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Friday, December 30, 2016

Haïti - Pour en finir avec la cécité volontaire



Haiti, enfant pauvre  des Amériques
Par Max Dorismond

            La descente aux enfers de notre chère Haïti interpelle tout un chacun. L’année arrive à sa fin et l’horizon demeure inchangé. Pour ma part, je jette cette pierre dans la mare avec l’humble intention d’éveiller les consciences. Souhaitons que cette goutte d’eau s’ajoute aux ruisseaux des supplications pour en faire une rivière et plus tard un fleuve pour ensemencer nos rêves de changement.

Pour ce, utilisons l’anagramme1 du mot ESPRIT, en l’occurrence, TRIPES, aux fins de notre plaidoyer. Ce lien mythique n’est pas un hasard littéraire. La nature fait souvent très bien les choses. Ces deux mots exercent une certaine pression sur le présent et le futur d’Haïti. C’est une évidence sur tous les plans : physique, physiologique, psychologique, naturopathique et environnemental. Dans le règne animal, cette pulsion des tripes, dénommée la faim, aiguise l’instinct de la bête et le  pousse à traquer sa proie. Chez l’homme, c’est son esprit qui est sollicité pour apporter la correction qui s’impose selon la planification sociale de son milieu. Ce besoin naturel a pourtant, d’une manière ou d’une autre, contribué tantôt à l’avancement, tantôt à la déchéance du genre humain. Certaines expressions populaires sont venues concrétiser cet axiome lié à des formules, telles que : ventre affamé n’a point d’oreilles, Sak ki vid pa kanpé etc…

Haiti compte aujourd'hui plus de 10 millions d'habitants
             Le désir de satisfaire ce besoin primaire constitue la cause immédiate de cet exode massif de la population de l’arrière pays vers les villes, d’où le résultat d’une insécurité galopante et un dégoût affiché de la classe possédante. Ce qui détruit tout espoir de cohésion sociale et d’entente cordiale. Ignorer les conséquences de cette pulsion en cas de fureur sectorielle, c’est jouer à la tartufferie. La pression de cet état de fait risque d’éclater à son paroxysme. Aucun matériel ne peut la compresser. C’est de la physique primaire. Et ce qui est insoupçonné dans de pareilles situations, c’est que, pour parodier le célèbre Ignacio Ramonet2 « dans un affrontement entre le fort et le fou, celui-ci, par son imprévisibilité et son irrationalité, l’emporte le plus souvent ».

Un appel à la réflexion
            Suite à cette introduction, je m’adresse aux bien-pensants, aux visionnaires de chez-nous,  s’il en reste encore. En ce temps de réflexion, il est venu le moment de saisir les paramètres de la faim d’un peuple aux abois qui grogne dans sa misère crasse en menaçant de faire flèche de tout bois pour survivre. À visionner certaines vidéos que je vous invite ardemment à regarder, à entendre les vociférations de l’affamé contre le groupe dominant, je tremble d’effroi. (Voir en fin de texte). La faim a-t-elle déjà dégradé son esprit au point de frôler la démence? Dans ses hurlements revient toujours ce sempiternel refrain de faire payer à certains leur honteuse prospérité. Ne le prenez pas pour du délire démagogique. Quand les TRIPES sont torturées par le vide, l’ESPRIT en paie le prix. Les angles sont déformés et la réalité se métamorphose en mirage, d’où la naissance d’un possible vengeur, criminel, terroriste... Affublez-le du nom que vous voulez, la réalité est à vos portes.

Déni et irresponsabilité
            Individuellement, vous allez crier que vous n’êtes pas responsable de ce drame humain. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on joue avec les alibis de l’égoïsme et de l’hypocrisie. Mais collectivement, vous faites partie de la classe dont l’aisance est un ahurissant privilège. Vous êtes en complicité avec le mal. Vous avez, entre vos mains, la richesse, le savoir, le pouvoir, les relations et tous les accessoires de la réussite. Donc, aux yeux du « ventre ronflant », vous êtes  tous coupables par association. Le bien pensant ne vous culpabilise point, loin de là. Mais la faim a manipulé l’esprit de « l’autre », l’inassouvi, le détraqué et votre image se reflète dans son rétroviseur. Le danger vous guette.

