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Wednesday, May 27, 2020

États-Unis : indignation et manifestations après la mort d'un homme noir lors d'une interpellation

George Floyd, lâchement assassiné par un policier blanc

Lundi, George Floyd, âgé d'une quarantaine d'années, a été plaqué au sol sur le ventre et immobilisé avec un genou sur le cou. Quatre policiers ont été limogés. 

Quatre policiers de Minneapolis ont été limogés mardi après la mort d'un homme noir à la suite d'une arrestation, un drame qui a déclenché la colère dans cette ville du nord des États-Unis.

La famille de George Floyd a dénoncé un usage "excessif et inhumain" de la force et accusé la police de racisme. "Les quatre agents de la police de Minneapolis impliqués dans la mort de George Floyd ont été renvoyés", a annoncé sur Twitter le maire de la ville, Jacob Frey, estimant que "c'était la bonne décision". 
George Floyd plaqué au sol par un policier blanc
l'immobilisant pendant 8 minutes avec un genou
sur le cou.                                                                 
"Être noir aux États-Unis ne devrait pas être une condamnation à mort", a-t-il déclaré auparavant lors d'une conférence de presse, affirmant qu'il était normal que les gens soient en colère. Mardi, des passants se recueillaient et déposaient des fleurs à l'endroit de l'interpellation, alors que d'autres arboraient des affiches implorant la police d'arréter et tuer des Noirs".

La scène, filmée lundi soir pendant dix minutes par une passante sur Facebook Live, montre George Floyd, âgé d'une quarantaine d'années, plaqué au sol sur le ventre par un policier qui l'immobilise avec un genou sur le cou.

L'homme se plaint pendant de longues minutes de ne pas pouvoir respirer et d'avoir mal, tandis que l'agent, un homme blanc, lui dit de rester calme. Un second policier tient à distance les passants qui commencent à s'emporter alors que George Floyd ne bouge plus et semble inconscient.

"Il ne respire plus, il ne bouge plus, prenez son pouls", répète un témoin tandis que les policiers attendent une ambulance qui arrive après plusieurs minutes. Il a été transporté dans un hôpital où il est décédé peu après.

Un porte-parole de la police a affirmé lundi soir que l'homme, qui semblait ivre ou drogué, avait résisté à son interpellation par les agents appelés pour un délit mineur. C'est après l'avoir menotté que l'agent "a réalisé que le suspect souffrait d'une détresse médicale" et appelé une ambulance, a-t-il dit.

Des milliers de manifestants se sont spontanément rassemblées
pour demander justice pour George Floyd .                               
L'affaire rappelle celle d'Eric Garner, un homme noir décédé après avoir été asphyxié lors de son arrestation par des policiers blancs à New York en 2014. L'affaire avait notamment contribué à l'émergence du mouvement Black Lives Matter ("La vie des Noirs compte") et déclenché un mouvement de protestation. D'autres décès d'Afro-Américains aux mains de la police avaient provoqué des émeutes dans le pays. La police de New York et Los Angeles ont aussi interdit les méthodes d'immobilisation controversées, comme le plaquage ventral.

La sénatrice démocrate du Minnesota, Amy Klobuchar, a salué le limogeage des quatre policiers, estimant sur Twitter que c'était "un pas dans la bonne direction". "Justice doit être faite", a souligné l'ex-candidate à la primaire démocrate.

La puissante association des droits civiques ACLU a dénoncé les violences policières "injustifiées" à l'encontre des personnes de couleur alors que les immobilisations par étranglement sont "techniquement interdites". "Le public a vu la vidéo, appelé cela un 'incident.


Ce nouveau drame a déclenché une vague de réactions indignées, notamment de joueurs stars de la NBA comme LeBron James qui a rappelé le mouvement lancé par Colin Kaepernick.

Sources combinées

Publication tardive de HCC à propos du livre du Dr Jean Mathurin

Haïti Connexion Culture ne sait comment s’excuser de cet impair commis avec la perte d’un électrisant texte de Max Dorismond  (soumis le 23 octobre 2019) commentant l’arrivée du livre du Dr Jean. Mathurin, « De Jacmel à Montréal - Au gré des souvenirs du passé ». Le texte a été retracé dans nos archives.

Les vicissitudes de la vie, le hasard des choses, peuvent nous jouer des tours et détours bien malgré nous. Quel impair avons-nous commis, face à ce collaborateur hors du commun, qu’est le Dr  Jean Mathurin, qui ne rate jamais l’occasion de commenter presque toutes les meilleures nouvelles et trouvailles du Web, avec passion, élégance et objectivité. Avec réalisme, notre « grand Max », le bien nommé, a trouvé des mots justes et percutants pour résumer cet écrin de souvenirs qu’est « De Jacmel à Montréal ».

