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Thursday, September 10, 2020

Double pandémie - Les Prédicateurs détrousseurs insistent et persistent

Bienvenue! Amen…Amenez l’argent! Amenez-en! Amen!

Par Max Dorismond 

Dès mes premiers pas dans mon pays d’adoption, mes pensées furent attirées par une chanson, sorte de complainte, écoutée sur les ondes d’une radio, un de ces matins enneigés et froids. Les paroles, gravées en ma mémoire, m’avaient interpellé :

« Travailler, c'est trop dur, et voler, c'est pas beau.
D'mander la charité, c'est quéqu'chose j'peux pas faire
*1… »

Au fond, je me demande aujourd’hui si j’étais le seul immigrant, nouvellement arrivé, à entendre cette ritournelle, une espèce d’hymne à la paresse. Je pense que non! Car, vu le comportement de certains individus, je nage encore en plein dans la déraison. 

L’État de la situation – Pandémie et chômage

L’ambiance n’est pas invitante, la Covid-19 fait des siennes, le confinement maîtrise la planète terre. L’inquiétude domine les esprits. Ceux qui évoluent dans un pays organisé y trouvent un brin de secours de leurs dirigeants, moyennant un retour d’impôt. Mais ceux, qui n’exercent pas un emploi officiel, se retrouvent en mauvaise posture. L’heure n’invite point à la rêverie. 

C’est ainsi que, par la fenêtre des médias sociaux, ouverte sur les us et coutumes de notre société, des vidéos, plus surprenantes les unes que les autres, nous décrivent l’arrogance et l’audace de certains Pasteurs, devant l’hésitation de leurs ouailles à verser la dime, faute de pouvoir fréquenter leurs églises respectives, par crainte de la contamination. Un « preacher » américain, du New-Jersey, qui s’ennuyait trop de son église, ayant bravé l’interdiction des rassemblements, au nom de son dieu, l’a appris à ses dépens. Il a reçu la sanction finale du virus et s’est retrouvé six pieds sous terre.

Appauvris et déroutés par la virulence de la pandémie, certains prédicateurs optent pour la carte de crédit, la carte de débit, le transfert téléphonique. Ils sont devenus les « banquiers du Christ ». Mais, hélas, plusieurs brebis, malgré la pitance reçue de leur gouvernement, broient du noir et se font tirer l’oreille. 

Des vidéos les plus rocambolesques, les unes que les autres, nous montrent des sermons tantôt stimulants, tantôt violents où les courroux du ciel ont été invoqués pour anéantir les plus hésitants. Des prêches ciblés et non innocents, où l’on encense les gros donateurs qui rêvent de s’asseoir à la droite de Dieu, tout en discréditant les pauvres. Ça sent la manipulation sociale à plein le casque. 

On trouve, en Haïti, des prédicateurs qui crachent sur la gourde, la monnaie nationale, traitée de monnaie de singe, tout en réclamant du Lincoln (le dollar). Un autre de ces « bandits bénis » alla jusqu’à réclamer la chemise sur le dos de sa clientèle captive et pauvre, pour ne pas partir le panier vide. 

Des dizaines de vidéos en font foi. Les brebis sont muettes. Néanmoins, dans la cohue, certaines en profitent pour filmer en catimini la partie révoltante des sermons sulfureux pour alimenter YouTube ou WhatsApp, aux fins d’ameuter la rue. Une sorte d’appel du pied pour implorer un certain secours. 

Étonnée et frustrée, la populace s’énerve et dénonce ce fléau. Mais sa colère a ses limites. Car, légalement, ces pasteurs cyniques évoluent dans la logique du droit, puisque les gentilles brebis sont consentantes. Aucune loi ne peut les contraindre. 

À bien réfléchir, Haïti s’est retrouvé à la croisée de deux visions du monde : la libératrice et la prédatrice. Ces chevaliers s’acharnent à maintenir leurs compatriotes sous la seconde, avec la Bible et l’ignorance en prime. Aucun d’entre eux ne pense, à l’instar du Pasteur Jean Fils-Aimé, à transcender ce livre-objet, source de notre aliénation mentale, pour aller voir ailleurs. Non! L’appel du « gain sans effort » a obstrué leurs oreilles et obscurci leur âme. 

