Pages

Pages

Monday, March 22, 2021

Les funérailles de Patrick (Pachou) Cavé à Montréal

  Par Eddy Cavé,

 Ottawa, ce samedi 20 mars 2021

Jean Patrick Cavé
1956-2021
Quel pire temps pour mourir que cette saison de la COVID 19 qui, faute d’abattre toute une population, prive ses victimes de tout ! De visites, de traitements personnalisés, de revenus, du soutien moral des proches. Jusqu’à la cérémonie combien réconfortante des funérailles traditionnelles. Fort heureusement, la technologie a su prendre le relais de la liturgie d’autrefois pour emmener dans nos foyers un semblant des célébrations religieuses auxquelles nous étions habitués : la profusion de cantiques français, créoles et latins que nous entonnions à l’unisson; les effluves de l’encens qui embaumaient jusqu’à notre linge; les interminables files des parents et amis s’approchant de la sainte table pour la communion; les oraisons funèbres qui ressemblaient parfois à de véritables concours d’art oratoire…

C’est ainsi que la très intime cérémonie des funérailles de Pachou a été suivie cet après midi dans plus de 120 foyers répartis sur le Canada, les États-Unis et Haïti. C’était quand même un baume sur une blessure encore béante, ce qui n’est pas négligeable. Annoncée pour 14 heures, la cérémonie a commencé à 14 h 30, et on a pu pendant la période d’attente s’imprégner de l’atmosphère de la salle tenant lieu de chapelle ardente, prier de chez soi pour le repos de l’âme de Pachou qui était un fervent chrétien. Les chants étaient propices au recueillement et on les a  écoutés avec piété, tout en admirant la belle et grande photo dominant l’autel où était placée l’urne contenant les cendres du frère, de l’oncle, du cousin et de l’ami disparus. Au fil des ans, nous avions oublié qu’il a eu un certain temps une belle moustache qui était son image de marque…

Qualifiée de célébration de la vie de Pachou par neveu et collègue ingénieur Youri Cupidon, la cérémonie a commencé par l’hommage de sa nièce et neveu Vanessa Cupidon, qui a été suivi par celui de Youri et le témoignage de l’ami d’enfance Rémy Antoine, qui a été lu par son frère Michel Antoine. Des moments d’émotion intense et surtout une occasion de découvrir le personnage immense qu’était ce professionnel de gros calibre qui était d’une telle modestie qu’il passait pour un timide. En fait, Pachou était d’une discrétion qui frisait le mystère aux yeux de certains, mais il fallait seulement se donner la peine de lui parler et de l’écouter pour découvrir le trésor de connaissances et de sagesse qu’il portait en lui.

Éternel premier de classe, Pachou était un ingénieur civil formé à la Faculté des sciences appliquées de l’Université d’État d’Haïti et qui diversifia sa formation professionnelle par des études en gestion au prestigieux Institut National d'Administration, de Gestion et des Hautes Études Internationales (INAGHEI). Après un début de carrière des plus prometteurs à la compagnie haïtienne de téléphonie publique, Télécommunications S.A (Téléco), il fait un brusque changement de cap et s’installe au Canada. Il s’inscrit alors à l’Université du Québec à Montréal (UQUAM) où il décroche brillamment une maîtrise en finance. Son objectif était d’enrichir sa formation et retourner au pays pour mettre les connaissances acquises à l’étranger au 3 service de sa patrie. Toutefois, les conditions dans lesquelles il voulait le faire ne se sont jamais concrétisées.

Vanessa prononçant le premier éloge funèbre.   
Pachou était d’une intégrité exemplaire et il refusa toutes les offres qui ne lui garantissaient pas une carrière honorable dans le respect de ses compétences et de ses normes d’éthique. La maladie l’a frappé sans crier gare, à un moment où la conjoncture économique, sociale et politique se détériorait sans cesse au pays, ne laissant aucun espoir réaliste de redressement dans un lapse de temps raisonnable. Il emporte donc avec lui un rêve brisé, comme beaucoup d’autres compatriotes qui ont droit également à l’admiration et au respect de tous et de toutes.

Je croyais connaître les diverses facettes de la personnalité de Pachou jusqu’au jour où il m’invita au spectacle annuel de son école de danses sociales. Je suis passé ce soir-là par toute la gamme des surprises, des émotions et autres réactions qu’on peut ressentir en voyant un proche qu’on croyait bien connaître évoluer sur une scène publique sans la moindre inhibition. Dans une discothèque ou une boîte de nuit, j’aurais trouvé cela normal. Mais sur la scène de La Perle retrouvée, c’était comme si je voyais son père Arthur Cavé fils ou le mien, Babal, compter ses pas sur l’estrade du ciné Fox à Jérémie en dansant un cha cha cha ou un konpa endiablé. Je n’en suis toujours pas revenu.

