Pages

Pages

Sunday, April 19, 2020

Carlier Guillard nous tire sa révérence

Carlier Guillard


Alors c'est fini! La vie est fermée, l'avenir clos. Il le fait le jour de la plus divine des fêtes chrétiennes, ce dimanche de Pâques. Il le fait au beau milieu de ce spleen, ce marasme, ce confinement morbide qui cloue tout le monde au foyer. La nouvelle, un coup soudain et effroyable, circule librement comme une onde parmi les Jérémiens, les anciens du Collège Saint-Louis où il a étudié de la 6e à la rhéto. Une vieille amitié, une longue histoire défile tout à coup devant moi comme un film continu et incontrôlable. Ce n'est pas le moment de remuer les cendres de cette amitié plus qu'à moitié séculaire ni de garder complètement le silence quand on peut donner un peu de lumière sur cet homme en qui cohabitent deux êtres distincts et complémentaires.

Dire que sa vie est composée de faiblesse et de force, dire que ce n’est pas toujours un homme conformiste qui se laisse enchaîner par des lois trop nombreuses, les rites, les normes et les codes; ce n'est pas lui faire un procès, c'est le définir. Face à de fortes secousses, de fortes souffrances, il a tendance à s’emporter comme gladiateur dans l’arène, aux rétorques saccadées, lancées du tac au tac, tac-tac. D'une obstination têtue, défensif, réactif, il passe dans certains milieux pour une personnalité difficile ; ce qui aveugle sur la bienveillance de son cœur et sur la grandeur de tant de menus actes accomplis sans profit au bénéfice d’autrui.

Sitôt le courriel du décès reçu, un désir instinctif, irrésistible, me pousse à sauter sur le téléphone, joindre en Haïti un ami commun pour décoder cet être original, singulier pour qui la famille, l'amitié, la solidarité, la fraternité sont les seuls piliers du bonheur, une dimension essentielle de son être. Un homme attentif aux joies, aux espoirs, aux tristesses, aux angoisses de ceux qui l'entourent. Il est aussi estimé, aimé de ceux qui le connaissent bien. Les amis l'aiment pour sa sincérité, son zèle, son piquant, ce goût du zeste d'orange, ce bégaiement même qui lui confère cette image de marque.

Quel vide abyssal!
Je perds ces heures, ces entretiens interminables souvent tard le soir, cette complicité, cette connivence, cette émotion à deux; ce frémissement heureux, ce charme pénétrant, indéfinissable. Notre pays perd un homme exemplaire de générosité, de dévouement envers l'affamé, l’assoiffé, les camarades avec de petites nécessités économiques, des tourments ou des malheurs. Un amour d'humanité qui se transforme en gestes concrets, en gestes qui servent d'exemple.

Mon cher Carlos, ta vie s’achève, ton histoire pas. Tu as donné à l'amitié, la parenté, à Jérémie tant aimée, le total de toi-même. Laisse-moi te redire toute mon affection et toute l'allégresse de t'avoir eu pour ami. Je te souhaite dans l'au-¬delà une vie meilleure, plus joyeuse, sans entrave; une autre vie de paix, de lumière et d'amour.

Pierre Michel Smith
Montréal

2 comments:

  1. Sincères condoléances à sa famille et à ses amis. Nous n'étions pas amis, n'étant pas de la même promotion scolaire mais je le connaissais à Jérémie. Puisse-t-il reposer dans la paix de son Dieu!

    ReplyDelete
    Replies
    1. Jeremien jusqu'à la moelle des os. Il a depensé une bonne partie de sa vie de retraité dans sa ville natale à la recherche du paradis perdu.

      Delete