Emeline Michel, la reine de la chanson créole. |
La beauté et la mode (style) sont depuis toujours deux caractéristiques qui distinguent l’homme de l’animal. Jusqu’à preuve du contraire, les animaux ont toujours conservé au fil des années le même faciès, ce qui rend leur beauté plus ou moins statique. Et cette constatation est même plus marquante pour la mode ou le style, car on n’a jamais vu un lion ou une girafe se réveiller un matin dans la jungle avec un style de chevelure ou pelage différent de celui qu'ils arboraient la veille.
Alan Cavé, chanteur du Zin
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Pour l’homme ou la femme, cependant,
c’est tout à fait différent. Le style ou la mode a marqué différemment les
ans, ce qui a donné à la beauté une valeur relative. Ce qui est considéré beau
en Afrique ne l’est pas nécessairement en Europe, et vice versa. Et cette
perception de beauté est transmise d’une civilisation à l’autre, d’un
pays à l’autre, par les voies de communication disponibles dans le milieu
ambiant. Maintenant grâce à la propagation rapide des images et des photos,
cette perception de beauté et de style peut changer d’une minute à l’autre.
Heureusement !
Parlant d’Afrique, ce continent a
surpris le monde quand ses modes et styles en termes de vêtements et de
chevelure ont commencé à soulever l’intérêt, l’appréciation et l’admiration
d’autres groupes ethniques. Il va sans dire que ces modes et styles ont fini
par représenter de manière significative une démonstration de l'esthétique
africaine « d'autant qu'ils ont joué un rôle fondamental dans l'indépendance
de certains esclaves comme l'affirme Valencia Emilia Eneyda, chercheure, coiffeuse et créatrice
du concours de tresses à Cali, Colombie en 2011“Tejiendo Esperanzas”:
(Tisser l'espoir) «Les recherches historiques démontrent qu'à l'époque coloniale, les femmes
noires assises dans les allées des maisons repéraient le paysage et sur la tête
des plus jeunes, elles élaboraient des coiffures dont les formes
ressemblaient à des sortes de cartes, par lesquelles elles indiquaient les chemins à suivre, surtout aux hommes
mûrs pour… [qu’ils puissent s''échapper]»…
« Ces cartes constituaient des codes secrets pour planifier la fuite, indiquaient la position des rivières, des arbres, des montagnes et l'emplacement des troupes (d'où le nom de tropas attribué aux tresses) pour que les Marrons puissent s'échapper et atteindre la liberté. »
« Ces cartes constituaient des codes secrets pour planifier la fuite, indiquaient la position des rivières, des arbres, des montagnes et l'emplacement des troupes (d'où le nom de tropas attribué aux tresses) pour que les Marrons puissent s'échapper et atteindre la liberté. »
Whoopi Goldberg ,une brillante actrice qui ne se dissocie pas de son dreadlock style. |
En effet, les styles de chevelure ont été depuis des ans une forme d’expression
à connotation politique, religieuse ou sociale. Par la suite ils sont
naturellement devenus l’expression de beauté et de la mode proprement dite. Les coiffures africaines connues localement sous le nom de «
troupes »,(trencitas)» ou draids, sont peu à peu devenues
courantes à travers le monde.
Elles soulèvent
l’admiration de plusieurs du fait de leur côté esthétique. Mais peu sont ceux qui
connaissent leur vraie histoire. Les dreadlocks ou cadenette, appelées parfois
tout simplement dreads, locks ou encore rastas (à tort), sont des cheveux
emmêlés. Le mot vient lui-même de la bible qui veut dire la crainte de Dieu
(dread of God, fear of God).
Les dreadlocks ont un caractère
universel à travers les âges, car des peuples de différentes cultures l'ont porté.« Le premier exemple connu date de l'Égypte antique, où les
membres de la famille royale égyptienne et les députés portaient des coiffures
dreadlockées. Des perruques apparaissaient aussi sur des bas-reliefs, des
statuaires et autres objets. Des restes
momifiés d'anciens Égyptiens en portaient encore. Il en est de même pour des perruques dreadlockées trouvées sur des
sites archéologiques.
