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Wednesday, December 15, 2021

Dans les sillons de la chute de l’aigle, Afghanistan, Haïti, la Dominicanie…

Par Max Dorismond 

Une inquiétante trilogie à donner le vertige, juste à y voir de plus près. C’est écrit dans le ciel, les empires ne peuvent occuper éternellement le sommet de l’échelle de la domination, de la puissance. C’est une réalité indéniable. À un certain moment de la durée, grisée par le succès, la mécanique de l’Histoire s’enraie pour laisser place à de nouveaux prospects. Notre littérature en recèle assez d’exemples. Souvenons-nous de la civilisation romaine et des conquêtes de César dans la Gaule antique, «de la fière Albion (l’Empire britannique et ses 129 colonies)… la grande nation sur les domaines de laquelle, le soleil ne se couche1»; pensez au Portugal, à l’Espagne maître des mers. Ils ont tous été asphyxiés par le poids de leurs ambitions démesurées. Comme l’être humain, tout bouge et s’anime, on ne fait que passer. L’actualité n’est pas statique, nul ne peut la sculpter dans le bronze du temps. 

En 2019, Donald Trump, le trublion, au jugement limité, avait posé la question à Jimmy Carter, à savoir si la Chine allait dépasser l’Amérique. Pour toute réponse, il a reçu un «oui» sonore en plein visage, assaisonné de la cruelle vérité, confirmant que cette dernière n’avait jamais de velléité de conquête dans sa culture. Et Carter continua : «J’ai normalisé les relations diplomatiques avec Pékin en 1979. Depuis cette date, savez-vous combien de fois la Chine a été en guerre avec qui que ce soit? Pas une seule fois! Tandis que nous, nous sommes constamment en guerre…». 

En effet, c’est le capitalisme triomphant qui a toujours mené le bal, avec les USA aux commandes. Le chapitre de la Mondialisation du commerce, enrobé de leurres, a été écrit sur mesure pour mieux sucer les pays pauvres. Ce fut la goutte de trop. Les yeux endormis se sont entrouverts pour surtout cerner le cannibalisme des grands. Pour leur malheur, les réseaux sociaux sont arrivés à point nommé, et les exploités de la terre se sont engouffrés dans cette clairière sans fenêtres, sans rideaux, pour une mise en commun de leur rancœur, d’un bout à l’autre de l’univers, en internationalisant l’ampleur du vol organisé. 

La terre en avait assez de ces chevaliers aux armes terrifiantes et destructrices, aux bombes nucléaires sans commune équivalence, ne laissant aucun doute sur leurs forces létales. Hiroshima et Nagasaki en avaient fait les frais en silence. 

Toutefois, un matin, un petit peuple colonisé, bien déterminé de l’Asie du Sud-Est (le Vietnam ou l’Indochine 1963-1975)2, s’est réveillé et a foutu une raclée historique à ce maître autoproclamé. Mais bien avant ce fiasco retentissant, il en existait un autre aussi révélateur : c’est l’humiliation de La Baie des Cochons, à Cuba, en 1961. Depuis lors, les fleurs de l’espoir embaumaient les cœurs, rappelant aux minus, aux moins que rien, que la défaite n’a jamais signé aucun contrat avec le faible. Une nation vaincue, c’est dans la nature des choses, mais jamais, on ne peut la contraindre à s’agenouiller pour l’éternité. Sa fierté et sa dignité imposeront tôt ou tard la rébellion. Les Européens ont amèrement expérimenté cette loi dans l’histoire contemporaine. 

Ainsi, ces deux «accidents de parcours», loin de se liquéfier dans l’espace et le temps, avaient animé et attisé la réflexion de tous les exploités du monde, ruminant cet espoir que rien n’est invincible ici-bas quand la détermination et le courage se donnent la main. 

En août 2021, ce fut la répétition en Afghanistan, le sauve-qui-peut général. Une perte sèche, après des milliards dépensés en argent et en armes pour classer cette valeureuse nation au rang des zombis. L’historicité de la situation nous rappelle la fable «Le loup et l’agneau» de La Fontaine. Ce fut, malgré tout, un baume au cœur des exploités de soupirer de satisfaction, suite à cette défaite inattendue des rois de l’occupation, quand la frontière de la déchéance se dessina lentement sous les doigts d’un artiste divin. 

Bien avant, ce fut aussi l’échec en Irak, en Libye, sans parler de l’invasion de l’ambassade des États-Unis en Iran (novembre 1979), de la débandade américaine dans une guérilla urbaine à Mogadiscio, en Somalie (octobre 1993), et de divers autres signes annonciateurs, qui écrivaient l’histoire à l’envers pour l’Oncle Sam. 

Surprise! Novembre 2021, le Cabinet international de conseil en stratégie, Mckinsey & Co, a sonné la fin de la récréation. Les États-Unis ont perdu le titre de pays le plus riche au profit de la Chine. Une nouvelle rendue publique par le média économique Bloomberg. Avec une valeur de 120000 milliards pour l’Empire du Milieu et 90000 milliards pour les USA en 2020, la porte est close. 

Malgré tout, ces derniers ne se voient pas le dos au mur. Pour conjurer le sort et faire face à l’inéluctable, cette semaine (8-12-21), selon l’agence de presse Sputnik-France, le budget de la défense américaine a été voté pour atteindre un sommet inégalé de 778 milliards de dollars, dépassant la somme engrangée par 11 pays réunis, dont la Chine. (Voir l’encadré ci-dessous).    

