La dure et triste chevauchée des migrants haïtiens du Sud vers le Nord |
Par Max Dorismond
Le téléphone vibre et la question de l’ami tombe à pic : que penses-tu de l’accolade fraternelle du peuple à Guy Philippe ?
Frérot, répondis-je, nul besoin d’ouvrir ma bouche, va lire cet article, Quand une nation condamne sa jeunesse au Supplice de Tantale, l’unique et salutaire réponse te reviendra comme par enchantement.
J’ai eu l’occasion de visionner dernièrement une vidéo sur ma ville natale, Jérémie. Elle exhibe l’abandon de l’Hôpital Saint-Antoine dans toute sa nudité, vidé de ses patients et de son personnel pour cause de grève. Subsiste un seul malade à l’urgence sur un lit déglingué avec un soluté au bras. Il n’a nulle part où aller et personne pour le soigner, le pauvre !
Quelle en est la raison ? C’est une routine. Rien de nouveau sous le ciel bleu de Toma. Depuis 5 mois, personne n’a reçu un centime de leur salaire. Pensez-vous que le Ministère de la Santé est à sec ? Loin de là ! Le budget de Jérémie a été volé purement et simplement depuis Port-au-Prince. Chaque mois de paie non versé s’avère être la propriété de tel cadre qui doit nourrir famille et maîtresses résidant hors du pays.
Vivant en terre étrangère, la bouche pleine, le réfrigérateur sur le point d’exploser, nous avons tendance à oublier ceux qui végètent là-bas dans la crasse, la faim, la violence et l’indignité. Délaissons une minute nos conforts et l’indifférence. Fermons nos yeux, revoyons ces images, métamorphosons-nous en acteurs et rentrons dans la peau de ceux qui fuient ce paradis de l’impunité, cette terre de gangsters !
Des milliers de migrants, principalement haïtiens, traversent le Rio Grande du Mexique pour rejoindre les États-Unis. |
Nous voilà en cavale, seuls ou en famille avec des enfants, à pied, sur tous les sentiers périlleux de l’Amérique du Sud à destination des États-Unis ou du Canada. Sur le trajet, les risques d’affronter les pires dangers, tels des malfaiteurs, des détrousseurs, des violeurs, des animaux sauvages, des rivières infestées des reptiles les plus dangereux au monde, à l’instar de l’anaconda vert, un serpent aquatique géant qui peut atteindre 9 mètres de longueur, ou le piranha, un poisson carnivore, aux dents acérées avec un appétit pour la viande. En présence de sang dans l’eau, les piranhas se regroupent en bancs, en essaim, pour attaquer les grosses proies. Ils peuvent dévorer frénétiquement un homme de six pieds en l’espace d’une heure, laissant simplement son squelette au fond, dans la vase. Le cinéma en a fait ses choux gras dans, par exemple, le film de James Bond, « On ne vit que deux fois ».
J’ai eu la possibilité de feuilleter le journal mexicain « El Universal », avec un titre sur nos congénères : « Haitianos, el nuevo rostro de la Ciudad de México », qu’on peut traduire par « Les Haïtiens, le nouveau visage de Mexico ».
Toujours, dans notre rôle d’observateur, nous suivons dans le narratif le regard du Mexicain qui se sent agressé par ces visages noirs qui envahissent son décor. Ce sont les survivants de la longue marche.