Les dreadlocks sont portées par différents peuples d'Afrique, homme comme
femme, parfois selon leur groupe social: les Akans, les Masaïs, les Bantous, les peuples nilotiques, Peuls et Soninkés...etc.
La chevelure crépue de ces peuples rend plus facile la réalisation des locks qui
se forment parfois de manière naturelle, ou bien par manipulation.
Les hommes
Masaïs commencent souvent leurs locks à partir de tresses, comme la plupart des
peuples africains. La technique dite des vanilles, twist en anglais, consiste à
tresser les cheveux à partir de deux mèches et non trois, et de ne plus les défaire
.Alors, après plusieurs mois, les tresses deviennent dreadlocks.
Notre Diva Emeline Michel |
Des Écritures saintes du védisme fournissent des preuves écrites des dreadlocks les
plus anciennes. La date exacte de leur origine n'est toujours pas connue,
allant de 2500 à 1500 av. J.-C. Le dieu Shiva et ses disciples furent décrits dans les Écritures
comme des jaTaa, signifiant « portant des nœuds de cheveux emmêlés », qui a
probablement dérivé du mot dravidien caTai, signifiant tortiller ou envelopper.
Rodney Saint-Eloi, écrivain haïtien et Directeur des Editions Mémoire d'encrier au Québec Canada. |
Les dreadlocks ont aussi fait partie de la culture mexicaine. Dans une
description d'un rituel aztèque, l'historien William Hickling Prescott se
référa aux prêtres de cette civilisation. Le peuple mésoaméricain du
centre du Mexique, aux XIVe, XVe et XVIe siècles portait aussi des dreadlocks. « Sur le sommet il fut reçu par six prêtres, à qui les boucles longues et
emmêlées flottaient sans ordre par-dessus leurs robes faites de poils de
martre, couvertes de hiéroglyphes d'importation mystique. Ils l'ont mené à la
pierre du sacrifice, un immense bloc de jaspe, dont la surface supérieure était
quelque peu convexe. » (William H. Prescott, Histoire de la conquête du Mexique).
Vice-Présidente Fondation Orchidée |
Au Sénégal, le Baye Fall (les disciples
du mouridisme
, une confrérie de l'islam indigène au
pays qui fut fondée en 1887 par Amadou Bamba), est connu pour le port de dreadlocks et de toges
multicolores. Chez les Wolofs , les
coiffures en locks étaient autrefois portées par les rois et la classe
guerrière des Tiedos.
En Jamaïque, le terme dreadlocks fut
enregistré pour la première fois dans les années 1950 comme un terme
désobligeant lorsque le Young Black Faith,
un premier mouvement rastafari prit naissance auprès des pauvres marginalisés
de la Jamaïque pendant les années 1930.
Ils cessèrent donc de copier la coiffure
particulière de Hailé
Sélassié Ier et commencèrent à porter des
dreadlocks. Il fut dit qu'ils avaient l'air « effrayants » avec
leurs locks, ce qui donna plus tard le nom moderne de dreadlocks pour cet
ancien style. Différentes théories existent autour de l'origine des dreadlocks
chez les rastafari. Quelques sources retracent ce style rasta au
temps où les Indiens arrivèrent en Jamaïque pour travailler comme ouvriers à la
fin du XlXe siècle, dont certains faisaient partie des premiers disciples de Leonard Percival Howell.
D'autres pensent que les premières générations de rasta furent dérivées des locks des Mau Mau, un groupe de rebelles s'opposant contre (sic) le colonialisme britannique au Kenya pendant les années 1940.
D'autres pensent que les premières générations de rasta furent dérivées des locks des Mau Mau, un groupe de rebelles s'opposant contre (sic) le colonialisme britannique au Kenya pendant les années 1940.