Le Pasteur Jean Fils-Aimé (PhD) en a assez, et sort de ses gonds.

Devant les prémices de la sourde tempête qui bouscule la conscience des spectateurs impatients, le Dr. Fils-Aimé, qui se passe de présentation, est sorti de sa réserve, pour sermonner, dans une charge émotive exceptionnelle, ces « apaches » aux plans douteux, afin de ramollir leur mégalomanie et de permettre aux justes de trouver un sommeil méritoire, sans le stress des courroux célestes anticipés, en ces temps de chômage chronique, corollaire de la pandémie. 

Sans prendre de gants blancs, il a exposé le côté parasitaire de ces parvenus, qui déshabillent les plus pauvres, en ne leur laissant même pas la chemise sur le corps. Il a fustigé leur esprit paranoïaque et polémiste qui contribue à la multiplication des dénominations chrétiennes, créatrices de ghettos. 

Dans une guerre sournoise, les pasteurs multiplient les temples, comme Jésus avait multiplié les pains. Pour Haïti, on dénombre plus de 40 dénominations chrétiennes et plus de 15 000 églises. Pour l’Afrique, 11700 dénominations. Aux États-Unis, au Canada, on arrête de compter. Elles vivotent toutes, selon la formule du « Pam pi bon*2 ». Ce que Jean Fils-Aimé dénomme : « la pollution religieuse ».

Chacun est roi dans son pâturage. Le Dr. Fils-Aimé les a royalement nargués pour qu’ils renoncent à cette pratique suicidaire, facteur de division. Peine perdue! « Travailler, c’est trop dur ». Point de salut! Sans un métier, comment assurer l’avenir? Les « agneaux si doux » seront tondus même à mains nues. 

Les prédicateurs d’ailleurs

Au Rwanda par exemple, en avril 2018, face au même outrage, le président Paul Kagamé ferma 6000 églises et une centaine de mosquées, sous prétexte qu’elles ne rencontraient pas les normes de sécurité des bâtiments, et imposa, par décret, la décroissance des faux pasteurs. Désormais, chaque prédicateur, par obligation, doit posséder un métier et, ensuite, un diplôme universitaire, en théologie, l’habilitant à prêcher sa liturgie. Entretemps, six d’entre eux ont déjà été placés sous les verrous*3.           

Pourtant, ces meneurs d’hommes auraient pu sauver Haïti si…!

Sans faire de psychanalyse de comptoir, sortons de notre carré de sable et voyons, à titre d’exemple, la spiritualité de trois entités différentes, pour cerner cette possibilité de rédemption pour Haïti. 

Les Chinois - Disons, d’entrée de jeu, que la prière n’a jamais développé aucun pays.  Lors d’une visite de la Chine, en 2015, j’ai parcouru beaucoup de kilomètres, autant par terre que dans les airs. Aucune croix, aucune église n’était venue troubler ma vue. Aucune! C’est la philosophie du bon sens et de la morale qui guide les Chinois. Cela a pour nom le « Confucianisme et le Taoïsme ». La notion de religion est presqu’inconnue dans l’Empire du Milieu. 

Les Juifs - Lorsqu’on parle de l’intelligence des Juifs, par exemple, n’allez pas penser qu’ils sont nés savants pour autant. Ils le deviennent à force de persévérance, d’apprentissage, de questionnements, et d’enseignements tirés dès leur jeune âge, de leurs livres sacrés : La Tora*4, la Bible hébraïque; une encyclopédie sur la vie, dans toute sa dimension : politique, sociale, économique, religieuse, etc. Elle est, avant tout, la Constitution morale, l’ossature qui charpente leur communautarisme. 

Certains Juifs la considèrent comme une arme de guerre. Car, « ils sont toujours en guerre contre divers ennemis », disent certains. Sauf les afro-descendants ne le comprennent pas encore, même s’ils vivent un cas de George Floyd quotidiennement ou l’inégalité raciale systémique à chaque heure. 

Chez les orthodoxes, surtout chez les ashkénazes, chaque Juif a l’obligation, depuis son jeune âge, sous la conduite de sa mère d’abord, d’étudier et de mémoriser une page de La Tora, chaque jour, sur une durée de 7 ans fixée par la législation rabbinique. En un mot, « ils cultivent l’intelligence », selon l’expression empruntée au professeur Richard Lynn*5.

