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Thursday, December 31, 2015

QUAND L'HISTOIRE SE RÉPÈTE

Par Mérès Weche
L'historien Roger Gaillard
(1923-2000)
Depuis une centaine d'années, il y a toujours débâcle, quand les Blancs débarquent. L'éminent historien Roger Gaillard avait fait de cette macabre réalité le leitmotiv de ses nombreuses publications sur cette période sombre de notre histoire nationale. Par débâcle, j'entends la déroute en matière sociopolitique, c'est-à-dire une situation catastrophique, en termes de gouvernance et de politique publique, d'une part, et d'autre part, en raison de l'inconséquence des diffférents acteurs en lice .  Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter à la situation du pays en 1914-1915 où des tensions sociales exacerbées nous valurent dix-neuf ans d'occupation; tout cela parce que d'anciens alliés  politiques, tels que  Oreste Zamor et Davilmar Théodore, s'étaient désolidarisés dans la lutte populaire commune, pour défendre des intérets personnels, plutôt mesquins, comme par exemple l'accession au pouvoir à titre de président fantoche  sous protectorat américain.

En effet, après la démission du président Michel Oreste, le 27 janvier 1914, l'ancien chef des paysans révoltes (Cacos), Oreste Zamor, accéda au pouvoir douze jours plus tard, soit le 08 février suivant.  Si les élections du 27 décembre 2015 avaient eu lieu, en vue d'installer un président au Palais National le 07 fevrier 2016, on aurait là,  cent ans après, et toutes proportions gardées, une curieuse analogie.

Rosalvo Bobo
Le révolutionnaire Rosalvo Bobo s'opposa farouchement au gouvernement d'Oreste Zamor, qui renonça à toutes les revendications populaires antérieures, pour se courber au bon vouloir du Blanc, par ambassadeurs interposés. Cependant, la révolte en marche eut raison de lui.  Capturé par les insurgés  et incarcéré au Pénitencier National, il fut assassiné neuf mois plus tard.

Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets 
Parlant d'analogie, on compare fort souvent la plupart de nos politiciens à des comédiens, faisant du pays la risée du monde. Le fauteil présidentiel haïtien, vraie chaise musicale, a fait danser plus d'une cinquantaine de prétendants, au cours des dernières joutes électorales, pour la simple et bonne raison que la fonction de Président n'est plus  l'apanage des plus capables, comme l'entendaient les tenants du parti libéral dont Anténor Firmin, Boyer Bazelais, Boisrond Canal, Edmond Paul, etc.  Même s'il y avait quelques têtes  bien faites dans cette brochette de candidats, beaucoup d'entre-eux ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez, et on se demande même, dans notre savoureuse langue créole, « si yo te menm gen nen lan figi yo».  

Le distingué Professeur Lesly François Manigat, de regrettée mémoire,  avait utilisé cette imagerie  rocambolesque de la «chaise musicale» pour parler de cette ruée vers le présidence haitienne. Frédéric Marcelin et Fernand Hibbert, doués d'un génie peu commun, savaient peindre avec un réalisme cru de tels individus. Thémistocle-Épaminondas Labasterre, le personnage le plus haut en couleurs de Marcelin, avait pourtant beaucoup plus de scrupules que ces acheteurs et vendeurs de suffrages.  Que diraient aujourd'hui ces fins analystes de la société haitienne du XIXe siècle de cette boite de Pandore, ou mieux de ce miroir aux allouettes, qui fait que chez nous le mot «tabulation» rime avec malversation, tribulation, manipulation, machination, au lieu d'«Élection»?

Un marine américain
(Haïti 1916)
En dépit du fait que des fraudes aussi flagrantes n'étaient jamais enregistrées dans les annales électorales haitiennes, les situations politiques présentaient à peu pres les mêmes symptômes, du XIXe siècle à nos jours. C'était l'impossibilité pour les partis libéral et national d'arriver à des accords de principe  - compte tenu de la similitude de leurs objectifs - qui empoisonna l'atmosphère politique d'alors. Le parti libéral, dont la devise fut « Le pouvoir aux plus capables», disait oeuvrer pour le progrès et le développement du pays, en  le dotant de chantiers industriels, pour un production locale à grande échelle.

Pour le parti mational, ayant pour slogan « Le plus grand bien au plus grand nombre», il s'agissait de passer par l'agriculture pour conduire le pays vers le développement. Cependant, des guerres fratricides ont eu raison de cette chance unique de dépassement de soi et d'entente historique pour changer le destin du pays.   

Pour reprendre une expression très courante dans le jargon politique haitien:« Plus ça change, plus c'est la même chose». Et le pire c'est que, de jour en jour, c'est la sous-culture importée, charriant des anti-valeurs, qui rime la vie nationale, et cela a des impacts négatifs sur l'avenir d'une jeunesse livrée désespérément à elle-même. Le pays est en constante régression, non seulement avec la décote de la gourde, mais surtout avec le déclin de la classe moyenne et la nouvelle géographie de la faim à travers toute l'étendue du territoire national.

 Par :Meres Weche

Etats-Unis: le célèbre comédien Bill Cosby inculpé pour agression sexuelle

Bill Cosby 's mug shot

Le célèbre comédien et humoriste de Bill Cosby Show a été présenté à un juge  ce mercredi 30 décembre 2015, inculpé pour la première fois d'agression sexuelle  sur une ancienne employé d’université. Bien que les accusations d'agressions sexuelles et de viols se sont multipliées à son encontre ces derniers mois, c’est la première fois que le comédien est officiellement mis en cause par la justice américaine.

Mâchoire serrée, la démarche hésitante, Bill Cosby est sorti d'un véhicule noir devant de nombreux journalistes avant de s'engouffrer dans un tribunal à Elkins Park, en Pennsylvanie, dans l'est des États-Unis, vers 14 h 30.