Il est écrit : Sans documents de l’immigration, les Haïtiens survivent dans les rues d’Iztapalapa, de Tláhuac, de Milpa Alta et d’autres municipalités où, contrairement aux migrants d’autres nations, ils ne demandent pas d’argent aux feux de circulation, mais préfèrent travailler comme maçons, ouvriers agricoles, vendeurs de rue, vendeurs à la sauvette, serveurs et serveuses, entre autres activités »…
Des migrants, dont beaucoup viennent d'Haïti, le long du pont de Del Rio au Texas le 21 septembre 2021. |
Oh dignité, oh fierté, quand tu nous habites encore ! Ils végètent sous des tentes par des températures de deux degrés ou sont entassés dans de petites pièces. Cette jeune femme de 25 ans, qui parle français et diplômée en littérature, est arrivée il y a trois mois de Tapachula et travaille depuis plusieurs semaines dans une taqueria de Coyoacán, où elle fait la vaisselle et nettoie les tables…
Dans les rues d’Iztapalapa, elle a reçu en signe de solidarité de la part de voisins une veste, des T-shirts et des couvertures usagées, mais elle est également confrontée au racisme d’autres personnes qui, lorsqu’elle passe, lui crient des grossièretés en raison de la couleur de sa peau. Certains l’accusent de vol ou la harcèlent, comme au magasin Walmart sur la Plaza Ermita, où un policier la suit invariablement dans les allées lorsqu’elle fait ses courses…
L’article souligne encore que :
de nombreux Haïtiens ont des diplômes universitaires, parlent deux ou trois
langues et, contrairement à d’autres migrants, ils cherchent plutôt à s’intégrer
au marché du travail et à la société.
"Ils viennent des Caraïbes, où les températures sont élevées, et sont confrontés à l’hiver le plus froid de la ville de Mexico, sans vêtement ni couverture, à l’air libre. Il y a peu de signes de facilitations et un abandon total de la part des gouvernements fédéraux et de la ville de Mexico…
Joseph Toussaint, un enseignant de 26 ans, a quitté sa classe à Port-au-Prince pour fuir l’extrême pauvreté et s’est retrouvé avec une pelle, des cloisons et du ciment pour travailler comme maçon temporaire sur un chantier de construction dans la dangereuse colonie de Quetzalcoatl à Iztapalapa…
Cher ami, voilà un succinct état de la situation de nos frères en fuite sur un seul point du globe. Néanmoins, ils sont partout, partout, même en Turquie.
Ta première interrogation tient-elle encore ? Nos congénères n’ont pas deux choix. Que l’ange ou le démon leur offre le bras pour sauver leur peau, ils devront se presser pour attraper la main tendue. Les questions douteuses seront posées plus tard. Il y a urgence en la demeure. Il faut annihiler la crise!
Max Dorismond |
NOTE
1
— L’anaconda peut atteindre jusqu’à 9 mètres de longueur. (Src. :
Wikipédia)
2
— Src. : Wikipédia
3
— Journal « El Universal » du 7 janvier
2024
4
— L’article : https://www.eluniversal.com.mx/nacion/haitianos-el-nuevo-rostro-de-la-ciudad-de-mexico/
Merci Max, mon frère. Nos "amis" occidentaux n'ont cessé de dire, depuis le début de la crise que la solution doit venir des haïtiens eux-mêmes. Sauf que, les "haïtiens" dont ils parlent, ce sont ceux de la classe politique, constituée d'un ramassis de soit-disant leaders politiques sans aucune popularité et de membres de la Société civile ne bénéficiant aucunement de la confiance populaire.
ReplyDeleteVoici que pour la première fois depuis trois décennies, l'acteur incontournable de décembre 1990 semble retrouver son importance, son rôle et sa force. Je parle évidemment de l'entrée en scène du PEUPLE HAÏTIEN, qui semble ébranler autant les maîtres, "commandeurs" et "chiens de poche" du SYSTÈME.
Je rêve pour mon pays d'une gouvernance moderne, éthique, éprise de justice. Cependant aujourd'hui tout leadership démontrant la volonté d'affronter et de chambarder ce système, je dois l'appuyer. Car j'estime que rien ne peut être pire que ce que mon pays vit aujourd'hui, j'ai donc pour devoir d'embarquer dans le train de la révolte populaire, pour la Révolution Tranquille version haïtienne à venir après la grande CONFÉRENCE NATIONALE.
Quel vrai patriote a les moyens de la neutralité, de s'asseoir entre deux chaises ou de donner dans la partisannerie dans l'état actuel de notre pays.
Excellent article, cher Dorismond!
ReplyDeleteLecteurs et lectrices, si cette profonde analyse ne vous dit rien ou ne touche pas votre humanité, cela dit que vous êtes loin d’être un homme, voire un haïtien à part entière.
Cher confrère,J’ai propagé ton article qui va droit au but, digne de toi. CarlGilbert
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