Comme le temps file à toute allure, demande-lui simplement de suspendre son envol pour stopper l’aiguille sur le résumé annoncé tout en présentant l’ouvrage tant attendu aux lecteurs.

Hervé Gilbert

Souvenirs… souvenirs… Jean Mathurin se dévoile. 

Par Max Dorismond 

Partir pour l’exil et jouer sa vie à pile ou face! On se souvient tous de ce dernier regard jeté furtivement par-dessus l’épaule pour immortaliser, une dernière fois, ou mieux, pour enregistrer sur la virtuelle pellicule de la mémoire, notre histoire particulière et personnelle avec ses pointillés. Tous, dans la diaspora, nous avons encore en tête cette ultime seconde, plaintive et muette, impossible à traduire dans aucune langue, pour décrire notre état d’âme, à ce moment précis de laisser définitivement, pour le meilleur ou pour le pire, la terre qui nous a vu naître.

Au pays d’accueil, une cassure s’opère et le temps commence à faire son œuvre de sape. Les hivers s’accumulent, lentement les jours passent et repassent. On s’acharne à butiner comme une abeille pour ériger la base de notre nouvelle vie quand, soudain, notre progéniture née au pays d’adoption manifeste le désir de découvrir le passé de leurs géniteurs.

En effet, dans son innocence immaculée, le fils découvre qu’il lui manque un atome. Le désir de combler ce vide sidéral ne fait qu’un tour dans sa tête. Il se questionne inlassablement. Car, il existe un côté de ses parents qui demeure dans l’ombre, soit leur antécédent vécu dans un ailleurs qu’il ignore royalement. Une antériorité qu’il insiste à sortir, coûte que coûte, dans l’angle mort du débat identitaire, pour sa plénitude émotionnelle, affective et spirituelle. Et ses questions lancinantes nous interpellent profondément.

En fait, nulle diaspora n’y échappe. C’est exactement, cette touchante requête de son fils unique, Patrick, avocat de profession, qui a exhorté notre ami, le Dr Jean Mathurin, à rédiger, malgré lui, ce livre tant désiré, cet opuscule intitulé « De Jacmel à Montréal – au gré des souvenirs du passé », dans lequel il expose, pour la première fois, ses réminiscences laissées sur les contreforts de Jacmel, en guise de cadeau au cher héritier.

C’est un recueil élégamment élaboré, un pur délice, que le public attendait depuis un certain temps. En commentateur avisé, Mathurin nous entretient quotidiennement, sur son blogue, de tout sur l’actualité présente ou passée. Sa passion de dire et de résumer nous apporte chaque jour un brin de fraîcheur dont on ne saurait se passer. Nous le retrouvons aujourd’hui avec son livre, dans la description et dans l’évocation d’une période révolue, à titre de marqueur identitaire.

Dans un style d’une simplicité désarmante, on eût dit qu’il vit encore les évènements décrits, tant son récit palpitant et vivant vient nous chercher dans notre recoin le plus profond. De sa naissance accidentelle, de la vie quotidienne des femmes qui l’ont élevé, de la division érigée en système, et des péripéties idiotes de la microsociété jacmélienne, Mathurin n’a rien négligé. Il nous prend par la main et nous emmène en promenade dans Jacmel et Port-au-Prince, avec des mots d’une autre époque, qui rime avec le calme ambiant et la curiosité d’un enfant surdoué. Rien n’est laissé au hasard, jusqu’à l’âge adulte : ses études de médecine, ses lettres à Sylvie, sa chère moitié, partie étudier au Canada, son exil, son mariage et la naissance de Patrick, etc. C’est un ouvrage qui se lit d’une traite, presque comme un roman d’aventure. C’est un pur délice. Du bon Mathurin!

Ce qui émerge pour notre bonheur dans le récit de Mathurin, c’est le caractère particulier de la vie provinciale. Ayant laissé Haïti à une époque où nous ne pouvions même pas oser penser à jouer au touriste local, c’est à l’étranger que la diaspora a pu découvrir le charme des provinces de chez nous. À bâtons rompus, au hasard des rencontres, ou dans quelques écrits épars, certains nostalgiques nous entraînent parfois dans les méandres de leurs souvenances les plus chères, abandonnées çà et là dans leur coin de paradis. Vision idyllique, certes, mais plaisante pour notre esprit orphelin qui n’en demande pas plus. Mathurin nous l’offre à satiété, en nous faisant découvrir une destination captivante qui nous était étrangère.

Certains pensent que cette littérature provinciale serait très bienvenue en diaspora. J’y souscris, car, sur tous les plans, elle serait utile par son côté pittoresque, touristique, culinaire, coutumier et, plus encore, au niveau politique, par exemple.

