Haiti, enfant pauvre des Amériques |
La
descente aux enfers de notre chère Haïti interpelle tout un chacun. L’année
arrive à sa fin et l’horizon demeure inchangé. Pour ma part, je jette cette
pierre dans la mare avec l’humble intention d’éveiller les consciences. Souhaitons
que cette goutte d’eau s’ajoute aux ruisseaux des supplications pour en faire
une rivière et plus tard un fleuve pour ensemencer nos rêves de changement.
Pour ce, utilisons
l’anagramme1
du mot ESPRIT, en l’occurrence, TRIPES, aux fins de notre plaidoyer. Ce lien
mythique n’est pas un hasard littéraire. La nature fait souvent très bien les
choses. Ces deux mots exercent une certaine pression sur le présent et le futur
d’Haïti. C’est une évidence sur tous les plans : physique, physiologique, psychologique,
naturopathique et environnemental. Dans le règne animal, cette pulsion des
tripes, dénommée la faim, aiguise l’instinct de la bête et le pousse à traquer sa proie. Chez l’homme,
c’est son esprit qui est sollicité pour apporter la correction qui s’impose
selon la planification sociale de son milieu. Ce besoin naturel a pourtant, d’une
manière ou d’une autre, contribué tantôt à l’avancement, tantôt à la déchéance
du genre humain. Certaines expressions populaires sont venues concrétiser cet
axiome lié à des formules, telles que : ventre affamé n’a point d’oreilles, Sak ki vid pa kanpé etc…
Haiti compte aujourd'hui plus de 10 millions d'habitants |
Un
appel à la réflexion
Suite
à cette introduction, je m’adresse aux bien-pensants, aux visionnaires de
chez-nous, s’il en reste encore. En ce
temps de réflexion, il est venu le moment de saisir les paramètres de la faim
d’un peuple aux abois qui grogne dans sa misère crasse en menaçant de faire flèche
de tout bois pour survivre. À visionner certaines vidéos que je vous invite
ardemment à regarder, à entendre les vociférations de l’affamé contre le groupe
dominant, je tremble d’effroi. (Voir en fin de texte). La faim a-t-elle déjà dégradé
son esprit au point de frôler la démence? Dans ses hurlements revient toujours
ce sempiternel refrain de faire payer à certains leur honteuse prospérité. Ne
le prenez pas pour du délire démagogique. Quand les TRIPES sont torturées par
le vide, l’ESPRIT en paie le prix. Les angles sont déformés et la réalité se
métamorphose en mirage, d’où la naissance d’un possible vengeur, criminel,
terroriste... Affublez-le du nom que vous voulez, la réalité est à vos portes.
Déni
et irresponsabilité
Individuellement,
vous allez crier que vous n’êtes pas responsable de ce drame humain. Cela est d’autant
plus vrai lorsqu’on joue avec les alibis de l’égoïsme et de l’hypocrisie. Mais
collectivement, vous faites partie de la classe dont l’aisance est un
ahurissant privilège. Vous êtes en complicité avec le mal. Vous avez, entre vos
mains, la richesse, le savoir, le pouvoir, les relations et tous les accessoires
de la réussite. Donc, aux yeux du « ventre
ronflant », vous êtes tous coupables
par association. Le bien pensant ne vous culpabilise point, loin de là. Mais la
faim a manipulé l’esprit de « l’autre »,
l’inassouvi, le détraqué et votre image se reflète dans son rétroviseur. Le
danger vous guette.
Haiti est l'un des pays des grandes Antilles |
Par conséquent, ne
lui laissez pas surtout la chance, de dresser le gibet collectif et de vous y
pendre, de justifier son crime en parodiant le poète angolais, Armando
Guebusa : « Il y a un
message de justice dans chaque balle que je tire ». Au plus pressant,
trouvez une solution en changeant le cours des choses. Extrayez de votre âme le
faux mépris que vous semblez éprouver pour le plus pauvre en regard d’un raisonnement
défaillant et obsolète. Il est presque trop tard. Le monde entier compte sur
votre bonne foi pour que, en cet instant précis : « Tous ceux qui tournent le regard vers cette moitié d’île, avec
respect et bienveillance, retrouvent en vous les dignes descendants de ces
géants de tous les talents qui, à chaque génération, ont sculpté, dans le
granit de la mémoire du monde, les contours d’Ayti, terre de liberté et de
fraternité ». (Christiane Taubira)3
A
voir les prisons du pays, surpeuplées de ces pauvres hères qui ont péché par
nécessité, vous ne pouvez continuer à évoluer dans cette indifférence
monstrueuse, pendant qu’autour de vous subsiste un véritable camp
d’extermination. Il faut changer la donne avant qu’Haïti ne soit synonyme de Rwanda.
Port-au-Prince a déjà sans doute perdu sa signature pour s’appeler aujourd’hui Port-au-Gang, tant les coupe-gorges pullulent,
non seulement dans les bas-fonds, mais partout sur son territoire. En réalité,
les affamés s’organisent sur tous les plans pour survivre, pour prendre leur
revanche aussi, selon les diktats de leurs TRIPES sur leur ESPRIT. D’ailleurs,
autour d’eux, ils vivent les conséquences de la malnutrition quand ils voient leur
progéniture, leurs proches terrassés par des maux, dûs à des carences
nutritionnelles telles le Kwashiorkor, la cécité, le béribéri4,
le scorbut et le rachitisme… L’heure est très grave.
