Pages

Pages

Sunday, April 18, 2021

Réminiscence d’un Capois après la lecture du texte « Ne me parlez plus de Cap Haïtien » de Max Dorismond

Vue de la cathédrale du Cap-Haïtien
 

Mon cher Dorismond, 

Ne me parlez plus de Cap-Haïtien, ni de Port-au-Prince, ni de Saint-Marc,  ou des Gonaïves 

Nous cultivons les mêmes fibres d’intolérance envers les déchéances béantes de notre pays d’origine, peu importe le patelin où nous avons vu le jour où nous avons grandi… 

Je ne peux être que trop soulagé de découvrir un compatriote qui partage ma rage, mon dégoût et mon indignation 

Il m’est totalement impossible de vivre dans un passé 10 fois lointain de rêves et de locutions ostentatoires toutes faites qui ne reflètent pas la présente réalité du passé récent et du présent 

À mon retour du voyage de septembre 2004, j'ai publié quelques-unes de mes profondes déceptions, à chaque pas que je posais, l’accumulation des haut-le-cœur semblait me conduire lentement vers une crise cardiaque: 

- Vente de déjeuner (12:00) “nan brouet

- Des taxis dont le plancher nous permettait de voir la chaussée.

- Des rues défoncées, mal entretenues 

- Le marché Cluny débordant sur les trottoirs dans les quatre directions

- L’érection de hautes tours d’habitation en pleine ville au bon gré des bâtisseurs

- La mendicité rampante dans les rues et les officines publiques de façon   persistante     et harcelante

- Un avocat qui vous laisse comprendre que toute la structure sociale est corrompue

- Un autre qui vous confie sans la moindre réserve que tout ce qui est perçu comme progrès ici, tire sa source du trafic de la drogue

- Une Cathédrale, jadis resplendissante à l’œil nu qui, maintenant révèle des fissures qui font frémir

- Un hôtel de ville qui n’a de splendeur architecturale que ce qu’il faut de chaux colorée vive, style colonial rococo, pour tenir lieu de trompe-l’œil. Une fois à l’intérieur :  plancher de rez-de-chaussée blanchi comme une pelure de mangue, troué comme un fromage gruyère; un escalier casse-cou, recouvert occasionnellement d’un tapis rouge pour recevoir un invité de marque

- Des murs délabrés, sans la moindre photo-souvenir des lieux pittoresques ou historiques de la ville… Vous en voulez encore…

- De la pure déprime !  Des déchets médicaux humains jetés sur le trottoir de l’hôpital général. Et je vous fais grâce de plus de laideurs environnementales urbaines…

Le jour de ce fameux incendie, j’étais au Cap-Haïtien et parmi mes randonnées, je me suis laissé piquer par la curiosité; arrivé à l’entrée de l’institution sanitaire, j’ai refusé l’offre des autorités policières de pénétrer dans l’enceinte. 

La nouvelle petite bourgeoisie binaire (Lakaiy + diaspora capoise). Le péteur de tête choisit de jongler avec des hypothèses au moyen d’une littérature bidon qui ne trompe point les plus avertis. Idéologiquement, j'ai toujours été contre l’envoi simple de machineries et autres outils sans m’assurer d’un système de réparation et un réseau humain de techniciens de réparation; vos photos justifient et illustrent mes appréhensions. 

Passant forcément par Port-au-Prince, je n'en étais pas plus fier de la CAPITALE NATIONALE. Sur la route nationale No 1 (aller-retour), les récits rocambolesques ne manquent pas et cela explique pourquoi le tourisme intérieur privé ou public n’existe pas de façon organisée. Les villes des Gonaïves et de Saint-Marc, des haltes routières obligatoires assez pittoresques jadis, semblent être transportées du Moyen-Orient avec des écrans de poussière de 19 pouces de profondeur en termes de capacité de vision … 

En prévision du 350e anniversaire de la fondation du Cap-Haïtien, le défaut d’imagination s'est fait sentir selon qu’il s’agissait d’une initiative officielle émanant de la magistrature communale ou de la nouvelle petite bourgeoisie issue des écoles congréganistes. La grossière insulte : on s’est contenté de puiser ou de plagier dans les dossiers d’anciens établissements scolaires qui décrivent les origines coloniales de leurs locations (buts militaires), les plus grandes propriétés foncières accordées au cours des ans par nos gouvernements successifs. 

À passer en revue ce document audiovisuel, on dirait une production néocoloniale sous l’initiative d’un conglomérat d’agents consulaires français dont on s’est promis de ne pas froisser les intérêts dus à la valeur des données historiques privilégiées mises à la disposition du groupe... Une vraie apologie du Cap-Français ! Du Cap-Haïtien, si peu ! même très peu : évènements, personnages, sites de très rares références socioculturelles et artistiques qui ne correspondent point ou, à peine à la réputation ostentatoire qu’on véhicule sur ce milieu urbain depuis plusieurs décennies.           

Travail bâclé! Il y a un hiatus ! La déception, si elle est profonde et lamentable dans sa forme actuelle, celles et ceux qui avaient une occasion en or de faire œuvre de visionnement et de rupture avec un présent et un passé récent, ont manqué leur but .           

“La fière cité christophienne” restera un vocable démagogique vide de contenu que certains s’amusent à démolir et que d’autres ne savent point comment lui donner de la substance…

Jusqu’à nouvel ordre, Ne parlons plus de Cap-Haïtien, lorsqu’on ne sait pas comment et où tirer cette fierté régionale et qu’on a honte ou éprouve de la difficulté à l’intégrer dans un contexte juridico -culturel identitaire (haïtien) d’hier et d’aujourd’hui. Et cela tient pour toutes nos villes d’origine. 

Par : P.-E.T. (Pierre-Eddy Toussaint)



No comments:

Post a Comment