Pourquoi politique? En effet, ayant l’histoire en partage, nous avons surtout connu les crimes majeurs qui ont défiguré la capitale durant le règne des Duvalier. Mais les abus dans ces provinces éparpillées, les petits crimes oubliés, ni vus, ni connus, dans ces coins reculés, les gestes déshumanisants de certains macoutes ou militaires imbéciles, seraient inscrits définitivement pour l’éternité et pour l’histoire sur le Web afin que nul n’en ignore.

Docteur Mathurin a brossé sincèrement et succinctement un pan de ce mal qui avait endeuillé sa belle province. Rares sont ceux d’entre nous qui n’avaient pas connaissance d’un camarade emportés durant cette angoissante époque, par cette folie innommable de ce temps maudit et que l’histoire semble négliger. Face à ce passé qui se perd et s’étiole, nous sommes condamnés au devoir de mémoire.

Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca

Tuesday, May 26, 2020

Daniel Fignolé ou le vrai sens des luttes des Pestelois

Daniel Fignolé désigné comme président provisoire le
25 mai 1957, a été destitué 20 jours par un coup d'État
militaire orchestré par le général Antonio Kébreau.     
Pestel porte dans son cœur, le président-fils du terroir Daniel Fignolé (1913_1986) devenu le 38e président d'Haïti à la faveur d’un vaste mouvement populaire en décembre 1956 contre le président Paul Eugène Magloire. Né le 11 novembre 1913 (Wikipédia, Daniel Fignolé), Daniel Fignolé incarne toute la résistance de la communauté pesteloise dont il est issu. Son accession au pouvoir, à 44 ans, le 25 mai 1957 a marqué une étape ultime de la bataille de sa ville natale pour les conquêtes sociales, mais sa lutte reste hélas! inachevée, car malheureusement il n’a pas eu le temps de poser les bases de la refondation du système étatique. Son projet social a pris chair dans toutes les luttes de revendications sociales dans lesquelles s’était engagée sa commune depuis la colonisation française.

L’écrivain haïtien Thomas Madiou disait de Pestel que ce fort naturel conserve des pages d’histoires passionnantes de résistance au pouvoir. Remontons en 1792, 11 ans avant la proclamation de l’indépendance de la République d’Haïti pour rappel de la première grande bataille lorsque les Affranchis ayant à leur tête les frères Lafond chassèrent de la zone les planteurs blancs qui refusèrent d’obtempérer à la loi du 4 avril proclamant l’égalité entre ces deux groupes ethniques (MADIOU, Thomas; Tome I). Cette bataille sera suivie de plusieurs autres dont la fameuse bataille qui eut lieu le 19 janvier 1793 à Fort Lundy, à Desriveaux, 4e section de la commune (Beaubrun Ardouin, études de l’histoire d’Haïti). Au cours de cette bataille, le général André Rigaud perdit Ignace et Jourdain deux de ses plus grands lieutenants qui venaient tout juste de se révéler dans la bataille de Savannah aux États-Unis (ROBIN, Énélus; Abrégé de l’histoire d’Haïti). Cette bataille dirigée par Duperrier et Dubrosse était une réplique du mouvement mené depuis tantôt deux ans par les Planteurs blancs de la Grand'Anse.

Quatre années plus tard, en 1797, eut lieu à Camp Thomas et à Fort Lundy (respectivement 1re et 4e section de la commune de Pestel) une grande bataille entre Rigaud et les Anglais (Thomas Madiou, Tome I). Celle-ci se solda par la défaite de ces derniers dont les troupes étaient commandées par le colonel anglais Peste tué par les soldats de l’armée française aux ordres des officiers affranchis Blanchet et Desfourneau.

La vocation de zone de résistance de Pestel fut renforcée lorsque qu’elle se mit debout au côté du général Goman en 1808 pour contester la politique agraire du président Alexandre Pétion, qui ne voulait qu’accorder de la terre aux généraux mulâtres et noirs, alors que les Pestélois prirent position pour la politique de l’empereur Jean Jacques Dessalines qui souhaitait que les noirs dont les pères sont en Afrique aient un morceau de terre (Thomas Madiou, Tome III).

Pestel,un coin de terre assise dans un écrin de calme et de verdure
Plus tard en 1820, le président Jean Pierre Boyer mata le mouvement de Goman dès son arrivée au pouvoir, ce qui n’empêcha pas Pestel de continuer sa lutte pour le progrès et la justice sociale. Plus loin en 1842, Pestel prit les armes aux côtés de Jean Jacques Acaau et de Rivière Hérard contre le président Boyer accusé ainsi que son équipe de dilapidation des fonds de l’État. C’est dans cette bataille que fut tué le général Lamarre à Lesieur (2e section) par Dorvilier Brunot (Thomas Madiou, Tome VII).

