Repères de la mémoire
Toile de Mérès Weche Tragédie du roi Henry Cliquez pour agrandir |
Puisqu’il faut parler peinture, nous dirons que si la grande
majorité des peintres haïtiens viennent du Nord, il faut rendre un hommage
certain au roi Henry qui fit venir au Cap le
peintre anglais Richard Evans pour enseigner la peinture et le dessin à
l’Académie royale. On doit à ce peintre le célèbre portrait du roi qui fait
partie aujourd’hui de notre patrimoine national. On peut dire que c’est
toute une tradition bien gardée qui est à l’origine de la fameuse «École
capoise» que symbolisent les frères Obin.
Nelson Mandela peint en acrylique sur toile par l'écrivain Mérès Weche |
En ce qui concerne la
peinture proprement dite, qui fut enseignée dans le Pensionnat de jeunes filles
instauré dans la ville de Jérémie par l’Administration Pétion, elle fut davantage à la portée de
celles-là qui fréquentaient l’institution des Sœurs de la Sagesse, très
sélective évidemment, dont l’objectif consistait á former des femmes
d’intérieur initiées aux arts d’agrément. De belles reproductions de peintures
européennes garnissaient les salons de la haute bourgeoisie de la haute ville.
On en voyait chez les Villedrouin, les Allen, les Martineau, les Laveaux, etc.,
toutes des adaptations réalisées par des «filles de famille».
Une toile de Tiga |
Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, particulièrement
sous les gouvernements de Salomon, d’Hyppolite et de Nord Alexis, des bourses
furent octroyées à de jeunes gens pour se spécialiser dans les arts en Europe.
Au pays même, beaucoup d’autres, grâce aux efforts de leurs parents, acquirent
des connaissances sous la houlette d'un Normil Charles ou d'un Lominy, par
exemple.
Poète Edmond Laforest (Toile de Méres Weche) |
Les œuvres de peintres cubains arrivés en Haïti vers 1945-46, en l’occurrence Wifredo Lam, ouvrirent l’art haïtien au surréalisme et au cubisme. Certains jeunes peintres d’origine jérémienne, pour la plupart revenus de l’étranger ou gagnés par l’enthousiasme du Centre d’Art, et plus tard Galerie Brochette , Foyer des Arts Plastiques et Calfou, s’éprirent de la grande fascination apportée par le vodou. Ainsi, Jean-Claude Garoute (Tiga) et Patrick Vilaire se retrouveront dans cette mouvance au sein du Poto-Mitan, en compagnie de Frido Casimir.
Le
coeur du Sud - Toile de Jacques
St-Surin symboli
sant la Grand'Anse qui jusqu'aujourd'hui produit pres
que tous les vivres agricoles d'Haïti.
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Au cours des années 60, à Jérémie même, s’affirmaient Éric
Girault, Vernet Caze, Wébert Lamour et un des frères Dupoux au haut de Morne
Canova. Aidés de Wébert Lamour, de jeunes talents commençaient à s’affirmer
dans la ville, parmi lesquels Fritz Edouard Joseph (Dada), Gladys Chevalier et
moi. Viendront ensuite Jacques Saint-Surin et Marc Chanlatte, ce
dernier, venu de Jacmel. Il se développait dès lors un engouement pour
l’architecture de l’église Saint-Louis, la
gorge de l’Anse d’Azur, le promontoire de La Pointe, la beauté gracile de la
petite Amélie et le Lycée Nord Alexis nouvellement reconstruit à
Nan-Bourette. Encouragé par Antoine Jean du Soleil Levant, Élie Lestage et
Antoine Roumer, je faisais des cartes de souhaits qui s’écoulaient à merveille.
Les murs d’intérieur de chez nous, au 54 de la rue Monseigneur Beaugé,
se convertissaient en murales, et la galerie même de la maison tenait lieu
d’espace d’exposition avec ces cartes de vœux étendues sur des cordes. Je
me souviens d’Hubert Sansaricq ,
lui aussi peintre, qui me fit don de ma première boite d’aquarelle. J’ai eu
personnellement l’honneur de rafraichir, à la demande d’Antoine Jean, la murale
de fond de Versailles préalablement peinte par Vernet Caze, le plus âgé d’entre
nous.
Les figures de proue
Les quatre figures jérémiennes les plus proéminentes de la
peinture haïtienne demeurent, à l’échelle nationale et internationale,
Patrick Vilaire, Érick Girault , Jean-Claude Garoute dit Tiga et
Fravrange Valcin alias Valcin II. Ces deux derniers m’ont voué une amitié
profonde pour m’avoir invité à exposer avec eux. Valcin II, dans les jardins de
Galerie Marassa, et Tiga dans son inoubliable exposition Noir sur Blanc à
Pétion-Ville. Je leur dois une fière chandelle. Quant à Girault, il m’assista à
Linden Boulevard, Queens, lors
d’une exposition organisée à New York, en
1982, sous les auspices du Dr. Jean-Robert Léonidas. Il est à noter que le grand sculpteur en bois, connu sous le nom
de Sanon, aux abords de la route de Thomassin, est originaire de Roseaux, près
de Jérémie.
Par Mérès Weche |
1.
Michel-Philippe Lerebours, Haïti, au toit de la Grande Arche,
Paris, France, 1998.pp.27-3
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