Haiti est l'un des pays des grandes Antilles
Par conséquent, ne lui laissez pas surtout la chance, de dresser le gibet collectif et de vous y pendre, de justifier son crime en parodiant le poète angolais, Armando Guebusa : « Il y a un message de justice dans chaque balle que je tire ». Au plus pressant, trouvez une solution en changeant le cours des choses. Extrayez de votre âme le faux mépris que vous semblez éprouver pour le plus pauvre en regard d’un raisonnement défaillant et obsolète. Il est presque trop tard. Le monde entier compte sur votre bonne foi pour que, en cet instant précis : «  Tous ceux qui tournent le regard vers cette moitié d’île, avec respect et bienveillance, retrouvent en vous les dignes descendants de ces géants de tous les talents qui, à chaque génération, ont sculpté, dans le granit de la mémoire du monde, les contours d’Ayti, terre de liberté et de fraternité ». (Christiane Taubira)3

            A voir les prisons du pays, surpeuplées de ces pauvres hères qui ont péché par nécessité, vous ne pouvez continuer à évoluer dans cette indifférence monstrueuse, pendant qu’autour de vous subsiste un véritable camp d’extermination. Il faut changer la donne avant qu’Haïti ne soit synonyme de Rwanda. Port-au-Prince a déjà sans doute perdu sa signature pour s’appeler aujourd’hui Port-au-Gang, tant les coupe-gorges pullulent, non seulement dans les bas-fonds, mais partout sur son territoire. En réalité, les affamés s’organisent sur tous les plans pour survivre, pour prendre leur revanche aussi, selon les diktats de leurs TRIPES sur leur ESPRIT. D’ailleurs, autour d’eux, ils vivent les conséquences de la malnutrition quand ils voient leur progéniture, leurs proches terrassés par des maux, dûs à des carences nutritionnelles telles le Kwashiorkor, la cécité, le béribéri4, le scorbut et le rachitisme… L’heure est très grave.

Une douzaine de bandits arrêtés par la police de Petit Goâve 15 Mars, 2016

Le problème et les sources de solutions
            Avant toute chose, faites connaissance avec les causes de la faim. Suivant des recherches exhaustives, j’en ai trouvé deux pour Haïti : La faim structurelle et la faim conjoncturelle 5. En détaillant ces deux particularités, vous pouvez y trouver facilement les solutions adéquates pour guérir ce mal qui afflige la nation. En passant, ne cherchez pas, non plus, à acculer les générations précédentes qui n’auraient comme seul tort que de vous avoir devancés, mais, essayez plutôt de déterminer leurs errements et les vôtres aux fins de parvenir à saisir le nouveau paradigme pour une correction intelligente et définitive. Armez-vous seulement d’une parcelle de conscience, tout en misant sur les vertus d’un dialogue politique et social actif, franc, mais respectueux, sans arrière-pensée,  pour renverser l’ordre établi.

              La Faim structurelle a pour cause l’économie à laquelle se greffent les causes sociales et politiques. « Elle est une situation permanente causée par la société qui a un système inadéquat de répartition de la richesse. Lentement elle détruit la santé, l’état physique et la vie des personnes pauvres5 ». La corruption,  le népotisme, la concussion, l’instabilité politique, l’émolument des fonctionnaires versé aux trois mois ou plus, la fraude fiscale, la croissance démographique galopante en opposition au  malthusianisme6, la sous-production alimentaire, les mauvaises décisions des gouvernants, etc… demeurent les prémices à corriger d’entrée de jeu. « En ayant une stabilité politique fragile, il y a fatalement une mauvaise organisation, une mauvaise coordination pour pouvoir développer le pays. C'est un cercle dont il est difficile de sortir ».