Trahie par les hommes du sud en tête du mouvement de 1843 communément appelé mouvement de Praslin, les Piquets, en 1846, établirent à Pestel leurs mouvements, sous le gouvernement de Jean Baptiste Riché aux fins de poursuivre les revendications (Thomas Madiou, Tome VII) . Battu le 7 avril de la même année par les Cacos, l’élan de ce mouvement y fut complètement brisé. Ce fut à ce moment-là reddition de Pestel dans sa lutte pour la justice sociale.

Pestel devra attendre jusqu’à 1869 ( Ardy Jean Gardy, Sourire Magazine, vol. #7 ) pour reprendre les armes pour ses mêmes causes à savoir l’intégration de la paysannerie et l’éducation pour tous, puis en 1883 (Gustave Vigoureux, 1909) contre le président Lysius Jeune Salomon, et en 1902 contre le président Nord Alexis pour se rallier à la cause de Firmin.

Pestel derrière les île Cayemittes est une destination touristi
que ignorée ayant de jolies plages et de criques scintillantes.
Pestel fit opposition à l’occupation américaine, en 1927 (Lesly Péan, Alterpress, 6 août 2013) sous le leadership de Jean Claude Dubrencourt Lesperance un commandant de la place (nom donné à l’époque au chef de la police de la commune), Pestel a rejoint le mouvement national dit des Piquets dont les revendications voulaient l’accès à la terre pour tous les cultivateurs, l’accès à l’éducation pour les fils des masses défavorisées, justice équitable, emploi pour tous dans un pays souverain.

Avec l’occupation américaine (1915-1934), à un moment où Pestel semblait céder dans sa lutte, est né en 1930, le mouvement nationaliste anti-envahisseur dont Dumarsais Estimé en est devenu le porte-parole. Ce fut durant cette période également que prit naissance le « rouleau compresseur » de Daniel Fignolé député de Port-au-Prince, bien longtemps avant qu’il ne devienne ministre de l’éducation sous la présidence de Dumarsais Estimé en 1950 et président très éphémère en 1957. Pendant ses soixante-cinq (65) jours à la tête de ce ministère de l’éducation, et fidèle à l’idéal social de sa terre natale, il a créé soixante-neuf (69) écoles de différents niveaux dont les lycées Toussaint Louverture et de Jeunes Filles à Port-au-Prince, et un troisième lycée à Hinche (Pharès Pierre, explique-moi Haïti). Son bilan traduit sa volonté manifeste de massifier l’accès à l’éducation, chose chère pour les Pestelois.

Consciente de l’intelligence hors pair de son fils et dans le souci de pousser l’éducation de son fils alors âgé de quatorze ans, sa mère, Léonide Bernard à l’instar de beaucoup d’autres familles pesteloises de l’heure, a dû laisser Pestel pour venir s’installer à Port-au-Prince. À la capitale, il s’épanouit dans le milieu scolaire pour parfaire une instruction de qualité. C’est aussi ce parcours qui l’aurait motivé pour la multiplication d’institutions scolaires tant urbaines que rurales.

Daniel Fignolé expulsé pour l'exil tout de suite
après sa destitution par la soldatesque haitienne
Depuis à l’âge de onze ans, il était un fin observateur des rivalités politiques opposant les Gilles aux autres familles dominantes de son bourg à savoir les Chéron, les Bernard, et les Lesperance pour le contrôle de l’espace politique. Son esprit a probablement gardé en vie les séquelles des élections municipales 1924 dont il était témoin opposant Ney Delorme Gilles à son sous-cousin Léonce Bernard qui devint plus tard un homme fort de son entourage politique. C’est de là qu’il a pris goût pour la politique.

Conscience noire, Mouvement ouvrier, orateur hors pair, Daniel Fignolé contribuera au mouvement syndical dans le pays, en Pestélois authentique qui prend à cœur les mauvaises conditions de vie des ouvriers dans les usines et dans les entreprises. Comme tel, il déclara le 25 février 1946: « On sait la part active que j’ai prise aux événements. On sait qu’au lieu de réclamer des satisfactions personnelles, je préférai tenter une Révolution en profondeur, dans le sens du changement de la mentalité du peuple et de la classe dirigeante. Je proposai des institutions avancées. » Pour cette cause, il fut emprisonné sur ordre du président Paul Eugène Magloire. Rappelons-nous que la création de son premier syndicat datait de 1946, ce fut à Hasco Sugar Company.

Daniel Fignolé lors de son retour d'exil
en Haïti (1986), 5 mois avant sa mort   
Bien que descendant de l’élite pestéloise, il n’a pas adhéré à leur statut de privilégiés sociaux. Ses discours virulents contre la bourgeoisie étaient connus et publiés dans son journal appelé « Chantiers ». Son combat pour les causes et préoccupations des populations marginalisées lui a valu brutalité policière, emprisonnement et suppression de son poste d’enseignant sous la présidence d’Élie Lescot. Pour n’avoir pas renoncé à sa conviction, il se fit emprisonné en 1954 par le président Paul Eugène Magloire.

