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Thursday, December 31, 2015

QUAND L'HISTOIRE SE RÉPÈTE

Par Mérès Weche
L'historien Roger Gaillard
(1923-2000)
Depuis une centaine d'années, il y a toujours débâcle, quand les Blancs débarquent. L'éminent historien Roger Gaillard avait fait de cette macabre réalité le leitmotiv de ses nombreuses publications sur cette période sombre de notre histoire nationale. Par débâcle, j'entends la déroute en matière sociopolitique, c'est-à-dire une situation catastrophique, en termes de gouvernance et de politique publique, d'une part, et d'autre part, en raison de l'inconséquence des diffférents acteurs en lice .  Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter à la situation du pays en 1914-1915 où des tensions sociales exacerbées nous valurent dix-neuf ans d'occupation; tout cela parce que d'anciens alliés  politiques, tels que  Oreste Zamor et Davilmar Théodore, s'étaient désolidarisés dans la lutte populaire commune, pour défendre des intérets personnels, plutôt mesquins, comme par exemple l'accession au pouvoir à titre de président fantoche  sous protectorat américain.

En effet, après la démission du président Michel Oreste, le 27 janvier 1914, l'ancien chef des paysans révoltes (Cacos), Oreste Zamor, accéda au pouvoir douze jours plus tard, soit le 08 février suivant.  Si les élections du 27 décembre 2015 avaient eu lieu, en vue d'installer un président au Palais National le 07 fevrier 2016, on aurait là,  cent ans après, et toutes proportions gardées, une curieuse analogie.

Rosalvo Bobo
Le révolutionnaire Rosalvo Bobo s'opposa farouchement au gouvernement d'Oreste Zamor, qui renonça à toutes les revendications populaires antérieures, pour se courber au bon vouloir du Blanc, par ambassadeurs interposés. Cependant, la révolte en marche eut raison de lui.  Capturé par les insurgés  et incarcéré au Pénitencier National, il fut assassiné neuf mois plus tard.

Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets 
Parlant d'analogie, on compare fort souvent la plupart de nos politiciens à des comédiens, faisant du pays la risée du monde. Le fauteil présidentiel haïtien, vraie chaise musicale, a fait danser plus d'une cinquantaine de prétendants, au cours des dernières joutes électorales, pour la simple et bonne raison que la fonction de Président n'est plus  l'apanage des plus capables, comme l'entendaient les tenants du parti libéral dont Anténor Firmin, Boyer Bazelais, Boisrond Canal, Edmond Paul, etc.  Même s'il y avait quelques têtes  bien faites dans cette brochette de candidats, beaucoup d'entre-eux ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez, et on se demande même, dans notre savoureuse langue créole, « si yo te menm gen nen lan figi yo».  

Le distingué Professeur Lesly François Manigat, de regrettée mémoire,  avait utilisé cette imagerie  rocambolesque de la «chaise musicale» pour parler de cette ruée vers le présidence haitienne. Frédéric Marcelin et Fernand Hibbert, doués d'un génie peu commun, savaient peindre avec un réalisme cru de tels individus. Thémistocle-Épaminondas Labasterre, le personnage le plus haut en couleurs de Marcelin, avait pourtant beaucoup plus de scrupules que ces acheteurs et vendeurs de suffrages.  Que diraient aujourd'hui ces fins analystes de la société haitienne du XIXe siècle de cette boite de Pandore, ou mieux de ce miroir aux allouettes, qui fait que chez nous le mot «tabulation» rime avec malversation, tribulation, manipulation, machination, au lieu d'«Élection»?

Un marine américain
(Haïti 1916)
En dépit du fait que des fraudes aussi flagrantes n'étaient jamais enregistrées dans les annales électorales haitiennes, les situations politiques présentaient à peu pres les mêmes symptômes, du XIXe siècle à nos jours. C'était l'impossibilité pour les partis libéral et national d'arriver à des accords de principe  - compte tenu de la similitude de leurs objectifs - qui empoisonna l'atmosphère politique d'alors. Le parti libéral, dont la devise fut « Le pouvoir aux plus capables», disait oeuvrer pour le progrès et le développement du pays, en  le dotant de chantiers industriels, pour un production locale à grande échelle.

Pour le parti mational, ayant pour slogan « Le plus grand bien au plus grand nombre», il s'agissait de passer par l'agriculture pour conduire le pays vers le développement. Cependant, des guerres fratricides ont eu raison de cette chance unique de dépassement de soi et d'entente historique pour changer le destin du pays.   

Pour reprendre une expression très courante dans le jargon politique haitien:« Plus ça change, plus c'est la même chose». Et le pire c'est que, de jour en jour, c'est la sous-culture importée, charriant des anti-valeurs, qui rime la vie nationale, et cela a des impacts négatifs sur l'avenir d'une jeunesse livrée désespérément à elle-même. Le pays est en constante régression, non seulement avec la décote de la gourde, mais surtout avec le déclin de la classe moyenne et la nouvelle géographie de la faim à travers toute l'étendue du territoire national.

 Par :Meres Weche

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