La Faim conjoncturelle, c’est la nature propre d’Haïti, dont la disette  est le synonyme, en corrélation avec les évènements prévisibles qui y sévissent assez régulièrement, tels qu’un ouragan, une sécheresse, un tremblement de terre, une inondation et bien d’autres catastrophes naturelles.

 Malgré les causes conjoncturelles, nous pouvons ajouter que les causes structurelles font plus de tort au pays et elles s’avèrent plus faciles à corriger, dépendant de la bonne foi des acteurs en lice.

 À travers une émission de Radio Canada, Gilles Gougeon raconte l'histoire d'Haïti et explique l'origine des crises qu'a connu ce pays, classé parmi les plus pauvres du monde.


La condamnation collective
Vous êtes tous condamnés à solutionner le cas de cette pauvreté statutaire. Quand un frère, quelle que soit sa couleur ou sa position sociale, se fait dévorer par les affres de la faim, c’est votre dignité qui en prend pour son rhume, même en jouant à l’autruche. Et la faim n’est pas l’unique corollaire. Tout va de mal en pis. Le désespoir a une nation et la malpropreté  une capitale. On demeure avec l’impression que chaque rue se démène pour participer au « championnat Olympique national » des plus gros monticules de déchets et qu’on s’apprête à couronner le vainqueur de fleurs aux relents de pourriture. C’est un constat navrant. La population se multiplie à vue d’œil. Le chômage est endémique. La bombe est amorcée depuis belle lurette. Le tic-tac est agaçant. Qui va le stopper avant la minute fatale ? Seul Dieu le sait pour le moment.

Pour conclure avec une autre anagramme, je vous conjure d’être le Soigneur qui apportera la Guérison aux affligés d’Haïti pour l’année 2017. C’est un devoir qui vous incombe. Car, comme me le soulignait l’écrivain jérémien, le Dr. Jean-Robert Léonidas7, suite au cyclone Matthew, dans ses souhaits pour les fêtes de fin d’année, «  Même si on est béni au singulier, on souffre au pluriel en solidarité avec les plus démunis ». Et c’est çà la réalité !

Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca


Bibliographie:
Note 1 : Une anagramme (renversement de lettres) – est une construction fondée sur une figure de style qui inverse ou permute les lettres d'un mot ou d'un groupe de mots pour en extraire un sens ou un mot nouveau ».(Wikipédia).

Note 2 : Ignacio Ramonet : sémiologue et journaliste. Ancien directeur du mensuel « Le monde Diplomatique ».

Note 3 : Christiane Taubira, ex-député et ex-garde des sceaux en France, dans sa lettre au peuple Haïtien pour ses 200 ans d’indépendance le 1er janvier 2004

Note 4 : Le béribéri est une maladie causée par un déficit en vitamine B1, qui provoque une insuffisance cardiaque et des troubles neurologiques… Le béribéri était autrefois très répandu chez les peuples d'Asie qui se nourrissaient exclusivement de riz décortiqué (alors que la cuticule du riz contient précisément de la vitamine B1). (Wikipédia)

Note 5 : Action Faim : « Les causes de la faim dans le monde ».

Note 6 :  La théorie de la population la plus connue est le malthusianisme. Il s'agit d'une doctrine inspirée par l'économiste anglais Thomas Malthus (1766-1834) qui prône une limitation volontaire de la population. Le point de départ de Malthus était que la population augmentait beaucoup plus rapidement que la production agricole, ce qui devait conduire à la misère et aux décès les plus pauvres. (Google).

Note 7 : Médecin, écrivain, poète et romancier, Jean-Robert Léonidas est un passionné des lettres. « La médecine est son épouse et la littérature sa maîtresse » dit Joël Desrosiers, lui-même médecin, écrivain et poète.


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