Gauchiste et défendeur des causes de la masse, l’administration américaine en ce temps-là présidée par D. Eisenhower refusa de reconnaître le gouvernement Fignolé, dont le programme politique était considéré comme « comparable avec les Soviétiques .» Eisenhower le fit passer pour un autre « Arbenz », se référant au président social-démocrate du Guatemala (Wikipédia, Daniel Fignolé). Il fut remplacé au pouvoir par un certain Dr Francois Duvalier, et l’histoire connait la suite.

Daniel Fignolé, fondateur et président du très populaire « Mouvement Ouvrier Paysan » ou MOP) et plus tard, parti politique, a toujours fait montre d’une détermination farouche pour renverser le projet social de l’époque post occupation américaine, jugée antinationale. Sa fougue a valu cette belle déclaration de Marc Bazin : « nul n’a su mieux que lui, incarner et exprimer, tout au long de la période, les aspirations de notre peuple à la justice et à la dignité ». Le brillant professeur fut brutalement écarté du pouvoir le 14 juin 1957 après seulement 19 jours au timon des affaires, privant ainsi le pays et Pestel de changements sociopolitiques en profondeur qu’il prônait en faveur des masses. Pestel porte encore le deuil de son enfant terrible et prend son mal en patience. Le coup d’État perpétré contre lui a sorti Pestel de la scène politique comme bastion des luttes pour la justice sociale.


James St-Germain, auteur

 Illustrations:HCC


Notes bibliographiques
Article de Ady Jean Gardy (Pestel une merveille au cœur de la Grand ‘Anse) paru dans Sourire Magazine, vol. #7, Bibliothèque Nationale d’Haïti, pp4-6
Article de Jean Claude Fignole (Pestel entre souvenirs et perspectives) paru dans Magazine Raj, #15, Destination Grand ‘Anse, Juillet 2013. PP52-54. 
Pestel, texte de Alain Bosman, Antoine Gilles
ARDOUIN, Beaubrun, études de l'histoire d'Haït, 1853.
MADIOU, Thomas: Histoire d’Haiti (1811-1818). Tome V. Ed. Deschamps
MADIOU, Thomas: Histoire d’Haiti (1803-1807). Tome III. Ed. Deschamps.
MADIOU, Thomas: Histoire d’Haïti (1492-1799). Tome I. Ed. Deschamps.
MADIOU, Thomas: Histoire d’Haïti (1827-1843). Tome VII. Ed. Deschamps. 
ROBIN, Énélus: Abrégé de l’histoire d’Haïti. 1874. 252p
VIGOUREUX, Gustave : l’année terrible ou 1883 a Jérémie. Imp. Du centenaire, 1909.
HECTOR, Michel, mouvements populaires et sortie de crise (XIX-XXème siècles) OpenEdition, journals en ligne 
PIERRE, Pharès, explique

* un grand merci à Madame Margareth (Maggy) Desilier de m'avoir aidé dans la recherche et la production de ce texte

Thursday, May 21, 2020

Pour célébrer la vie de Maurice Sixto

Par:Mérès Weche

Maurice Sixto (23 mai 1919 - 12 mai 1984)
Le 23 mai prochain va ramener la date de naissance du grand champion de l´oralité créole haïtienne, Maurice Sixto.  S´il vivait encore, il aurait 101 ans à cette date, pour être né le 23 mai 1919.  Fils de l’ingénieur Alfredo Sixto et de son épouse Maria Bourand, Maurice Sixto est né aux Gonaïves, le 23 mai 1919. Côté paternel, il est le petit-fils d´Adolphe Sixto, originaire des Ȋles Vierges, dans l’archipel des Petites Antilles. Côté maternel, son aïeul c´est bien le Baron de Vastey, de même souche parentale qu´Oswald Durand et Alexandre Dumas, car sa mère Maria est de Vastey de naissance. Mon ami Sérant m´a donc offert, avec Maurice Sixto, le troisième côté qui me manquait pour construire ce beau triangle d´hommes célèbres partageant un même ADN.