L'acteur, âgé de 78 ans, n'est resté qu'un instant à l'intérieur, le temps de déposer 10 % de sa caution fixée par la justice à un million de dollars, a indiqué à l'AFP un fonctionnaire du tribunal. Une nouvelle audience a été fixée au 14 janvier.

Vêtu d'un gilet à capuche, appuyé aux bras de deux accompagnateurs, Bill Cosby a dû laisser son passeport à la justice avant de se rendre au commissariat où des agents ont pris ses empreintes digitales et sa photo, a précisé l'employé du tribunal.

Bill Cosby après son inculpation  par la cour d'Elkins Parc en Pensylvannie le
30 décembre 2015.                                                                                           
Andrea Constand
Celui qui a longtemps incarné le père idéal dans la sérieThe Cosby Show a été inculpé d'«agression sexuelle avec circonstances aggravantes» - une qualification se rapprochant de celle du viol dans d'autres systèmes judiciaires, par le procureur du comté de Montgomery, en Pennsylvanie.

Ce chef d'accusation peut valoir à l'acteur, en cas de condamnation, jusqu'à dix ans d'emprisonnement.

L'identité de la victime n'a pas été révélée par le procureur adjoint mais, selon la presse américaine, il s'agirait d'Andrea Constand, ancienne responsable de l'équipe de basket de l'université de Temple de 2001 à 2004. L'avocate de cette dernière, Dolores Troiani, a confirmé à CNN que l'inculpation concernait ce dossier.

L'agression se serait produite au domicile du comédien à Cheltenham, petite ville de la banlieue de Philadelphie, a précisé Kevin Steele.
Droguée et agressée
La victime présumée est une ancienne employée de l'université de Temple, dont l'acteur et humoriste a fait connaissance dans le cadre d'une rencontre avec l'équipe féminine de basket de l'établissement. Au fil de leurs échanges, la victime présumée en était venue à considérer Bill Cosby comme "un mentor et un ami", a expliqué le procureur adjoint.
Selon les éléments de l'enquête, Bill Cosby a fait prendre à la victime présumée des pilules qui l'ont immobilisée, avant de l'agresser sexuellement. Mentionnant des accusations concernant d'autres faits commis dans la même juridiction, le procureur a demandé à toute personne disposant d'informations de les communiquer à la justice.
Depuis un an, une trentaine de femmes sont sorties de l'ombre aux États-Unis, accusant Bill Cosby, aujourd'hui âgé de 78 ans, d'attouchements voire de viols, la plupart du temps en les ayant droguées à leur insu. Certaines étaient mineures au moment des faits présumés, qui remontent dans certains cas aux années 1960 et donc prescrits.

Par Herve Gilbert
Sources de référence : AFP, ABC
Vidéo de l'interpellation de Bill Cosby

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Monday, December 28, 2015

DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE COMPARÉE

Louis Dejoie
Candidat à la présidence en 1957
En 1957, il y eut dans la campagne présidentielle haitienne deux slogans majeurs, assez forts pour solliciter les bienveillants suffrages des électeurs: celui de François Duvalier (Tout pour une nouvelle Haiti, dans l'unité nationale) et celui de Louis Dejoie (La politique de la terre, la seule, la vraie). Si le premier contenait 43 lettres, le second en avait 34; des caractères qui ne veulent pas dire pour autant que le pays fut une borlette.

À la chute de Paul Magloire, il est vrai, cinq gouvernements provisoires se succédèrent au pouvoir - à peu près ce qu'on entend aujourd'hui par gouvernements de transition - , mais la «chose politique» n'a jamais été aussi vilipandée qu'aujourd'hui, compte tenu que les valeurs républicaines avaient encore un sens, que les partis politiques tels que le PAIN, le MOP et l'UN furent de grandes institutions idéologiques, et que, hormis les Jésuites qui furent considérés comme des tombeurs de gouvernements, un peu partout dans le monde, l'Église s'occupait davantage de sa chapelle évangélique, au détriment, bien sûr,  de l'idéologie religieuse proprement haitienne: le Vodou. Qu'on songe à la fameuse campagne anti-superstituese de 1942, sous la présidence d'Elie Lescot, qui causa des torts irréparables au patrimoine culturel haitien.

La force des slogans politiques 
François Duvalier
Président élu en 1957
Par malice ou calcul politique, l'expression «unité nationale» utilisée par François Duvalier avait un contenu à la fois historique, politique et sémantique. Son rapport à l'histoire semblait remonter à notre devise nationale, «l'union fait la force», mais le vocable «Unité», du latin unitas; caractère de ce qui est Un, unique ( par opposition à pluralité), montrait déjà une option politique totalitaire, qui allait déboucher sur une féroce dictature. Cependant, l'avènement de Francois Duvalier au pouvoir trainait des revendications populaires authentiques, compte tenu de toutes les formes d'exclusions sociales à la base de cet État-Nation, basées sur l'idéologie de couleur et la mauvaise répartition des biens nationaux. 

Tenant compte de cette rengaine, devenue obsolète aujourd'ui, à savoir « Haiti est un pays essentiellement agricole», l'agronome Louis Dejoie avait la possibilité d'asseoir sa campagne sur la nécessité, non seulement  de mettre l'accent  sur la question agraire, qui fut si chère à Toussaint et Dessalines, mais aussi sur le remembrement des terres cultivables en milieu rural. 

En dépit de la cuisante question de couleur, qui n'a jamais été épuisée jusqu'ici, et qui opposa farouchement les partisans de ces deux candidats, la politique de la terre prônée par Louis Dejoie lui valut la faveur d'une bonne partie de la paysannerie, dans l'Artibonite et le Sud du pays, particulièrement à St-Michel de Latalaye,  les Cayes, Ile-à-Vaches et Miragoâne. La vision largement verte de ce candidat mulâtre a été motivée par ses différentes capacités en matière d'agriculture: vétérinaire, spécialiste en génie rural et en chimie agricole, ingénieur-agronome, agro-industriel dirigeant plusieurs usines, et promoteur de la modernisation de l'économie nationale, par le biais de sa société anonyme ETAGILD (Établissements agricoles et industriels Louis Dejoie).