L’aigle à tête blanche a-t-il perdu de sa superbe? Nous pouvons l’affirmer sans ambages, vu les échecs cumulés. D’autres indices nous confortent dans notre réflexion. Les 16 Américains kidnappés à Port-au-Prince par les « 400 Marozo » et leur chef « Lanmò San Jou » depuis le 19 octobre, laissent tout le monde perplexe. Pour avoir négligé ses propres ressortissants, l’Oncle en a-t-il marre d’ Haïti ou veut-il adresser un nouveau message au reste du globe, à titre d’un changement de paradigme? L’impression à en extraire n’a étanché la soif de qui que ce soit! 

Autrefois, Washington n’avait qu’à tourner le pouce et c’était la libération assurée, sans histoire et sans le moindre coup de feu. Mais qu’est-ce qui se passe? Quelle stratégie se dessine derrière cette excessive complaisance? D’ailleurs, sans la débandade au Moyen-Orient, « Lanmò San Jou », aurait-il osé? Tout le monde connaît le refrain! C’est non! 

De plus, en écho à ces échecs à répétition survient la rebuffade de la bouche d’un effronté diplomate chinois, Zhang Jun, lors de la conférence interactive entre la Troisième commission et le Rapporteur spécial de l’ONU sur les questions relatives aux minorités. Il a étalé sans retenue sa hargne contre le cynisme des USA et leur clique, preuve que le fruit est bien mûr. Écoutons-le : 

 «… En fait, vous êtes le fauteur de troubles et le plus grand obstacle à la coopération internationale en matière de droits humains… Il est temps de se réveiller! L’époque où vous brimiez et opprimiez les pays en développement est révolue depuis longtemps… 

… Aux États-Unis et à quelques autres pays (France, Grande-Bretagne…): vos tentatives désespérées de dissimuler votre terrible bilan en matière de droits humains ne fonctionneront pas. Le monde le voit clairement. Les États-Unis ont mené un génocide contre les Indiens d’Amérique. Ils ont réprimé leur propre peuple au point qu’il crie “Je ne peux pas respirer”. Ils ont ignoré la mort de plus de 700000 ressortissants due à la “pandémie3»     

Ma crainte, et non la moindre

Si les États-Unis sont tannés et fatigués de jouer au gendarme du monde, devant ces échecs à répétition, certains, loin de s’assagir et de réfléchir, seraient tentées de colmater le vide pour contrecarrer les risques du futur. C’est le cas avec la dernière complainte d’Israël, se sachant vulnérable sans le parapluie US, face aux velléités de l’Iran, avec sa bombe nucléaire en gestation. 

Et du côté d’Haïti, je vais encore plus loin. Avec plusieurs indices prémonitoires en ces derniers temps, la République Dominicaine, à l’est, qui ne portait jamais sa voisine dans son cœur, serait incitée à envahir notre territoire, même pour une journée, pressentant que l’Oncle la laisserait faire en se délestant d’un poids, devenant trop encombrant. Ainsi, la revanche de l’Histoire serait consommée pour ce peuple vindicatif, qui caressait ce rêve depuis des lustres. Pour nos voisins, ce ne serait qu’une simple excursion, une occupation d’un pays édenté sur tous les plans, vidé de ses esprits éclairés, sans gouvernement et sans nulle institution.

Toutefois, ce serait un acte à somme nulle, un geste égoïste, inhumain et inutile, une décision nullement réfléchie de dirigeants sous-informés, carla communauté internationale ne tolérerait jamais une telle forfaiture. En effet,  « la structure géopolitique de l’Amérique, organisée autour de l’OEA et de l’ONU, entrave au départ, la résurgence de telles velléités expansion­nistes». 

Max Dorismond





 — NOTE   —

1 – Albion : ancien nom de la Grande-Bretagne. - Alphonse Leclerc – Revue canadienne - 1873

2 – Vietnam ou Indochine : Indochine, c’était ainsi que les colonisateurs français (1858 à 1949), nommaient l’Asie du Sud-Est, mais pour les communistes de Hô Chi Minh, c’est le Vietnam.

3 — Sources : RI — Réseau International du 25 novembre 2021

4 — Phrase extraite de mon texte «Le mal-être d’Haïti 217 ans après» publié dans l’ouvrage «Des intellectuels haïtiens proposent des pistes de résolution…», page 79, sous la direction de Joël Lorquet. 

Le Congrès américain vient de voter ce 8 décembre en faveur du plus important budget défense de l’histoire des États-Unis …En augmentant son budget militaire à 778 milliards de $$, "Les États-Unis se sont piteusement retirés d’Afghanistan et donc ils veulent envoyer un message de force pour rappeler qu’ils sont toujours numéro un", explique Philippe Moreau-Desfarges… En effet, le départ calamiteux des États-Unis, illustré par les images d’Afghans accrochés aux avions qui décollent, a terni leur réputation de superpuissance…Les États-Unis dépensent ainsi plus pour la défense nationale que la Chine, l’Inde, la Russie, le Royaume-Uni, l’Arabie saoudite, l’Allemagne, la France, le Japon, la Corée du Sud, l’Italie et l’Australie… réunis. … Il investit d’importants montants", explique au micro de Sputnik Philippe Moreau-Desfarges, ancien diplomate et spécialiste des relations internationales. (Src. : Sputnik – France du 9-12-21)

 

 

1 comment:

  1. Quel beau texte et quelle belle analyse!
    Il y a beaucoup de vérités dans ce texte.
    Guillaume André

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