Harry Balmir et Pachou assistant ici à la fermeture du cercueil.

Comment pourrais-je oublier qu’au décès de ma mère Carmen Cavé en février 1991, Pachou était avec Yanick Cavé De Vastey, Marie-Prague et Valcourt Joseph les membres de la famille qui m’avaient remplacé. Des amis comme Harry Balmir, Gérard Noël, Marcel Baptiste, Jean-Claude et Rick Garnier, Willy Verrier, tous disparus aujourd’hui, et Fifie Balmir Sénéchal avaient également fait le déplacement. Les obligations d’un emploi particulièrement exigeant à cette époque de l’année m’avaient alors empêché de me rendre à Jérémie pour la circonstance. Tu étais là heureusement, le seul de la branche Arthur Cavé, l’émigration ayant bouffé tous les autres membres de la famille.

Pour revenir à la célébration de la vie de Pachou, soulignons le choix très approprié des psaumes, des cantiques et surtout de la très belle chanson de circonstance retenue par Claudette : « Tu aurais pu vivre encore un peu ». À elle seule, cette chanson de Ferrat résume toutes nos pensées, dit toute notre tristesse et notre mélancolie. Le regret de savoir que demain, le dimanche 21 mars et dans les autres jours et les autres années à venir, nous n’aurons pas Pachou au bout de fil si nous composons le numéro de son portable. Qu’il ne sera pas là pour remplir notre déclaration d’impôts ou nous conseiller sur les exemptions ou les trop-perçus… Pour accompagner à l’hôpital un patient âgé ou tout simplement pour faire des courses, le samedi venu…

Pachou, tu vas nous manquer! Je reprends à mon compte les mots de Ferrat, convaincu de ne pas pouvoir trouver mieux pour exprimer mon désarroi et celui de toutes celles et de tous ceux qui pleurent aujourd’hui ta disparition brutale :

Tu aurais pu vivre encore un peu

Pour notre bonheur pour notre lumière

Avec ton sourire avec tes yeux clairs

Ton esprit ouvert ton air généreux

T'aurais pu rêver encore un peu

Sous mon châtaignier à l'ombre légère

Laisser doucement le temps se défaire

Et la nuit tomber sur la vallée bleue

T'aurais pu rêver encore un peu

Tu aurais pu jouer encore un peu

Ne pas t'en aller sans qu'on ait pu faire

A ces rigolos mordre la poussière

Avec un enjeu du tonnerre de Dieu

Tu aurais pu jouer encore un peu

 On aurait pu rire encore un peu

Avec les amis des soirées entières

Sur notre terrasse aux roses trémières

Parfumée d'amour d'histoires et de jeux…

 Tu aurais pu vivre encore un peu

Ne pas m'imposer d'écrire ces vers

Toi qui savais bien mon ami si cher

A quel point souvent je suis paresseux

Tu aurais pu vivre encore un peu.

Affectueuses pensées à : Claudette et Guy; Vanessa et Youri; Toto, Ennery et Rosite; Karyn, Joëlle, Rigal et Réginald; Marlène et Nilsa; Monique, Dominique, Philippe et Patrick; Mario, Francis et Louisena; Ti-Bob, Junior et Paulette; Elsa et Johanne; Reynold, Guerda, Adrien, Dupin, Myrtho et Brigitte; Roger et Brigitte; Marie-Hélène et Bernard; Marie-Michèle et Jacques, Anariol et Toupa; Simphar, Nitou et Georgy; Eddy, Ordéa et Mario; Monique et Marie-Géralde; Cécil, Mèt Sègo et Pèpè; Hervé, Carl et Max; Branly, Jeanin, Guy-Marie, Ricquet et Guiton; Myrna, Jean-Marie, Laurent et TiRoger; Nephtalie, Marc-Antoine et Roseline; Mauge, Édeline, Parnell et Estelle; Ti-Pa et Sonny, TiNoël, Edmond, Toto et Mireille. Bref, tous les membres de la tribu, sans en excepter un seul.

Un merci spécial à Jacques Laurent, directeur du salon funéraire Manus Poirier, 1030, Pie IX

No comments:

Post a Comment