C'est dommage que la banane soit aujourd'ui la seule offre électorale en matière de production agricole, pendant que le café perd de plus en plus pied dans la balance économique nationale. Des produits comme le palma-christi, le sisal, le vétiver, l'hévéa, pour ne citer que ceux-là,  furent traités dans 17 usines agro-industrielles de  Louis Dejoie, réparties dans plusieurs régions du pays.

Tout compte fait, en cette ère de banalisation de l'environnement par nos gouvernements successifs, l'agriculture a très peu de chance de redevenir une motivation électorale majeure, à moins de mesures drastiques pertinentes, car les terres arables ont longtemps pris la route de la mer, comme d'ailleurs les cultivateurs eux-mêmes.



Friday, December 25, 2015

Haïti: Le passage à la caisse










Ayiti lentement s'effrite
sous les griffes d’un mauvais vent
elle a modelé sa patine
les larmes venues d'en haut
ruissellent sur ses parois
travaillent ses graffiti
la fournaise dévorant ses entrailles
l'homme refuse de contempler l’azur
il est là
il attend
il souffre
fasciné par l’abîme
le cœur gonflé de rage
la bouche enflée d’orage
la conscience pleine de sable
la mémoire naufragée
il n’est plus responsable

Ayiti lentement s’effrite
Sous les griffes d’un silence atroce.

Photo:Savannah Savary
Serait-il pénible pour le lecteur d’accuser qu’un peu plus d’un demi-millénaire après 1492 (ne citons surtout pas Cristobal Colón pour ne pas le détourner), Ayiti, paradis venu de millions d’années de bouleversements telluriques, est réduite à une géhenne par les sacrilèges, la destruction des Hommes. Les exploitations à outrance de toutes ses richesses ont commencé depuis l’installation de la colonie française de Saint-Domingue. Forêts. Mangroves. Rak bwa. Terres cultivables. L’éclair de 1804 n’aura pas porté de fruits, car négriers et esclaves de nous-mêmes, nous avons emboîté le pas aux anciens colons. Notre histoire est unique et extrême. Grandeur et décadence. Toutes les énergies convoquées, exploitées, construites, entretenues, depuis la naissance de la nation, se sont agglutinées pour la destruction. Honte aux successeurs des premiers Noirs ! Ils ont failli d’avoir dévoyé la cause des marrons libertaires. Une main puissante, malfaisante, semble orchestrer la destruction. Puisqu’il est de bon ton, pour continuer notre marronnage séculaire, de s’appuyer sur d’invisibles et omniscients complices du mal dont nous souffrons, nous dirons que l’une des causes annihilant le souffle haïtien serait le non-renvoi de l’égrégore de 1804. Les chefs ginen des marrons libertaires ne purent assister à l’aboutissement de la lutte pour l’indépendance et les chefs makaya créèrent un égrégore purement Makaya, affamé de sang. La cérémonie d’action de grâces prévue aux lendemains de l’Indépendance, pour renvoyer le dit égrégore, n’a jamais eu lieu. L’égrégore continue donc d’évoluer dans son travail de destruction. Nos gouvernements successifs seraient comparables aux anciens libres, chefs makaya, préoccupés d’accumuler richesses et biens. Lorsque ces pilleurs sentent leurs intérêts en passe d’être lésés, ils massacrent Haïti à l’instar de leurs prédécesseurs qui assassinèrent Dessalines. L’empereur, malgré une sagesse occultée par l’Histoire, une tolérance des travers, la gourmandise de ses contemporains, ‘’Yo te mèt plimen poul la, pa fèl rele !’’, n’a pas survécu à la corruption naissante. Sa mort est venue accélérer la déglingue, le chamboulement, le chambardement, la débâcle.

Depuis la naissance de notre République, au timon des affaires, rares sont les dirigeants qui se sont inquiétés du sort de ce peuple bon enfant. Le roi Henry Christophe. Les présidents Antoine Simon et Dumarsais Estimé. Les seuls visionnaires à accomplir des avancées propices à la construction d’un pays. Les caractéristiques des gouvernements haïtiens n’ont pas changé depuis l’empereur. Pratiques despotiques traditionnelles. Ensemble de structures archaïques gangrenées d’ambition personnelle. Égocentrisme. Absence de vision. Incompétence permanente. Pillage des fonds publics. Destruction systématique de toutes les ressources du pays. Absolu mépris de nos racines, de l’être haïtien. Rejet de toutes les valeurs spécifiquement indigènes. Nos machines gouvernementales réinventent l’infecte gouvernance traditionnelle, maquillée, mise à point grâce à l’expérience des prédécesseurs. Le modèle régnant à la cour impériale de Soulouque a été repris au fil des temps par des marionnettes s’esquintant à l’imiter dans un raffinement venu de la pratique. Barons, marmitons, boutiquiers, transbordés des derniers régimes et nouveaux valets se repaissent d’Haïti, baptisée destination touristique, tant la récolte est belle et promet encore. Éléments anciens et nouveaux dans la course au pouvoir s’appliquent, se réinventent, pour jeter la poudre à l’œil de la masse. L’étendard de la couleur, symbole de l’appartenance à une élite pourrie, est certainement utilisé dans les fausses luttes et brandi par tous les acteurs d’un théâtre morbide. Comme au temps du Bonhomme Coachi, il sert à régler des différends n’ayant aucun rapport avec une avancée quelconque du peuple. L’État est bon payeur, client anonyme et on s’arrangera pour déchirer les pages des livres de compte d’une manière ou d’une autre, car l’argent qui devait envoyer le petit haïtien à l’école aura servi à lui écrire des histoires farcies de mensonges.