Après de brillantes études primaires chez les Frères de l’Instruction chrétienne de sa ville natale, Maurice Sixto sera automatiquement reçu à l’institution Saint-Louis-de-Gonzague, à Port-au-Prince, appartenant à la même congrégation religieuse. Dans sa biographie, écrite par la Fondation Maurice Sixto, organisme qui fait la promotion de son œuvre, depuis au moins une douzaine d’années, à travers des célébrations, au pays comme à l’étranger, je retiens cette anecdote qui me fait croire qu´en arrière de cet humaniste, sensible au sort des petites gens, se cachait un aristocrate. J´ai lu ceci dans ladite biographieː“ en subissant les épreuves du baccalauréat, un de ses examinateurs, Luc Grimard, étonné de son intelligence, lui fit la questionː d'où venez-vous, jeune hommeɁ Maurice Sixto répondit fièrementː “ des Gonaïves, je suis le petit-fils d´Alice de Vastey“. Et Luc Grimard d’ajouterː “ sous cette combinaison, je vois le Baron“. De là, je rejoins ce penseur qui eut à direː “ il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la vertu“. Dans tout jugement, comme dans toute vision, il faut de la distance pour ne pas être aveuglé. Sixto était bien placé socialement pour tout “voir“ avec les yeux de son âme sensible de poète, beaucoup mieux même que s´il pouvait utiliser ses yeux de chair. C´est la raison pour laquelle je ne le représente pas avec des lunettes noires, car il ne les portait que comme barrière psychologique entre son regard et celui de cette société qu´il dépeignait d´un oral inégalable.



Maurice Sixto, dans ses volumes audios " Choses et gens en
tendues" décrit nos moeurs, nos hypocrisies, notre vie mon
daine dans les salons huppés jusqu'aux bidonvilles. 
            
Je me prive d’élaborer longuement sur sa carrière professionnelle de traducteur et de porte-parole diplomatique, pour plutôt peindre son panorama de créateur hors du commun. Auteur d´une trentaine de savoureux récits sur la vie haïtienne de tous les jours, retraçant, à la manière des romanciers de La Ronde, les traits caractéristiques de notre société, Maurice Sixto s´est révélé un observateur impénitent de nos mœurs, dans ce qu´elles ont de plus répugnant et de plus acrimonieux. Son tout premier tableau, “Léya Kokoyé“, suivi de “ Bòs Chabran“ formant le premier volume de sa vaste créativité, Maurice Sixto abondera dans des scènes, les unes plus typiques que les autres, “ que lorsqu’on vient d´en rire on devait en pleurer “ . Combinant en lui seul le génie d´un La Fontaine et celui d´un Molière, on peut dire que son théâtre, nourri de la saveur et de l’imagerie de la langue créole, va au-delà de ces superstructures classiques, pour être inspiré de la matrice même du peuple haïtien, dans toutes ses composantes sociales. Sixto a pu sucer la substantifique moelle de l´oralité haïtienne, pour en tirer ce “suc“ qui donne un goût particulier à ses récits. Qui peut résister à l´envie d’écouter et de réécouter “ Zabèlbôk Bèrachat  “, “ Ti Sentaniz “, “ Madan Senvilis “, “ Gwo Moso “, “ J´ai vengé la race “ pour ne citer que ceux-là, d´un ton à vous couper le souffle Ɂ…

Men « Ti Sentaniz » de Maurice Sixto
Ti Sentaniz” est une caricature sociale sur l’exploitation des enfants en Haïti

Maurice Sixto
Un conteur aux intonations multiples

En termes de classification, dans la littérature haïtienne, il est extrêmement difficile de situer Maurice Sixto dans un quelconque courant de pensée, car il ne se révèle pas un “ littéraire “ dans le sens “scolaire et classique“ du terme, car son texte est pure parole, proche de l’expressivité de ces sambas, non régis par l´écriture comme signe conventionnel. L´œuvre orale de Sixto, située entre le réel et la légende, est appelée à perdurer, tant qu´il existera des hommes et des femmes, doués de “sens“ à l’écouter, sans distanciation sociale, et surtout sans complexe de compréhension. On la classe dans la catégorie des “ Lodyans “, certes ; elle en est toutefois une tendance, avec la seule différence qu´elle ne peut être parcourue des yeux, parce que n’étant pas “savante“ mais purement empirique.

À Montréal, dans le cadre du Mois “Créole“ le KEPKAA, en collaboration avec les chanteuses Barbara Guillaume et Tifane, avait célébré, une fois de plus, en 2019, la vie de ce Mage de la littérature orale haïtienne. Espérons que la reprise d´une telle manifestation ne sera pas que virtuelle, en octobre 2020, à cause du confinement.

