Ne m'appelez plus Parlementaire mais plutôt Aspirateur |
Par Max Dorismond
Il est de ces nouvelles
qui tombent sur le fil de presse pour nous donner le tournis et nous ankyloser
tous les muscles du corps, sachant que roule en nous un flot de détresse. Le
journaliste Lemoine Bonneau, qui se spécialise dans la politique parlementaire
du pays, vient de nous apporter « yon ti limyè » sur le « bien-être » des élus de
chez nous, pour mieux cerner le cadre de nos malheurs. En 2016, ils se sont
voté un budget annuel évalué à 300 000,00 $ US ou 16 millions
de Gdes pour chacun des 30 sénateurs et 200 000,00$ US pour chacun des 119
députés. En 2024, ils peuvent les augmenter en chantant. Ce sont de véritables aspirateurs. Voir les détails dans la vidéoci-jointe:
À entendre l’interview, on s’interroge à savoir, s’il est de bon ton de dire à nos jeunes de continuer à polir les bancs de l’école ou de vite fermer livres et cahiers, car l’avenir n’est plus à l’université, mais au Parlement haïtien? Là, on se la coule douce dans le « Bêchons joyeux » où pataugent des individus qui se donnent des statuts de millionnaires qui n’existent seulement que dans leur rêve, sans obligation de résultat, sans jauger la capacité du pays à y faire face. Leur parcours a en effet tout d’un conte de fée à tempo accéléré.
Voilà, le tableau est là! Haïti, aujourd’hui, est exposée dans toute sa laideur. La déchéance a déjà une nation où les mots ne pèsent plus rien et la fiction une variante du vrai. Nous comprenons pourquoi tous les yeux sont braqués sur cette enceinte où l’on brasse le beurre à satiété avec des mesures dérogatoires douteuses et où tous les chanceux qui s’y trouvent rêvent de s’y incruster pour la vie.
Immédiatement, des milliers de questions viennent nous perturber, surtout quand le journaliste nous souligne qu’une fois entré dans le corps parlementaire, l’élu ne veut plus partir à la fin de son mandat. Mettez-vous à leur place. Avec un budget annuel qui est le double de celui du Congressman américain, notre sénateur est au 7e ciel. Il s’arrange pour s’y accrocher avec un désir d’éternité.
Pour ce faire, il s’entoure de quelques « Bases de gangs » dans sa région, leur fournit des flingues et quelques dollars. L’affaire est dans le sac. De là à créer des 400 Mawozo, des Ti Lapli, des Labaniè, des Barbecue, des Lan-Mô 100 jou, des Vitelhomme Innocent, qui seront sans nul doute un jour sénateurs, des zones de non-droit, des Villages de Dieu…, il n’y a qu’un pas.
Sachant bien qu’il usurpe une place qui ne lui revient point, bien imbu de ses limites intellectuelles et de son incapacité à honorer les devoirs de sa charge, le parlementaire s’arrange pour toute prochaine élection à fidéliser les votants de sa circonscription par la force des armes et l’intimidation. Il emploie la technique ou la formule du fameux parrain colombien, Pablo Escobar : « Plata o Plomo », « de l’argent ou une balle ». Ainsi, on achète ton bulletin ou tu restes chez toi le jour du scrutin.
Il est coutume de dire avec raison que l’escroquerie de la France, qui avait délesté Haïti de 27 milliards de dollars ($ d’aujourd’hui), de 1825 à 1940, a contribué à ruiner la nation. Ce vol historique ne représente qu’une goutte d’eau face au vampirisme de nombre d’élus qui virevoltent au-dessus de la jarre.
De ce fait, on peut relier sans crainte d’erreur la cause de la mort de Me Monferrier Dorval, qui pensait y jeter un coup d’œil, ce qui correspondrait à détricoter la Constitution, objet de toutes les dérives et des convoitises, pour la rendre moins handicapante pour le pays. Là encore, les hommes de main de ces messieurs en goguette n’entendent ouvrir nulle porte aux intrus qui veulent jouer sur cette platebande. Dans leur jargon, leurs employeurs sont sénateurs ou députés pour la vie. Ce n’est pas négociable. Nous connaissons la suite. Dorval a été effacé de la terre. On lui a brûlé la cervelle.
Aujourd’hui, c’est la course vers « l’étoile de Bethléem ». Tout le monde rêve d’être sénateur. C’est la guerre annoncée entre les anciens élus et tous les prospects, par exemple : le policier qui risque sa vie pour 150,00$ US ou 22500,00Gdes le mois, le professeur à qui on doit 6 mois de salaire, à 100,00$ ou 15000,00Gdes le mois auront intérêt à tenter leur chance pour le titre « d’Aspirateur national ».
La bataille va se faire rue par rue, quartier par quartier. 300 000,00 $ US par année! Aucun diplôme ne peut offrir cette opportunité. « Qu’Haïti explose, mais je deviens sénateur! »; telle sera la devise de la majorité des challengers. Peut-on inverser cette incongruité dans un proche avenir ? Cette possibilité nous laisse un arrière-goût de guerre civile.
Max Dorismond.