Le développement économique d’un pays est le reflet de la mentalité de ses élites. La République d’Haïti a accompli en 1804, le miracle d’une liberté arrachée aux plus grandes puissances d’Europe. Rebelle. Incorrigible. Indomptable. Bercée de rêves impensables. Aiguillonnée par d’incessantes luttes intestines. Haïti n’a jamais pris son élan depuis 1804 …

Le dernier quart du XIXe siècle est marqué par l’incompétence de nombreux gouvernements éphémères, l’accroissement des investissements étrangers, le contrôle de larges secteurs de l’économie par des non-nationaux, les immixions des marchands allemands dans la politique intérieure, l’intervention politique et militaire des gouvernements européens.

Rien n’a changé depuis un siècle. Depuis la démission de Davilmar Théodore, le général Vilbrun Guillaume Sam s’est fait élire président par l'Assemblée nationale le 4 mars 1915. Ses exactions, ses crimes, ses abus de pouvoir et ceux de son chef de police Charles Oscar suscitèrent dégoût et insurrection de la population. Ils furent assassinés à la légation française. Dans une stratégie d’ensemble visant à contrôler toute la région, l’Aigle présidé par Woodrow Wilson, décida d'occuper militairement Haïti, notamment pour défendre les intérêts de la banque d'affaires américaine Kuhn, Loeb & Co. Les blancs débarquèrent le 28 juillet 1915. Philippe Sudre Dartiguenave accèda à la présidence d’Haïti sous la coupe réglée de l'occupant. Un traité, base légale de l’occupation, permit la mise sous tutelle. Système de corvée pour construction de routes. Réactions populaires violentes. Insurrection. 

Dépossession des paysans de leurs terres. Près de 40 000 paysans devinrent cacos sous leurs chefs Charlemagne Péralte, Benoît Batraville. La capitale fut attaquée en octobre 1919. Racisme des occupants américains. Consternation de l'élite mulâtre. Indignation. Les Marines américains matèrent la révolte des cacos. La longue guérilla menée contre les rebelles fit plus de victimes que les incessantes révolutions et prises d'armes ayant servies de prétexte à l'intervention américaine. 1920. Cinq ans depuis que le gouvernement Dartiguenave accumule échecs et déceptions. Le seul avantage retiré de l'occupation semble la paix publique. La stabilité des institutions dissimule un pillage systématique des caisses de l’État par l’Étranger. Qu’est-ce-qui a changé aujourd’hui dans ce scénario écœurant ?

Haïti a changé vers le pire. Des espaces jonchés de plaies béantes, puantes. Tribulations et désolation d’une nature écharpillée. La grande masse du peuple est victime de l’égoïsme de toutes nos élites. Notre société repue d'égocentrisme n’a jamais su s’ériger en nation. La renaissance nationale ne saurait se réaliser dans un abîme d’irresponsabilités. La culture du nombrilisme ne mène qu’au néant. La démission s’est infiltrée dans nos artères, jusqu’aux plus profondes strates de l’esprit. À penser que nous sommes impuissants à gérer 27 750 kilomètres carrés ! Au terme d’une succession d’échecs, de ratages, la nullité est devenue notre seconde nature. La litanie de nos innombrables malheurs est devenue nouvelle liturgie pour le règne d’une religion-Misère. Misères singulières. Misères collectives. Misères plurielles. Misères quotidiennes. Misères perpétuelles. Misères mentales. Misères hideuses, anéantissantes, envahissant toutes les cellules de l’organisme haïtien.

La forme d’occupation a changé. Plus subtile. Avec des pratiques agressives déguisées. Toutes les bottes sont devenues bleues, teintes d’un ciel coulé de plusieurs types de nuages avec prépondérance du puissant Cumulonimbus qui dicte sécheresse ou pluies. Les cacos sont morts. Les armes de destruction massives sont imbattables. Il ne reste que les marches pacifiques et la voix contestatrice souvent noyée dans les vociférations…

Honte à vous ! Honte à nous !

Plus on s’enfonce dans la bêtise, plus on beugle contre les autres. Organisations non gouvernementales transformant la population en assistée. Pays maltraitant nos ressortissants tout en utilisant leur force de travail. Puissances à l’affût de nos richesses minières. Nations supposément sœurs abritant nos pauvres hères sans papiers. Patrons étrangers nous dictant leur volonté puisqu’ils font encore les frais de notre démocratie. Quel pays au monde a amélioré son sort et le devenu de ses enfants grâce aux apports d’un autre pays ? «Depi ki lè pèp konn ede pèp ?» La loi ‘’chak koukouy klere pou je yo’’ se traduirait ainsi : ‘’chak peyi defann zafè yo’’. Haïti de toutes les miséricordes n’a toujours pas dansé le dernier carnaval sur les bords du volcan habité par nos perpétuelles chimères. Abêtie, elle traîne encore le pas, comme une vieille attardée à se farder les joues alors que la mort travestie attend à sa porte. La mort d’un système pourri dont la robe délétère a été moult fois reprisée des mêmes fils trempés de corruption, imbibée de malversations par les apatrides, rapiécée de gouvernements noyés dans la délinquance et la corruption !

Conzé anarcho-populistes se réclamant de Dessalines à la moindre occasion. Sangsues exploiteurs se disant héritiers de Pétion. Patriotards démagogues louant à longueur de discours le sens dialectique de Toussaint. Finalement, le peuple haïtien ne serait qu’une flopée de zombis embrigadés comme figurants dans la répugnante mise en scène des mardigratures électorales.

