cyclone Matthew...




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