L'épée retenue par deux crins de cheval selon la mythologie grecque |
Par Max Dorismond
Ce n’est même pas une question à se poser. Quand la classe des oligarques est sur le point de perdre ses privilèges illicites, si elle ne se démène pas en faisant flèche de tout bois pour sa sauvegarde, elle est condamnée à disparaître. C’est dans la nature des choses. Jovenel n’avait pas compris cette dynamique !
Revoyons la situation. Dans le coulage de Wikileaks, avec les courriels de Hilary Clinton, nous nous sommes fait une idée du choix de Martelly à titre de président. Cependant, l’inquiétude d’une responsable, Laura Graham, alors chef des opérations à la Fondation Clinton, y était résumée succinctement en guise d’avertissement : « Ils l’ont élu, écrit-elle, et ils doivent [sic] faire pression sur lui. Il doit rester sous contrôle ». Graham faisait référence au comportement on ne peut plus fantasque, et potentiellement dangereux, de Michel Martelly.
En effet, depuis lors, le merdier n’avait plus de limites et l’île était méconnaissable. Certaines interrogations étaient venues chambouler mon esprit. Toutefois, Miki a livré la marchandise et les Clinton étaient heureux. On comprend mieux après coup le code « rester sous contrôle ».
Dans le secret des dieux, Mme Graham savait de quoi elle parlait. Si Martelly, le clown chantant, avait inquiété, que dire du trublion et imprévisible Guy Philippe, le petit César qui fut stoppé à la porte du palais, en 2004. Vexé d’avoir été dupé comme une mule, n’ayant pas assouvi son désir souverain, le chevalier promet de tout révéler dans un hypothétique livre à venir. Prédiction que le système ne portera jamais en bandoulière !
Or, les Américains ont encore, en mémoire, l’histoire du fougueux premier ministre du Congo nouvellement indépendant, Patrice Lumumba, en 1960. Face à sa volonté d’aller trop vite en affaires, en faisant des menaces à peine voilées de s’aligner sur la Russie en pleine guerre froide, le président Eisenhower, le 18 août 1960, lanca au directeur de la CIA, Allen Dulles, « Get rid of him » (débarrassez-moi de lui). Dulles interprète la phrase comme une autorisation de tuer 1. Nous connaissons la suite, l’idole de Guy Philippe, le dirigeant de la République du Congo, fut hachée en mille petits steaks sanguinolents à être liquéfiés dans de l’acide, le soir du 17 janvier 1961.
Tout en faisant une halte critique sur ce que nous lisons et entendons, ce simple détour a été effectué pour attirer les regards sur la bataille qui se déroule présentement entre un Haïtien conscient de la dérive de son pays et les intérêts primaires de l’international, qui ne jure que par vider la place pour s’accaparer gratuitement de ses richesses minières : son cobalt, son iridium etc…, très utiles pour la nouvelle économie verte. Notre Guy est-il leur fils de pute ? Sans ambages, je peux pencher vers le négatif !
Des évènements sournois qui avaient eu lieu, de 2004 à nos jours, nous laissent perplexes, et nous sidèrent. Le système s’était servi du poulain et lui cherchait noise, après coup, pour des vétilles, pour lesquelles, d’habitude, il fermait les yeux pour plusieurs de ses excellents (sic) valets.
À son arrestation en 2017, on s’attendait à une bataille rangée. Mais le tacticien, devinant le piège qui se dessinait autour de lui, se révéla plus intelligent, en réclamant à ses gardes du corps de mettre bas les armes, car toute riposte serait un prétexte pour l’éliminer sur place. Il a capitulé et il fut transféré aux USA où il ne risqua aucun accident. Le système préfère le faire assassiner en Haïti. Ce serait mieux à l’ère des fenêtres ouvertes des réseaux sociaux.
En prison, là-bas, on lui procurait toutes sortes d’avantages et de confort. De retour en Haïti, après 6 années de taule, l’acclamation du peuple laisse pantois ses contradicteurs. À quel jeu joue le jeune ? Le système s’énerve devant la détermination du combattant qui s’insurge contre lui, contre son dessein, contre ses projets. Guy Philippe n’est pas contrôlable.
La nation doit être déstabilisée pour la vider de ses membres les plus susceptibles de placer des bâtons dans ses rouages, les professionnels, les intellectuels, les universitaires, etc. Le « Programme Biden » est en marche et remporte un succès phénoménal. Le réservoir de main-d’œuvre servile pour les boulots dégueulasses est à sa porte.
Pour intimer l’ordre à l’ancien sénateur de mettre un peu d’eau dans son vin, le délégué de Jérémie et ses assistants, qui lui étaient favorables, furent révoqués manu militari et remplacés par des fiers-à-bras du gouvernement qui ont pour mission de calmer les ardeurs du trublion. Dans la semaine de leur installation, cinq des bruyants manifestants ont été envoyés ad patres. Notre homme a bien compris le message et n’a fait aucune déclaration.
Le 7 février, il devait être à Port-au-Prince. Se sachant épié et attendu, il a joué de finesse et est rentré, sur un frêle esquif, incognito à la capitale, deux jours avant, à leur barbe et sans coup férir.
Son téléphone est sur écoute et est aussi géolocalisé. Il est suivi, pas à pas, par des sbires sous contrat, au point de cribler de balles une VUS de ses partisans, où cinq de ses gardes du corps ont été éliminés. En comptant les décédés, les assassins ont été surpris une nouvelle fois. Le sénateur s’est volatilisé. Jouant de finesse, il avait simplement confié son cellulaire aux occupants de la voiture de tête. Il était à cinq minutes d’eux en arrière et assistait en spectateur au film de sa propre mort ratée et à l’acharnement des assaillants sur ses pauvres éclaireurs.
Ce jeu du chat et de la souris ne présage rien de bon. Selon n’importe quel quidam, l’épée de Damoclès est suspendue dans l’air. Elle peut tomber à n’importe quel moment, car c’est écrit, le commandant, cet empêcheur de danser en rond, devrait être éliminé par ses semblables pour que le système triomphe dans son fantasme de déstabiliser totalement Haïti et la vider de sa population pour mieux exploiter les richesses de son sous-sol.
Toutefois, le petit peuple, dans son for intérieur, rêve de voir l’épée chuter dans la gueule des vendeurs de nations, qui font la courbette, à longueur de journée, devant les magouilleurs patentés du Core Group, confirmant ainsi leur aliénation sans réserve.
Max Dorismond
-NOTE -
1 – Src : « Il y a 60 ans, l’assassinat de Patrice Lumumba, un crime politique avec des responsabilités belges ». Par François Ryckmans - 15 janvier 2021 – Monde Afrique