Le carnaval à la mode haïtienne, sous des formes plus rocambolesques que l’habituel, est venu s’imposer dans toute sa splendeur agaçante. On l’a dansé politiquement jusqu’à l’indigestion. On s’est prosterné diplomatiquement devant ses bouffons. On a pataugé dans les vases de la concupiscence. On a gesticulé dans l’arène des maudits jusqu’à noyer notre mauvaise conscience. On a salivé pour prétendre être encore citoyens d’un pays perdu aux yeux des dieux tutélaires, sans autre inquiétude que la satisfaction vénielle de l’intérêt personnel. L’absence de l’État dans ce moment de grand bouleversement planétaire et la faillite des élites ont permis une prise en charge systématique par la communauté internationale du devenir haïtien. Pillage recyclé, recalibré, réactualisé. Cupidité effrénée. Accaparement agressif. On ne se préoccupe même plus de la cohorte des pays amis qui auront presque tout vu, tout entendu, sans pourtant arriver à comprendre notre peuple bizarroïde au comportement stérilement surréaliste. Nos pays amis se contentent de jouer avec nous aux osselets. De temps à autre, on ramasse un os. Dans ces parties d’osselet, planant au-dessus de nos discussions byzantines, la communauté internationale s’assure sous couvert de toutes les humanités, de négocier sous la table, avec ses valets locaux, les avantages et richesses de la Cendrillon emmerdeuse.

Négociations tout à fait faciles puisque les gardiens et défenseurs de l’intérêt national, arrivés, propulsés au pouvoir, ne sont nullement concernés par le bien-être haïtien. Ils n’ont rien à tirer d’un redressement pour un changement de statu quo. Ils ne sont investis d’aucune mission corrective, car la déchéance a été léguée par leurs prédécesseurs. Les autres acteurs ne méritent pas mieux que d’être ficelés dans un même paquet pourri avec étiquettes. Moins voleur. Plus apatride. Vendeur de pays. Traitre à la nation. Sanguinaire. Négociant d’Haïtiens. Les épithètes et leurs variations semblent évoluer avec le temps et en intensité, mais les mathématiques sont une science exacte et le calcul se révèle toujours négatif à la fin du mandat. Nous sommes tragiquement réduits à présenter le moins mauvais locataire du palais national comme une affaire exceptionnelle, un magicien capable de transformer nos savanes de pierres en plaines cultivées, nos villes en zones rurales, nos angoisses en liesses, pour une avancée remarquable dans ce tunnel d’incompétence. Au fait, combien se soucient encore d’Haïti ? Nos enfants savent-ils qu’en 2025 nous importerons de l’eau potable ? La mosaïque de notre population persiste dans son refus de s’imbriquer pour un front commun contre la misère et l’exploitation sous toutes ses formes. Chacun s’occupe uniquement de son nombril. La descente aux enfers est malicieusement rallongée, grâce aux astuces novatrices de citoyens soi-disant bien intentionnés. Canaan sous le Morne-à-Cabrit, l’exemple le plus récent, flagrant, d'une culture-misère étalée, entretenue sous forme de camps-bidonvilles. La route Nationale #1 passe devant cette plaie ouverte de notre société, l’expose aux regards. Les gouvernements n’ont pas semblé se préoccuper assez des déplacés du séisme pour prévoir l’anarchie des constructions, prévenir les problèmes structurels, installer les infrastructures nécessaires. La mer, toute proche, se prélasse dans un apparent bien-être, s’étourdit de soleil, déroule ses vagues indolentes ou maussades, comme dans un monde normal. Témoin éternel de nos calamités, elle observe les ébats du peuple pour vivre, survivre et mourir dans la solitude crasseuse. Dans sa totale débâcle, l’Haïtien arrive encore à transformer une situation quasi impossible en page d’histoire d’une mordante ironie. Sans-maîtres. Sans-gouvernants. Matériel encombrant. Pitimi san gadò livré au degaje pa peche. D’aucuns se pensent plus intelligents que le reste de la nation. À l’abri de la misère. Certains laissent aux autres le soin de penser à leur place. Pratiquants de yon pye anndan, yon pye deyò. Éternels ‘’de passage’’. Tous devraient rechercher, dans les brumes abêtissantes de l’égarement collectif, une dose de conscience pour reconnaître que, riches ou pauvres, Haïtiens sans distinction aucune, Notre Dieu et ses lwa, se baignent immanquablement dans la même mer polluée, boueuse des terres arables lavées par nos mains assassines.

Rien n’a vraiment changé
le fleuve charrie encore
ses cargaisons de pourritures
son carrousel de boue purulente
ses provisions de pestilence
rien n’a vraiment changé.

La Terre n’a guère changé de ciel
les prédateurs continuent encore
à brasser immondices et souillures
ordures débris et rancitude
en pataugeant dans la gluance des miasmes
la pâte huileuse des tonneaux infects
il ont anéanti l’arbre fondamental.

Le Soleil a perdu sa boussole
la source figée sans réveil
le bourgeon asphyxié sans élan
et le chemin s’efface en léthargie
dans l’égarement des jambes mortes
l’ankylose des reins
nuages ténèbres fiel d’amertume
tel un œil crevé de gangrène.

Vraiment sans fusion
sans diapason
sans raison
sans vision
les hommes ont labouré
le temps le vide et le rien.

La Terre le Soleil et la Lune
les étoiles n’ont guère changé de quartier
rien n’a vraiment bougé
hormis la défloration des horizons ensanglantés.