Mérès Weche  Auteur


Illustrations :HCC

Sunday, May 17, 2020

Il était une fois le 18 mai


Jusqu'à aujourd'hui, notre bicolore
se retrouve enfermé, coincé et brimé.
Le confinement dû au covid-19 n’était pas encore né qu´Haïti avait connu, il y a deux ans, celui du covid-18, car la fière commémoration de la création du drapeau national, par l’illustre Jean-Jacques Dessalines, n’était plus dans le vent comme autrefois. Donc, du confinement avant la lettre ; genre de jurisprudence bâtarde qui nous est coutumière. Jusqu’à aujourd’hui, cette manifestation de fierté se retrouve enfermée, coincée, brimée, contaminée par le virus de nos égoïsmes, et par l´étroitesse d’esprit de nos dirigeants. Pareille à ces autres dates marquant les prouesses et le souvenir de nos héros de l’indépendance nationale, telles que le 1er Janvier, le 7 avril, le 17 octobre, le 18 novembre, toutes étant devenues obsolètes, cette date charnière de notre glorieuse histoire nationale qu’est le 18 mai, l´est davantage. Aujourd’hui, qu’est-ce qui reste de la Dessalinienne, cette sublime chanson qui résonnait dans notre sport national, dans notre artisanat, dans nos cœurs d´hommes, de femmes et d´enfants des deux sexes, à travers toute l’étendue du territoire national Ɂ

 à Wall Disney World en 2015                      
Aujourd’hui, nos incohérences, nos intransigeances, nos murs d´indifférence font pleurer ce drapeau, dont les plis se durcissent, coulés comme ils sont, dans du béton ; ses frissons dans le vent n´indiquent plus que “ l’onde est transparente, ainsi qu’aux plus beau jours “, pour que des idées de grandeur se reflètent librement sur nos fronts d´hommes et de femmes amoureux de leur emblème national.

Pourtant, pendant tout le XIXe siècle, et cela jusqu’à la première moitié du XXe, des poètes ont exprimé leurs sentiments vis-à-vis de ce symbole de liberté et d’indépendance qu’est notre bicolore national. Ce fut en des accents pleins d’émotion qu’un Oswald Durand écrivit son célèbre “Chant national“ dont on peut en voir ci-dessous le premier couplet et le refrainː

Quand mos aïeux brisèrent leurs entraves
Ce n´était pas pour se croiser les bras
Pour travailler en maîtres, les esclaves
Ont embrassé, corps à corps, le trépas
Leur sang, à flots, engraissa nos collines.
À notre tour, Jaunes et Noirs, allons ǃ
Creusons le sol légué par Dessalinesː
Notre fortune est là, dans nos vallons.
Refrain
L´Indépendance est éphémère
Sans le droit à l´égalité ǃ
Pour fouler, heureux, cette terre,
Il nous faut la devise austèreː
Dieu ǃ Le Travail ǃ La Liberté ǃ “ Oswald Durand-extrait.

Plus près de nous, sur le drapeau et son haut lieu de créationː l´Arcahaïe, le poète Luc Grimard, que nous avons vu saluer l’intelligence hors normes de Maurice Sixto, nous a aussi laissés de très beaux vers sur cette apothéose nationaleː

L´Ȋle ne voulait plus porter chaînes et jougs ǃ
Saint-Domingue entendait vivre et vivre à son aise
Et les tiers héritiers du prisonnier de Joux,
S’étaient lancés dans la fournaise.
On se battait depuis Octobre ; et Mai
Aux ouragans de feu de la lutte âpre et dure,
Mêlait les rossignols du pays bien-aimé,
Vocalisant dans la verdure.
……………………………………….
Il dit un nom rempli de frissons printaniers
Un nom d´exil, un nom de faim, mais de victoire
Le nom des premiers vents parmi les bananiers,
Le nom de l´orgueil péremptoire,
Un nom qui va bondir dans l´Histoire future…
Il avait dit le nom sacré de Louvertureː
Eu le drapeau se mit à flotter aussitôt…
Luc Grimard-extrait.

Cette “histoire future“ dont parlait Luc Grimard, dans ce poème, c’est celle que nos dirigeant écrivent très mal aujourd’hui. De nos jours, il y a, chez nous, des Maximes qui n´ont plus de sens. Si l´histoire demeure “ un perpétuel recommencement“, nous devrions être capables de rééditer la nôtre, si belle et si édifiante.

Mérès Weche

Friday, May 15, 2020

Petite chronique pour Vivants et Vivantes - Les deux Zaza

Élizabeth Lubin, poétesse et danseuse d’origine haïtienne


Nous avons vu, dans notre première “ Petite Chronique pour Vivants et Vivantes “ , l’option humanitaire qu´a prise à Montréal, Élizabeth Lubin, poétesse et danseuse d’origine haïtienne, au nom de plume “Zaza“, en se donnant corps et âme à une cause entreprise au pays par “Toya la planteuse d’arbres“, pour le reboisement d´Haïti.

Zaza Ali   
Auteure de "Black Matters"
Il existe dans la communauté noire, aux États-Unis d’Amérique, plus particulièrement à Atlanta, une autre ZaZa qui appuie un autre genre d’entreprise, celui du boycott des commerces blancs par les Noirs, à cause de la brutalité policière qui a fait 163 morts dans leur camp depuis le début de l´année. Ce mouvement, baptisé “ BYING BLACK “, qui se traduit par “ACHETER NOIR“ ou “ACHETER CHEZ LES NOIRS“, semble avoir déjà un impact sur l’économie blanche, impact fortement ressenti dans les banques où des vagues de retraits d’argent s’observent, depuis quelques semaines, particulièrement à Atlanta, ville de Martin Luther King d´où est parti le mouvement.