Donc, quand vient le temps de fréquenter l’école, le jeune juif est presqu’un érudit. Il connaît déjà l’abécédaire de son environnement. Son Rabbin, s’il le juge approprié, l’incite à poursuivre ses études universitaires, le plus loin possible, pour le bien-être de sa collectivité et pour le monde. Ce n’est pas par hasard que cette communauté occupe le haut du pavé dans la nomenclature des inventions très utiles à l’humanité, dans la récolte de nombreuses récompenses mondaines et scientifiques. Les Juifs ont raflé 194 Prix Nobels sur 871, depuis l’implantation de cette fondation, malgré leur nombre restreint, soit 0,2% de la population mondiale, environ 14 millions sur 7 milliards d’individus*6. Un tiers des professeurs de la faculté de médecine de l’Université Harvard est de confession juive. 

Les Haïtiens - Où se trouve maintenant notre pays, qui prie matin, midi et soir? Pour répéter Fils-Aimé : « Lundi, c’est la prière pour obtenir un job. Mardi : une invocation pour trouver un mari. Mercredi : une neuvaine pour trouver un visa. Jeudi : une supplication pour guérir une maladie, etc… C’est une véritable loterie nationale, où seulement une minorité gagne. Mais c’est une loterie qui se joue depuis plus de 200 ans ». Mais, écarquillons-nous les yeux! Tabar…!           

Espérance - Cependant, si les pasteurs, ces meneurs d’hommes de chez nous, qui exercent un droit de vie et presque de mort, sur leurs ouailles, n’étaient pas des égoïstes, ils se donneraient tous la main, pour se convertir en nouveaux rédempteurs de leur île qui vogue en somnambule vers la catastrophe. 

Ainsi, avec la masse d’argent récoltée mensuellement, ils auraient pu réaliser de vrais miracles, tels : remanier et adapter la Bible, à la lueur de la spiritualité originale, codifiée, propre aux afro-descendants, s’immiscer dans le social en construisant des hôpitaux, ériger des écoles, des universités pour déchirer la chape de plomb de l’analphabétisme sur leurs disciples, les encourager à ne pas être les lecteurs d’un seul livre, les aider à se recréer, à se réconcilier avec une vision de succès, d’union, d’entraide et d’honnêteté, etc. 

À eux seuls, ils auraient imité les deux entités ci-dessus, pour assurer le développement de leur pays, en harmonie avec leurs propres préceptes moraux et sociaux, documentés à cette fin. Car, les Juifs, tout comme les afro-descendants, représentaient, dans un passé pas trop lointain, les parias de l’Univers. 

Toutefois, il faut déduire que certains de ces guides, souvent sous-instruits, sont loin de penser au bien-être collectif. Dans leur for intérieur, ils appréhendent l’idée des brebis éclairées, qui changeraient de pâturage, de vocation et de position, pour se transmuer à leur tour en concurrents. 

Dans leur optique, au contraire, il faut multiplier le cheptel d’ignorants, sans lever le petit doigt. Plus il y a d’idiots, plus la recette sera mirobolante. N’étant pas suicidaires, ils veulent perpétuer le doux rêve pour ne jamais avoir à dire :

Adieu Château! Adieu grand luxe! Adieu harem! Adieu belle vie …!

Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca

       

NOTE

1 - https://youtu.be/49cwzAXY3Rw - Une chanson écrite par un fermier louisianais et interprétée par Zachary Richard et Julien Clerc.

2 – « Pam pi bon » : expression créole signifiant : « La mienne (mon église) est meilleur »

3 – Src.: Africa-Post News et BBC News-Afrique. Avril 2018

4 – L’étude de la Torah, qu’elle soit individuelle, collective, synagogale ou académique, est centrale dans la société juive traditionnelle dont la hiérarchie se fonde sur le degré d’érudition, lequel est à son tour tributaire de l’investissement dans l’étude.

5 – Src. : Tribune Juive (TJ Info) - du 4 février 2019. Ex-professeur émérite de l’Université d’Ulster.

6 - idem

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