Wyclef Jean a enlevé son dreadlock style pour se rendre plus présidentiable ... |
Les Nazarites qui portèrent des dreadlocks et qui furent mentionnés dans la
Bible incluent les Nazarites Samuel, Jean le Baptiste, et probablement la
figure biblique la plus connue avec des cheveux entrelacés, Samson, qui, d'après les Saintes Écritures, eut
sept locks et perdit sa grande force lorsqu'elles furent coupées.»
Bob Marley le roi du reggae |
C’est le célèbre chanteur jamaicain de reggae Bob Marley qui a en quelque sorte popularisé le style
rastafarien de la chevelure du fait de son appartenance à ce champ. Une mouvance ou pensée religieuse et philosophique qui estime
qu’une partie de la Bible avait été reécrite au détriment de la race
noire toujours en prises avec la domination occidentale, si ce n’est physique
mais mentale (mental slavery).
Concours de coiffure afro- caribéen 2013. |
Don Kato |
La mode, les styles, sont heureusement comme l’humain. Ils fraient leur chemin
et ceci contre vents et marées ; ils sont bien souvent pareils à un fleuve;
rien n’arrête leur cours. « Le style
est, pour l'œuvre d'art, ce que le sang est pour le corps humain ; il le
développe, le nourrit, lui donne la force, la santé, la durée. » Et aussi la
beauté !
Aussi ces œuvres d’art que constituent les tresses (dreads, trencitas, tropas) donnent-elles
de la beauté à ceux ou celles qui les portent. A Cali, Colombie, depuis 7 ans,
une association de femmes afro-colombiennes AMAFRACOL, s'est efforcée de « réaliser un événement annuel de
concours de tresses, dans le but de rendre visible l'esthétique
africaine comme une forme de résistance et un élément essentiel du tissu
socio-culturel de l'Afrique, particulièrement parmi les femmes, qui avec la
grande habileté de leurs mains et une créativité incroyable; elles misent sur cette
pratique comme une forme d'expression, qui dans le même temps devient une
source de revenus pour leurs familles. »
Lòlò et Manzè de Boukman Exp. . |
Ces concours sont en fait une exposition de la beauté, de l’esthétique
sous toutes leurs formes. Ils ne peuvent qu’être encouragés, imités dans
les milieux afro-caribéens ou haïtiens où la créativité se retrouve déjà aux
quatre coins.
Par :Dr Carl Gilbert cggilb@yahoo.com
Une adaptation de Herve Gilbert
Regardons le segment de "I love you Anne"
Félicitations, Docteur, L'article est bien écrit, précis etsurtout bien documenté. Les journaliste haîtiens devraient s'inspirer de ce modèle, pour savoir comment écrire et présenter un texte de recherche. Ceci est valable pour les étudiants en sciences humaines
ReplyDeleteUn lesteur assidu
Magnifique, mon cher Carlo. Tu y as mis le paquet. Par une recherche exhaustive, tu nous a mis plein la vue. C'est une feuille encyclopédique, tant les informations incluses feraient les délices des curieux. Nos petits frérots qui vont te lire te seront royalement reconnaissants devant cette pluie de connaissances que tu as déversée sur leur cerveau asséché. Toutes mes félicitations.
ReplyDeleteMax Dorismond
J'ai vraiment apprécié cet article et toutes les informations intéressantes que vous avez partagé. merci.
ReplyDeleteGreat article Carl ! Une documentation volumineuse qui servira à plus d’un…
ReplyDeleteL’homme étant ce qu’il est… L’esthétisme fait partie de son univers. Quoiqu’on en dise, quoiqu’on en pense, malgré le poids de la tragédie de l’histoire, il lutte et impose sa culture à son vis-à-vis au point qu’il le déclare haut et fort avec le chanteur américain James Brown:” Say it loud – I’m black and I’m proud”. Dis le bien fort – je suis noir et j’en suis fier.
http://www.youtube.com/watch?v=eb_1NNdf_30