Continuerons-nous à chercher ailleurs les causes de nos piétinements et de nos retards ? En bons clients de la misère, nous nous enfonçons dans des conditions infrahumaines sans penser à être acteurs d’une éventuelle renaissance. Les classes défavorisées sont le miroir des élites intellectuelles, économiques et politiques. Porteurs du savoir venu de la souffrance, jeunes, universitaires, habitants des zones rurales, déplacés du séisme, la majorité nationale pense en orphelin. Orphelins livrés à eux-mêmes, aux saints et lwa. Orphelins d’une nation sans état d’âme. Ils pensent pour eux seuls, suivent l’exemple des élites méprisantes et méprisables. Sans attendre du gouvernement autre chose qu’un carnaval. À l’image de la récente Carifesta XII préparée au rabais, réalisée piètrement. On vit dans l’à-peu-près, loin derrière nous l’époque vertigineuse de la commémoration du bicentenaire de la fondation de la ville de Port-au-Prince, en l’année 1949, lorsque Haïti représentait le cœur de l’art caribéen. Absence de vision du pouvoir. Implémentation de politiques de grenn gòch. Précarité des relations entre les pouvoirs. Débâcle institutionnelle. Éparpillement stérile et détournement des fonds petrocaribe, pour un remboursement ardu des générations montantes comparable financièrement au remboursement de la dette de l’indépendance. Aboutissement à une crise économique sans précédent. Crise politico-électorale tout à fait délétère orchestrée par le pouvoir et alimentée par la race politicienne. Crise humanitaire avec déportation de nos ressortissants par l’autre République de Kiskeya. Crise sociale avec ses corollaires d’insécurité. Mort de la lumière. Agonie de la liberté. Liberté, égalité, fraternité. Vains mots qui n’ont pu se fondre pour les fondations d’une République. Société hypocrite et haineuse depi nan Guinen. Trahisons fratricides. Pratiques destructrices et anéantissantes. Horreurs séculaires faites d’injustices, de rapines, se révélant au bout du compte un lourd héritage difficile à extirper de nos structures individuelles, collectives. Il n’y a plus de termes pour décrire la déchéance de notre genre. Premier rassemblement nègre à conquérir sa liberté, proclamer sa République et damer leson pion aux grandes puissances colonialistes, devenu lamentablement pays mendiant au bol tendu devant la communauté internationale.

Comment ce peuple peut-il lever la tête lorsque le premier mandataire de la nation revient de voyage avec ses malles remplies d’oboles, promesses dérisoires, projets bidon, et… crâneur, se targue des plus belles réussites, s’égosille fièrement à les énumérer ? Mendicité chronique, infructueuse, honteuse. L’Étranger laisse tomber milliards de lions rugissants, fantomatiques. Écœurement ! Au fond du gouffre, nous oublions que nous sommes complets et avons la pleine capacité de travailler pour manger. Katchouboumbe ! Nou pran nan mera san di petèt ! Ayisyen pa gen san nan venn yo !

L’euphorie folklorique, générée par la chute de la dictature de 1957, aurait accouché d’une race d’avortons, les politiciens affairistes, magouillards et comédiens médiocres. Cette pléthore de terroristes locaux formant la classe putride des hommes politiques véreux se targue à croire en décembre 2015 qu’ils ont capacité et légitimité pour représenter la grande masse des laissés-pour-compte. À défaut d’idéologie militante et d’ancrage politique, avec des partis politiques sans leadership, les élections deviennent une dangereuse farce à grand renfort de billets verts, flottes de motocyclettes, pancartes géantes, camions truffés de haut-parleurs, bandes de rara, maillots, posters, billets de mille gourdes… Des élections de 1990 à nos jours, les protagonistes lorgnant le pouvoir n’ont offert aucune solution viable, manifestant rien de plus que des vœux mensongers, une creuse déclaration d’amour au peuple. Nou pran nan mera pi rèd. La crise permanente haïtienne alimente discours politiques, articles sulfureux des journaux étrangers s’ajustant au fur et à mesure des retombées dramatiques de nos inconséquences.

Arrêtons nos déhanchements ! Les prétendues élections et les résultats vomis par le Conseil électoral d’Opont ne sont pas le vrai problème à résoudre aujourd’hui. La société haïtienne serait comparable à une machine au moteur «déconstombré», sans carburateur, sans distributeur, bougies fondues, une bogota guagua. Aucun chauffeur ne peut, malgré audaces et je chèch, prétendre la faire démarrer. Une machine sociétale qui n’a jamais démarré depuis 1804, grippée au XIXe siècle, toussant au XX e, raclant à travers tous les chemins de l’Histoire et agonisante en ce début du XXIe siècle. La panne de cette machine ne peut être surmontée. La structure surannée et obsolète, moribonde et expirante, est arrivée à ses derniers instants. Quelle différence vraiment entre ces paquets de candidats, les uns plus matois que les autres, certains plus démagogues, d’autres descendus d’un char carnavalesque… ? Qu’ils payent des votes, se gaspillent en courbettes devant Papablan, crient, piaillent, ils demeurent des prédateurs de Haïti et les futurs chauffeurs de la machine madichonne à la remorque de l’Internationale. Se pa afè kandida pou nou defann ! Ce n’est pas une affaire de candidats que nou vle ou pa vle ! C’est le système que nous devons démanteler et foutre aux poubelles de l’Histoire.

«La vieille machine madichonne doit être démantelée et rejetée dans le dépotoir des déchets nocifs, car elle est responsable non seulement de nos désastres matériels, mais aussi de nos distorsions mentales et de nos tares séculaires. Il s'agit de sortir de notre léthargie chronique. De transcender la peur, la torpeur, la rancœur, la haine, le ressentiment, les aliénations zombificatrices. De nous engager dans une exaltante et sublime quête de lumière. Pour nous-mêmes. Pour les autres. Avec nous-mêmes. Avec les autres. Pour le salut global d'une terre menacée.» Tiré de Le Nouvelliste, National, 22 Septembre 2010. Haïti: O Sainte Misère Miséréré ! Délivrez-nous !