Rappeur Killer Mike
Le rappeur et activiste, Killer Mike, de très grande réputation dans les milieux artistiques afro-américains, s´est exprimé ainsi pour justifier le bien-fondé de cette initiativeː “ C’est une forme de sanction économique ou arme de guerre, pour lutter contre un système d’injustice larvé, basé sur les nuances de l’épiderme, qui n´a que trop duré “. Il entend œuvrer, poursuit-il, de manière à ce que ce mouvement gagne bien vite du terrain et s’étende sur toute l’étendue du territoire américain, et même partout où des gens de la race noire subissent de tels affronts de la part de policiers.

A noter que les deux ZaZa s´adonnent à la littérature, l´une, Haitienne, poétesse, et l´autre Américaine, écrivaine. Il semble que l´écriture tend à redevenir une arme de combat, mais cette fois-ci, au féminin pluriel.

Mérès Weche


Monologues du pénis, avant ceux du vagin

Les  demoiselles d'Avignon de Pablo Picasso
J’imagine le drame de Picasso qui a écrit, en 1941, une pièce de théâtre inconnue du grand public ː « Le Désir attrapé par la queue ». Une œuvre littéraire tuée par sa peinture, avec l´arme du pinceau. Crime de lèse-créativité picturale qui l´a peut-être sauvé de la critique religieuse la plus virulente à l’époque, puisque cette œuvre surréaliste, genre « dada », est d´une telle impudicité qu´elle deviendrait peu catholique sur les planches européennes jusque-là censurées par la pensée religieuse. Cette pièce réunissait sur scène à l’époque,  Max Jacob, Salvador Dali, Jacques Prévert, Guillaume Apollinaire, André Breton, Gertrude Stein, Alice Toklas et Zanie Aubier. Picasso voulait même que certaines scènes soient jouées nues, juste pour mettre à l’épreuve la pudeur de certains acteurs et aussi, en bon adepte du surréaliste, provoquer les esprits puritains. Salvador Dali était du genre à se mettre à poil avant les autres.
Jusqu’en 1978 au Québec, j’ai vu quel genre de guerre l’Église avait mené contre Denise Boucher pour sa pièce de théâtre « Les Fées ont soif », représentée pour la première fois au Théâtre du Nouveau Monde, à Montréal, et qui devait forcément s’éclipser de la scène pendant 40 ans. Ce n’est qu’en janvier 2019 que cette pièce fortement « féminisée » allait reparaître à la Salle Pierre-Mercure où trois femmes, trois figures symboliques, s’affirment en chair et en os, pour livrer au grand jour leur destin, dans une langue poétique et vigoureuse. Depuis « Monologues du Vagin », œuvre théâtrale de même inspiration créée en 1996 par Eve Ensler, traduite en 46 langues et interprétée dans plus de 130 pays, dont Haïti, on espérait le retour sur scène au Québec de « Les Fées ont soif ». Ces deux pièces de théâtre, respectivement de Denise Boucher et d’Eve Ensler, se situent dans le même registre que « Le Désir attrapé par la queue » de Picasso.
Lorsque la plume de cet artiste le céda à son pinceau, ce n’était pas une partie de plaisir, pour lui, car en la déposant au profit d´un pinceau « viril », il lui fallait connaitre les spasmes qu’imposent formes et couleurs, car rebelles sont les caractères en art, quand surtout ombres et lumières se disputent la primauté de l´orgasme. Dans ses transports d´une période à l’autre, allant du rose au bleu, en ruptures et en retours, pour finalement passer à la déconstruction complète, Picasso n’avait d’autre espace de spectacle que sa toile nue. De « Les Demoiselles d’Avignon », peinture de 1907, précédant de trente ans Guernica, toile de 1937, le peintre passa pratiquement d´une jouissance enchanteresse à une tragédie ubuesque. Et en dehors des œuvres inspirées par son modèle à domicile, Jacqueline, comme ses « femmes assises », il n y a que « Les Demoiselles d’Avignon » qui rappellent à mon sens cette libido énergique retrouvée dans sa pièce de théâtre « Le Désir attrapé par la queue », que son art a éclipsé de la scène, mais qui fait cause commune avec ces deux œuvres théâtrales de femmesː « Les fées ont soif » de Denise Boucher et « Monologues du vagin » d´Eve Ensler. Se peut-il que cette pièce de théâtre de Picasso se rejoue face au public ? Pas très sûr, car avec le Covid-19, ces « pièces » se jouent désormais à rideau fermé.

Mérès Weche!