Une douzaine de bandits arrêtés par la police de Petit
Goâve 15 Mars, 2016
Le
problème et les sources de solutions
Avant
toute chose, faites connaissance avec les causes de la faim. Suivant des
recherches exhaustives, j’en ai trouvé deux pour Haïti : La faim structurelle et la faim conjoncturelle 5. En détaillant ces
deux particularités, vous pouvez y trouver facilement les solutions adéquates pour
guérir ce mal qui afflige la nation. En passant, ne cherchez pas, non plus, à
acculer les générations précédentes qui n’auraient comme seul tort que de vous
avoir devancés, mais, essayez plutôt de déterminer leurs errements et les
vôtres aux fins de parvenir à saisir le nouveau paradigme pour une correction
intelligente et définitive. Armez-vous seulement d’une parcelle de conscience,
tout en misant sur les vertus d’un dialogue politique et social actif, franc,
mais respectueux, sans arrière-pensée, pour renverser l’ordre établi.
La Faim structurelle a pour
cause l’économie à laquelle se greffent les causes sociales et politiques.
« Elle est une situation permanente
causée par la société qui a un système inadéquat de répartition de la richesse.
Lentement elle détruit la santé, l’état physique et la vie des personnes
pauvres5 ».
La corruption, le népotisme, la
concussion, l’instabilité politique, l’émolument des fonctionnaires versé aux
trois mois ou plus, la fraude fiscale, la croissance démographique galopante en
opposition au malthusianisme6,
la sous-production alimentaire, les mauvaises décisions des gouvernants, etc…
demeurent les prémices à corriger d’entrée de jeu. « En ayant une stabilité politique fragile, il y a
fatalement une mauvaise organisation, une mauvaise coordination pour pouvoir
développer le pays. C'est un cercle dont il est difficile de sortir ».
La Faim conjoncturelle, c’est la nature
propre d’Haïti, dont la disette est le
synonyme, en corrélation avec les évènements prévisibles qui y sévissent assez
régulièrement, tels qu’un ouragan, une sécheresse, un tremblement de terre, une
inondation et bien d’autres catastrophes naturelles.
Malgré les causes conjoncturelles, nous
pouvons ajouter que les causes structurelles font plus de tort au pays et elles
s’avèrent plus faciles à corriger, dépendant de la bonne foi des acteurs en
lice.
À travers une émission de Radio Canada, Gilles
Gougeon raconte l'histoire d'Haïti et explique l'origine des crises qu'a connu
ce pays, classé parmi les plus pauvres du monde.
Vous êtes tous
condamnés à solutionner le cas de cette pauvreté statutaire. Quand un frère,
quelle que soit sa couleur ou sa position sociale, se fait dévorer par les affres
de la faim, c’est votre dignité qui en prend pour son rhume, même en jouant à
l’autruche. Et la faim n’est pas l’unique corollaire. Tout va de mal en pis. Le
désespoir a une nation et la malpropreté
une capitale. On demeure avec l’impression que chaque rue se démène pour
participer au « championnat Olympique national » des plus gros monticules de déchets
et qu’on s’apprête à couronner le vainqueur de fleurs aux relents de pourriture.
C’est un constat navrant. La population se multiplie à vue d’œil. Le chômage
est endémique. La bombe est amorcée depuis belle lurette. Le tic-tac est
agaçant. Qui va le stopper avant la minute fatale ? Seul Dieu le sait pour
le moment.
Pour conclure avec
une autre anagramme, je vous conjure d’être le Soigneur qui apportera la Guérison
aux affligés d’Haïti pour l’année 2017. C’est un devoir qui vous incombe. Car, comme
me le soulignait l’écrivain jérémien, le Dr. Jean-Robert Léonidas7,
suite au cyclone Matthew, dans ses souhaits pour les fêtes de fin d’année,
« Même si on est béni au singulier,
on souffre au pluriel en solidarité avec les plus démunis ». Et c’est
çà la réalité !
Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca
Note 1 : Une
anagramme – (renversement
de lettres) – est une construction fondée sur une figure de style qui inverse
ou permute les lettres d'un mot ou d'un groupe de mots pour en extraire un sens
ou un mot nouveau ».(Wikipédia).
Note 2 : Ignacio
Ramonet : sémiologue et journaliste. Ancien directeur du mensuel « Le
monde Diplomatique ».
Note 3 :
Christiane Taubira, ex-député et ex-garde des sceaux en France, dans sa lettre au peuple Haïtien pour ses 200 ans d’indépendance
le 1er janvier 2004
Note 4 : Le béribéri est une maladie
causée par un déficit en vitamine B1, qui provoque une insuffisance cardiaque
et des troubles neurologiques… Le béribéri était autrefois très
répandu chez les peuples d'Asie qui se nourrissaient exclusivement de riz
décortiqué (alors que la cuticule du riz contient précisément de la
vitamine B1). (Wikipédia)
Note 5 : Action Faim : « Les
causes de la faim dans le monde ».
Note 6 : La théorie de la
population la plus connue est le malthusianisme. Il s'agit d'une doctrine
inspirée par l'économiste anglais Thomas Malthus (1766-1834) qui prône une
limitation volontaire de la population. Le point de départ de Malthus était que
la population augmentait beaucoup plus rapidement que la production agricole,
ce qui devait conduire à la misère et aux décès les plus pauvres. (Google).
Note 7 : Médecin, écrivain, poète et romancier, Jean-Robert
Léonidas est un passionné des lettres. « La médecine est son épouse et la
littérature sa maîtresse » dit Joël Desrosiers, lui-même médecin, écrivain
et poète.