Épées de Dessalines le Grand, Lakou Badjo nan
 Gonaïves. Crédit photo Savannah Savary             
La corruption a putréfié l’être et le système haïtien. Il n’y a plus moyen de s’en accommoder. Nous l’avons sucée aux mamelles du colonialisme français puisque, à défaut de garder son esprit de création, d’organisation, de réalisation, nous avons préféré absurdement dupliquer ses horreurs et aberrations. Nous avons hérité des comportements du colon corrompu face à l’administration coloniale. Notre mémoire cellulaire garde la culture des magouilles orchestrées par le Blanc lorsque le représentant de l’intendant de Saint-Domingue, égal d’un ministre des Finances, venait sur les habitations procéder au décompte des esclaves d’atelier et l’économe s’empressait de cacher les malheureux ne figurant pas sur leurs déclarations. Le même procédé s’appliquait quant aux revenus générés par les ventes de marchandises et nous serions à même de nous enorgueillir d’avoir dépassé les maîtres si l’abject était louable. Nos ancêtres sont le produit de cette mentalité et forment cette classe d’individus qui a prétendu diriger le pays pendant plus de deux cent ans, dans cette même perspective de tricheries, mensonges et malversations. Ce n’est pas une affaire de Nèg Bannann, Nèg Wout la, Pitit Dessalines, Manman Fanmi an, Pè Étènel, Notè a, e latrie… Ce ne sont pas les intérêts de tous les G qui doivent être pris en compte. Ce n’est pas une affaire d’équipes d’individus, tel le groupe de Kesekwèt, le clan Kesedjo. Ce n’est pas une question de droite ou de gauche. Ce n’est pas une affaire de Martelly, Préval ou Aristide. Ce n’est pas une affaire de mulâtres corrompus et de classe moyenne à remplacer par des nèg à peau plus foncée. Ce n’est pas une affaire de populisme où le petit peuple détiendrait les valeurs citoyennes essentielles. C’est la pourriture totale d’un système cadavéreux déjà naufragé dans un océan de corruption ! Sans employer le grand mot révolution, il est vital de mettre en place un nouveau système d’intégration nationale pour le bien collectif d’une Haïti débarrassée de sa gangrène humaine. Il faut un nettoyage, une épuration de la société haïtienne, une toilette mentale n’impliquant pas au premier degré l’élimination physique des corrompus lesquels, pour survivre à ce grand coup de balai, devront accepter d’entrer dans le bassin d’épuration. On ne peut avoir de leadership dans les écuries d’Ogias, car ce leader serait le meilleur plongeur dans notre bassin de merde. Les échantillons ne manquent pas et leurs aventures à l’assaut du pouvoir ne cessent de nous étonner. Certains, soi-disant au niveau de l’élévation de la culture, la construction de l’être haïtien, le sauvetage national, investissent tout leur avoir, se ruinent la santé pour monter cercles littéraires, fondations, organisations non gouvernementales, bordels décorés en temples. Constructeurs de fabrique d’orviétans et pacotilles, ils sont de tous les secteurs de la vie nationale. Vendeurs de religion. Dealers de drogues déguisés en humanistes. Classe des affaires. Virtuosité du toutisme. Monde artistique épuisé mais habile à se recycler dans les combines politiques jusqu’à prendre d’assaut le Parlement.

Le terrorisme a plusieurs visages. Nous avons ouvert le flanc pour que l’étranger s’impose et prescrive l’inadmissible qu’il n’accepterait pas chez lui. Sans évacuer l’aspect humanitaire des interventions chez nous sous couvert de missions philanthropiques de l’international, nous soulignons qu’il existe plusieurs formes de terrorismes, toutes condamnables. Nous désapprouvons le terrorisme axé sur la haine destructive et la violence sanglante n’épargnant même pas les innocents. Le terrorisme à dimension religieuse nourri par l’intégrisme et le fondamentalisme. Une autre forme de terrorisme consiste pour les puissants de la planète à bloquer l’élan et le développement d’un autre pays, en investissant dans le désespoir de certaines communautés démunies qui vivent alors avec le sentiment horrible d’être écrasées et de mourir vivantes.

«Sainte Marie des Misères, béatifiée coiffée, couronnée, Miséréré Nobis, après la Vierge de Saut-d’Eau, la Vièj Mirak, vous êtes la plus adulée des saintes qui protègent Haïti et toute la cohorte de nos bienfaiteurs qui ont investi leur humanisme dans notre perpétuelle déchéance!»

Ce néo colonialisme déguisé, intervenant au nom d’un développement jamais défini selon les vrais besoins des populations, maquille en fait la présence et les agissements de l’étranger toujours à l’affût. Ces pratiques aliénatrices et déshumanisantes sont une forme de terrorisme. Un terrorisme travesti en bienfaisance. Un terrorisme tuant lentement pays et peuple, car l’aide de Gargantua est un investissement, une avance sur bénéfices inévaluables tant ils sont immenses. Prélèvement sous des tables obscures de nos ressources avec la complicité de nos corrompus. Yo banou manje grenn diri, men se pwazon l ap tounen pou generasyon k ap monte yo ! Un peuple asphyxié par la faim ne peut plus rêver, car ses forces suffisent seulement à satisfaire les pulsions du ventre. Une nation à genoux ne sera jamais en mesure d’assimiler, d’intérioriser l’idéologie libératrice. Un pays se construit à partir des rêves d’hommes et de femmes menés par une idéologie. Quant à ceux qui mangent encore à leur faim, la majorité évolue en dehors de la réalité du pays dans un jemenfoutisme brutalement nourri d’indifférence et d’irresponsabilité. Intellectuels. Professionnels de haut niveau. Directeurs de conscience et d’opinion. La plupart d’entre eux vivotent dans une étrange crise d’impuissance amalgamée d’un sentiment de culpabilité. Quant aux flatteurs traditionnels, ils nagent et pataugent joyeusement dans un lac pestilentiel. 

Le momentum est précis. C’est le temps de passer à la caisse ! 

Les élections chez nous sont un commerce de votes. Ventes d’immunités parlementaires avec des bénéfices financiers. Le soi-disant intouchable Conseil électoral provisoire tout-puissant détient le monopole de la marchandise. La crise politique électorale, insolvable et inextricable, constitue son plus insignifiant souci. Au contraire, les démenés des kyrielles de candidats dont l’accession au pouvoir dépend du bon vouloir du CEP font l’affaire du Conseil. Il n’existe qu’une unique porte de sortie aux maux qui rongent notre société : TABULA RASA.

La cire sociétale haïtienne a fondu totalement. Il suffit maintenant de la débarrasser des gangues du moule fissuré, l’élaguer de la corruption, l’écarter du terrorisme d’État soutenu par les interventions étrangères camouflées, pour que les racines haïtiennes glorieuses, profondes et nombreuses puissent faire éclore la liberté du ventre, de penser, de grandir en nation. Aujourd'hui, en faisant tabula rasa de la machine madichonne, nous avons l'occasion exceptionnelle de poursuivre la construction d’Haïti en approchant de manière positive, rationnelle, les questions primordiales et fondamentales touchant l’infrastructure, l'agriculture, l'éducation, la santé, la relocalisation des populations déplacées, la réhabilitation de l'environnement et la valorisation de notre patrimoine culturel. Alors, trempé d’une conscience collective constructive, regroupé en organisations, associations, mouvements tèt ansanm, coopératives, le peuple éduqué, investi d’un sentiment d’appartenance à cette terre et convaincu de sa fierté légendaire, arrivera, avec une saine mentalité, à jeter les structures d’une nouvelle société, pour une vraie République.

L’ère du Verseau, suivant les prophéties, amène une nouvelle conscience lumineuse. Le cheminement infructueux de notre peuple sans guide, dans un système dévastateur, rive nan tobout li.

Nous avons besoin d’un rassembleur prométhéen. Actions et paroles positives se fusionneront dans le choc des énergies remembreuses et vitalisantes. Du chaos viendra la lumière. 

Par :Savannah Savary savannahsavary@yahoo.com




Wednesday, December 23, 2015

La ministre Stéphanie Balmir Villedrouin se souvient de Jérémie…..

Par:Max Dorsimond
Texte non publié. Ce texte écrit depuis octobre 2013, n’a pas été publié. J’ignore la raison. Par hasard, je l’ai retrouvé et j’en profite pour partager ces réflexions avec mes lecteurs.

Compétente jusqu’au bout des doigts, à l’entendre parler de ses projets, on voudrait  naturellement l’embrasser, lui dire merci, madame la ministre. Ce n’est pas une ministre «tèt chat». Donnons à César ce qui est à César et à Stéphanie ce qui lui revient de droit. Sa performance me fait penser au contenu du dernier texte que j’avais écrit durant mes vacances d’hiver écoulées là-bas, sur les plages des Arcadins : Haïti - Vers un multilinguisme intégral  (1 et 2).

Ces jeunes étudiants qui reviennent au bercail
Quand on envoie nos jeunes étudier, se perfectionner et travailler à l’étranger, ils reviennent avec une autre vision de la chose publique ou privée, boursouflés de compétences et d’expériences que le pays en déficit de professionnels ne peut se permettre d’ignorer. Tel est le cas présent. Multilingue et très à l’aise devant la caméra, Stéphanie nous en met plein la vue. Diplômée en hôtellerie, aucun secret du métier ne lui semble étranger. C’est de l’argent bien investi. Un retour sur le capital bénéfique pour Haïti. Pendant plus de trente minutes, à Montréal, diapo à l’appui, elle tient son auditoire sur la brèche, en plein hiver, un timing bien choisi. Tout en contrôle, elle leur vend du soleil et une Haïti toute neuve. En visionnant la vidéo, j’étais loin de douter que je serais déçu,  j’étais suspendu à ses lèvres comme par magie pour l’écouter énumérer ses projets avec le secret espoir d’entendre le mot Jérémie, le patelin oublié  de son padre, la cité outragée. Nada! Silence total. Peine perdue.  Cliquer sur la vidéo suivante:
L'APOTHÉOSE DE LA PERLE RETROUVÉE

Hélàs! Déception et amertume. Si  le mot «Jé» est sorti de sa bouche, c’est peut-être «Je pete Klere, wa yan». Il n’y a rien pour ce trou perdu.

Un regard rétrospectif sur l’oncle Harry Balmir de Jérémie
Je ne sais pas, permets-moi de rêver! Son feu oncle, Harry, lui a-t-elle parlé de la bastonnade, de cette raclée que cette ville lui a flanquée pour avoir été un «ti-rouge», un rougeaud? Lui-a-t-elle dit de laisser fondre cette ville comme la neige au soleil, car les sauvages qui y résident ne valent pas la peine d’être secourus? Je ne sais pas, je continue de rêver. Oncle Harry a sans doute montré ses fesses noircies et ses stigmates à la jeune Stèph qui a été émue jusqu’aux larmes et qui s’en souvient encore au moment venu. Elle a parlé du sud, de Jacmel, des Cayes, des Côtes de fer, des aéroports futurs aux Cayes et à l’île-à-Vache. Elle a montré des images du futur.

Le cauchemar – Jérémie s’est mal réveillée.
Malheureusement, elle n’a nulle image du passé pour montrer Jérémie, elle est dans sa tête. Ce sont les fesses meurtries de l’oncle Harry, la bastonnade, l’humiliation, l’oncle nu devant le tonton macoute. AH! Si Jérémie savait que la nièce l’aurait bernée aujourd’hui. «Yo pa Kalé moun lespri! Na regrèt pita» Et puis voilà. “Pita” est arrivé trop vite. Excusez, je rêve encore. Jérémie, c’est la brousse. Un lieu pour aller en safari africain. Sans doute, Stéphanie, a-t-elle un programme de safari dans sa tête. Sans doute, voudra-t-elle montrer aux touristes les anciens lions de Jérémie, les anciens tigres, les anciens léopards, les anciennes pintades en bleu et rouge, Les anciens crocodiles qui ont failli dévorer son oncle après avoir dévoré des familles entières. Stéphanie se souvient de Jérémie, mais à l’envers. La Jérémie de ces cauchemars.

Excusez-moi, je viens de me réveiller!

Par: Max Dorismond mx20005@yahoo.ca
Laval, Oct 2013
Max Dorismond